mardi 5 juin 2007

Suites de l'explosion de Ghislenghien: Jean-Luc Crucke interpelle le ministre

Chambre Juin 2008.
- M. Jean-Luc Crucke au vice-premier ministre et ministre de la Justice et des Réformes institutionnelles sur "les suites de l'explosion de Ghislenghien" (n° 5586)
- M. Stefaan Van Hecke au vice-premier ministre et ministre de la Justice et des Réformes
institutionnelles sur "la catastrophe de Ghislenghien et la création d'une cellule spécifique d'aide aux victimes" (n° 5870)sur "la catastrophe de Ghislenghien" (n° 5888)
- Mme Sabien Lahaye-Battheu au vice-premier ministre et ministre de la Justice et des Réformes institutionnelles sur "la création d'une cellule spécifique d'aide aux victimes de catastrophes" (n° 5904)

02.01 Jean-Luc Crucke (MR) : Madame le procureur du Roi vient de recevoir le dossier d'instruction concernant la catastrophe de Ghislenghien, qui a eu lieu en août 2004. Elle va prononcer son réquisitoire au début de l'année judiciaire 2008-2009. Ce délai vous semble-t-il raisonnable ?

Alors que le dédommagement des victimes se fait attendre, il serait question d'une indemnisation collective.
Pouvez-vous faire le point sur cette indemnisation, notamment sur la participation d'Assuralia ?
Vous avez renvoyé les préjudiciés vers les maisons de justice. Quel rôle souhaitez-vous que celles-ci jouent ?
Dans ce type de catastrophe, le pénal tient le civil en l'état. Ne faudrait-il pas trouver une procédure qui permette, dans des circonstances exceptionnelles, de renverser ce principe de droit ?
02.02 Stefaan Van Hecke (Ecolo-Groen!) : Dans une lettre ouverte, les victimes de Ghislenghien expriment leur mécontentement parce que leur dossier n'a toujours pas pu être traité par le tribunal et qu'entre-temps, certains sont financièrement exangues. Le 6 mars 2007, alors qu'elle était ministre de la Justice, Mme Onkelinx avait indiqué en réponse à une question de Mme Lahaye qu'une cellule spécifique d'aide aux victimes serait créée « prochainement ». Aujourd'hui, cette cellule n'existe toujours pas. Peut-être s'agit-il d'un choix délibéré du ministre, comme son porte-parole l'a laissé entendre dans le quotidien De Standaard.
En effet, le ministre souhaiterait analyser au préalable la situation concrète après la clôture du dossier Ghislenghien, mais nul n'ignore évidemment combien la situation des victimes est difficile. Il n'y a donc pas grand-chose à attendre ou à analyser, en réalité, avant de prendre la décision de créer cette cellule.
Le ministre confirme-t-il les propos de son porte-parole ? Pourquoi cette cellule n'a-t-elle toujours pas été créée ? Quelles initiatives ont déjà été prises depuis que les dernières questions ont été posées sur le sujet, en février 2008 ? Quelles mesures le ministre prendra-t-il à brève échéance ? Que fera-t-il en faveur des victimes de Ghislenghien ? Quelles alternatives existe-t-il pour le cas où une telle catastrophe se reproduirait ?

