jeudi 9 octobre 2008

New deal environnemental (réponse de Rudy Demotte )

Chaque crise aboutit à la même conclusion : la société change. Mais je pense que nous vivons une crise dont la nature est radicalement différente de toutes celles que nous avons connues jusqu'à présent, parce qu'elle n'est pas seulement une crise financière, parce qu'elle n'est pas seulement une crise économique, parce qu'elle est aussi une crise culturelle, parce qu'elle est aussi une crise morale et surtout, parce qu'elle est une crise de devenir en termes de développement humain ; et que ce qui se passe dans l'environnement « monde » auquel appartient la Wallonie est aujourd'hui extrêmement interpellant. Et que ceux qui se prétendent insensibles à cette évolution commettent non seulement une erreur contre eux-mêmes, mais contre ceux qui vont devoir leur succéder, j'entends les générations qui nous suivent immédiatement et celles qui suivront.



Si l'on veut faire en sorte que chacun apporte sa contribution au redéploiement économique nécessaire aujourd'hui, faut-il entrer dans une logique de décroissance ? Première question fondamentale. Si l'on parle de l'utilisation de l'énergie, de l'utilisation des matières premières, au regard de ce que nous avons fait jusqu'à présent à l'unité produite, oui, à l'unité produite, il nous faut connaître une forme de décroissance matérielle : on doit utiliser moins d'énergie, on doit utiliser moins de matière pour produire les mêmes choses.

Je dirais aussi que la question de la décroissance ne peut pas être opposée en ces termes, parce qu'ils laissent croire aux gens que nous voulons aujourd'hui vivre un cycle déflatoire en termes de quantités produites. Je pense que les quantités produites cachent un autre débat, essentiel aujourd'hui, qui est celui de la qualité de la vie et de nos productions. Notre enjeu est effectivement de faire en sorte que l'environnement soit respecté, que les hommes et les femmes contribuant au redéploiement économique le fassent dans un contexte où ils ne sont pas en train de recréer des fossés sociaux.

Qui peut accéder à de nouveaux procédés de production dans les meilleures conditions ? Ceux dont le niveau de préparation est le plus élevé. Qui peut accéder aux technologies les plus modernes en matière d'économie énergétique ? Ceux dont, a priori, les capacités financières sont les plus importantes. C'est là que le concept de solidarité environnementale, dont j'ai d'ailleurs parlé au discours des Fêtes de Wallonie et qui est d'ailleurs un fondement de notre Gouvernement wallon. Je l'ai exprimé non pas en mon nom à moi mais portant là la parole du Gouvernement wallon. Cette solidarité veut faire en sorte que les gens ne soient pas victimes d'une double peine : à la fois être placés devant les enjeux qui imposent de trouver des réponses nouvelles à la société, qui elle-même vit des évolutions extrêmement rapides, et peut-être de faire partie des exclus qui ne sont pas capables d'attraper le train en marche. Et dans le même temps, de devoir acheter des technologies qui
permettent de faire des économies chez soi, à titre individuel et qui sont confinées aujourd'hui à des catégories sociales favorisées.

Voilà ce qui se cache derrière ce concept, qui est aussi une des pierres angulaires de notre volonté : donner à chacun une place dans le redéploiement économique et veiller à ce que personne ne paie la double peine, la double facture dans le contexte actuel.

En ce qui concerne cette dimension sociale, elle est clairement, dans le développement durable, un des points qui méritaient d'être mis en lumière, parce qu'il est vrai qu'on a fait la focale sur le développement économique longtemps, il est vrai qu'on a mis l'aspect environnemental, - et je l'ai fait moi-même au début de mon intervention comme étant le point de mire de notre objectif- Mais ce qui est aujourd'hui important, c'est de reconnaître que, à travers les concepts, on parle d'écologie sociale, d'écologie à dimension humaine, d'écologie sociale de marché, les qualificatifs n'ont pas d'importance. Ce qui est important, c'est la valeur que l'on met derrière ces mots. En d'autres termes , faire du développement durable un thème d'appropriation collective dans lequel on permet effectivement la création, dans nos sociétés modernes, de plus-values et où nous veillons à ce que le principe-clé de la solidarité soit effectivement emprunté aux mécanismes que l'on a connus à un moment donné.

L'idée, c'est de veiller à ce qu'il n'y ait jamais, dans les processus d'adaptation de l'économie, de mise en place de nouvelles stratégies, de personnes qui soient reléguées. Il faut donc un mécanisme qui permette à chacun d'être en position d'égalité.

Vous me demandez quelles sont les convergences avec les idées qui ont été défendues par M. Nollet. Je ne vais pas faire ici le critique littéraire et dire sur quels aspects je suis d'accord. Il y a des points sur lesquels je suis évidemment d'accord et d'autres, en désaccord, comme vous d'ailleurs. Mais le terme « convergence » n'a pas non plus été emprunté par hasard par M. Crucke. Il l'a fait parce que le terme « convergence », a un goût un peu amer dans la bouche d'aucuns. Donc si je le dis, cela va peut-être flanquer la zizanie entre eux et il va dire : « ce n'est pas le genre de M. Crucke de faire cela ». En même temps, il dit : « en demandant les divergences à côté des convergences, on va peut-être avoir les arguments pour les prochains débats ! ». Vous les aurez spontanément parce que le débat est tellement riche, rassurez-vous !

