Question orale de Jean-Luc CRUCKE au Ministre MARCOURT sur "les résultats catastrophiques sur le fonctionnement des SLC"
Mme la Présidente. L'ordre du jour appelle la question orale de M. Crucke à M. Marcourt, Ministre de l'Économie, des PME, du Commerce extérieur et des Technologies nouvelles, sur « les résultats catastrophiques sur le fonctionnement des SLC.».
La parole est à M. Crucke pour poser sa question.
M. Crucke (MR). Madame la Présidente, Monsieur le Ministre, chers Collègues, vous vous souviendrez d'un débat que nous avons eu, il y a quelques semaines, ensemble, sur ce que j'estimais être l'insuffisance de rationalisation des outils économiques publics wallons. Il y en a beaucoup. À certains moments, on a affaire à des doubles emplois. Mais il y a aussi un manque de lisibilité et certains prennent le risque de s'y perdre, peut-être que d'autres sont d'ailleurs un peu moins surveillés, là où ils devraient l'être plus.
Puis est tombé ce rapport d'audit, mené par la société Comase et le consultant See, qui, selon la relation qui en est faite par la presse je n'ai pas lu le document, donc je me limite à rapporter ce qui en a été dit par la presse -, serait fort sévère à l'égard du rôle des six structures locales de coordination du développement économique de l'Agence de stimulation économique, l'ASE. L'audit dénoncerait des frais de fonctionnement
très différents selon les provinces entre les six structures locales, l'absence de transparence dans les décisions desdites structures qui relèveraient de leur seul bon vouloir, l'impossibilité d'identifier des bénéficiaires de subventions publique excusez du peu et la méconnaissance des règles de concurrence. Cela nous fait penser à d'autres dossiers, dans d'autres domaines que celui de l'économie, où on trouvait un peu les mêmes critères et on sait comment ils ont terminé. Première question, Monsieur le Ministre, confirmez-vous ce qui a été rapporté par la presse ? Avez-vous une lecture identique de l'audit? Nous serait-il possible, en tant que commissaires et parlementaires, de pouvoir disposer de cette étude de manière à l'analyser en profondeur? Est-il exact que l'audit aurait été achevé en mai 2010? Comment expliquer qu'il n'y ait pas eu d'autre communication depuis lors? S'il y a audit, je me dis que c'est aussi parce que, sans doute, certaines
défaillances au préalable ont été analysées ou décelées ? Ce ne sera peut-être pas le cas, vous me
direz ce qu'il en est. L'administration, à un moment ou à un autre, a-telle émis certaines critiques ou soulevé certaines interrogations sur le fonctionnement de ces structures locales?
En ce qui concerne les frais de fonctionnement, puisque c'est un des points qui semblent être soulevés, quel est le montant dont bénéficient chacune des six structures, l'évolution en terme d'années? En terme de personnel, quel est le cadre? Là aussi, y a-t-il des différences substantielles ? S'expliquent-elles d'une manière ou d'une autre, et pourquoi? Quant au cadre budgétaire, est-ce réel qu'il n'y a pas de cadre budgétaire précis pour chacune des six structures, ce qui semble être un critère indispensable dans le fonctionnement? Comment la tutelle réagit-elle par rapport à ce type d'audit? Comment perçoit-elle sont rôle
d'évaluation, d'identification? Toujours par rapport aux structures, quatre d'entre elles ne semblent même pas disposer d'un fichier d'identification des bénéficiaires de subventions publiques. Là aussi est-ce le cas? C'est tellement gros que je n'ose pas y croire. Ce qui veut dire : quel est le montant qui leur est distribué annuellement ? Pour celles qui savent identifier, comment peut-on identifier les différentes distributions qui sont faites ? L'audit semblerait également parler de navigation à vue concernant le respect des règles à la concurrence. Est-ce le cas? Monsieur le Ministre, comprenez bien que ce que je vous demande, c'est à la fois votre réaction par rapport à l'audit, mais aussi les mesures qui sont entreprises pour éviter cela.