02.04 Sabien Lahaye-Battheu (Open Vld) : Le fédéral a toujours affirmé qu'il était nécessaire de disposer d'un point de contact central auquel pourraient s'adresser les victimes de catastrophes, à l'image du système appliqué en France. Mme Onkelinx avait promis la création d'une cellule de ce type. Une mission d'étude a été envoyée en France pour étudier le fonctionnement de la cellule de coordination " accidents collectifs et
attentats " et du centre de crise du gouvernement. Or cette cellule n'est toujours pas opérationnelle alors même que tous les préparatifs nécessaires à sa mise en oeuvre sont achevés. Il ne manque que l'aval du ministre de la Justice, or nous avons lu dans la presse que ce dernier entendait d'abord évaluer la situation sur le terrain et examiner les procédures à mettre en place. Cette position suscite l'étonnement. Quatre ans après la catastrophe, les victimes de Ghislenghien continuent à être renvoyées d'une instance à l'autre et sont désormais confrontées à des problèmes financiers étant donné que le fonds est épuisé. Les huissiers sont déjà à leur porte. C'est précisément maintenant qu'il faut une telle cellule d'aide aux victimes.
Pourquoi le ministre reporte-t-il la création d'une cellule de coordination pour les victimes ? Où en est l'élaboration du plan et des méthodes ? Pouvons-nous consulter ces documents ? Comment le ministre entend-il informer et assister les victimes de Ghislenghien ?
02.05 Jo Vandeurzen, ministre (en français) : Apparemment, vous êtes tous très bien informés.

