lundi 19 février 2007

Dopage en Communauté française. Interpellation de JL Crucke à Claude Eerdekens

Interpellations jointes de M. Jean-Luc Crucke à M. Claude Eerdekens, ministre de la Fonction publique et des Sports, relative au « dopage en Communauté française »,
de Mme Isabelle Lissens à M. Claude Eerdekens, ministre de la Fonction publique et des Sports, sur « les derniers chiffres du dopage en Communauté française » (Article 59 du règlement)

M. Jean-Luc Crucke (MR). – Je voudrais vous parler d'un sujet qui, je l'espère, ne fera pas l'actualité des Jeux olympiques de Turin. En effet, dès que l'on entame une compétition sportive d'une certaine ampleur, on parle malheureusement de drogue. Sport et dopage sont devenus deux vocables liés ! En tous cas, ces jeux n'avaient pas encore commencé que l'on avait déjà abordé le débat du dopage. La législation italienne et le code mondial antidopage de l'AMA ne sont pas sur la même longueur d'ondes.
D'une part, la législation italienne est fort restrictive et sévère puisqu'en Italie, on va jusqu'à emprisonner un sportif qui a triché. D'autre part, le code mondial se base sur une autre philosophie ; il laisse souvent penser que l'on préfère laver son linge sale en famille. Toutefois, comme toujours, un compromis a été trouvé. Mais, à peine était-il signé que l'on annonçait que huit fondeurs, dont une Française, étaient mis au repos pour quelques jours à cause d'un taux d'hématocrite trop élevé. Ils pourront ensuite prendre part à la compétition. Selon le président du comité olympique italien, l'élément le plus propre lors de ces jeux sera la neige… Ce genre de déclaration est assez exemplatif du dossier !
On a annoncé que le nombre de contrôles sportifs effectués en Communauté française a diminué de 1,4 %.
Mais, à y regarder un peu plus loin, et pour paraphraser le Dr Delooze de la cellule anti-dopage, il ne faut pas crier victoire trop tôt et cela pour plusieurs raisons. Premièrement, on est effectivement passé de 7,8 % à 6,4 %, et à 4,4 % en Flandre, mais cela s’explique peut-être par le fait qu’on n’ait pas affaire aux mêmes catégories de sportifs. En 2005, 80 % des contrôles ont été réalisés parmi des sportifs de haut niveau, et à l’inverse, en 2004, parmi les amateurs. Nous devons donc relativiser ces chiffres. Cependant, nous ne savons pas ce que cache la forêt ! Les sportifs de haut niveau sont-ils plus dopés que les amateurs ou est-ce l’inverse ? Je ne sais pas ! L’expérience nous montre que des produits dangereux sont utilisés par le commun des mortels pratiquant un sport. Le Dr Delooze souligne aussi que le nombre de contrôles pose problème. De 2004 à 2005, ils ont diminué de 25 %, passant de 1 173 à 984.
Dès lors, j’aimerais savoir comment se passent ces contrôles. Quels sont les critères retenus par l’administration de la Communauté française ? Quelles en sont les fréquences et comment expliquer cette diminution de 25 % ? Même si les budgets n’ont pas été augmentés, cela ne s’explique pas. De plus, comment justifier ces priorités ? Y a-t-il réellement une politique de priorité en fonction d’éléments identifiés et individualisés sur le terrain ou des analyses des experts ? Il s’agit de comprendre la logique qui sous-tend ces tests afin de pouvoir interpréter les conclusions correctement.
Par ailleurs, monsieur le ministre, il est clair que la Communauté française ne fera pas à elle seule la révolution dans le domaine du dopage. Nous ne sommes pas les seuls à être confrontés à cette difficulté. Le problème est mondial. Ce sont des mafias transfrontalières qui détiennent ces produits, que nous ne pouvons pas détecter immédiatement quand ils se retrouvent sur le marché. Ces conglomérats sont vraiment dangereux.