Je vous donne juste un petit renseignement sur le fonctionnement de ces structures locales. Je n'imaginais pas, quand j'ai écrit le 2 août 2010 à l'une des structures et je vous donnerai copie du courrier -, que je lirais, après, autant de critiques dans la presse. Mais je dois dire que mon expérience me fait dire qu'il y a un problème, aussi, parce que je n'ai jamais eu de réponse à mon courrier. Non seulement, je n'ai jamais eu de réponse, alors que vous verrez, c'est peut-être un sujet qui permettait d'encourager le travail. Je vous lis ce que j'écrivais à la présidente de la « Structure Locale de Coordination Ouest Hainaut» (SLC), à l'image qu'organise actuellement le BEP à Namur, dans le cadre du projet «Action dans ma commune»: « J'aimerais mettre sur pied une opération qui permette de stimuler la créativité des jeunes, des 16-18 ans de l'entité de Frasnes-lez-Anvaing, en les encourageant à émettre des idées et projets pour le développement de leur commune à un horizon de vingt ans». Le sujet est sur la table. Je ne vais pas tout vous lire, mais il est là.
Il n'y a pas eu la moindre réponse. Quand nous essayons de les contacter, il n'y a pas moyen de les
toucher non plus. Je veux bien passer pour un ignare, mais quand ma secrétaire ou le secrétaire communal me disent « Écoute, je n'y arrive pas», je me pose des questions à la lecture de cette redite. Je vous laisse le courrier. Il y aura peut-être une réponse à la suite de votre intervention.
Mme la Présidente. La parole est à M. le Ministre Marcourt.
M. Marcourt, Ministre de l'Économie, des PME, du Commerce extérieur et des Technologies nouvelles. La culture de l'évaluation est quelque chose que j'ai voulu développer depuis que j'ai pris mes fonctions. C'est à ma demande, mais pas à mon initiative, que l'évaluation a été faite. Elle a été faite à l'initiative de l'ASE, mais à ma demande. J'avais effectivement indiqué qu'il fallait évaluer, que c'etait important. Lorsqu'on détecte un problème, c'est justement pour mettre à jour le fonctionnement, surtout lorsqu'on démarre avec des nouveaux outils, qu'on veut rationaliser, qu'on veut mettre une structure centrale. C'est la première fois, je le rappelle, en Wallonie, qu'on a une structure centrale sur l'animation économique. On avait un éclatement des opérateurs, parfois avec des vides, parfois avec l'overlapping, comme on le dit en wallon de votre région.
Au bout de quelques années, trois ans, on a un fonctionnement où chacun oeuvrait dans son coin. J'ai demandé à l'ASE de mettre une évaluation sur pied. Cela, c'est le cadre. Vous avez raison, quelqu'un a cru opportun de communiquer le document à la presse. Je n'en fais aucun reproche. Mon seul regret, c'est que le
processus n'était pas arrivé à son terme. Je pense que c'est toujours mieux de communiquer lorsque les
choses sont finalisées plutôt qu'avec des éléments intermédiaires. Ce n'est pas l'élément le plus important. Vous avez justement relevé que le titre de l'article était « Un audit très négatif sur les outils économiques wallons». Reconnaissons que c'est un peu discourtois, puisque, dans les outils économiques, on a aussi tous les outils financiers qui ne sont pas du tout concernés. Je vais dire parfois... De nouveau, je ne suis pas là pour faire les commentaires sur l'article qui a été fait. C'est pour cela que je dis que celui qui a
communiqué les choses a plutôt insisté sur le négatif, parce que, dans l'audit, il y a beaucoup de choses positives. Évidemment, comme l'article est fait purement sur le point négatif... C'est manifeste, les trains à l'heure font moins vendre que les pannes des locomotives...
(M. Crucke s'exprime hors micro)
Je dis simplement qu'on a mis l'accent sur des aspects positifs, non pas pour plaider pour les SLC, mais pour rétablir un peu l'équilibre. L'audit dit « amplification de la mise en réseau, par bassin, opérateurs publics et privés, ainsi qu'amélioration du dialogue et des échanges entre eux, développement de la complémentarité de leur offre, identification et élimination progressive des doublons ...»
