lundi 13 décembre 2010

Question orale de Jean-Luc CRUCKE au Ministre SIMONET sur "Examens de passage en humanités"

M. Jean-Luc Crucke (MR). – Ma question fait référence à un article qui se veut intentionnellement polémique. J’apprécie ce genre d’article qui présente des avis forts divergents et peut entraîner des discussions au sein de notre parlement. La polémique porte sur la suppression éventuelle des examens de passage en humanités. En effet, le service général de l’inspection scolaire insiste sur l’iniquité d’une deuxième session dans le secondaire car certains élèves pourraient bénéficier d’une meilleure préparation que d’autres. De plus, certains directeurs n’organisent même plus ces secondes sessions, alors que d’autres le font sachant que la démarche est inutile, sauf cas exceptionnels, comme le décès d’un proche par exemple. Madame la ministre, pourriez-vous nous donner votre opinion sur le sujet, après avoir entendu l’avis de spécialistes qui se contredisent ? Nous savons, par ailleurs, que certains élèves calculent leurs moyennes, connaissant les matières qu’ils devront davantage préparer. Faut-il pour autant supprimer les examens ? Je ne le crois pas mais j’aimerais avoir votre point de vue. Par ailleurs, nous aurons bientôt l’occasion d’entendre le responsable de l’inspection générale et je suis persuadé que nous en reparlerons.

