Décret inscription: ce qu'en pense Jean-Luc Crucke, morceaux choisis
Extraits de la séance parlementaire du 16 03 2010
Si réellement, l'un d'entre vous espère régler la question de la mixité sociale avec ce décret, qu'il ne le vote pas. La meilleure manière de servir la mixité sociale est de s'abstenir.
Nous sommes tous d'accord sur le constat de départ révélé par les études Pisa, les expertises, etc. Tout le monde dénonce un fossé social. Mais, les enquêtes montrent également que les meilleurs sont de plus en plus performants et que les moins bons le sont toujours moins. Aujourd'hui encore, on affirme que ce fossé s'élargit.
Mais il a été créé par les mesures prises, et à cause de celles qui n'ont pas été prises, ces vingt dernières années.
Techniquement le formulaire est une bonne chose mais le décret que vous allez voter aujourd'hui ne changera rien en termes d'égalité.
Si votre objectif est d'instaurer une plus grande égalité, il faut alors oser parler du rapprochement des réseaux, éventuellement de la fusion des réseaux car c'est ce genre de mesures qui nous permettraient d'y arriver. C'est ce débat que nous devons avoir si l'égalité est notre véritable préoccupation.
Il faut aussi oser envisager un encadrement suffisant pour que l'on puisse arriver à un degré zéro de décrochage scolaire.
Égalité signifie les mêmes droits pour tous,mais pas le même chemin pour tous. S'il est peut-être politiquement correct et idéologiquement emprunté de revendiquer les mêmes droits, les mêmes exigences et les mêmes résultats pour tous, ce n'est pas réaliste. Je crains que cela continue à provoquer un nivellement par le bas.
Pour plus d'égalité, il faut laisser plus d'autonomie aux directions d'écoles. Or ce que vous vous préparez à voter signifie encore moins d'autonomie et une surcharge de travail incontestable et même incontestée.
Plus d'égalité, c'est faire en sorte que les conditions dans lesquelles on est entré dans la vie puissent être modifiées. Ce serait la seule façon de réduire la fracture sociale.
Comment peut-on parler de mixité sociale quand certains enfants primoarrivants ont connu des conditions épouvantables, quand certains n'ont pas de chambre ou doivent la partager à trois ou à quatre, chez qui l'électricité est coupée dès vingt heures alors que d'autres connaissent internet depuis longtemps ?
Plus d'égalité, c'est faire en sorte que les 40 % d'enseignants qui abandonnent ce métier au cours des cinq premières années ne le quittent plus.
Ce décret ne va en rien résoudre le problème de la pénurie d'enseignants.
Madame Désir, ne confondez pas mixité sociale et mixité scolaire. La mixité sociale, c'est permettre à toute personne qui en a les compétences de suivre un enseignement exigeant. La mixité scolaire c'est vouloir la réussite de tous les élèves qui en ont les compétences, quel que soit l'établissement d'enseignement. Cela existe.
Mais pensez-vous que les enfants qui rencontrent d'énormes difficultés au départ se retrouveront dans de meilleures conditions si les parents les inscrivent dans une école réputée pour sa qualité ? On ne peut pas reprocher à une école d'être bonne. Si elle l'est, c'est parce qu'elle a travaillé dans cet objectif.
Changer d'école représente déjà un pas psychologique énorme. Si vous savez que vous y êtes parce vous faites partie d'un quota, ce sera plus difficile encore. Certains réussiront sûrement et pourront par la suite tout affronter. Pour les autres, nous créerons beaucoup plus de difficultés que d'ouvertures.
Dans une interview de mars 2009, peu avant les élections, le président du parti socialiste justifiait la énième réforme du décret « inscriptions » en ces termes : « Il faut ouvrir les écoles huppées à tous les enfants ». Si c'est cela l'ambition, quelle triste pédagogie !
Selon moi, pour permettre aux élèves d'avoir toutes les chances de réussir dans la vie, l'essentiel n'est pas de gommer les spécificités de certaines écoles. Ces écoles ont un projet éducatif, une façon de travailler et d'accompagner les élèves, qui ne se résument pas au prétendu niveau social. Vous allez gommer ces spécificités sans créer de mixité sociale.
Je ne m'appesantirai pas sur la complexité du décret. Mais, sincèrement, ce décret est beaucoup trop complexe. et je crains que la complexité du système n'augmente le déficit social. Les parents les mieux informés, qui ont l'occasion de consulter des juristes, qui consultent Internet ou qui auront eu l'opportunité de prendre connaissance de nos commentaires, comprendront rapidement le système. Les autres auront besoin de plus de temps, ce qui risque de les faire réagir hors délai.
J'en arrive à la prééminence du critère géographique. Je ne comprends toujours pas pourquoi le lieu de travail n'a pas été repris comme critère. L'emploi est un facteur de stabilisation des parents, qui doivent parfois parcourir de nombreux kilomètres pour travailler. Or le critère du lieu de travail n'est pas retenu.
Selon la ministre, ce critère n'a pas été repris car on pouvait craindre des difficultés en termes de complexité, d'objectivation, de falsification des données. Cela ne s'invente pas ! Comment peut-on soupçonner les employeurs de falsifier les données des personnes qui leur demandent, sur l'honneur, une attestation du lieu de travail ?
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