dimanche 18 février 2007

Sport : violence et impact sur les jeunes

Interpellation de M. Philippe Fontaine à M. Claude Eerdekens, ministre de la Fonction publique et des Sports, relative à « l'éthique et au fair-play dans le sport » (Article 59 du règlement)
Interpellation de M. Jean-Luc Crucke à M. Claude Eerdekens, ministre de la Fonction publique et des Sports, relative à la « multiplication des phénomènes de violence physique ou verbale dans le cadre de la pratique du sport et à son impact sur les jeunes » (Article 59 du règlement)

M. le président. – Je vous propose de joindre ces deux interpellations. (Assentiment).

M. Philippe Fontaine (MR). – Je ne vous apprends rien si j’évoque le climat malsain qui règne actuellement dans le football.
Vous me direz peut-être que ce sport n’est jamais qu’une activité parmi tant d’autres, pour lesquelles le respect, la probité et l’observation des règles sont toujours considérées comme une haute valeur ajoutée indispensable à la pratique. Vous me répondrez également que tous les clubs de football ne sont pas concernés et qu’en de nombreux lieux ce problème n’existe pas. Cependant, cette certitude s’éloigne au fur et à mesure que les affaires sont dénoncées et nous pouvons de moins en moins faire comme si rien ne se passait.
Ce n’est pas un scoop de dire que certaines écoles de cadets, spécialement des clubs de football, peuvent mettre en danger les jeunes à cause d’un mauvais choix de dirigeants et de formateurs. La compétence et le sérieux ne sont malheureusement pas les vertus les plus recherchées, avec tous les risques que cela comporte pour notre jeunesse quand les repères qu’on veut leur donner sont biaisés et détournés.
Si le monde du football est aujourd’hui montré du doigt, il est illusoire de penser que seul ce sport est concerné. Il est de notoriété publique que de nombreuses autres activités sportives de haut niveau drainent des enjeux financiers considérables et que les limites entre pratiques saines et frauduleuses sont parfois difficiles à cerner.
Je ne souhaite pas refaire un débat qui a déjà été partiellement mené dans cette assemblée, mais je crains fort, monsieur le ministre, que votre action pour lutter contre ces dérives soit un peu légère et, en tout cas, fort peu visible. Vous avez annoncé une campagne de promotion des valeurs éthiques et du fair-play pour septembre 2006. Mais d’ici là, devons-nous rester les bras croisés et attendre paisiblement que les marchés publics pour cette campagne soient passés ?
(Mme Nicole Docq prend la présidence de la commission).
Je vous rappelle que, dans la résolution votée par notre parlement le 22 novembre 2005 et déposée à l’initiative de Mme Bertouille, les recommandations relatives à la promotion des valeurs éthiques et du fair-play dans le sport ne se limitent pas à la portion congrue ou à une « simple » campagne de promotion. Il faut nécessairement dépasser ce stade et concrétiser les demandes soutenues par l’ensemble des partis démocratiques de ce parlement.
En tant que ministre des Sports, vous avez une responsabilité importante dans la concrétisation de ces propositions. Je souhaite donc vous entendre sur chacune des dix recommandations. Quel est l’état d’avancement de votre réflexion ? Le gouvernement s’est-il préoccupé de cette résolution ? Un
travail de collaboration entre ministres, mais également avec les acteurs du sport (clubs, fédérations, centres Adeps, administration,…) est-il à l’ordre du jour ?
Un autre volet de l’éthique et du fair-play concerne la formation nécessaire pour faire face à ce problèmes. Je pense qu’avec les ministres de l’Enseignement et de l’Enseignement supérieur, vous devriez vous atteler à la tâche. Comment mieux préparer nos jeunes à s’affronter paisiblement et dans le respect de l’intégrité de l’autre tant dans les cours de récréation que sur les terrains sportifs ? Comment mieux préparer nos formateurs, nos professeurs d’éducation physique et nos éducateurs à prévenir et à juguler toute forme de violence verbale ou physique ?