Mais il y a une communauté d'idées, que l'on a même baptisée, M. Nollet, M. Antoine et tous les membres du Gouvernement wallon, ainsi que les membres de la majorité, « la Déclaration de Politique Régionale ». On est donc d'accord sur une communauté d'idées.

Là-dessus, je voulais aussi vous donner un des points de lecture de notre communauté d'idées : c'est le Plan Marshall « 2.Vert », qui a emprunté à une logique de stratégie, de développement économique respectueux de toutes les dimensions dont j'ai parlé tout à l'heure mais qui, en même temps, est offensif sur le plan économique. Je rappelle, pour ceux qui auraient tendance à l'oublier, qu'effectivement nous sommes dans une économie de marché et agressive. C'est ce qui me permet de dire qu'il faut chercher tous les outils pour répondre à cette économie de marché, en ce compris les outils que l'on ne cite parfois qu'avec parcimonie.

Quand je parle de coopératives, faisant référence, dans la Déclaration, à des coopératives citoyennes, comme il en a été mises sur pied dans notre Région, le Hainaut en est un bel exemple ; quand je parle de coopératives agricoles, en matière d'acquisition de matériel de biométhanisation, c'est parce que ce sont des instruments qui permettent de réaliser un but. De la même manière, quand je parle de coopératives sur le plan économique, c'est une des formes économiques, pas celle vers laquelle je dis que tout le monde doit s'engager, je ne rêve pas de kolkhozes à échelle massive en Wallonie, je ne rêve de pas softkhozes ou encore de kibboutz - pour utiliser toute la terminologie -, je veux tout simplement que, quelle que soit la forme de l'initiative économique, chacun trouve sa place dans l'écheveau.

C'est là que j'ai proposé, à un moment donné, de réfléchir à toutes les dimensions de l'esprit d'entreprise, sous les formes juridiques mais aussi dans la mise en oeuvre de projets entrepreneuriaux, notamment en allant aujourd'hui, par l'outil de l'éducation, en ce compris dans les écoles - cela concerne un autre niveau de pouvoir mais je l'ai rappelé - dire qu'entreprendre n'est pas un gros mot, et que les jeunes qui veulent le faire, nous les invitons à prendre leur sort en main parce que, devant les défis qui sont les nôtres, on ne peut pas compter sur autrui pour prendre une initiative. Il faut soi-même être toujours à la barre. Le développement durable et cette thématique sont donc effectivement pour nous des éléments de transversalité dans toutes nos politiques.

Donc, qui pilote ? A l'évidence, c'est la démocratie qui pilote d'abord. C'est l'exercice du contrôle parlementaire sur les propositions que fera le Gouvernement wallon qui sera le pilote, celui qui va en assumer la coordination interne. Si vous parlez du Plan Marshall, c'est moi, mais les acteurs du Plan Marshall sont évidemment d'autres ; ce sont d'abord les Ministres qui ont des compétences fonctionnelles, tantôt en recherche, tantôt en économie - il faut citer M. Marcourt qui jouera aussi un rôle essentiel. Évidemment, dans le développement durable, M. Nollet, qui est quelqu'un qui a cette conviction. Mais n'oubliez pas non plus le rôle de tout un chacun. En agriculture, comment imaginer que M. Lutgen n'ait pas - et c'est un domaine ô combien important - son rôle à jouer.

Je terminerai en vous disant ceci : pour moi, ce débat n'est pas un débat d'idéologies, il est un débat de survie et de redéploiement à partir d'outils qui vont devoir être réinventés. Une stratégie, de l'initiative, de la foi aussi dans notre avenir, parce que souvent, cela a été un des éléments qui nous a empêché de prendre notre sort en main. Je crois que les wallons, à un certain moment, se sont dit : « Nous avons tellement accusé de coups que nous aurons des difficultés à nous redresser ». Ma conviction, c'est que cet acte de foi est essentiel et qu'il est aussi la condition de la cohésion sociale, parce que nous ne créerons pas les conditions de cohésion sociale si les gens n'adhèrent pas à un projet, ce qui dépasse pour moi très largement la question de la majorité et de l'opposition.

Et si nous voulons qu'il y ait un changement - et c'est notre intention en Wallonie -, il faut donc passer par ces outils de développement nouveau. Aucune voie tracée jusqu'à présent n'est pleinement satisfaisante. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, sur le plan planétaire, tous nos dispositifs sont remis en cause : la façon dont le commerce mondial a été mis en place, la façon dont les finances mondiales se sont organisées, la manière dont on a mobilisé l'épargne pour la rendre utile à l'économie. Voilà pourquoi la Wallonie n'échappe pas à ce mouvement non plus.