(En néerlandais) Nous devons poursuivre l'organisation de la cellule d'aide aux victimes et l'approche globale de la coordination de telles catastrophes au niveau fédéral.
Cela ne résoudra pas le problème des victimes de cette catastrophe car les négociations à mener pour créer la structure annoncée par le précédent gouvernement prendront encore un certain temps. Je constate que la cellule n'est pas opérationnelle aujourd'hui. Mon premier souci consiste à prévoir un point de contact concret pour ces victimes, d'où l'option de confier cette mission à la maison de justice de Tournai et de vérifier si un renfort y est éventuellement nécessaire. Nous nous appuierons à cet égard sur le travail fourni par Mme Leroy.
Des indemnités ont précédemment été versées aux victimes. Après la catastrophe, Fluxys et Assuralia ont fait apport de 1 et de 1,2 million d'euros, respectivement, au sein de la Fondation Ghislenghien. Ces fonds ont servi à financer les besoins les plus pressants des victimes les plus rudement touchées. Ces versements ont été effectués sans aucune reconnaissance ni obligation légale. Ce fonds est épuisé depuis le milieu de l'année dernière. La situation est très délicate. L'affaire doit en effet suivre la voie judiciaire normale mais nous avons cependant organisé au cabinet une réunion avec des experts et les assureurs concernés pour tenter de déterminer si l'indemnisation extrajudiciaire des victimes peut être réactivée d'une manière ou d'une autre.
Le ministre de la Justice n'a ni le statut ni le pouvoir requis, et il n'a de surcroît aucun argument juridique, pour prévoir un tel règlement extrajudiciaire des dommages-intérêts. Il peut seulement jouer un rôle de médiateur. Avec une humilité de bon aloi, j'ai donc demandé instamment aux assureurs de prévoir une transaction extrajudiciaire. Divers assureurs se sont dits prêts à s'atteler à cette tâche à condition que certaines conditions périphériques soient remplies, une de ces conditions étant que tous les assureurs participent à l'élaboration de cette transaction. Des accords ont été par ailleurs conclus concernant une méthode destinée à indemniser au moins partiellement les dommages. Il restait aux assureurs à parvenir à un consensus sur le choix d'une indemnité provisionnelle ou autre. Je recevrai le même groupe d'assureurs à mon cabinet dans deux semaines.
La complexité de l'administration de la preuve est un problème épineux. Il est impératif de créer en la matière un meilleur cadre légal. Dans le cas d'accidents qui ont fait de nombreuses victimes et pour lesquels sont intervenus de nombreux assureurs, le système actuel de responsabilité de droit commun articulé autour de trois axes – faute, dommage et lien de cause à effet – est beaucoup trop complexe. Ce système ne permet en effet pas d'allouer une grande partie de l'indemnisation aux victimes relativement rapidement après les faits. A l'évidence, une initiative législative est donc nécessaire.
Cela ne résout toutefois pas encore le problème les victimes actuelles sont confrontées. J'ai dès lors décidé que le procureur informera immédiatement les victimes au terme de l'enquête judiciaire. La maison de justice sera renforcée pour assurer la coordination de l'aide aux victimes également. Je tenterai par ailleurs de donner une nouvelle impulsion au règlement des dommages extrajudiciaires.
Nous pouvons tirer les leçons de situations telles que l'incendie d'un hôtel à Anvers ou le drame de Toulouse,
mais le cas qui nous occupe est beaucoup plus complexe étant donné qu'il concerne plus de dix assureurs et des dizaines de parties potentiellement responsables. Par ailleurs, les assureurs sont également attentifs aux actions récursoires qui peuvent être intentées par l'assureur maladie ou par l'assureur des accidents du travail. Ceux-ci disposent en effet d'un fondement légal pour bénéficier de dédommagements de la part des assureurs, même si ceux-ci ont volontairement participé à la création d'un fonds.
Un cadre légal est également nécessaire pour remplacer plusieurs expertises médicales différentes par une seule expertise contradictoire.
En ce qui concerne l'approche extrajudiciaire, je ne puis en tant que ministre que me référer à la responsabilité sociale des assureurs. Nous devons également tenter de parvenir à une unanimité entre les assureurs. Les victimes recevront une lettre informative et une invitation à une réunion d'information. Dans quelques semaines, j'étudierai avec l'ensemble des acteurs la possibilité de réunir la somme nécessaire pour alimenter ce fonds. Nous devrons dans ce cas également examiner comment ce montant pourra être versé.
18 03/06/2008 CRABV 52 COM 235
Les six cents parties civiles doivent être traitées avec respect. J'ai ressenti chez les assureurs une attitude positive. Assuralia a formulé un certain nombre de suggestions, pour l'avenir également. Nous pouvons espérer déterminer rapidement si nous sommes en mesure d'indemniser ces personnes, indépendamment du déroulement de la procédure judiciaire. Dans l'intervalle, nous nous concertons avec le secteur pour tenter de trouver une solution structurelle pour l'avenir.
02.06 Jean-Luc Crucke (MR) : Il faut réfléchir aux méthodes à suivre lors de tels événements. En dehors des propositions et projets, notre commission ne pourrait-elle pas organiser des auditions d'experts et prendre connaissance des législations étrangères ?
Ce dossier sort des compétences habituelles d'une maison de justice et on ne peut pas traiter les personnes qui ont vécu cet incident comme d'autres victimes. Dès lors, il me paraît indispensable de donner des moyens complémentaires à la maison de justice.