Avez-vous déjà réfléchi à la manière d’intégrer la défense de ces valeurs dans les activités du futur centre sportif de haut niveau ? Comment allez-vous recruter les futurs formateurs ? Comment s’assurer que ceux qui seront engagés ne feront pas plus de tort que de bien aux jeunes dont ils auront la responsabilité ? Comment éviter l’intrusion de circuits de dopage ou de trafics divers dans ce centre ? Ces questions sont essentielles si nous voulons valoriser un sport « propre » chez les jeunes et chez les futures élites sportives. Je souhaite donc vous entendre sur ces problèmes.
La future réforme du décret « sport » a été maintes fois annoncée. Je m’interroge sur la place qui y sera laissée à la promotion du sport et de ses valeurs. Le décret du 26 avril 1999 aborde la problématique de la lutte contre le dopage et évoque la question des droits et devoirs des sportifs, mais il faudrait profiter de la réforme du décret pour aller plus loin et faire passer un message cohérent et plus incisif sur l’éthique dans le sport. Il faut coordonner les approches et ne pas laisser une totale liberté, comme c’est sans doute le cas depuis trop longtemps, aux clubs, aux cercles ou aux fédérations de décider d’être ou non proactifs.
Un socle de base s’avère indispensable si nous voulons redonner ses lettres de noblesse au sport. On ne peut à la fois encourager la pratique sportive et, dans le même temps, ne pas tracer les contours d’une pratique dans des conditions de justice, d’équité et de respect.
À cet égard, pouvez-vous nous informer sur l’évolution de la réforme décrétale en cours ? Comptez-vous revoir le décret sur la question du dopage, de l’éthique et du fair-play ?
Pour conclure, je tiens à rappeler la philosophie qui sous-tend la réflexion de notre groupe sur le sujet. Comme nous l’avons déjà dit lors du vote sur la résolution, nous considérons que l’éthique se vit, d’abord, comme une affaire personnelle, la conduite de chacun relevant finalement de la seule conscience individuelle.
Cependant, il existe une interaction entre l’éthique des uns et celle des autres. Cette interaction doit également être analysée comme un ensemble de règles – par exemple le code éthique d’une profession – et de schémas de coopération. Si cette dernière notion est vitale en politique générale comme dans la gestion de la cité, il est indéniable que le fair-play et l’éthique doivent constituer un socle commun qui fonde toute activité sportive. Les sportifs, amateurs ou professionnels, mais également les spectateurs, doivent prendre conscience qu’on ne peut tout se permettre quand on pratique un sport, et qu’il faut respecter des règles, morales ou écrites.
Tous les acteurs doivent être mobilisés pour que le sport redevienne une joie de vivre, un lieu d’expression positive, une exaltation du dépassement de soi – et non d’autrui – et un mode de communication évident entre des citoyens épris d’éthique.

M. Jean-Luc Crucke (MR).

– J’adhère entièrement aux propos de mon collègue et je ne reviendrai pas sur ce qu’il a déjà fort bien exprimé. Mais, le sens de la fraternité – pour éviter de recourir au franglais et parler de « fair-play » – se perd manifestement dans le sport, et ce malheureusement, de plus en plus vite. Je citerai quelques exemples récents piochés dans la presse.
Il y a un mois, à Herstal, un jeune de treize ans s’est fait briser le sternum dans les vestiaires par l’équipe adverse ! Il y a une quinzaine de jours, à Beloeil, commune paisible au demeurant, à l’issue d’un match, un autre jeune du même âge est frappé au visage par l’un de ses adversaires, mécontents du résultat ou du comportement de la victime sur le terrain, avec comme résultat une double fracture de la mâchoire.
