responsabilités Communauté française en lileu carcéral
13 Interpellation de M. Jean-LucCrucke à Mme évelyne Huytebroeck, ministre de la Jeunesse, et à Mme Marie-Dominique Simonet,
ministre de l'Enseignement obligatoire et de Promotion sociale,
portant sur « les responsabilités de la Communauté française en milieu
carcéral » (Article 73 du règlement)
M. Jean-Luc Crucke (MR). – Durant les congés, la presse a relaté à diverses reprises certains événements concernant les établissements pénitentiaires, à savoir des évasions de détenus.
Cette question en a occulté une autre, qui concerne directement la Communauté et le rôle que la prison doit jouer pour le détenu.
En d'autres termes, je considère que si la prison n'est qu'une cage, elle n'a aucune raison d'être. Il vaudrait mieux l'abolir. Par contre, si le travail de rééducation et de resocialisation qui doit pouvoir y être mené est bien orchestré, on peut espérer que l'incarcération d'une personne aboutisse à la correction de certains profils et à l'améliora-
tion du genre humain.
Il faut reconnaître que l'alchimie institutionnelle belge ne facilite pas la tâche des gouvernants.
Il existe très peu de matières où interviennent autant de compétences ou de ministres différents : compétence fédérale en matière de justice, mais
aussi compétence des entités fédérées en matière de rééducation, de resocialisation, de formation, d'enseignement, de sport et de culture.
Or la Déclaration de politique communautaire contient bien peu d'éléments concernant cette importante thématique. La Belgique a dépassé le cap des dix mille détenus, dont un certain nombre se trouve sur le territoire de la Communauté française. Je vous rappelle à cet égard que selon la Déclaration universelle des droits de l'homme, adop-
tée en 1948, toute personne a droit à l'éducation et à la culture. Je vous rappelle aussi le texte d'un traité adopté par le Conseil de l'Europe en 1987, parce qu'il est vraiment à la base d'une politique que nous devons mettre sur pied : tous les détenus devraient avoir accès à l'éducation, qui devrait englober l'instruction de base, la formation professionnelle, les activités créatrices et culturelles, l'éducation physique et les sports, l'éducation sociale et la possibilité de fréquenter une biblio-
thèque. Il s'agit bien des matières pour lesquelles la Communauté française est compétente.
En ce qui concerne la réglementation belge, un pas avait été franchi par le législateur fédéral en janvier 2005 par l'adoption d'une loi de principe,
une sorte de loi-cadre qui détermine non seulement le statut juridique des détenus, mais aussi la manière d'administrer les établissements péniten-
tiaires.
Cette loi-cadre n'est pas suffisante pour que le travail de resocialisation et de rééducation puisse être réalisé. Là également, il faut constater une différence de politique entre le nord et le sud du pays.
Au nord, il existe un accord de coopération avec l'état fédéral depuis 1994, tandis qu'au sud, nous n'avons toujours pas d'accord de ce type entre
l'état fédéral, les Régions et la Communauté. Par contre, depuis le 23 janvier 2009, il existe un accord de coopération entre les entités fédérées francophones.
Il y a deux façons de considérer la politique pénitentiaire. Certains considèrent que si les personnes sont détenues, c'est parce qu'elles méritent de l'être, qu'elles doivent rester en prison et que la
société n'a pas à s'occuper d'elles. Je ne suis pas partisan de cette approche. Je fais partie de ceux qui considèrent qu'un travail de fond doit réellement être mené dans le milieu carcéral. J'estime
toutefois que vu les conditions dans lesquelles il est actuellement accompli, ce travail est souvent inutile, malgré la bonne volonté des acteurs de terrain qui, à défaut de se sentir soutenus, finissent
souvent par se décourager.
Je voudrais aborder trois thèmes principaux
les moyens nécessaires à leur concrétisation. Les moyens budgétaires dépendront des décisions du
Comité de pilotage et de la conférence interministérielle. Celle-ci réunira M. Demotte, Mmes Simonet, Laanan et Tillieux, M. Doulkeridis et M. Kir pour la Cocof, M. Picqué, M. Cerexhe, pour l'Em-
ploi et la Formation, et M. Antoine.
La possibilité pour les détenus d'accéder aux mêmes services que ceux mis à la disposition de la population dépendra du dynamisme et de la vo-
lonté qui ressortira de cette conférence interminis- térielle. Vous pourrez compter sur moi pour insuf- fler ce dynamisme.
Pour conclure, je voudrais dire que, comme vous, je pense que, si le milieu carcéral ne se charge pas de resocialiser le détenu, il ne sert à rien. Nous avons des responsabilités, non seulement vis-à-vis des personnes incarcérées mais aussi vis-à-vis de la société. La réinsertion sociale des détenus est essentielle si nous voulons éviter les récidives et la surpopulation dans nos prisons.
M. Jean-Luc Crucke (MR).
Je remercie la ministre pour ses informations.
J'ai pris acte de sa volonté de faire avancer le dossier grâce au comité de pilotage et à la conférence interministérielle.
Cependant, les chiffres montrent que les prisons en Communauté française hébergent plus de détenus que les flamandes. Or les aides accordées ne vont pas dans ce sens. Si vous rencontrez le ministre de la Justice, prouvez-lui cette disparité, chiffres à l'appui, afin d'obtenir des montants plus élevés.
Enfin, nous devrions pouvoir disposer d'un inventaire de ce qui existe au sein des prisons. Il faudrait demander à l'un des groupes de travail de s'y consacrer. La politique du « cas par cas » doit être revue.