Je n'aurais pas évoqué le dossier des experts si la presse n'en avait pas parlé. Je suis conscient que la discrétion est importante dans le travail d'équilibriste que réalise le ministre.
Enfin, j'estime que notre commission devrait avoir une réflexion sur l'action collective. Les victimes ne connaissent pas la procédure et luttent contre des « batteries » d'avocats. Le déséquilibre est flagrant.
02.07 Stefaan Van Hecke (Ecolo-Groen!) : Une procédure judiciaire peut s'éterniser. Une initiative législative tendant à une indemnisation plus rapide des victimes s'impose dès lors, parallèlement à cette procédure complexe.
Je me réjouis d'entendre que le ministre veut malgré tout poursuivre la création d'une cellule d'aide aux victimes. Pourquoi donc la mise en oeuvre de cette initiative se fait-elle tant attendre ? Dans l'intervalle, la maison de justice de Tournai doit assurer une première aide. Cette maison de justice dispose-t-elle bien des moyens de répondre à la demande de six cents parties civiles ?
Je regrette particulièrement que des personnes qui ont déjà été victimes d'une catastrophe aient à présent également à souffrir de lenteurs administratives et de l'absence de décision. Une bonne gouvernance implique que l'on offre d'emblée un point de contact à ces victimes.
02.08 Peter Logghe (Vlaams Belang) : À ma grande satisfaction, le ministre se concerte avec de nombreuses parties pour confectionner un nouveau budget destiné à couvrir les besoins en matière de règlement extrajudiciaire des dommages-intérêts. Ainsi, nous ne serons peut-être plus forcés de constater dans un an qu'il y a un nouveau déficit.
N'allons-nous pas évoluer vers un élargissement de la responsabilité objective telle qu'elle existe déjà dans un certain nombre de pays scandinaves et en Allemagne ? Il est évident que ce ne sera pas la panacée car il faudra toujours déterminer le montant exact des dommages. Et je reste réticent en ce qui concerne le règlement forfaitaire. Pour ma part, je préconise plutôt une indemnisation basée sur les frais réels, dans l'intérêt des victimes elles-mêmes.
02.09 Sabien Lahaye-Battheu (Open Vld) : Le ministre affirme que la cellule spécifique soins aux victimes de catastrophes ne constitue pas une solution de nature à soulager les victimes. Je peux difficilement adhérer à ce point de vue car cette cellule fait depuis toujours office de point de contact vers lequel les victimes peuvent se tourner. Et voilà qu'à l'heure où elles sont acculées financièrement, elles ne pourraient plus faire appel à elle. Dans les maisons de justice, elles devront à nouveau plaider leur cause face à des gens qui ne connaissent rien à leur dossier. Je crains que ce ne soit pas la meilleure façon de leur venir en aide, bien au contraire.
Le ministre ajoute qu'il constate que cette cellule n'est pas opérationnelle. Je lui demande donc instamment de la rendre opérationnelle. J'espère qu'il a toujours l'intention de tirer des enseignements de la catastrophe de Ghislenghien de façon à pouvoir réagir efficacement si un désastre de la même ampleur devait se produire à nouveau. Qu'est-ce qui empêche la mise en place de cette cellule sur le plan pratique ? Pourrionsnous prendre connaissance du plan détaillé qui a été esquissé en vue de sa création ? Cette cellule est en effet inscrite dans l'organigramme du rapport annuel de la Justice.
02.10 Jo Vandeurzen, ministre (en néerlandais): L'organisation de l'assistance aux victimes suppose des accords clairs avec les départements de l'Intérieur et de la Santé publique ainsi qu'avec les Communautés.
Si l'orateur a raison de souligner qu'il faudra organiser et coordonner un point de contact précis, il est erroné de prétendre qu'un plan a déjà été arrêté à cet effet. Il existe déjà des notes en la matière mais elles n'ont pas encore fait l'objet d'une discussion avec tous les services fédéraux.
Nous disposons en la matière d'une grande compétence et nous sommes parvenus à des conclusions éclairantes mais aucun consensus ne s'est encore dégagé quant au meilleur moyen d'affronter de telles catastrophes. Etant donné que l'élaboration de cette approche nécessitera encore de nombreux dialogues, j'estime qu'il est de notre devoir de faire en sorte qu'il y ait déjà à brève échéance une traduction opérationnelle de cette approche.
Certains me demandent pourquoi tout cela prend autant de temps. Je leur réponds que la raison en est que ce dossier n'est pas seulement de la compétence du SPF Justice. Nous nous efforçons d'arrêter un plan global susceptible d'emporter l'adhésion de l'ensemble des membres du gouvernement. C'est cela qui prend du temps. Quoi qu'il en soit, mieux vaut tirer des enseignements du savoir-faire que nous avons acquis qu'attendre une nouvelle tragédie.
Je ne désire pas entrer ici dans le débat sur la responsabilité objective. La situation est déjà suffisamment complexe. Je m'emploie cependant à veiller à ce que la maison de justice soit suffisamment outillée pour s'acquitter de sa tâche, notamment en faisant appel aux autres acteurs assumant une responsabilité dans ce domaine. En outre, nous essayons de mener à bien le dossier du traitement extrajudiciaire. Je répète que nous nous efforçons d'adopter une approche globale en concertation avec les administrations fédérales compétentes, après quoi nous pourrons nous adresser aux Communautés pour conclure des accords en la matière.
L'incident est clos.

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