jeudi 25 février 2010

LA FERMETURE DE PLUSIEURS MAGASINS CARREFOUR

Namur, mercredi 24 février 2010.

Question parlementaire de Jean-Luc Crucke et réponses des Ministres Marcourt et Antoine.

Jean-Luc Crucke (MR). – La décision du Groupe Carrefour est dramatique et brutale. Toutefois, elle était dans l'air. Depuis dix ans, les pertes de marché en Belgique, mais aussi en Espagne, en Italie et en Russie
étaient sous les yeux de tous. Certes, nous ne pouvions pas soupçonner l'ampleur du désastre.
Mais force est de constater que ce management à la « INBEV » est désastreux.
Que pouvez-vous nous dire, Messieurs les Ministres, de votre rencontre avec la direction du Groupe Carrefour ?
Il s'agit d'une province lourdement touchée, mais c'est peut-être aussi de cette province-là que viendra une solution globale, puisqu'on a cité tout à l'heure le nom d'un repreneur potentiel, M. Mestdagh.
Peut-on aujourd'hui nous donner un échéancier et des confirmations ? De quelle manière le Gouvernement va-t-il agir dans ce dossier ?


M. Jean-Claude Marcourt, Ministre de l'Économie, des PME, du Commerce extérieur et des
Technologies nouvelles.
– Je suis marqué par ce drame qui touche énormément de familles. Nous avons un certain nombre d'incertitudes sur un certain nombre de magasins et, plus globalement, sur le modèle économique de Carrefour. Ce groupe a été racheté il y a une dizaine d'années et la logique industrielle qui a été poursuivie est une véritable erreur. C'est peut-être cette forme de concurrence effrénée qui est responsable d'une
telle situation.
Ce dossier touche plus particulièrement des femmes qui constituent la majorité des personnes employées dans ces magasins.
Au niveau économique, des erreurs stratégiques ont conduit à cette situation. Pourtant, d'autres grands groupes gagnent des parts de marchés, avec des positionnements qui sont mieux reconnus comme ceux de Delhaize et de Colruyt. Pourquoi Carrefour, qui était la première chaîne de distribution, est-elle passée
aujourd'hui à la troisième position ? Cette erreur stratégique, ce sont les travailleurs qui vont la payer, et non les dirigeants qui sont partis ailleurs.
Les organisations syndicales sont là. J'ai eu des contacts téléphoniques avec elles depuis l'annonce. Nous allons examiner toutes les hypothèses.
Ce qui ne convient peut-être pas à nos amis hennuyers, c'est que le groupe Mesdagh est plus installé dans le Hainaut qu'ailleurs. Lorsqu'un entrepreneur wallon veut se développer, il le fait généralement là où il ne l'est
pas encore. Il faut d'ailleurs mettre en évidence le fait que les entrepreneurs wallons peuvent faire leur métier, et de manière différente.
Je pense que le problème ne doit pas se limiter à la Région wallonne, mais doit être présenté au niveau fédéral, sur des niveaux de jeu équivalents. En tout cas, nous allons avoir des contacts et nous reviendrons sur la question. Il nous faut être le plus solidaire possible avec les travailleurs.
M. André Antoine, Ministre du Budget, des Finances, de l'Emploi, de la Formation et des Sports. –
Nous avons tous été choqués par l'annonce et l'ampleur des licenciements. C'est un choc social pour l'ensemble de ce pays. Certes, il y a eu un certain nombre d'erreurs commises par le Groupe Carrefour. Rien qu'en dix ans, il y a eu quatre CIO dans notre pays. Il y a eu aussi une succession de stratégies commerciales
qui fait que, s'ils avaient repris le groupe GIB pour un milliard, ils ont consenti 45.000 millions d'euros d'investissements, sans pour autant retrouver l'équilibre dans un certain nombre de magasins.
M. Crucke dit que nous aurions dû être au courant. Nous avons été à l'écoute d'un certain nombre de plans de redéploiement, d'investissements, de modernisation de l'offre commerciale qui, à l'écoute des responsables de Carrefour, devaient les amener sur un terrain de l'équilibre à plus ou moins court terme.
Nous ne pouvions en aucun cas anticiper ce drame social puisqu'au moment où je vous parle, le FOREM est en train d'analyser une demande de formation pour 1.800 personnes du Groupe Carrefour. Et parmi ces 1.800 personnes, un certain nombre est concerné par les licenciements. Comment aurions-nous alors pu être en
alerte d'une difficulté de cette ampleur ?
Si nous voulons être sérieux, reconnaissons que nous ne pouvions pas pressentir le drame social que nous vivons.