Une réponse a été donnée, en partie du moins, lors de la 33ème session de la Conférence générale de l’Unesco où une convention internationale contre le dopage a été signée le 20 octobre 2005. Cette convention a le mérite de donner un cadre légal et harmonisé pour l’ensemble des pays qui la ratifieront. C’est donc une avancée sur le plan intellectuel. Par ailleurs, cette convention incite les États à prévenir, à former et à éduquer les jeunes contre ce fléau. Néanmoins, pour que cette convention entre en vigueur, il faut que les États la ratifient. Nous avions été informés que 30 États étaient prêts à le faire avant les Jeux olympiques. Nous espérions dès lors pouvoir utiliser cet instrument juridique. Actuellement, ce n’est toujours pas le cas. Où en sommes-nous dans le processus de ratification par rapport aux pays qui s’étaient engagés à le faire ?
Un débat intéressant sur le dopage a eu lieu au Sénat. La lecture des documents donne vraiment matière à réflexion. Le 23 novembre 2005, vous disiez qu’il était plus que temps que les trois communautés trouvent des solutions pour harmoniser leurs législations afin d’éviter les situations kafkaïennes dues au fait que les pratiques et les sanctions diffèrent selon les régions. En Flandre, c’est la Communauté qui sanctionne. En Communauté française, ce sont les fédérations. Certains sportifs, tel Frank Vandenbroucke, pour ne pas le citer, peuvent concourir d’un côté de la frontière linguistique, mais pas de l’autre ! En Flandre, les dossiers sont systématiquement communiqués au parquet, ce qui n’est pas le cas en Communauté française, même si vous avez annoncé vouloir adopter ce système. Selon l’avis du Conseil d’État sur une proposition déposée par Mme Bertieaux, cette décision ne relève pas de la compétence de la Communauté française. Quoi qu’il en soit, les pratiques sont-elles à ce point différentes ? Dans l’affirmative, quelles en sont les conséquences ? Surtout, où en sommes-nous dans la discussion entre les Communautés ? Vous avez parlé d’un groupe qui devait être constitué. L’a-t-il été et, si oui, quel est le résultat de cette ébauche d’harmonisation ?
Quatrième élément, primordial à mes yeux : la prévention. La prévention, présente dans de nombreux domaines autres que le dopage, est un sujet un peu « tarte à la crème ». Force est pourtant de reconnaître qu’après une seule tentative réussie, il est souvent trop tard pour faire comprendre à l’intéressé le risque qu’il encourt. Je ne parle pas seulement du risque pour la santé, mais aussi de celui qui regarde les compétitions et la régularité des performances. Il suffit de braver une seule fois l’interdit pour ressentir un certain plaisir, puisque les résultats sont meilleurs. Le travail doit donc être fait en amont. Mieux vaut prévenir que guérir.
À cet égard, une campagne initiée par Mme Dupuis avait été menée en collaboration avec l’AISF : spots TV et radio, distribution de 10 000 brochures dans les fédérations… Quelles furent les suites de cette campagne ? La diffusion de cette brochure a-t-elle eu un impact sur le résultat des contrôles effectués ? Votre réaction à cette campagne avait été partiellement critique. La brochure sous-entendait qu’au-delà de certaines limites, on ne pouvait plus parler de sport. Pour ma part, c’est le cas dès que l’on se dope. Parler de « limites » était donc difficile à comprendre, en tout cas pour ceux qui pensent que le dopage doit être sanctionné.
Nous ne sommes pas détenteurs de la vérité universelle, monsieur le ministre, et j’entends de plus en plus souvent des discours favorables à la légalisation sur le dopage. Maître Misson, par exemple, est venu dire au Sénat qu’il fallait libéraliser le dopage, sous contrôle médical. Cela donne quand même froid dans le dos… Dès qu’un sportif commence à utiliser ces produits, il ne faut pas s’attendre à ce que l’éthique soit respectée. Un dérapage risque d’en entraîner d’autres.
De nouvelles campagnes sont-elles envisagées ? Dans l’affirmative, à partir de quels critères et selon quelles modalités ? Quelles en seront les cibles : les sportifs de haut niveau, l’amateur ou encore « monsieur tout le monde » ? Comment y associer les sportifs ? C’est peut-être par ce biais-là qu’il faudrait sensibiliser le public au problème.
