dimanche 25 novembre 2007

Qui travaille encore après 45 ans, 50 ans ?

QUESTION ORALE DE M. CRUCKE À M. ANTOINE, MINISTRE DU BUDGET, DES FINANCES, DE L'EMPLOI, DE LA FORMATION ET DES SPORTS, SUR “L'EMPLOI DES PLUS DE 45 ANS”

[SG] QUESTION ORALE DE M. STOFFELS À M. ANTOINE, MINISTRE DU BUDGET, DES FINANCES, DE L'EMPLOI, DE LA FORMATION ET DES SPORTS, SUR “LE TAUX D'EMPLOI DES PLUS DE 50 ANS”

Mme la Présidente. – L'ordre du jour appelle la question orale de M. Crucke à M. Antoine, Ministre du Budget, des Finances, de l'Emploi, de la Formation et des Sports, sur “l'emploi des plus de 45 ans” et la question orale de M. Stoffels à M. Antoine, Ministre du Budget, des Finances, de l'Emploi, de la Formation et des Sports, sur “le taux d'emploi des plus de 50 ans”.

La parole est à M. Crucke pour poser sa question.

M. Crucke (MR). – Madame la Présidente, Monsieur le Ministre, chers collègues, je voulais revenir aux travailleurs de plus de 45 ans, parce que je pense que c'est une problématique qui fait débat, mais aussi par rapport au statut de pensionné en général. Pour la Belgique et pour d'autres pays, on ne cesse de nous dire que si on veut maintenir le système des pensions en équilibre, il faudra que le Belge, et donc le Wallon, travaille plus longtemps et plus, qu'il y ait un changement d'attitude. Enfin qu'on soit face à des réalités de terrain où voit qu'à partir d'un certain âge, la difficulté pour retrouver un emploi est une difficulté complémentaire. Je dirais que l'âge s'ajoute comme étant une difficulté pour qu'un employeur puisse vous reprendre.

Il y a évidemment des correctifs, ce n'est pas très linéaire, on ne peut pas généraliser. Mais, grosso modo, on peut quand même dire qu'il y a là une difficulté qui, certes, est cette question qui a des rebondissements qui peuvent toucher le fédéral ; qui, certes, trouve parfois une solution par ce qu'on appelle le reclassement professionnel, l'employeur étant obligé de fournir une aide très personnelle et pratique pour pouvoir “reclasser” le travailleur, de manière à ce qu'il reste disponible sur le marché de l'emploi. Mais cela vaut effectivement pour ceux qui ne sont pas touchés par ce qu'on appelle les prépensions. Les prépensionnés ne sont pas, eux, visés par la mesure.

Monsieur le Ministre, quels sont, en la matière, les derniers chiffres dont vous disposez ? Quel est le pourcentage de Belges de plus de 45 ans qui travaillent ? La répartition entre les hommes et les femmes, comment se définit-elle ?

Si on prend l'âge de 45 ans, 50 ans, 60 ans, voit-on des différences substantielles ? Et également des différences en terme de reclassement professionnel, y a-t-il là un élément de réflexion qui peut être posé en fonction de la courbe d'âge ?

Enfin, quelle est la durée que ces personnes reconnaissent comme étant une période de chômage, d'inactivité, même s'ils passent par une formation pour tenter de retrouver de l'emploi ?

Dernier élément, quelles sont, à travers ce dossier, les incitations du Gouvernement wallon, les éléments mis sur la table par le Gouvernement wallon pour tenter d'aider ces personnes à rester actives par le travail ?

Mme la Présidente. – La parole est à M. Stoffels pour poser sa question.

M. Stoffels (PS). – Madame la Présidente, Monsieur le Ministre, chers collègues, les bénéficiaires de l'assurance chômage, ceux qui sont âgés de 50 ans et plus, les prépensionnés ou les personnes qui ont interrompu leur carrière professionnelle, comptent parmi les actifs, mais ne comptent plus en terme de taux d'emploi pour cette tranche d'âge.

La question du taux d'emploi des personnes âgées de 50 ans et plus se pose, non seulement en terme d'expérience professionnelle disponible dans nos entreprises, ou en terme d'assurance chômage, mais aussi en terme de pension, voire même en terme d'assurance maladie invalidité.