Concernant le dernier point, il convient de rappeler qu'avant la création des SLC, 42 opérateurs étaient actifs dans le champ de la stimulation économique en tant qu'organismes subventionnés par la Région. Aujourd'hui, on en compte 18 qui sont subventionnés. C'est donc une rationalisation.
D'autre part, les seuls outils économiques concernés sont les SLC, plus précisément encore le respect des critères sur base desquels elles ont été agréées, c'est-à-dire la décision du gouvernement du 7 juillet 2006.
Je vous rappelle que le décret-cadre de 2006, qui a créé en même temps l'ASE et les SLC, prévoyait que soient réalisés périodiquement des audits internes et des évaluations externes. Les SLC constituant un dispositif récent, il est tout à fait normal d'en évaluer régulièrement le fonctionnement afin de mettre en lumière les points perfectibles, les nouvelles exigences et les rectifications nécessaires. C'est dans ce sens que le comité de gestion de l'agence a décidé de commanditer un diagnostic transversal qui visait, d'une part, à évaluer le respect des critères d'agrément et le fonctionnement des SLC et, d'autre part, à formuler des
recommandations quant à l'actualisation des critères et de la procédure d'agrément. J'ai été informé du fait que l'ASE, qui est le récipiendaire du document, avait reçu cet audit. Ce que nous souhaitons également aujourd'hui, c'est que l'ASE donne suite à cet audit, que cela ne reste pas simplement «On constate et on le met dans un tiroir.» Dans ce sens, le directeur de l'agence a organisé des rounds de consultation avec les
présidents et vice-présidents des SLC pour analyser le rapport et aussi voir avec eux comment répondre, en termes d'amélioration, que ce soit pour le respect des critères ou la procédure d'agrément. J'ai, aujourd'hui, demandé à l'ASE de finaliser ces éléments, de manière à pouvoir les présenter au Gouvernement wallon. Je voudrais indiquer, pour compléter, que l'article ne dit pas non plus que l'évaluation démontre que, sur 26 critères, plus de la moitié ne pose aucun problème et que certains sont perfectibles. Certains critères paraissent aussi inappropriés. J'attends là d'avoir quelque chose de plus précis pour voir quelle suggestion m'est faite. Il en est ainsi des critères qui concernent la gestion des financements FEDER. Il y a l'obligation de tenir une comptabilité analytique ou l'intervention d'un réviseur. À l'époque de la définition des critères d'agrément, il était prévu que les financements FEDER soient gérés et distribués par les SLC aux opérateurs. Or, depuis lors, c'est l'administration qui distribue directement aux opérateurs, sans que ceux-ci ne passent par les SLC. Il n'y a donc pas de flux financiers dans les SLC, à l'exception de l'INEX Brabant wallon, qui ne
bénéficie pas d'une enveloppe FEDER et distribue actuellement 250.000 euros à ses opérateurs. C'est le seul cas. Par conséquent, quand l'évaluation pointe cinq des six SLC qui ne respectent pas les critères, ce n'est pas parce que ces SLC ne fonctionnent pas bien, c'est tout simplement parce que le critère n'a pas trouvé à s'appliquer, ce qui évidemment fait une modification de la perception. C'est vrai que prima facie on pouvait dire « Que se passe-t-il ? Cela ne fonctionne pas bien. »
En ce qui concerne l'identification des bénéficiaires de fonds publics, vous avez relevé cela, et à juste titre. Il convient de préciser qu'il s'agit plutôt d'un retard de mise en uvre que d'une absence de dispositif d'identification. Certaines SLC, celles du Luxembourg, de Namur et les deux du Hainaut, n'avaient en effet pas encore rempli de façon correcte l'exigence au moment de l'évaluation, mais l'ASE s'assure sans concession que les améliorations nécessaires ont été apportées. Concernant le financement des SLC, le comité de gestion de l'ASE a décidé de leur octroyer une subvention annuelle qui s'élève à 18.750 euros par SLC, soit un montant total de 112.500 euros. À cette subvention, et pour couvrir le solde du financement des frais de fonctionnement, viennent s'ajouter les cotisations des membres et, dans certains cas, une participation de la Province, soit un co-financement FSE. Ce qui explique les différences de volumes entre activités parce que les périmètres ne sont pas non plus totalement identiques de sous-région à sous-région.