Quelles sont les conséquences de ces actes ? Ces deux jeunes souffriront d’une incapacité physique de longue durée, sans parler des séquelles psychologiques. Leurs agresseurs seront, quant à eux, exclus de la fédération à laquelle ils viennent à peine d’adhérer. Mais il faut des sanctions. Même si ce ne sont que des enfants de treize ans, même s’il ne s’agit pas d’une affaire de meurtre comme celle qui vient d’avoir lieu à la gare centrale de Bruxelles.
Et puis, malheureusement il y a toujours pire. Il y a quelques jours, un jeune enfant de huit ans rate trois lancers francs. Son père descend aussitôt des gradins pour lui infliger autant de gifles que de ballons manqués ! L’arbitre décide alors d’interrompre la compétition car il ne peut supporter ce genre d’attitudes.
Ces faits se retroukensvent chaque semaine dans la presse. Et j’ai envie de vous demander, monsieur le ministre, où va-t-on ?
Nous ne pouvons banaliser cette violence, que je dirais gratuite, car elle n’a pas de fondement. Cependant, l’exemple ne vient-il pas d’en haut ? Les uns et les autres, monsieur le ministre, continuent à se passionner pour le championnat de football, qui se poursuit malgré que l’on nous dise que certains matchs ont été truqués !
Le sport devrait permettre l’épanouissement, l’apprentissage de la règle, de la vie en société, de dépassement de soi, de la beauté du geste et de l’effort physique. Or, ce n’est pas ce à quoi on assiste aujourd’hui.
Il faut une réaction politique. Mais cette réaction doit être sensée, à l’image de ces parents qui lorsqu’ils perdent un fils peuvent encore garder les pieds sur terre et regarder l’humanité en face. En tant que ministre des Sports, vous avez certes un rôle à jouer, et je me pose les mêmes questions que M. Fontaine. Toute la classe politique se doit d’être solidaire et unanime devant ces évènements.
Ne nous leurrons pas, des campagnes de sensibilisation ne seront pas suffisantes. Je lisais il y a quelques jours que M. Patrick Moriau avait déposé une proposition pour instaurer une commission spéciale sur le football au parlement fédéral. J’ai envie de lui dire, par votre intermédiaire monsieur le président, qu’il s’agit d’une très bonne initiative. Élargissons la, parce que le football est un sport dans lequel tout le monde se reconnait. Même lorsque l’on n’y a jamais joué, on supporte un club. C’est le sens populaire. Et c’est très bien ainsi. Les problèmes mis en évidence par M Moriau dans son exposé des motifs ne concernent pas simplement l’État fédéral, mais aussi la Communauté française, les parents, les enfants, les jeunes et les moins jeunes. Perçons l’abcès tous ensemble pour éviter que cette inadmissible violence ne détruise à jamais l’image du sport.


M. Claude Eerdekens, ministre de la Fonction publique et des Sports.

– Je comprends votre émoi devant ces faits divers qui ont lieu dans le cadre d’activités sportives et qui sont inadmissibles, tout comme l’est cet abominable meurtre à la gare centrale où un jeune se voit exécuté parce qu’il refuse de remettre un objet banal de peu de valeur. Nous vivons dans une société extrêmement violente. Toute l’actualité ne présente que des images de violence, que ce soit au Moyen-Orient ou en Irak. Certains vont jusqu’au sacrifice de leur vie pour une cause militante déviante. Les jeunes qui lisent les journaux, écoutent la radio et regardent la télévision n’ont comme expérience de la vie contemporaine que le spectacle de la violence. Beaucoup de films ne présentent que des actes de brutalité, y compris les dessins animés destinés aux plus petits. Il s’agit d’un phénomène de société et l’on doit se poser des questions sur ce que nous allons faire de l’avenir en ayant exaspéré à ce point des phénomènes que les jeunes vont transposer dans leur vie quotidienne.
C'est un phénomène de société très préoccupant qui concerne tous les niveaux de pouvoir, local, régional, fédéral. Comme le président, vous exercez des responsabilités de bourgmestre, d'autres sont enseignants, etc. Nous sommes tous confrontés à cette violence extrême.
