mardi 28 octobre 2008

Echange parlementaire lors suppression financement chèque sport , le 28 0CTOBRE 2010

M. le président. – La parole est à M. Crucke.
M. Jean-Luc Crucke (MR). – C’est un jour
triste pour le sport et le social et pour tous ceux
qui, ayant de faibles revenus, désirent avoir une
activité sportive. Depuis quelques années, ils en
avaient la possibilité et elle va leur être retirée. Je
me fais leur interprète.
En commission, je me suis demandé si je rêvais
et si ma mémoire défaillait. Si je pouvais traîner
à la tribune pour faire invalider un vote qui a
eu lieu en commission, ce serait aujourd’hui sur ce
dossier. Je voudrais que les jeunes aient la possibilité
de faire du sport et pas seulement que l’on en
donne les moyens aux élites sportives.
J’ai relu les propos des uns et des autres en
2006. M. Walry affirmait : « La remarquable mise
en commun des moyens avec le niveau fédéral
donne toute son ampleur au dispositif des chèques
sport. Mon groupe se réjouit que le ministre ait
tenu à pérenniser un tel outil en garantissant son
financement dans le temps. C’est la meilleure assurance
de mener à bien la politique du ministre, du
gouvernement et de tous les démocrates, celle de
promouvoir la pratique sportive de tout un chacun.
»
En d’autres termes, monsieur Walry, « On n’a
jamais voté si beau décret que celui-là. Il sera bénéfique
pour le commun des mortels, du plus petit au
plus grand, du plus jeune au moins jeune ». Il félicite
M. Eerdekens. Monsieur Diallo, vous n’étiez
pas en reste mais je vous excuse et vous comprends
car vous croyez au sport et vous vous y connaissez,
contrairement à M. Walry. Fort de l’acquis de
votre chef de groupe, vous avez laissé parler votre
coeur et votre raison : « Le chèque-sport constitue
une solution aux problèmes que rencontrent
certains jeunes. Imaginez que grâce à cela, les « teneurs
de murs » puissent pratiquer un sport ; ils
ne traîneraient plus dans les rues et la violence diminuerait
chez les jeunes. Imaginez aussi que ces
« teneurs de murs » se qualifient pour les jeux
olympiques de 2016 et qu’ils nous ramènent des
médailles de bronze, d’argent et d’or. . . Il est permis
de rêver. . . Quelle victoire ce serait ! Je vous
donne donc rendez-vous dans dix ans !. . . »
Hélas, il n’a pas fallu dix ans pour que les
rêves se brisent. Le ministre Antoine est passé et,
lui, il ne rêve pas de sport mais préfère s’attarder
sur d’autres aspects. Combien cela va-t-il rapporter
? Vais-je figurer sur une photo ? (Sourires)
« En conclusion, nous appelons de tous nos
voeux une réelle concordance entre les objectifs
et la concrétisation sur le terrain. Ce sera bénéfique
pour tous, surtout pour les populations les
plus fragilisées. » Comme M. Diallo, vous aviez
vu juste, ce chèque-sport servirait à tout le monde.
Je souhaite vous répéter le plus fidèlement possible
ce que j’ai dit à l’époque et vous constaterez
que nous tenons toujours le même langage :
« S’il ne comporte que quatre articles, ce décretcadre
est important et nous partageons sa philosophie.
Nous espérons constater, avant dix ans,
les bienfaits de l’émancipation individuelle et sociale
grâce à l’amélioration de la condition physique.
Je me réjouis que vous vous soyez rallié à
l’idée du chèque-sport, vis-à-vis duquel vous étiez
pour le moins frileux au départ. » Je m’adressais
à M. Eerdekens, à l’époque ministre des sports.
D’autres solutions étaient alors envisagées : le gouvernement
fédéral contribuait à l’effort tant pour
les chèques-sport que pour les chèques-culture.
Nous avions exprimé trois craintes. « Tout
d’abord, le décret donne un large pouvoir de décision
au gouvernement. » Or il est toujours dangereux
de donner trop de pouvoir à ce dernier.
« Avec ce décret, on dépouille le parlement d’un
certain nombre de prérogatives. Notre amendement
propose la remise au parlement d’un rapport
annuel sur le fonctionnement du sport et du
chèque-sport. » Cela permet au parlement de repérer
et de dénoncer les problèmes. J’ai toutefois
prêché dans le désert.
« Notre deuxième inquiétude porte sur la difficulté
de mobiliser suffisamment les CPAS. » Depuis
lors, le décret a été modifié car les présidents
des CPAS n’étaient pas toujours des plus proactifs.
On a donc élargi aux échevins des Sports.