J’ai lu récemment une déclaration de Mme Christiane Ayotte, responsable du laboratoire antidopage de l’Institut national de recherche scientifique, à Laval, au Québec. Ce laboratoire est renommé, car la plupart des analyses – à l’échelon mondial – y sont effectuées. Je vous lis un extrait de cet article : « Les athlètes dopés sont déresponsabilisés. On ne leur dit pas ce qu’on leur injecte et
ils ne veulent pas le savoir. Parfois, ils sont âgés de vingt-sept ans et ils se laissent encore traiter comme des enfants par leur entraîneur et leur entourage ! Il faut que ça cesse. »
Nous connaissons tous des sportifs qui ne s’intéressent qu’à la seule performance. Ils donnent parfois l’impression de ne s’intéresser qu’à leur passion, sans tenir compte des autres aspects de la vie, pourtant indispensables pour atteindre un certain équilibre. Je voudrais savoir comment ce problème sera traité dans la prochaine campagne.
Les fédérations doivent également être conscientisées. Elles ne peuvent plus se réjouir de la réussite d’un de leurs membres, si ce résultat n’a pas été obtenu de manière éthique.
Les jeunes ont tendance à se laisser influencer par les autres membres du groupe qui ont fait l’expérience de produits ayant amélioré leurs performances. Il faut leur expliquer que choisir de ne pas se doper dépend de leur seule volonté.
Enfin, le monde de l’amateurisme fait appel aux mêmes produits dopants, sans contrôle, avec les risques que cette pratique fait courir à leur santé. Si les conséquences sanitaires représentent des montants importants, il en est de même des campagnes de contrôle antidopage.
Pour terminer, l’organisation même du sport n’est-elle pas pervertie au départ ? À tant rechercher la performance, ne risque-t-on pas d’aller trop loin ? Dans ces compétitions à répétition, les athlètes ne courent-ils pas inéluctablement le risque de se brûler les ailes ? Demander à un joueur de football de participer à des compétitions tout au long de l’année, en semaine et pendant le week-end, ne constitue-t-il pas un dérapage par rapport aux capacités d’un coeur humain ?
La grandeur de l’être humain, c’est de pouvoir se dépasser, mais c’est aussi sa faiblesse s’il le fait avec des moyens inappropriés. Nous ne devons pas en arriver à une situation où l’on ne croirait plus dans le vainqueur, où l’on mettrait en doute les résultats obtenus parce que plane un soupçon de dopage.
Mon propos n’a pas pour objectif d’être polémique. Mais j’estime qu’en dix-huit mois, les mesures prises contre le dopage ont été insuffisantes. Je sais que vous aimez le sport et que vous souhaitez faire avancer ce dossier, mais j’ai l’impression que la question du dopage n’est pas prise à bras-le-corps. Je vous demande de ne pas laisser le dopage prendre une longueur d’avance.
Mme Isabelle Lissens (MR). – Monsieur le président, je souhaite interroger le ministre sur les derniers chiffres du dopage en Communauté française.
Un très léger recul a été enregistré ; en un an, le nombre de contrôles antidopage positifs a diminué de 1,4 %, passant de 7,8 à 6,4 %. Ces résultats sont positifs mais doivent être considérés avec prudence. En effet, le ciblage des contrôles a été profondément modifié. À l’heure actuelle, ceux-ci concernent désormais 85% de sportifs de haut niveau et 15% d’amateurs. Cette proportion était inverse jusqu’en mai 2005. Le ciblage des contrôles étant différent, les résultats le sont également.
Par exemple, le nombre de cas positifs au cannabis est passé de 39 à 19. Le cannabis étant une drogue beaucoup plus utilisée par les sportifs amateurs, cette baisse peut s’expliquer par la diminution du nombre de contrôles effectués dans cette catégorie, mais elle peut également être liée au fait que les athlètes de haut niveau sont en général mieux informés en matière de dopage.
Monsieur le ministre, face à ces chiffres, vous avez déclaré que le budget consacré en 2006 à la lutte antidopage n’allait pas évoluer et qu’il allait rester le même qu’en 2005. Ne conviendrait-il pas, au contraire, de l’augmenter pour pouvoir effectuer davantage de contrôles ?
Vous avez également annoncé que vous souhaitiez organiser une rencontre avec les parquets de l’arrondissement de Liège pour assurer une meilleure coordination dans la lutte antidopage. Cette
rencontre a-t-elle déjà eu lieu ? Quels en ont été les résultats ? Des rencontres ont-elles été organisées dans d’autres arrondissements ?