Le gouvernement et le parlement fédéraux, auxquels PS et MR participent, ont décidé de dépénaliser certaines incivilités. Je me demande si c'est un bon signal. Je m'adresse ici au bourgmestre. L'impunité devenant la règle, les gens n'ont plus de limites. La théorie du carreau cassé n'est plus d'application. D'après cette théorie, un carreau cassé doit être remplacé le jour même. Autrement, d'autres carreaux seront brisés et il n'y aura bientôt plus de vitres !
Dans un esprit généreux et humaniste, nous avons voulu privilégier la prévention et écarter la répression. Dès lors, je le répète, notre société ne connaît plus les limites. Pour le délinquant qui comparaît devant le tribunal correctionnel après sa énième agression, alors qu'il aurait dû s'y trouver dès la première, le signal donné n'est pas positif. Le procureur du Roi d'Audenarde a annoncé qu'il voulait ne plus poursuivre une série de petites infractions. C'est aussi un mauvais signal. Cela a d'ailleurs provoqué à juste titre une réaction hostile de la ministre de la Justice. Une société est faite de droits et de devoirs. La liberté des uns s'arrête là où commence la liberté des autres. Vous avez raison de qualifier ce qui s'est passé d'anormal et d'inadmissible.
Cela dit, il ne faudrait pas retenir de vos interpellations que le football est un sport pourri. Il est pratiqué en Belgique par 500 000 personnes, du pré-minime jusqu'au vétéran. C'est vrai, quelques-uns ont un comportement déviant mais tous les footballeurs, professionnels ou non, ne sont pas des tricheurs. Je suis convaincu que le fameux match de ce vendredi, tant attendu, se déroulera dans un réel esprit sportif malgré l'enjeu de taille et qu'aucun joueur ne se sera fait acheter. Ce qui s'est passé est déplorable et la Justice comme l'Union belge de football devront sanctionner ces comportements. Le disciplinaire relève de la fédération concernée mais les faits de corruption dans le secteur privé sont dorénavant pénalement punissables et seront sanctionnés par la Justice. La juge d'instruction chargée de l'affaire aborde ce dossier avec sérieux en inculpant divers acteurs de cette mauvaise pièce. Après une décision de la Chambre du conseil, ils seront renvoyés devant le tribunal correctionnel concerné. J'espère que le principal instigateur qui se trouve sous des cieux lointains pourra lui aussi être jugé aux côtés des autres qui ont participé à cette mauvaise farce qui a écoeuré une partie de notre population, et plus particulièrement ceux qui attachent une grande valeur au sport.
Ce n'est pas parce que des faits de violence touchent des jeunes que tous les jeunes sont violents. Il ne s'agit que d'une minorité et, fort heureusement, tous nos matchs de football ne se transforment pas en ring de boxe! À côté du problème de société que je viens d'évoquer, l'argent a évidemment joué un rôle.
Les actes de corruption sont liés à des gains illicites.
Il faut dire que les montants engagés dans certaines compétitions font rêver, comme l’Euro Millions d'ailleurs. Les transferts de joueurs portant sur plusieurs dizaines de millions d’euros donnent un bien mauvais signal. Le football est devenu une entreprise commerciale qui échappe totalement au contrôle de la Communauté française. L’Union belge de football et l’ensemble des clubs sont des sociétés commerciales qui peuvent être déclarées en faillite par un tribunal de commerce. Ils ne perçoivent pas la moindre subvention de la Communauté française. L’Union belge de football n’a pas demandé sa reconnaissance par la Communauté française au même titre que le volley, le tennis ou certains arts martiaux. Le football est par nature une structure commerciale, totalement indépendante, qui vise la réalisation de profits au travers d’activités sportives. Son contrôle est principalement assuré par les ministres fédéraux des Finances, des Affaires sociales ou de la Justice. Aussi longtemps que le football n'est pas reconnu par la Communauté, je n’ai pas le même pouvoir de contrôle que sur l’association Wallonie-Bruxelles de basket, où je pourrais exercer, en cas de comportements déviants, un pouvoir de contrôle et d'investigation puisque cette association est subventionnée.