« Notre troisième préoccupation concerne le
manque de lisibilité du décret. La lecture des arrêtés
d’application éclairera peut-être notre lanterne
mais, pour l’instant, il n’y a pas de cadastre des
infrastructures ni de cadastre des clubs ou associations
sportives. Monsieur le ministre, wait and see
et, surtout, améliorons la praticabilité de ce décret.
Je ne bouderai pas mon plaisir puisque je réclamais
ces chèques. Ils sont arrivés. On les légalise
à présent par un décret. C’est positif. Je ne voudrais
pas que l’on ne retienne de mon intervention
que les trois craintes que j’ai exprimées, même si
elles sont légitimes. » Voilà ce que nous vous disions
à l’époque, depuis les bancs de l’opposition.
Même si vous n’écoutiez pas nos remarques, nous
étions heureux de l’existence du décret. Il répondait
à un besoin, à une réalité. Notre avis est toujours
le même. Cependant, aujourd’hui, il n’y a
plus de décret, même si certains prétendent qu’il
existe toujours.
La lecture de la Déclaration de politique
communautaire conforte notre opinion. Aux
pages 152 à 154, on trouve un passage intitulé
« Une pratique sportive pour tous ». On peut y
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CRI No3 (2010-2011) ( 18 )
lire : « Il appartient aux pouvoirs publics d’encourager
le citoyen à faire du sport. [. . . ] Le sport
est un vecteur d’intégration. Le gouvernement évaluera
avec tous les acteurs qui le mettent en oeuvre
et, le cas échéant, adaptera le système du chèquesport
pour en encourager l’utilisation auprès d’un
nombre plus élevé de jeunes défavorisés. »
M. Marcel Cheron (ECOLO). – Le texte ne
contient aucun « éventuellement ». L’évaluation
aura donc bien lieu, mais la législature n’est pas
finie.
M. Jean-Luc Crucke (MR). – Vouliez-vous
donc dire à l’époque que vous alliez supprimer
le chèque-sport, pour l’évaluer ensuite, avant de
le recréer éventuellement ? Non, ce n’est pas ce
que vous avez dit. À l’époque, M. Cheron et
ses amis avaient quelques craintes sur la manière
dont certains échevins des Sports ou présidents de
CPAS utilisaient ces chèques. D’aucuns pouvaient
en abuser.
(M. Olivier Saint-Amand, vice-président,
prend la présidence de la séance.)
Il s’impose également de recadrer le dispositif
car, s’il y a des abus, il faut intervenir. Il s’agit en
effet d’argent public et quand une personne le détourne,
il ne faut même pas évaluer la procédure,
il faut la dénoncer directement ; les parquets sont
là pour s’en occuper.
Cependant, le mécanisme d’évaluation était
prévu et même amplifié dans la Déclaration de politique
communautaire. C’est à croire qu’une DPC
n’a pas grande valeur ! En tout cas, vu les propos
du ministre en commission, les engagements pris
n’ont pas été tenus longtemps.
Forts du succès de ce chèque-sport et de la manière
dont il remplit son rôle social, portés par la
conviction que le dispositif avait atteint son objectif
et qu’il pouvait encore être amélioré dans la mesure
où les moyens le permettaient, nous pensions
que notre proposition de modification du décret
aurait été acceptée. Cette modification était très limitée
puisqu’elle consistait simplement à modifier
la tranche d’âge à laquelle s’adressait le chèquesport.
En effet, tous les experts s’accordant sur les
bienfaits de la psychomotricité, il suffisait de faire
passer l’âge minimal de six à quatre ou cinq ans
et, comme les jeunes ne terminent pas tous leurs
études à dix-huit ans, de lier la fin de cet incitant
à celle des allocations familiales. J’étais persuadé
que cette proposition serait soutenue par la majorité.
. .
Vous nous dites que cela coûte trop cher. Monsieur
Diallo, sur ce point, vous m’avez vraiment
blessé. Moi qui n’aime pas les règlements en général,
je ne m’attendais vraiment pas à ce que vous
me sortiez l’article 62 du règlement du parlement
qui énonce que tout dépôt de proposition de décret
doit être budgétisé. Je m’attendais à ce que
M. Antoine le fasse, mais pas vous !
M. Bea Diallo (PS). – J’apprends mon métier,
monsieur, car j’espère bientôt succéder à M. Antoine.
M. Jean-Luc Crucke (MR). – Si vous succédez
à M. Antoine, le paysage sportif risque bien
de « s’éclaircir » quelque peu. Plus sérieusement,
faites-moi le plaisir de retirer cette référence à l’article
62. Dites que votre groupe vous a demandé
de l’évoquer, mais que ce n’était pas votre idée car
cette modification ne changera pas le montant du
précédent budget.
