Question de M. Jean-Luc Crucke à Mme Marie-Dominique Simonet, ministre de l'Enseignement obligatoire et de promotion sociale, intitulée « Décret encadrement différencié »M. Jean-Luc Crucke (MR): – Le décret organisant un encadrement différencié dont M. Dupont avait pris l'initiative et qui fut voté le 30 avril 2009 pour entrer en application à la prochaine rentrée scolaire, a pour objectif de permettre au plus grand nombre possible d'élèves d'obtenir le CEB.
Ce décret vise à faire passer le nombre d'écoles en discrimination positive de 12,5 à 25 %. Le choix de ces 25 % d'écoles en D+ devait être fondé sur des critères socio-économiques objectifs, à savoir les fameux indices socio-économiques des zones.
Une étude universitaire devait être réalisée afin de faciliter le travail de la Communauté. Cette étude a-t-elle été commandée ? Si oui, où en est-elle? Quand pouvons-nous espérer en prendre connaissance et, éventuellement, en débattre ? Si cette étude n'a pas été commandée, comment procédera-t-on pour sélectionner ces 12,5 % d'écoles supplémentaires ?
Des budgets complémentaires ont-ils été prévus pour organiser les heures de cours qu'il conviendra d'ajouter à la grille horaire ? Si ce n'est pas le cas, faudra-t-il puiser dans le budget de certaines écoles pour en satisfaire d'autres ? Un mécanisme est-il prévu à cet effet ?
Si je vous pose ces questions, madame la ministre, c'est que j'ai moi-même été interpellé à ce sujet par des enseignants. Il m'a semblé que la meilleure manière de leur répondre valablement est de vous interroger et de relayer votre réponse.
Mme Marie-Dominique Simonet, ministre de l'Enseignement obligatoire et de promotion
sociale.– La question est tout à fait pertinente. Le décret «encadrement différencié» du 30 avril 2009 prévoit à la fois une majoration de 40 millions des moyens consacrés aux politiques de différenciation,lesquels passeront de 22 616 000 euros prévus dans l'ancien système des discriminations positives à 62 616 000 euros et un doublement du nombre d'élèves concernés qui passeront de 12,5 à 25 % des élèves.
Le décret prévoit que cet accroissement de 40 millions sera phasé sur deux années scolaires :
15 millions pour l'année scolaire 2009-2010 et
25 millions à partir de l'année scolaire 2010-2011.
Chaque tranche se répartit pour moitié entre enseignement fondamental et enseignement secondaire, dans le respect de la répartition 80/20 pour les moyens humains et financiers.
La dernière tranche représente donc 25 millions en année pleine, soit 12,5 millions pour le fondamental ordinaire – dont 10 millions pour des périodes supplémentaires et 2,5 millions pour des moyens supplémentaires – et 12,5 millions pour le secondaire ordinaire – dont 10 millions pour du NTTP supplémentaire et 2,5 millions pour des moyens supplémentaires.
En ce qui concerne la cible, pour la période transitoire de l'année scolaire 2009-2010, le décret prévoyait bien que les 15 millions supplémentaires seraient attribués aux écoles bénéficiant déjà des D+, ce qui fut fait à la rentrée en septembre 2009.
Pour l'attribution de la dernière tranche des 25 millions, le décret prévoit que la cible doit s'élargir à 25 % des élèves, répartis en cinq tranches de 5 %, avec une distribution des moyens s'échelonnant de 1,5 à 0,5 par pas de 0,25 de la tranche de 5 % la plus défavorisée à la cinquième tranche de 5 % un peu moins défavorisée.
En résumé, il existe cinq tranches de répartition assorties d'un échelonnement des moyens par pas permettant de tenir compte d'une situation plus ou moins défavorisée. Auparavant, avec le taux de 12,5, il suffisait d'un changement minime pour être obligé de quitter le système. Vous avez probablement rencontré des directeurs ou des enseignants qui étaient antérieurement en D+ et ont cessé de l'être alors que leur public restait malgré tout très fragile. C'était en quelque sorte « tout ourien », d'où la volonté d'instaurer cinq tranches, avec une aide qui augmente progressivement.