Il est un fait que la Belgique a intérêt a augmenter le taux d'emploi de cette tranche d'âge, et cela a d'ailleurs été recommandé, à plusieurs reprises, par les autorités européennes. Cette question est à la base de la viabilité à long terme de nos systèmes de protection sociale, comme elle est à la base de l'attractivité économique de notre région dans la mesure où, justement les plus de 50 ans disposent d'un savoir-faire qu'ils peuvent, avant de se retirer, relayer aux générations qui suivent.

Avons-nous étudié le profil de qualification dont disposent les travailleurs en question ? Il s'agit, tendanciellement, de femmes qui sont nées dans les années 50 et qui ont été scolarisées pendant les années 60 et 70. Quels sont les métiers que cette population demande à pouvoir occuper ? Et par quelle offre en matière de formation peut-on les y amener ?

On constate, pour les deux sexes, un accroissement du nombre de personnes âgées de 50 à 55 ans ayant interrompu leur carrière professionnelle. Apparemment, on choisit de plus en plus de terminer sa carrière en optant pour un régime à temps partiel. Ce serait, selon certains observateurs, la question d'une formule particulièrement recherchée par les travailleuses de cette tranche d'âge. Les questions posées doivent donc l'être aussi à la lumière de ce fait. Comment amener à motiver davantage des travailleuses à opter pour un temps partiel plutôt que de quitter l'emploi définitivement. C'est aussi une manière d'augmenter le taux d'emploi de cette tranche d'âge.

Monsieur le Mnistre, quelle est donc votre politique spécifique pour contribuer à augmenter le taux d’emploi des plus de 50 ans, et particulièrement des travailleuses ? Quelles sont les mesures envisagées afin d'offrir, sur le marché de l'emploi, des perspectives qui soient en adéquation avec le profil des personnes scolarisées pendant les années 60 et 70 ?

Mme la Présidente. – La parole est à M. le Ministre Antoine.

M. Antoine, Ministre du Budget, des Finances, de l'Emploi, de la Formation et des Sports. – Merci aux uns et aux autres de se soucier de nos demandeurs d'emploi plus âgés.

Première partie de la réponse : quelle est l'efficacité des mesures de reclassement professionnel des plus de 45 ans ? Au niveau régional, il s'agit de la mesure “cellule de reconversion”, dont les résultats sont les suivants en 2009 : pour ce concerne le personnel ouvrier, le taux d'insertion des hommes est de 68,6 % et celui des femmes, de 38,2 %. Pour ce qui concerne les employés, le taux d'insertion des hommes est de 73,9 %, celui des femmes, de 53,9 %. C'est donc une mesure relativement efficace, même si, malheureusement, vous y constatez une rupture d'égalité en terme de résultat entre hommes et femmes, ouvriers et employés.

Quelle est la répartition des plus de 45 ans qui travaillent encore ? Selon l'enquête sur les forces de travail, le taux d'emploi harmonisé en 2009 des personnes âgées de 50 à 64 ans est de 45,6 en Wallonie, et 49,1 en Belgique. Autrement dit, c'est une sur deux en Belgique, et un peu moins qu'une sur deux pour la partie wallonne.

Si on regarde les sous-catégories du public senior, le taux d'emploi se distribue comme suit :
• entre 45 et 50 ans, 71,5 %, contre 76,7 en Belgique. C'est l'âge auquel les enseignants, les chauffeurs de bus sont concernés par le départ à la retraite ;
• entre 55 et 64 ans, il n'en subsiste plus de 32,7, contre 35,3 en Belgique ;
• au-delà de 65 ans, il y en a encore 1,5, contre 1,7 en Belgique.

Si on se penche sur la répartition hommes-femmes, il s'avère que dans toutes les classes d'âge, celui des femmes est inférieur. En effet, pour les 45 à 50 ans, le taux d'emploi des femmes est de 62,1 et de 81 pour les hommes. Déjà là, on voit une très nette différence. Pour les 55 à 64 ans, le taux d'emploi des femmes est de 25,5 et de 40,2 pour les hommes. C'est important, cela veut dire qu'à partir de 55 ans, il n'y a plus d'une femme sur quatre qui travaille. Le taux d'emploi des personnes âgées de 50 à 64 ans est de 45,6 en Wallonie, contre 49,1 en Belgique.