La raison pour laquelle j'ai bien aimé la question que vous m'avez posée, qui me permet de revenir sur ces fondamentaux, c'est que justement les différences ne sont pas des appauvrissements mais des enrichissements.
M. le Président. – La parole est à M. Crucke.

M. Crucke (MR). – Je remercie M. le Ministre-Président pour sa réponse. Je pense qu'il y a chez lui un personnage amusé à la recherche du mythe de Sisyphe - c'est tant mieux -, de la satisfaction permanente. Parce qu'effectivement, si nous étions satisfaits, on peut s'arrêter et cela, je pense, sera jusque l'absolu que vous irez. Je peux vous suivre en partie sur cette piste-là aussi.

Votre volonté de changement, oui. Si nous faisons de la politique de part et d'autre, majorité comme opposition, c'est parce qu'on estime qu'il y a un certain nombre de changements.

Quand je vous vois partir dans vos raisonnements, j'ai aussi envie de vous dire : Sisyphe a sorti une pierre qui est extrêmement lourde, elle peut rouler dans un sens qui n'est pas forcément celui qui est l'indication que l'on donne dès le départ. Vous savez que ce sont aussi ceux qui disent qu'on montre du doigt et il n'y a que les idiots qui ne voient pas la lune, ils ne voient que le doigt.

Ceci dit, restons aussi les pieds sur terre. Parce que dans les plus beaux changements, la déception est parfois extrêmement périlleuse, ce sont ceux qui croient à ce changement. Je vous donne un seul exemple, on y reviendra sûrement dans la législature : tout ce qu'on appelle les primes, ceux qui investissent dans ces nouvelles énergies - photovoltaïques ou autres - et qui se disent qu'ils vont faire cet effort financier dur pour leur cassette financière, ils savent qu'ils seront aidés par l'Etat fédéral et par la Région wallonne; et si, six mois après, ils n'ont pas l'aide de la Région wallonne, ils n'ont plus d'argent.

(M. le Ministre-Président s'exprime hors micro)

Cela, je pourrai y revenir, je ne suis pas d'accord avec cela, c'est une absurdité.

Faites donc attention à cela. Ce sont des signes qui peuvent démotiver, non pas les plus courageux, mais ceux qui ont envie de croire à des règles de changement. Malheureusement, trop souvent, dans notre Région, on vit cette réalité-là et je pense qu'il faut y être attentif.Je suis heureux de vous entendre sur la décroissance, parce que je pense que c'est un discours qui est très dangereux que de vouloir militer pour la décroissance. Il faut d'abord des richesses, il n'y a pas d'autre solution.

Par contre, là où on peut s'entendre, Monsieur le Ministre-Président, quitte à vous surprendre, c'est sur les critères que l'on met dans la richesse. Le PIB a montré ses limites. L'analyse en terme de PIB d'une richesse, c'est clairement une limite.

Par contre, là où je n'ai pas totalement été satisfait dans la réponse, c'est que je n'ai pas vu les autres points d'analyse. Que mettrez-vous dans cette analyse de richesse qui est autre chose que le PIB ?

(M. le Ministre-Président s'exprime hors micro)

On peut effectivement retrouver un certain nombre de voies dans l'économie formelle et informelle mais j'aurais donc aimé que vous alliez un peu plus loin. J'y reviendrai par une question écrite.

(M. le Ministre-Président s'exprime hors micro)

M. Crucke (MR). – Je reviendrai alors en Commission une autre fois si cela vous fait plaisir. Cela me fera grand plaisir aussi.

Troisièmement, les divergences et convergences. J'ai un esprit malicieux, comme vous le savez, et vous ne m'avez donc pas donné la réponse. Vous avez tout à fait raison mais vous avez quand-même compris qu'il y avait de l'émergence, que vous avez signalée à votre Gouvernement, que l'émergence, c'est le Ministre-président et que le Ministre-président doit quand-même comprendre que c'est l'émergent qui va dicter la règle à suivre. Je vous promets du plaisir.

M. Demotte, Ministre-Président du Gouvernement wallon. – Le mot « dicter » est un mot qui ne m'atteint pas. C'est un substantif.

M. Crucke (MR). – Je me permets de l'employer car je pense que pour ceux qui ne l'avaient pas compris, vous avez quand-même dicté la chose à un moment donné, .
M. le Président. – Puis-je rappeler que nous sommes dans le cadre d'une question orale et non dans le cadre d'un débat.

M. Crucke (MR). – J'en termine mais soyez très attentif. C'est la base de la démocratie et dès que l'on touche à des parlementaires, il y en a de toutes sortes, ceux qui travaillent et qui ne travaillent pas. On n'est pas là pour montrer du doigt non plus mais ne touchez pas au Parlement wallon. C'est très dangereux de toucher à cela parce que vous avez laissé simplement ceux qui doivent être le répondant et qui pour cela, ont besoin aussi d'un certain nombre de moyens. Je reviendrai une autre fois sur la coopérative puisque j'abuserais de votre temps, Monsieur le Président.

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