mercredi 20 mai 2009

Aung San Suu Kyi: que fait la Belgique ?

- Question du député Jean-Luc Crucke au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères sur "l'ouverture du procès d'Aung San Suu Kyi" (n° 13322)


06.03 Jean-Luc Crucke (MR): Monsieur le secrétaire d'État, je voudrais recentrer ma question sur la personnalité d'Aung San Suu Kyi, à la fois l'espoir qu'elle représente dans un monde où la légitimité qui est la sienne l'est, car le peuple s'est largement exprimé à son égard, et la non-violence qu'elle incarne mieux que quiconque à l'heure actuelle.

Étant donné le procès qui a été entamé lundi, pour des raisons futiles avec un chef d'accusation qui n'en est pas un et vu l'anonymat dans lequel la Birmanie essaie de gérer ce procès, on en vient inévitablement à dire qu'il faut réagir. Nous sommes trois partis différents à intervenir sur la question. Les mouvements citoyens aussi continuent à se mobiliser en Belgique et nous imposent un devoir de réflexion sur le plan politique et parlementaire.



Comment la Belgique se positionne-t-elle à l'égard de ce procès et des pratiques de l'État birman, pratiques en totale violation avec les règles les plus élémentaires des droits de l'homme? Quelles sont les mesures qu'entreprennent et entreprendront le pays pour militer et obtenir la libération d'Aung San Suu Kyi?



06.04 Olivier Chastel, secrétaire d'État: Merci à tous les trois pour vos questions. Nous sommes préoccupés comme vous par les derniers développements en Birmanie, en particulier par le cas de Mme Aung San Suu Kyi. La Belgique, à l'instar d'autres pays, a condamné officiellement sa récente inculpation par la junte birmane. L'ordre d'assignation à résidence devait expirer à la fin de ce mois et tout porte à croire que le régime cherche un prétexte pour la maintenir en détention et la tenir ainsi à l'écart du processus électoral. Son procès a débuté lundi; il est difficile de prévoir sa durée. Tout ce qu'on a appris, c'est qu'elle risquait une peine de cinq ans de prison, ce qui est hors de propos et inacceptable.



Avec nos partenaires européens, nous sommes en train de déterminer une approche commune pour la faire connaître aux autorités birmanes. Nous envisageons de renforcer le dialogue avec les partenaires régionaux, notamment les pays membres de l'ASEAN. Ces derniers, qui évitent d'habitude toute critique directe, ont cette fois exprimé publiquement leur profonde préoccupation en raison des derniers événements en Birmanie. Ce fait exceptionnel mérite certainement d'être pris en compte dans notre manière de considérer les voisins de la Birmanie.



Les conclusions adoptées en avril par l'Europe étaient déjà explicites quant aux exigences de l'Union. Á la lumière des récents événements, il est évident que l'Union devra saisir l'occasion de la rencontre avec les autorités birmanes en marge des réunions ministérielles de l'ASEM et de l'ASEAN à Hanoi et à Phnom Penh du 24 au 28 mai pour exprimer clairement notre désapprobation et exiger la libération de Mme Aung San Suu Kyi ainsi que celle de tous les prisonniers politiques, d'ailleurs, et cela bien avant les élections de 2010. Ceci est d'autant plus important pour nous que la Belgique vient d'être élue pour siéger au Conseil des droits de l'homme pour la période 2009-2012 et que l'on entend peser de tout notre poids pour renforcer l'action des Nations unies en faveur des droits de l'homme, en Birmanie en particulier, puisque c'est l'un des endroits où ils sont le plus bafoués



L'action coordonnée des pays de l'Union – le sujet était à l'ordre du jour du Conseil Affaires générales et Relations extérieures d'hier auquel participait le ministre De Gucht – combinée à la réaction inédite des pays membres de l'ASEAN donneront plus de poids à notre réaction face à la Birmanie.




06.07 Jean-Luc Crucke (MR):
Madame la présidente, monsieur le ministre, je répliquerai sur trois éléments.



D'abord, la question doit inévitablement être débattue au sein du Comité des droits de l'homme évoqué tout à l'heure. Cela dit, je ne me berce pas d'illusions, nous avons affaire à un État qui se fiche des droits de l'homme et de l'ONU. Quelle que soit l'importance que l'on peut avoir au sein de cette enceinte, je ne pense pas que cela fera bouger la junte.



Par contre, je suis plus optimiste par rapport aux éléments que vous avez avancés ici, à savoir le changement d'attitude des pays de l'ASEAN. Cela prouve que sur le plan sous-régional, une prise de conscience se fait. Certains pays sentent bien qu'une quelconque contagion, même intellectuelle, pourrait être nuisible non seulement à leur démocratie, mais également à leur économie. Cet aspect est donc intéressant.



Enfin, alors que beaucoup critiquent l'Europe, c'est pourtant à ce niveau-là que le débat doit être posé. Il est des débats qui dépassent les pays. Sur ce plan-là, il n'y a qu'une Europe forte qui peut réellement arriver à faire bouger d'autres blocs. Car n'oublions pas que derrière la Birmanie, il y a la Chine. Si la Belgique aboie, la Chine ne bougera pas; mais si c'est l'Europe qui bouge, elle aura plus de chances de faire entendre sa voix et de faire comprendre à la Chine que c'est, pour nous, une question de principes. Et il y a des principes sur lesquels il ne faut jamais transiger.

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