La deuxième partie de la réponse est relative au taux d'emploi des plus de 50 ans, et en particulier des femmes. En 2009, la Wallonie comptait 249.710 demandeurs d'emploi, de DEDA, et je n'y ai pas repris la Communauté germanophone puisqu'elle a aussi sa propre comptabilité. Je parle ici d'une moyenne que les choses soient claires. Sur ces 249.710 demandeurs d'emploi inoccupés, 50.916 étaient âgés de 50 ans et plus, soit environ un sur cinq. Parmi ces derniers, 52 % sont des femmes, soit 26.372 personnes. Je ne peux donc pas vraiment partager de manière aussi évidente l'analyse de M. Stoffels qui avait le sentiment que, dans ce groupe cible, les femmes étaient particulièrement prégnantes. En effet, leur représentation n'est pas significativement supérieure à celle des hommes.

Néanmoins, pour répondre à votre question, Monsieur Stoffels, sachez que les femmes âgées de 50 ans et plus sont majoritairement peu qualifiées, puisque 67 % d'entre elles - c'est d'ailleurs ce que j'avais mis en évidence dans une interview dans Le Soir - sont tout au plus diplômées du secondaire deuxième degré. C'est cela toute la difficulté, c'est qu'on a un personnel féminin très peu qualifié, donc peu facile à réinsérer, eu égard à la concurrence des autres tranches d'âge qui présentent parfois des compétences supérieures, même si celles-là n'ont peut-être pas l'expérience de celles-ci.

À titre de comparaison, parmi l'ensemble des demandeurs d'emploi inoccupés wallons, 53 % sont dans cette situation, n'ayant pas dépassé le second degré.

Selon la branche d'activité déclarée lors de l'inscription au FOREM - nous ne pouvons prendre que cela comme référence -, 18,5 % des demandeuses d'emploi âgées de 50 ans et plus sont issues du commerce - essentiellement préposées à la vente et le réassortiment - et 17 %, de la santé et de l'action sociale. On peut voir là tout ce qui est aide ménagère, soins à domicile, et cetera.

Troisième et dernière partie de la réponse, ce sont les mesures d'aide à l'emploi pour les seniors. Tout d'abord, rappelons que la priorité de la politique régionale va, par priorité, aux jeunes et aux personnes nouvellement licenciées, quel que soit l'âge. En effet, dans un marché du travail qui ne permet manifestement pas le plein emploi, et vu que les moyens financiers dédiés à la formation à l'emploi ne sont pas extensibles à l'infini - encore que, sur les quelques presque 7,8 milliards en Région wallonne, on a plus d'un milliard pour le FOREM et l'IFAPME -, ils vont choisir des priorités. Il est probablement plus “intéressant” de cibler, en termes d'insertion, les jeunes que les personnes de plus de 50 ans, dont le coût social et économique de l'inoccupation, et les chances d'insertion sont moindres.

Cette orientation est aussi dictée par le fait qu'il existe, au niveau fédéral, de multiples politiques en faveur des seniors. J'en ai identifié dix :
• le complément de reprise de travail délivré par l'ONEm ;
• l'Activa, pour le travailleur âgé ;
• le Plan Win-Win ;
• la mesure SINE ;
• l'outplacement ;
• les vacances seniors ;
• la prime “de passage” pour les travailleurs de plus de 50 ans qui passent à un travail plus léger ;
• le Fonds de l'expérience professionnelle ;
• le régime de réduction des prestations de travail pour les 50 ans et plus ;
• la Prime de tutorat, voire la dernière mesure de travail de nuit.

Notons également qu'entre 2002 et 2004, l'âge à partir duquel il était possible de prétendre au statut de chômeur âgé non demandeur d'emploi a progressivement été porté de 50 à 58 ans, de sorte que toutes ces personnes doivent, aujourd'hui, encore démontrer leur disponibilité au travail, ce qui n'était pas le cas par le passé. Il y a donc là aussi une évolution dont nous devons tenir compte.

Rappelons enfin que les demandeurs d'emploi de plus de 50 ans sont évidemment éligibles à toutes les mesures régionales de formation et d'accompagnement.