Ce n'est cependant pas parce que les compétences se situent à un autre niveau de pouvoir qu'il faut mener la politique de l'autruche et déclarer que nous sommes impuissants. Il n’y a pas de message plus désastreux qu'un aveu de faiblesse du politique. Je suis d’accord avec vous, nous avons le devoir de réagir.
Je profite de cette occasion pour vous annoncer que nous allons lancer une campagne de sensibilisation à l’éthique sportive. Après accord de l’inspection des Finances, le premier marché par procédure négociée sans publicité relatif à la conception graphique a été lancé. Quatre sociétés ont été consultées. Selon les délais légaux, leurs offres doivent nous parvenir au plus tard le 15 mai 2006. Sur la base du rapport de l’administration des Sports, nous pourrons attribuer ce marché et choisir le logo de la campagne.
Nous lancerons ensuite le second marché, constitué de deux lots : le premier pour sélectionner un imprimeur, le second pour choisir le fournisseur du support promotionnel destiné à véhiculer le message à l’attention des fédérations sportives, des clubs, des écoles et des établissements de formation des professeurs en éducation physique, pour les sensibiliser à l’éthique sportive, au fair-play, au respect de l’arbitre et de l’intégrité de l’adversaire.
Cette campagne relative à la promotion des valeurs éthiques et du fair-play sera lancée à la prochaine rentrée scolaire, dans le courant du troisième trimestre ou, au plus tard, à la mi-octobre 2006. Par ce biais, nous souhaitons sensibiliser l’ensemble du monde de l’école au respect de ces valeurs. Par la même occasion, mes collègues chargées de l’éducation (Enseignement obligatoire et Enseignement supérieur) seront sensibilisées à cette campagne intitulée Éthique dans le sport.
Il est essentiel que l’éthique sportive figure dans les cours dispensés aux futurs régents en éducation physique. Cette matière est de la compétence de Mme Simonet mais je relaierai à son intention le message : les futurs licenciés et régents en éducation physique doivent recevoir une formation à l’éthique et au fair-play dans le sport.
Des cours spécifiques liés à l’éthique sportive sont dispensés actuellement, les certifications en tiennent compte. Les cours dispensés par l’Adeps comprennent notamment les règles rudimentaires du jeu, le respect de l’autre et du corps arbitral, la sécurité pendant les entraînements et les compétitions, les premiers soins, la méthodologie de base pour un comportement fair-play et la lutte contre le dopage.
En ce qui concerne les dix recommandations de la résolution relative à la lutte contre la violence, la haine et la xénophobie dans le sport, je rappelle que la Communauté française s’inscrit dans cette politique. Un budget de deux cent vingt-cinq mille euros a été consacré à l’éthique dans le sport (division organique 2633.1035). Ce budget servira aussi à financer la campagne d’éthique dont je vous parlais dans le cadre de ce marché.
Les dérives racistes, antisémites et xénophobes dans le sport, professionnel ou amateur, sont inadmissibles. Le Centre pour l’égalité des chances accomplit un travail remarquable. Chaque fois qu’il a connaissance de pratiques racistes ou xénophobes dans le sport, il n’hésite pas à en délibérer en conseil d’administration, mais aussi à porter plainte et même à se constituer partie civile, en fonction de la gravité des faits. C’est d'ailleurs à son initiative que le président à vie du Front national a été condamné hier par la Cour d’appel de Bruxelles à une peine d’inéligibilité de dix ans et à des centaines d’heures de travaux d’intérêt général dans une institution s’occupant de l’intégration des étrangers et de la lutte contre le racisme. Ce sera certainement un travail plus productif que ce que ce personnage a fourni au parlement où on ne l’a jamais vu s’exprimer dans une commission ou dans un débat ! Le Centre pour l’égalité des chances doit être un acteur dans ce domaine, c'est la mission que lui a confiée le législateur fédéral. Chaque fois que l'un ou l'autre – fédération sportive, parlementaire, ministre – a connaissances d’actes racistes ou xénophobes, le Centre doit en être avisé. Il dispose d’une batterie d’avocats qui engagent systématiquement les procédures judiciaires, au pénal ou au civil, devant les juridictions compétentes.