Mme Marie-Dominique Simonet, ministre de l’Enseignement obligatoire et de promotion sociale. – La question des deuxièmes sessions et des examens de passage nous renvoie à la conception même de l’apprentissage. La réflexion va bien audelà de la juxtaposition de deux avis, soit pour, soit contre. Il s’agit d’une question touchant à l’essence de la méthode pédagogique et de l’autonomie des écoles. Si l’on organise les apprentissages dans une discipline avec des moments répétés d’intégration des savoirs, des savoir-faire, soit dans un contexte de formation, soit dans un contexte d’évaluation, vient un moment où l’enseignant dispose d’assez d’éléments pour porter une appréciation sur le degré de maîtrise par l’élève des différentes compétences prescrites par le programme. Lors du conseil de délibération de juin, le bilan de l’année tient compte du parcours d’apprentissage et pas seulement des épreuves certificatives de fin d’année. Autrement dit, la question du passage dans la classe supérieure est posée de manière globale à la lumière de tous les renseignements recueillis pendant toute l’année. Par conséquent, le conseil de classe est en mesure de décider si un élève a réussi avec fruit ou non l’année en cours et s’il est apte ou non à accéder à la classe supérieure avec des chances de succès. Lors de la délibération, la prise en compte des compétences transversales au-delà des compétences disciplinaires est importante et éclaire la décision collégiale. Un élève définitivement « délibéré» en juin, avec une décision favorable au passage à la classe supérieure, peut présenter des lacunes partielles. Dans le système que je décris, il aura l’occasion, grâce à des travaux de parachèvement, par le biais d’une ou de plusieurs épreuves de remédiation par exemple, de combler ses lacunes pour l’échéance du mois de septembre. Les résultats obtenus lors des travaux ou des épreuves imposées par le conseil de classe ne conditionneront pas son passage dans la classe suivante. Le temps des vacances sera mis à profit pour réviser ou approfondir une matière dans de bonnes conditions. En cours de cycle, je trouve particulièrement judicieux de miser sur une dynamique de récupération et de progrès de la part de l’élève au lieu de le sanctionner d’un redoublement ou d’un ajournement. Cela signifie que les écoles qui n’organisent pas de deuxième session ne délibèrent pas de façon binaire, réussite ou redoublement. L’orientation positive et les diverses stratégies de remédiation permettent aux élèves de continuer à avancer dans le cursus. C’est d’ailleurs ce principe qui inspire la réforme de la certification par unité qui entend valider les acquis et donner aux jeunes de l’enseignement qualifiant l’occasion de continuer à progresser. Le but est qu’ils terminent leur cursus. Un jeune qui a échoué dans quatre matières sur douze n’a pas obtenu de bons résultats; pourtant, il a quand même réussi dans huit cours et, là, ses acquis ont été certifiés. Il est préférable qu’il travaille davantage dans les quatre matières où il a échoué tout en ayant la possibilité d’avancer dans de nouvelles matières. Dans l’enseignement supérieur, la modularisation permet déjà d’aller dans ce sens. Dans l’enseignement secondaire, il ne s’agit pas d’organiser une « seconde chance » mais d’identifier le moment le plus opportun pour dresser un bilan. Cette décision doit-elle être prise en juin en fonction du travail de toute l’année après avoir organisé une série d’étapes, de formations certificatives ou non ? Ou doit-elle être prise fin août ? Le conseil de classe peut juger la progression de l’élève et ses capacités à suivre le cursus de l’année suivante, même après des travaux de vacances. Quel que soit le moment, il faut de toute façon prendre cette décision ! Il s’agit de dresser un bilan, une sorte de photographie du parcours scolaire à un moment donné, mais qui retrace tout de même les étapes préalables. On peut considérer au contraire que l’année scolaire se limite à dix mois, avec des temps d’apprentissage dans une classe encadrée par une équipe pédagogique, des temps d’évaluation formative – des tests et interrogations qui soulignent les lacunes de l’élève – et des temps d’évaluation certificative, les examens. Si ce processus a été mis en oeuvre tout au long de l’année scolaire, on peut s’interroger sur la pertinence de prolonger l’évaluation jusqu’à fin août, d’autant que certains affirment que les examens de passage sont souvent inutiles, sauf situations exceptionnelles de deuil, maladie ou chagrin d’amour. Il reste indéniable que commencer une nouvelle année scolaire avec des lacunes est préjudiciable. Les écoles mettent en place plusieurs dispositifs pour y remédier. Certains donnent aux élèves qui ont échoué dans une matière des travaux de vacances. Les élèves n’ayant pas respecté les contrats pour la rentrée de septembre se voient tenus de suivre un rattrapage hebdomadaire dans la discipline où ils éprouvent des difficultés, jusqu’à ce que le conseil de classe, estimant les compétences acquises, lève la mesure. Le travail de vacances doit donc être réalisé même s’il y a passage au niveau supérieur. Il ne s’agit pas de voeux pieux. Si ces compétences restent non maîtrisées après les vacances, l’élève bénéficie donc d’un suivi tout le temps nécessaire. D’autres écoles commencent l’année par un mois d’intégration de tous les pré-requis et proposent ensuite aux élèves une évaluation de ceuxci dans certaines branches significatives du programme. D’autres établissements, constatant l’échec aux examens de passage, imposent à l’élève le redoublement. Il s’agit donc d’une question de choix pédagogique
et d’accompagnement de l’élève. Aucune étude ne permet de valider un modèle plutôt qu’un autre. L’inspection générale a raison de souligner, dans certains cas, le manque d’équité de ces examens de passage dans certaines situations. Pour le français, la géographie ou les mathématiques, les enseignants donnent un travail ou des exercices à faire pendant les vacances. La question se complique quand il s’agit d’un cours technique, puisque l’élève n’a pas accès durant les congés aux ateliers. Selon l’inspection : « Concernant plus particulièrement la pratique d’une seconde session après les vacances d’été – qui reste encore de mise dans bon nombre d’établissements –, au niveau secondaire, l’inspection des cours techniques et de pratique professionnelle pose la question de la pertinence et de l’équité de cette pratique alors qu’on sait que non seulement la plupart des élèves ne bénéficient pas d’un encadrement pédagogique pendant l’été mais qu’en outre ils n’ont pas, pour d’évidentes raisons de sécurité, accès aux ateliers durant les vacances. Au-delà des cours techniques et de pratique professionnelle ici visés, c’est sans doute l’entièreté de la pratique d’une seconde session et surtout du moment où elle est organisée qui mériterait d’être interrogée. » Toute forme de sanction des études qui confronterait l’élève pendant deux mois à ses seules ressources personnelles ou impliquerait une intervention externe risque d’être discriminatoire. L’enjeu fondamental est la remédiation des lacunes cumulées durant l’apprentissage. La nécessité de ne pas laisser des déficiences se creuser chez les apprenants se marque aussi bien, et même davantage, en cours d’année que lors du passage de classe ou encore au moment de l’orientation vers une autre filière de formation. L’essentiel réside donc dans la prise en charge de l’élève en difficulté tout au long de l’année et de préférence pendant les cours. C’est ce qu’on appelle communément la remédiation immédiate. Lorsque des difficultés sont attestées par une succession d’observations, il importe que l’enseignant y remédie dans la dynamique même du cours et de la classe. Cela peut prendre la forme d’une remédiation par des pairs. Ceci implique des enseignants mieux formés au diagnostic des difficultés et des troubles d’apprentissage, mieux outillés pour apporter des médiations originales, plus aguerris à la gestion différenciée de la classe. Quoi qu’il en soit, cette question touche à la liberté d’organisation pédagogique. Le choix des stratégies et des modalités d’évaluation relève des PO et de leurs fédérations. À mon sens, la deuxième session se justifie si elle est vraiment propédeutique, c’est-à-dire si elle permet à l’élève de prouver ses capacités, de relever un défi et d’augmenter sa confiance en soi. Parfois, des élèves sont découragés par les examens de passage et sont démotivés pour poursuivre leurs études. À l’inverse, des élèves, peu conscients au début des enjeux scolaires, peuvent donner le coup de rein nécessaire lorsqu’ils se rendent compte qu’ils jouent leur année, et passer dans l’année supérieure en ayant acquis pendant les vacances les compétences nécessaires. En résumé, ces méthodes pédagogiques différentes sont laissées à l’appréciation des PO.

M. Jean-Luc Crucke (MR). – J’apprécie votre position. On sent l’audace de l’expérimentation et la confiance que vous placez tant dans l’évolution du système que dans les mentalités des apprenants. Seul le fonctionnement harmonieux de tout le système éducatif donnera à tous leur place. J’apprécie que vous laissiez aux PO le choix de la voie optimale pour aider les élèves en difficulté. J’y crois profondément si l’on y consacre les moyens nécessaires. Si cela aboutit à l’élévation du niveau scolaire, je comprends la lutte contre le redoublement. À votre écoute, mon opinion évolue. Ce dossier mérite d’être suivi de près.

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