Enfin, le nombre de contrôles antidopage effectués en 2005 a diminué par rapport à 2004, passant de 1 173 à 984. Cela me paraît incohérent étant donné que vous présentez la lutte antidopage comme un des objectifs majeurs de votre action.
M. Claude Eerdekens, ministre de la Fonction publique et des Sports. – Les moyens financiers alloués à la lutte contre le dopage au budget 2006 sont équivalents au budget 2005 mais nettement supérieurs à celui de 2004, à concurrence de 25 %. Cette augmentation non négligeable nous avait paru nécessaire.
Si je pouvais disposer d'un budget supérieur à celui qui existe actuellement, je serais le premier à vous proposer d'augmenter l'allocation budgétaire consacrée à la lutte contre le dopage. Mais à budget inchangé, je ne puis augmenter les dépenses et réduire en même temps les frais de fonctionnement de nos centres Adeps ou les subventions allouées aux fédérations sportives. Je dois m'en tenir au budget qui a été fixé, comme mes collègues du gouvernement. Pour chaque allocation budgétaire, la volonté de chacun serait de disposer de moyens beaucoup plus importants. Je prends à témoin Mme Fonck qui, comme moi, est confrontée quotidiennement aux mêmes réalités budgétaires.
Le nombre de contrôles est-il suffisant ? Il faut savoir qu'en réalisant mille contrôles en Communauté française, nous faisons mieux que la République française puisque ce grand pays de 62 millions d'habitants réalise 8 500 contrôles par an, soit un contrôle pour 7 300 sportifs, à comparer avec les 4 500 contrôles annuels effectués en Communauté française.
La diminution du nombre de contrôles enregistrée en 2005 résulte de la démission d'un médecin-contrôleur. Au terme d'une procédure de sélection, il a été pourvu au poste vacant à la mi-décembre 2005. Le cadre étant à nouveau complet, nous devrions être en mesure de réaliser un nombre de contrôles équivalent à celui de 2004.
Même si le décret ne le stipule pas, il est obligatoire d'avertir le parquet des faits de dopage constatés. Cette obligation figure à l'article 29 du Code d'instruction criminelle puisque tout officier de police judiciaire doit aviser le parquet des infractions qu'il constate. Or, les médecins-contrôleurs ont cette qualité d'officier de police judiciaire.
Sous la précédente législature, la règle était de conserver ces résultats et de ne pas les communiquer au parquet. Je me souviens avoir déjà expliqué cela à Mme Defraigne, qui m'avait interpellé à ce propos ; je lui avais dit que la loi fédérale prévoyant cette obligation, nous ne pouvions faire une redondance législative dans le décret. Par le biais d'une note verte, j'ai rappelé à l'administration que les médecins-contrôleurs devaient systématiquement en référer au parquet et qu'ils étaient tenus à l'instar des officiers de police judiciaire au secret professionnel.
Sur le plan administratif, ils relèvent de la Communauté française mais, sur le plan pénal, ils relèvent de l'autorité du procureur du Roi. Ils sont donc tenus de collaborer avec le juge d'instruction éventuellement désigné par le parquet. Dorénavant, ils agissent dans le strict respect du Code d'instruction criminelle.
J'en viens à l'attitude du ministère de la Justice. J'ai écrit à Mme Onkelinx pour lui faire part de la nécessité d'obtenir le concours des parquets dans la lutte contre le dopage. Une réunion s'est tenue au palais de justice de Liège le 13 janvier 2006 à l'initiative du substitut du procureur général ; les représentants des autres parquets de l'arrondissement judiciaire y étaient conviés. Des membres de l'administration et des membres de la cellule antidopage ont saisi cette opportunité pour faire le point avec le parquet sur la législation en vigueur en Communauté française. Les parquets, submergés de travail, n'étaient guère au fait de notre réglementation. L'échange d'informations s'est avéré fructueux.