Les situations peuvent être assez contrastées d'une SLC à l'autre, puisque les frais de fonctionnement couvrent quasi exclusivement les coûts en personnel et que l'affectation de ressources humaines va de deux dixième d'équivalent temps plein dans une SLC à un équivalent temps plein dans d'autres. Ce qu'on veut faire, c'est 0,20 en Brabant wallon, 0,25 en Hainaut oriental, 0,50 en Hainaut occidental, 0,83 à Namur et 1 à Liège et au Luxembourg. Les relations entre l'ASE et les SLC sont identifiées dans l'évaluation comme sources de difficultés, car il semblerait que l'ASE soit perçue par les SLC et les opérateurs comme l'empêcheur de tourner en rond, c'est-à-dire celui qui vient mettre son nez alors que cela se passait si bien sans elle. À leurs yeux, l'action de l'ASE serait encore trop centrée sur les aspects administratifs et procéduraux, donc un peu tatillon. J'ai demandé au directeur de l'agence d'être attentif et de peut-être tourner le contrôle plus sur une collaboration, une coordination, une animation, que sur un côté tatillon, même si le contrôle est évidemment une source de garantie d'utilisation adéquate des deniers publics. J'ai appris, parce que je me suis renseigné dans le cadre de votre question, qu'aujourd'hui, les consultations se passent de manière constructive et efficace, et qu'il y a un vrai dialogue. Je m'en réjouis, parce que, depuis un certain temps, je savais que, et vous savez comme moi, qu'on dit souvent « Mais, on a toujours fait comme cela ». Quand vous introduisez une réforme, c'est justement parce que vous ne voulez plus qu'on continue à faire comme cela. Celui qui le faisait de la sorte et qui pense que c'était bien, n'apprécie pas qu'on change. Nous
avons ce genre de difficultés, mais c'est en cela que je suis vraiment heureux qu'au travers de cette
évaluation, on mette les choses à plat. Quand j'aurai les recommandations finales de l'ASE, je reviendrai devant vous. Je ne dis pas que je ne transmettrai pas le rapport. Je vous transmettrai un rapport complet au
Parlement et pas un élément qui est une pièce parmi d'autres et qui est aujourd'hui une des parties de l'évaluation.
Mme la Présidente. La parole est à M. Crucke.
M. Crucke (MR). Je remercie M. le Ministre pour sa réponse.
Manifestement, vous avez été bien inspiré de demander une évaluation, au demeurant une évaluation externe, même si le décret, comme vous l'avez précisé, le prévoyait. Je pense que c'est toujours une bonne chose d'avoir à la fois des évaluations internes, mais aussi externes. Cela devrait pouvoir être généralisé.
Je reste un peu sur ma faim par rapport à la communication de l'audit, encore que vous promettez d'y revenir. Je pense que rien ne va empêcher qu'on le communique déjà, cet audit, pour qu'on puisse vous aider aussi dans la réflexion qui est en cours, puisque, si j'ai bien compris, on est en phase de brainstorming ...
(M. le Ministre Marcourt s'exprime hors micro)
Je ne peux pas vous imposer la transmission du document. Moi, je dis que ce serait intéressant, puisque vous dites qu'il y a des éléments négatifs et positifs. Je suis un peu comme Saint-Thomas. Moi, j'aime bien la transparence. Cela viendra. J'en prends acte. Nous en rediscuterons...
(M. le Ministre Marcourt s'exprime hors micro)
Vous savez, à l'heure actuelle, on a une tendance à penser que souvent même si on dit que l'habit ne fait pas le moine que la forme est parfois révélatrice du fond. En l'occurrence ici, l'image qu'on a pour l'instant n'est pas une image des plus positives. Je suis d'accord de ne pas tout amalgamer au niveau des outils économiques et financiers. Je pense qu'il y a quand même pas mal de choses qui fonctionnent. Je reste persuadé, comme je vous l'ai dit il y a quelques semaines, qu'on a un besoin de rationalisation ou de coordination de ces outils, sous peine d'une perte d'efficacité. J'ai un peu l'impression que c'est ce qu'on a ici qui a été pointé du doigt.