En ce qui concerne le financement, la première phase de 15 millions a été mise en oeuvre dès la rentrée de septembre 2009. Tant en 2009 que de manière récurrente en 2010 et les années suvantes, cette phase est financée par un apport de moyens nouveaux. Par contre, compte tenu de la dégradation des recettes de la Communauté française, la dernière phase de 25 millions devra, en tout cas pour l'instant, être mise en oeuvre sans moyens nouveaux. La question avait été discutée lors des débats budgétaires.
Nous nous trouvons donc face à deux problèmes, le premier étant celui de la détermination des 25 % d'élèves bénéficiaires et de leur classement dans cinq tranches de 5 %, et le deuxième, celui du financement de ces nouvelles tranches.
En ce qui concerne la détermination et le classement des élèves bénéficiaires, peu de temps après mon entrée en fonction, un de mes collaborateurs a pris contact avec l'équipe interuniversitaire pour commander l'étude prévue par le décret.
Tous les cinq ans, cette équipe calcule l'indice socio-économique des quartiers statistiques.
Il s'agit donc d'un indice composite qui combine cinq critères, au moyen d'une formule bien plus compliquée que celle qui permet de calculer l'indice composite des élèves qui s'inscrivent en première
année de l'enseignement secondaire. Il s'agit du revenu par habitant du quartier ; du niveau des diplômes du quartier ; du taux de chômage, du taux d'activité, du taux de bénéficiaires du revenu mensuel minimum moyen garanti ; des activités professionnelles ; du confort des logements.
Ces indices sont ceux que la Communauté française a estimé devoir retenir pour obtenir un indice composite des quartiers.
Vous pouvez constater que ces indices sont des informations qui ne sont pas disponibles au sein de la Communauté française. Malgré l'insistance des chercheurs et de la mienne auprès de la Banque Carrefour, celle-ci tarde à nous fournir les informations utiles qu'elle détient et qui sont indispensables pour pouvoir calculer correctement l'indice composite.
C'est donc sur la base de l'indice des quartiers que nous établirons l'indice socio-économique moyen des écoles, ce qui nous permettra de classer les écoles de la plus favorisée à la moins favorisée.
Nous pourrons ainsi identifier les établissements à indice plus faible qui scolarisent 25 % des enfants, et les répartir en cinq tranches comprenant chacune 5%des élèves. Nous pourrons alors fixer pour cinq ans les moyens dont les écoles doivent bénéficier.
Force est de constater que les données de la Banque Carrefour ne nous parviennent pas dans des délais raisonnables. Ce retard nous embarrasse, car il nous oblige à recalculer l'indice des quartiers sur la base d'éléments partiels. Nous pourrions également prendre comme référence les chiffres de 2005 pour calculer l'indice socioéconomique moyen des élèves.
Le gouvernement décidera de la meilleure manière de traiter ce problème et de la répartition des moyens en fonction des données collectées. Les écoles doivent en effet être informées dans des délais raisonnables. La situation actuelle est inconfortable, faute de disposer des données utiles.
M. Jean-Luc Crucke (MR). – Je remercie la ministre pour sa réponse. Ce dossier pose une série de problèmes, notamment liés au financement.
En effet, vous l'avez annoncé en toute franchise, la tranche prévue de 25 millions d'euros a été reportée, même si le mécanisme est maintenu.
Je regrette que cette séance ne soit pas filmée: les enseignants auraient pu mieux vous comprendre.
Les législations complexes génèrent ce genre de difficultés. En l'espèce, le problème n'est pas lié à la recherche universitaire, puisque nous dépendons d'autres sources d'information, comme la Banque Carrefour.
Les enseignants restent dans l'expectative : quand disposerons-nous des données nécessaires et comment allons-nous procéder entre-temps ?
Il faudra que le gouvernement tranche rapidement et arrête sa décision. Les enseignants ne peuvent pas être bloqués dans leurs projets. Ce décret a suscité beaucoup d'espoir, mais il semble qu'il ne puisse pas être concrétisé.
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