Lors de cette réunion, à laquelle participait l'un de mes représentants, on a souligné qu'il était essentiel de s'attaquer au fléau de la distribution, de la vente et de la consommation dans de nombreuses salles de fitness de produits interdits dans le cadre de la lutte antidopage. Il n'y a pas lieu de généraliser mais il faut savoir qu'un certain nombre de salles de fitness sont le lieu de circulation de produits interdits. L'un de nos médecins contrôleurs qui voulait réaliser des contrôles dans une telle salle a été menacé de coups. Devant cette réaction violente, il a opté pour une retraite stratégique. Une telle situation est inadmissible. Lorsqu'un officier de police judiciaire se rend dans une salle de fitness pour y effectuer un contrôle, rien ni personne ne peut l'empêcher d'assumer sa mission. Le parquet a confirmé que lors de prochaines opérations, qui seront menées avec la discrétion d'usage, des forces de l'ordre seront, si nécessaire, aux côtés des médecins de la Communauté française pour la réalisation de ces contrôles.
En ce qui concerne les statistiques, en 2004, conformément à la politique de Mme Maréchal, on contrôlait les sportifs amateurs et non les professionnels. Je respecte ce choix personnel qui relevait de sa responsabilité ; elle estimait probablement que la santé de sportifs amateurs l'emportait sur celle des professionnels.
Mon avis étant un peu différent, j'ai suggéré en 2005 de réaliser 85 % des contrôles dans le sport de haut niveau et 15 % auprès des amateurs. Nous avons enregistré une diminution, ce qui est assez logique puisque les amateurs sont moins au courant des pratiques autorisées ou non que les professionnels. Ces derniers, mieux informés, passent plus facilement au travers des mailles du filet.
Il faut aussi savoir qu'une drogue douce comme le haschisch fait partie des produits interdits. Le code de l'Agence mondiale antidopage interdit l'usage de ce produit que de nombreux jeunes utilisent à des fins récréatives et non pour améliorer leurs performances. Dès qu’une telle drogue est détectée dans un contrôle antidopage, celui-ci est réputé positif et le sportif doit être sanctionné. Or, dans le monde du sport amateur, il est des jeunes qui pratiquent un sport mais qui, comme d'autres jeunes, fument aussi parfois un joint. Par ailleurs, les traces laissées par l'utilisation de ce type de produit subsistent pendant six semaines. L'une des explications de la diminution sensible de la détection des produits tels que le haschisch ou d'autres stupéfiants est apparemment à rechercher dans le fait que les sportifs professionnels les utilisent moins que les amateurs.
Une autre explication est que les sportifs professionnels sont très au courant des exemptions thérapeutiques. La réglementation admet l'utilisation de produits interdits sous certaines conditions. Un athlète malade peut être amené à prendre pour se soigner des médicaments comportant des produits interdits, dans des quantités interdites. Cependant, on considère qu'il y a exemption dès que le sportif professionnel peut faire justifier par son médecin personnel et par celui de sa fédération qu'il est réellement atteint de telle maladie et qu'il se soigne en prenant tel ou tel médicament dont on a retrouvé des traces raisonnables lors du contrôle.
Tout cela figure dans la réglementation, même au niveau mondial. Je me souviens d’un footballeur bien connu souffrant du dos qui, bien que contrôlé positivement, n’a pas été considéré comme dopé parce que le produit était la conséquence du traitement auquel il était soumis.
Voilà qui peut expliquer la diminution constatée : d’une part, moins de drogues récréatives et, d’autre part, les exemptions thérapeutiques utilisées par les sportifs professionnels. Par contre, les joueurs des divisions inférieures qui, par exemple, se soignent pour une bronchite, ne bénéficient pas d’exemption thérapeutique et peuvent donc être contrôlés positifs.
En 2006, j’ai fait le choix de ne contrôler que les professionnels. Cela ne veut pas dire que l’on ne recommencera pas à contrôler les amateurs en 2007.
Comment choisit-on les disciplines ? J’ai tenu à ce qu’il n’y ait pas d’injonctions positives ou négatives l’égard de la cellule antidopage. Je souhaite que cette cellule, composée de médecins et de médecins-inspecteurs ayant la qualité d’officier de police judiciaire, puisse travailler en toute
indépendance. Je le répète, je ne désire pas interférer dans le fonctionnement de la cellule, mais je souhaite toutefois pouvoir bénéficier a posteriori des renseignements statistiques.
Pour répondre à M. Crucke, la convention internationale contre le dopage a effectivement été adoptée en Paris en octobre dernier. C’est un pas important dans la bonne direction. Ce texte doit encore être ratifié par trente États pour sortir ses effets. En Belgique, cette ratification s’avère malheureusement plus compliquée parce que nous sommes un État fédéral et qu’une collaboration doit exister entre l’État fédéral et les communautés.