Je suis favorable à la proposition visant à encourager les arbitres à mettre fin à toute rencontre lors de faits de violence ou d’intolérance. Je ne peux qu’encourager les fédérations sportives à prendre cette décision. Je réunis tous les deux mois les fédérations sportives et, lors de la prochaine réunion qui aura lieu au Moulin de Beez en juin, je leur demanderai de décider, pour le prochain championnat, d'arrêter le match si des faits de violence sont constatés et de faire sanctionner les auteurs des troubles. Si les deux clubs ont participé à la violence, ils doivent tous deux être sanctionnés. Les voyous n’ont pas leur place dans les compétitions sportives.
Pour la troisième année consécutive, nous organisons le prix de l’éthique dans le sport. En 2004, ce prix a été accordé à l’asbl Inser’action située dans le quartier du Botanique. Cette association a mis sur pied une école de natation pour enfants défavorisés. En 2005, c’est Arnaud Duquesne, pongistede haut niveau handicapé de 22 ans qui l’a reçu. Il travaille bénévolement dans sa commune, à Koekelberg, à l’intégration par le sport de jeunes issus de quartiers défavorisés. C’est un exemple remarquable pour la jeunesse.
La sensibilisation des médias contre la diffusion d’images à caractère violent ou raciste relève de la compétence de la ministre de l’Audiovisuel. Je ne manquerai pas de lui transmettre votre préoccupation. En sa qualité de ministre de l’Intérieur, M. Dewael est compétent pour la sécurité dans les stades. Il a l’autorité sur les forces de l’ordre qui peuvent mettre en place des mesures de sécurité lors des compétitions importantes. Ces mesures peuvent viser les attitudes haineuses, racistes ou violentes.
Les caméras installées dans les stades de football permettent d’identifier de plus en plus d’auteurs d’actes de violence. J’ai personnellement pu le constater et je m’en réjouis. Parfois quinze jours après les faits, des personnes ont été convoquées par la police communale pour avoir participé à une rixe de supporters de deux équipes de D1. Les faits s’étaient déroulés à 100 kilomètres de là. Les images ont été montrées aux auteurs supposés et ils ont dû en répondre. Les enregistrements d’images font l’objet d’un suivi, c’est une obligation que le ministère de l’Intérieur a imposée, avec raison, aux clubs de D1. Les parquets, quant à eux, ont raison d’utiliser ces images pour identifier les auteurs d’actes gratuits de violence.
Récemment, des supporters du club de Bruges ont été condamnés à de lourdes peines pour leurs propos et actes racistes lors de la rencontre opposant le F.C. Bruges au club de Galatasaray au stade de Bruges. La Justice a suivi et a sanctionné ces débordements.
L’adaptation du décret du 26 avril 1999, qui fait actuellement l’objet de consultations, prendra en compte l’éthique, le fair-play et le contrôle antidopage. Lors de son examen en commission, vous pourrez déposer des amendements traduisant vos préoccupations. Je ne manquerai pas de les soutenir.
M. Philippe Fontaine (MR). – Je remercie le ministre de ces informations. Je partage votre analyse sur la banalisation de la violence. Les autorités, quel que soit leur niveau de pouvoir, ont eu tendance à ne pas réagir. Or, la théorie du « carreau cassé » est avérée : quand on laisse les choses en l’état, on encourage presque les auteurs à poursuivre.
Non, le football n’est pas pourri. Mais il est inquiétant que les modèles donnés à la jeunesse soient si peu respectueux d’un minimum d’éthique sportive. Si les modèles trichent, il ne faut pas s’attendre à ce que les jeunes se comportent autrement. Aujourd’hui, certaines figures peu scrupuleuses sont toujours en fonction dans le football. Au moment où nous allons créer un centre de formation pour sportifs de haut niveau, nous nous devons d’y réfléchir.