Vous me dites qu’il n’y a pas d’argent. Or
tout budget relève d’un choix politique. Si nous
sommes capables de financer un centre pour sportifs
de haut niveau que l’Europe entière nous enviera,
nous devrions également être capables de financer
ces chèques-sport pour ceux qui, un jour,
arriveront peut-être dans ces centres d’élite, pour
ceux qui simplement trouvent dans le sport un
épanouissement physique, social et parfois intellectuel.
Même cela, monsieur le ministre, ne vous a
pas touché. C’est dire si votre coeur budgétaire est
dur ! En plus, vous l’imposez aux autres !
Quand il s’agira d’inaugurer ce fameux grand
centre des sports, M. Antoine sera en première
ligne. Par contre, quand il s’agit de faire du social,
il ne donne plus rien, si ce n’est de mauvais
bulletins.
De grâce, n’avancez pas l’argument budgétaire
!
Le deuxième argument qui nous est asséné
est que le mécanisme existe toujours. En d’autres
termes, le décret est encore d’application. Cherchez
sur internet n’importe quel site traitant du
droit sportif, vous y trouverez ce décret. Il n’est
pas supprimé, mais. . . il n’y a pas d’argent. C’est
un peu comme si vous mettiez une belle voiture
à notre disposition alors que nous n’avons pas
d’essence ni les moyens d’en acheter ; nous serions
contents d’avoir une belle voiture, même si elle ne
roule pas ! Personnellement, je n’accepterais pas ce
type de cadeau.
J’irai encore plus loin. Vous ne proposez même
pas de recherche et développement. Vous n’essayez
pas de voir s’il est possible de faire autre chose.
Troisième argument vous dites que tout le
monde n’est pas pénalisé. C’est exact. Vous venez
VERSION PROVISOIRE
( 19 ) CRI No3 (2010-2011)
de créer deux sortes de communes. En effet, certaines
communes continuent à utiliser les chèquessport.
Il s’agit de communes bien gérées, où il y a
un peu d’argent. Vous voyez ce que je veux dire !
Elles sont généralement plus à droite qu’à gauche.
C’est un avis personnel.
M. Léon Walry (PS). - Quel orgueil !
M. Jean-Luc Crucke (MR). – C’est de l’orgueil,
vous avez raison, mais cela correspond à la
réalité. Vous pouvez venir voir ce qui se passe dans
ma commune. Et pourtant, je ne suis pas beaucoup
aidé, croyez-moi. En général, quand la majorité est
libérale, on ne reçoit pas grand-chose.
M. Walry a compris mais vous, monsieur le
ministre, vous voyez Frasnes-lez-Anvaing et vous
ne comprenez pas.
M. André Antoine, vice-président et ministre
du Budget, des Finances et des Sports. – Je connais
très bien Frasnes-lez-Anvaing. J’ai la chance d’y
avoir un excellent directeur des sports.
M. Jean-Luc Crucke (MR). – C’est là une
deuxième raison de ne pas comprendre.
M. André Antoine, vice-président et ministre
du Budget, des Finances et des Sports. – C’est pour
cette raison que vous m’en voulez ! Ce n’est pas
parce que cette personne ne fait pas partie de la
majorité de votre commune. Vous devez avoir du
respect pour l’opposition.
M. Jean-Luc Crucke (MR). – Monsieur le ministre,
j’essaie d’expliquer à tous ceux que vous
avez « roulés » ici aujourd’hui pourquoi ils sont
lésés. Si je n’y parviens pas, j’en serai triste, voilà
tout.
M. André Antoine, vice-président et ministre
du Budget, des Finances et des Sports. – Nous
avons tous compris que vous n’essayiez pas de défendre
le chèque-sport. Vous tentez seulement de
semer un peu de zizanie.
M. Jean-Luc Crucke (MR). – Je sens bien que
vous n’avez pas convaincu tout le monde.
M. André Antoine, vice-président et ministre
du Budget, des Finances et des Sports. – Je préfère
M. Jeholet. Avec lui au moins c’est net, carré,
franco.
M. Jean-Luc Crucke (MR). – Moi aussi,
quand je suis assis, je préfère M. Jeholet à la
tribune. C’est bien le seul point sur lequel nous
sommes d’accord.
M. André Antoine, vice-président et ministre
du Budget, des Finances et des Sports. – Allez au
but ! Faites comme si vous étiez M. Jeholet.
M. Jean-Luc Crucke (MR). – J’arrive au but.
Physiquement, j’aurais du mal à me faire passer
pour M. Jeholet. De plus, si je tentais de l’imiter,
je ne lui arriverais pas à la cheville.
Mais revenons au débat. Monsieur le ministre,
vous créez donc des différences entre les
communes. Certaines continuent de distribuer
les chèques-sport, d’autres pas. La commune de
M. Di Antonio, par exemple, où le MR fait partie
de la majorité, et la mienne financent cette mesure.
