dimanche 18 février 2007

03 Question de M. Jean-Luc Crucke au ministre du Climat et de l'Énergie sur "les essais en champ de peupliers génétiquement modifiés" (n° 11206)

03 Question de M. Jean-Luc Crucke au ministre du Climat et de l'Énergie sur "les essais en champ de peupliers génétiquement modifiés" (n° 11206)

03.01 Jean-Luc Crucke (MR): Madame la présidente, monsieur le ministre, en mai 2008, je vous questionnais sur l'avis négatif que vous aviez rendu concernant l'installation d'un champ d'essai de peupliers génétiquement modifiés alors qu'à l'époque, le Conseil de biosécurité s'était montré favorable.
En décembre dernier, le Conseil d'État a suspendu votre décision et celle de Mme Onkelinx. Vous n'étiez en effet pas seul dans ce dossier – je viens plus souvent vers vous pour poser mes questions, même si hier encore j'interrogeais Mme Onkelinx sur d'autres sujets.
Moins d'un an après ma première question, vous avez manifestement changé de position. Quelles sont les raisons de ce revirement pour le moins radical?
Est-ce que vos craintes quant aux risques environnementaux sont totalement levées?
Peut-on considérer qu'il n'y a pas le moindre danger sur le plan de la santé publique?
A-t-on suivi une sorte de logique sociale et économique ou répondu aux besoins de la recherche? Peut-être a-t-on subi la pression du gouvernement flamand qui était demandeur en la matière?
Enfin, pourra-t-on, sur cette base, être autorisé à mener des expériences dans les deux Communautés? Dans l'affirmative, sous quelles conditions?
03.02 Paul Magnette, ministre: Madame la présidente, monsieur Crucke, comme vous le savez, Mme Onkelinx et moi-même avons refusé la mise en place d'un essai en champ afin de mener une recherche concernant ces peupliers génétiquement modifiés conçus pour produire du biocarburant en mai 2008 pour deux raisons principales. L'une est liée à la biosécurité et l'autre à la question de la finalité socio-économique de ces biocarburants.
La première raison était l'absence d'un protocole d'évaluation des risques pour la micro-flore du sol et de l'évolution éventuelle de la résistance des peupliers à des agents infectieux et au stress climatique. Sans ce suivi plus approfondi, l'essai n'offrait pas, selon nous, toutes les garanties de biosécurité acceptables.
La deuxième raison était que la consultation publique avait montré de nombreux doutes du public à l'égard du développement des biocarburants en soi.
Depuis cette décision de refus, des éléments nouveaux sont apparus, qui nous ont conduits à revoir notre décision. Le demandeur de l'essai a tout d'abord fourni un protocole d'évaluation tel que nous l'avions demandé. Il a été évalué par le Conseil consultatif de biosécurité à notre demande, lequel a conclu, le 3 février 2009, que le protocole permettrait d'obtenir des informations scientifiques sur les impacts de ces peupliers sur la biodiversité du sol, tout en recommandant certaines améliorations à y apporter. Nous avons intégré lesdites améliorations dans la décision d'autorisation.
Dès lors, la ministre de la Santé publique et moi-même avons autorisé cet essai sur un site situé en Flandre, sous conditions strictes, qui incluent la mise en œuvre du protocole d'évaluation renforcé à la suite des recommandations du Conseil consultatif de biosécurité, ainsi que des mesures de gestion pour éviter toute floraison et dispersion du matériel à l'extérieur du site d'essai, des exigences de rapport annuel de l'essai, etc. En tout, une quinzaine de mesures d'encadrement strictes ont été imposées.
Je tiens également à préciser que si cette recherche était concluante et que si les autorités flamandes souhaitaient développer un tel projet industriel, celui-ci devrait satisfaire à des conditions infiniment plus contraignantes et repasser par toute une série d'autorisations.
Je pense que la décision initiale de refus n'était pas inutile, même si elle a, comme vous l'avez rappelé, été rejetée par le Conseil d'État, car elle aura permis de progresser sur deux points.
D'abord, l'essai en champ inclura bien cette évaluation environnementale sérieuse, non prévue par la réglementation actuelle. C'est ainsi que nous allons au-delà des obligations légales; j'ai fait savoir à mes collègues du gouvernement que j'avais l'intention de soumettre un projet d'arrêté royal modifié insérant cette évaluation environnementale afin de ne plus devoir l'intégrer en cours de procédure, mais qu'elle devienne automatique.
Ensuite, la question de la finalité socio-économique de ce type de recherche, donc du projet industriel, a été mise sur la table, alors que la législation actuelle fait aussi l'impasse sur l'évaluation socio-économique des OGM.
Je reste convaincu que le choix de cette biotechnologie doit se justifier socialement et économiquement avec une plus-value démontrée pour le consommateur, indépendamment des estimations en termes de risques de dissémination qui ont leur validité en soi. En outre, il nous faut une évaluation socio-économique: tel est d'ailleurs le discours que je tiens depuis un certain temps.
Il convient bien de revoir le cadre décisionnel actuel, tant législatif que d'évaluation et de gestion des risques. Lors du Printemps de l'environnement, le fédéral et les Régions se sont mis d'accord pour revoir l'accord de coopération en matière d'OGM et pour lancer les travaux en 2009, sachant qu'à ce stade, le débat sur l'évaluation socio-économique prend place en réalité au niveau européen: c'est là que, dans la distribution actuelle des modes de décisions, l'essentiel se fait. La Belgique y défend une position en pointe consistant à conditionner toute autorisation d'OGM à une évaluation de ce type. La Commission a entendu ces arguments et soumettra en 2010 une proposition au Conseil des ministres européens.
Voilà ce que, dans l'état actuel de la législation, ce à quoi nous pouvions parvenir. Nous avons même été au-delà de la législation et le Conseil d'État nous l'a rappelé. Cela nous a néanmoins permis de faire en sorte que les conditions de sécurité pour la biodiversité soient largement renforcées. Les conditions socio-économiques ne sont pas, en tant que telles, insérées dans la décision, mais la législation ne nous permet pas de le faire. Le débat sur la modification de la législation est ouvert, sans doute un peu grâce à cette péripétie.
03.03 Jean-Luc Crucke (MR): Je remercie le ministre pour sa réponse. Je ne m'érigerai pas en procureur de cette décision. J'ai toujours été favorable à ce type d'essais et je ne vais pas changer d'avis aujourd'hui. Je me dis que la décision aurait pu tomber plus tôt. Vous avez estimé devoir revoir votre décision et je ne peux que m'en féliciter. Pourquoi pas en effet l'encadrer par d'autres mesures? Je suis conscient que nous sommes au stade de l'expérience et que c'est bien à ce stade qu'il faut tester les limites et aller jusqu'au bout dans le contrôle qui sera opéré et dont les conclusions devront être débattues. Je suis persuadé cependant que les doutes et les craintes continuent à exister dans la population. Il faut parfois prendre ses responsabilités; vous l'avez fait et je m'en réjouis.

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