Vous avez spécifié les limites de vos compétences. Il est néanmoins important de rappeler aux fédérations sportives un certain nombre de valeurs. Il existe certes des enjeux économiques mais il ne faut pas oublier le fondement du sport : au-delà du spectacle ou de l’opération commerciale, il doit promouvoir des principes tels que la vie en société, la convivialité, le respect des autres et le dépassement de soi. Sinon, quel est l’intérêt du sport ?
Des faits de violence entament les grandes manifestations sportives depuis un certain nombre d’années. Aujourd’hui, comme l’a souligné M. Crucke, ce manque de fair-play et d’éthique touche les petits clubs. C’est préoccupant.
Même si le football n’est pas reconnu par la Communauté, celle-ci intervient dans les formations de l’Adeps, les humanités sportives ou les activités dans les écoles de l’enseignement fondamental. Le football reste le sport qui mobilise le plus. Il est donc utile de rappeler certains principes de base, notamment aux enseignants sportifs : le football doit rester un sport, pas une affaire ou un spectacle. J’attends avec impatience la campagne que vous annoncez pour la rentrée.
J’attends avec impatience la campagne que vous annoncez pour la rentrée. Si une campagne est un acte important, il n’est pas suffisant. Il y a des moments où il faut rappeler les grands principes, mais il faut aussi que cette action soit poursuivie et qu’on en mesure les impacts. S’il n’y a pas de suivi de cette campagne, on aura sans doute bonne conscience, mais l’efficacité n’en sera pas prouvée.
C’est vous que nous interpellons parce que vous êtes ministre des Sports, mais l’ensemble du gouvernement est concerné, de même que le gouvernement fédéral et, surtout, le gouvernement wallon, qui intervient dans le financement des infrastructures sportives. Tout le monde doit contribuer à cet effort, aussi bien les parlementaires, que les ministres, les enseignants les dirigeants de clubs sportifs et tous ceux dont le rôle est de faire en sorte que le sport redevienne ce qu’il doit être, à savoir une école de tolérance, de fair-play et de dépassement de soi. Le travail sera sans doute long car l’ambiance générale de notre société n’y est pas favorable, mais c’est par des activités sportives qu’on peut faire changer les choses. C’est en tout cas l’avis des animateurs de rue et des éducateurs qui s’occupent d’enfants issus de milieux défavorisés. Si le manque de fair-play s’installait là aussi, nous aurions tout raté.
Je resterai attentif à ce sujet et notamment à la mise en application de la résolution du parlement.
M. Jean-Luc Crucke (MR). – Ce dossier est difficile parce qu’il touche à l’humain. Jeunesse n’est pas synonyme de violence. Une minorité de jeunes sont violents. Des sanctions sont sans doute nécessaires dans certains cas, mais il faut surtout les écouter.
La réaction de certains jeunes devant les événements qui se sont produits à la gare centrale a été exemplaire et nous a fort agréablement surpris. Ces adolescents ont une réelle maturité, qui provient en partie de leur éducation.
Il ne faut pas vouloir toujours tout classer. Les choses ne sont pas toujours entièrement bonnes ou mauvaises. Hier soir, je regardais avec mon fils le match de football entre Milan et Barcelone. Il m’a demandé quelle équipe je supportais. Je lui ai répondu que ce n’était pas là l’important, mais bien de voir un beau match. Et j’ai vu un beau match parce que les joueurs avaient du talent. Quand les gens ont du talent, ils ont aussi de la tolérance et du respect d’autrui.
C’est dans cet esprit que nous devons travailler.
Plus nous créerons de talents, moins il y aura de casse.
La meilleure leçon de tolérance consiste sans doute à comprendre celui qui a raison lorsque l’on se trouve en tort.

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