La Ville de Bruxelles, où mon parti est dans
l’opposition, a réclamé les chèques-sport par une
résolution. Dorénavant, certains jeunes ne bénéficieront
plus de cette aide, parce que leur commune,
parfois pour des raisons légitimes, n’en a
pas les moyens. Est-ce logique ? Est-ce la volonté
de cette majorité ? Admettrons-nous cette discrimination
pour quelques dizaines de milliers d’euros
? Ce n’est pas mon avis.
Enfin, en commission, le ministre des Sports
a lancé : « C’est une décision des présidents de
parti ». Le ministre des Sports n’aurait donc pas
pris seul cette décision, mais aurait appliqué un
ordre venu d’en haut. Les présidents, qui ont signé
la Déclaration de politique communautaire élargissant
la mesure des chèques-sport, auraient-ils
ensuite décidé de la supprimer ? Voilà l’argument
suprême auquel les membres de la commission se
sont, je pense, montrés sensibles.
Monsieur le ministre, messieurs les parlementaires
de la majorité, avez-vous averti vos présidents
de parti des conséquences de cette suppression
pour les jeunes de vos communes ? Que vont
faire ceux qui ne pratiquent plus de sport ? Je ne
pense pas que vous ayez interpellé vos présidents,
mais il n’est pas trop tard. Cette situation peut encore
être changée.
Enfin, monsieur Cheron, en commission, vous
défendiez la fameuse évaluation du dispositif.
Dans sa réponse, le ministre a tout simplement
refusé toute évaluation, y compris qualitative !
Même vous, monsieur Cheron, membre de la majorité,
n’arrivez pas à vous faire entendre du ministre
!
Nous en sommes aujourd’hui à une « fin de
session » pour le décret « sports », en tout cas dans
certaines communes, mais le ministre n’en est pas
resté là et j’aimerais, à cet égard, qu’il m’explique
son recours à la société Sodexho.
M. André Antoine, vice-président et ministre
du Budget, des Finances et des Sports. – Il s’agit
d’un marché public.
M. Jean-Luc Crucke (MR). – Je ne dis pas le
contraire. J’espère que vous connaissez la loi à ce
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CRI No3 (2010-2011) ( 20 )
sujet.
Dans le rapport que j’ai sous les yeux, le ministre
rappelle qu’il s’est engagé à permettre l’octroi
de chèques-sport par les communes sans que
l’opération ne leur coûte un euro. Il faut le faire !
Quand je vois ce que cela représente pour le budget
d’une commune ! Il précise à ce sujet qu’il a
lancé un marché permettant à la Communauté
française de couvrir la totalité des frais inhérents
à la gestion du service. L’attribution de ce marché
vient d’être signée au profit de la firme Sodexho et
ce mécanisme sera pleinement opérationnel dès le
1er novembre 2010.
J’aimerais bien, monsieur le ministre, que vous
précisiez ce qu’il en est. De quoi s’agit-il ? Je suppose
que vous ne paierez pas les chèques à la place
des communes. Aucun article n’est d’ailleurs prévu
au budget. J’aimerais que vous expliquiez les tenants
et les aboutissants de cette opération, car je
n’ai pas compris en quoi elle consiste. J’ai interrogé
plusieurs personnes, y compris votre collaborateur,
qui m’a dit ne pas comprendre non plus. . .
M. Bea Diallo (PS). – Moi, j’ai compris, monsieur
Crucke. C’est par mon intervention que ce
système a été mis en place. Je vous l’expliquerai
dans un moment.
M. Jean-Luc Crucke (MR). – Je serai attentif
à vos explications, monsieur Diallo.
Relisez bien la phrase suivante du texte, monsieur
Cheron : « En ce qui concerne l’évaluation, le
ministre Antoine précise qu’elle est extrêmement
difficile à faire, en tout cas sur un plan strictement
qualitatif ». Nous sommes bien d’accord.
M. Marcel Cheron (ECOLO). – Je vais intervenir
à ce sujet, monsieur Crucke.
M. Jean-Luc Crucke (MR). – D’accord, mais
donc, même sur le plan qualitatif, le ministre nous
dit « mission impossible » !
Chers collègues, je vous remercie évidemment
de m’avoir écouté aujourd’hui. J’ai dit que c’était
un triste jour pour le sport. Il ne dépend que de
vous d’en faire un jour faste en ne suivant pas le
ministre Antoine sur ce dossier. Il lui arrive de réaliser
du bon travail, mais en l’occurrence, si je devais
lui attribuer une note, elle ne serait pas très
élevée. En tout cas, réfléchissez bien. Il vous reste
un peu de temps pour modifier votre intention de
vote.

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