Enfin, elles peuvent bénéficier de mesures primes de tutorat, subsides accordés sous certaines conditions aux entreprises qui instaurent un programme de formation dispensée par les travailleurs de l'entreprise âgés de 45 ans et plus.

Je voudrais, pour conclure, relever le succès du Plan Win-Win, dont je pense que nous ne pouvons que nous féliciter. Il ne fait pas partie des programmes anti-crise du fédéral, donc j'imagine que le prochain Gouvernement fédéral les reconduira puisque, pour les plus de 50 ans, nous sommes à 6.579 personnes qui ont bénéficié de la mesure ; pour les moins de 26 ans, c'est 14.826. Ce qui veut dire qu'il y a là, depuis son instauration, de réels effets bénéfiques, à la fois pour les plus jeunes et à la fois pour les publics plus âgés.

Mme la Présidente. – La parole est à M. Crucke.

M. Crucke (MR). – Je remercie M. le Ministre pour les renseignements obtenus. Il est clair que l'âge couplé à un autre élément qu'il a précisé, à savoir le manque de qualifications, sont deux éléments qui font mal dans ce qu'on appelle le reclassement professionnel. Vous l'avez objectivement dit, le travail s'effectue d'abord sur les populations jeunes et sur ceux qui perdent directement leur emploi.

On peut comprendre que l'emploi féminin - vous avez visé des personnes qui travaillent dans le social, dans le médical, mais je pense aussi au textile, qui est un emploi qui est en voie de disparition - est une difficulté supplémentaire dans le reclassement de ces personnes-là. Je pense qu'il faudra sérieusement y travailler si on veut atteindre les objectifs qui ont été ceux, pas seulement de la Wallonie, mais de l'Europe en général, si on veut que ces personnes restent plus longtemps, dans leur intérêt aussi, pas seulement dans l'intérêt de la société. Il y a un phénomène de win-win que tout le monde doit pouvoir comprendre.

M. Antoine, Ministre du Budget, des Finances, de l'Emploi, de la Formation et des Sports. – C'est plus un phénomène de qualifications que d'âge. Je nuance un peu, parce que reconnaissons quand même que nous ne sommes pas tout à fait égaux, sachant que, heureusement ou malheureusement - chacun appréciera -, les femmes portent encore beaucoup l'éducation des enfants, notamment dans les gardes, quand il y a des couples séparés. Donc on peut comprendre que la charge d'occupation est quand même largement supérieure pour une femme que pour un homme.

Mme la Présidente. – La parole est à M. Stoffels.

M. Stoffels (PS). – J'acte bien toutes les informations que le ministre nous a données. Les deux premières parties de sa réponse ont essentiellement servi à nous documenter sur le plan des statistiques et sur le plan des constats qui doivent être mis sur la table pour avoir un débat serein sur une question compliquée, sur une question délicate.

J'acte donc que, sur le plan du nombre de personnes qui sont au chômage et qui sont âgées de 50 et plus, il y a 52 % - comme le ministre dit - de femmes, donc forcément 48 % d'hommes. Ayant consulté les statistiques de l'ONEm, je me rends compte que le chômeur de longue durée âgé de 50 ans et plus est essentiellement une chômeuse. Cela veut dire que la problématique du non-emploi touche tendanciellement beaucoup plus le genre féminin que les collègues masculins. Il faut donc trouver et articuler une politique de remise à l'emploi, de formation professionnelle qui permette, notamment aux travailleuses de cette tranche d'âge, et d'autant plus qu'elles disposent d'un niveau de formation et un niveau de qualification qui les rend vulnérables.

J'ai également pris acte du fait que le gouvernement accorde la priorité d'abord aux jeunes, ensuite aux nouveaux licenciés. Il faut voir dans quelle mesure ceci correspond avec des principes tels qu'inscrits dans la Déclaration de politique régionale, d'une part, et d'autre part, se poser la question quant à l'efficacité de l'ensemble des mesures que le Ministre vient de citer.

C'est une question qui doit se poser moins en termes d'objectifs et d'intentions, mais plus en termes de résultats. De ce point de vue là, les statistiques que M. le Ministre vient de nous donner en début de réponse sont quelque part inquiétantes et nous invitent à nous poser la question concernant l'efficacité de chacune des mesures de remise à l'emploi tel que cité par M. le Ministre.

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