Stratégiquement, un certain nombre de choix économiques sont à poser.
Tout d'abord, vingt-et-un magasins, à savoir quatorze hypermarchés et sept supermarchés, seront fermés.
Cinq d'entre eux se situent en Région wallonne. La situation est à ce point préoccupante sur le plan financier qu'on ne peut sauver ces magasins. Mille six cent septante-deux personnes sont concernées, dont 515 pertes d'emploi en Wallonie. Il n'y a pas de frontière linguistique devant la crise, nous sommes tous confrontés aux
drames sociaux. Outre la perte de ces 1672 emplois, nous devons hélas craindre des licenciements en amont et en aval. Je parle des centres de distribution directement affectés par la crise qui ébranle Carrefour. L'un des prestataires était déjà en grève ce matin.
Par ailleurs, un certain nombre de magasins — sept en Flandre et vingt en Wallonie — feront l'objet de potentielles transactions. Les magasins implantés en Flandre s'orientent vers une approche de franchise alors qu'en Wallonie, les magasins pourraient éventuellement être intégrés au groupe Mestdagh. J'insiste sur le fait
qu'à ce stade, les négociations ne sont pas encore entreprises. Le Gouvernement wallon ne pourra évidemment pas s'immiscer dans ces négociations de type commercial. A l'issue des contacts préliminaires, il s'avère que le repreneur potentiel prendra en charge le personnel concerné. Les négociations revétiront donc également un volet social. Faudra-t-il reprendre tout le personnel ou une partie du personnel, et à quel salaire ? Ces questions
restent ouvertes. Il va sans dire que nous accompagnerons ces négociations sociales et que nous nous assurerons qu'elles soient menées dans les meilleurs délais.
En outre, le groupe Carrefour souhaite maintenir 59 magasins en activité. Des investissements
complémentaires, chiffrés à 300 millions d'euros étalés sur les trois années à venir, seront toutefois nécessaires pour en assurer la rentabilité. Ces dispositions sont conditionnées à la réussite des négociations évoquées
antérieurement.
Enfin, il y a une volonté de redéploiement du groupe Carrefour à travers des franchisés dans une centaine de magasins de proximité.
Voilà la stratégie actuelle. Je ne vous cache pas que des incertitudes existent à chaque étape de ce processus.
Certes, nous ne sommes pas dépourvus de dispositifs. Des mesures d'information et de concertation sont prévues. Dès lors que l'entreprise est présente dans l'ensemble des trois Régions et compte-tenu de l'ampleur
du problème, une cellule de crise interrégionale sera mise sur pied. Il est indispensable que l'ensemble des
pouvoirs publics du pays s'allient face à cette crise.
Il nous faudra négocier. Ces négociations concerneront tant la responsabilité même de l'entreprise que le
transfert de savoir faire. Les conditions paritaires seront à redéfinir. Je rappelle que plus de 50 % du personnel a 45 ans ou plus.

M. André Antoine, Ministre du Budget, des Finances, de l'Emploi, de la Formation et des Sports. – Je vous en remercie, Madame la Présidente.
Il nous appartiendra de négocier un certain nombre de prépensions. Nous veillerons également à mettre sur pied une formule de reconversion et nous associerons les autres partenaires de la distribution.
Je ne serai toutefois pas candide. Il est clair que les conditions salariales attendues, d'une part, proposées,
d'autre part, seront au coeur du débat et conditionneront l'issue des négociations.
Nous nous attacherons tous, j'ose l'espérer, à trouver une solution acceptable sur le plan social, dans le respect de la dignité des travailleurs.

M. Jean-Luc Crucke (MR). – Je remercie les Ministres pour leurs réponses. L'émotion de chacun des intervenants est palpable, mais cette émotion, bien compréhensible, ne doit pas rimer avec une certaine forme de résignation. Les objectifs du Gouvernement doivent être mis en oeuvre de façon déterminée.
Il convient de perdurer dans le travail entamé lorsque ce Gouvernement a été installé et que les grands patrons ont été réunis. Ce contact permanent avec les acteurs majeurs du monde économique est crucial afin de se préparer ensemble lorsqu'on pressent qu'une telle crise pourrait arriver.
Ne soyons pas frileux ! Il y a des leçons à tirer de la crise qui a frappé Inbev. La fermeté est payante. Dans le respect des travailleurs, j'invite le Gouvernement à prendre fermement ce dossier en main.

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