Sur le plan technique, la situation est assez complexe. Les Relations extérieures fédérales reçoivent le texte à approuver qui est ensuite transmis aux communautés qui doivent le ratifier par un vote au parlement. Le membre du gouvernement chargé de ce dossier à la Communauté française est Mme Simonet en sa qualité de ministre des Relations extérieures. J’ai donc demandé à cette dernière de réserver la meilleure suite à cette ratification et ne manquerai pas de lui rappeler, comme j’ai déjà eu l’occasion de le faire en décembre 2005, l’importance de ce dossier pour le monde du sport.
M. Crucke pense qu’il serait bon d’avoir un système unique en Belgique. Je partage son avis, à savoir qu’il faudrait une politique commune aux trois communautés. Cependant, il s’agit d’une matière communautarisée. Chaque communauté devrait donc adopter un décret identique. Je reconnais qu’il est un peu ridicule d’avoir en Flandre un système différent de celui en vigueur en Communauté française ou en Communauté germanophone. Une réunion des trois ministres communautaires s’est tenue à ce propos au cours de laquelle j’ai défendu l’idée d’un texte commun.
Une nouvelle réunion des trois gouvernements, de leurs ministres concernés et de leur administration se tiendra à la mi-mars prochaine. L’essentiel pour moi est d’arriver à un texte commun. Je ne sais pas si cela sera possible dans la mesure où la conception dans le Nord du pays est différente de celle en vigueur en Communauté française et en Communauté germanophone. Je me plais à louer la qualité des contacts que j’ai pu avoir avec ma collègue, Mme Rijkmans. Nous sommes sur la même longueur d’onde. Ce qui a été débattu avec M. Anciaux, mon collègue néerlandophone, était loin d’être négatif. J’attends la matérialisation des bonnes intentions qui ont été annoncées. Si, dans le courant de cette année, nous pouvions voter dans les trois communautés un texte similaire, en s’inspirant de ce qui existe à l’Agence mondiale antidopage et de ce qui se trouve dans la convention adoptée à Paris à l’Unesco, nous irions dans la bonne direction.
Les campagnes de sensibilisation ont leurs qualités et leurs défauts. Mme Maréchal a organisé une campagne en 2004 mais qui a sorti ses effets en 2005. Je ne critiquerai pas cette campagne. J’ai souhaité organiser une nouvelle campagne. Un marché public sur l’éthique a été lancé, avec publication au Moniteur Belge. Deux firmes seulement ont présenté un projet. J’ai considéré, vu le budget présenté, qu’il était imprudent de s’engager dans la concrétisation de ces marchés assez coûteux, dans la mesure où je ne bénéficiais pas de garantie de qualité. J’ai préféré reporter la campagne. Nous lancerons donc un nouveau marché public dans le dernier trimestre 2006. Nous désirons rencontrer tous les objectifs de qualité pour mener cette campagne éthique.
Il est évident que la prévention est importante et que les campagnes de sensibilisation ont un rôle à jouer. Parallèlement, il faut mener des campagnes de répression. Comme je l’ai dit à Mme Lissens, il est important que les parquets jouent leur rôle. Les sanctions pénales ne relèvent pas de la Communauté française, mais exclusivement du pouvoir judiciaire. Les sanctions « sportives » ne relèvent pas de la Communauté française, mais des fédérations.
Lors d’une nouvelle réunion prévue le 10 mars, avec l’ensemble des fédérations que je verrai pour la sixième fois, je plaiderai pour une mutualisation de la lutte contre le dopage au niveau des fédérations. Les grosses fédérations, comme celles du basket ou du tennis, sont armées pour traiter des dossiers de sportifs contrôlés positifs et convaincus de dopage. Les petites fédérations de mille ou deux mille membres sont assez désarmées pour faire face à des batteries d’avocats qui accompagnent les sportifs convaincus de dopage.
Avec M. Zintz, vice-président du COIB, j’ai examiné la possibilité d’une mutualisation des services au sein des fédérations afin de les rendre plus performantes dans la lutte contre le dopage. Je tiens aussi à signaler que les fédérations auxquelles j’ai présenté la cellule antidopage de la Communauté française, me paraissent vouloir tenter d’éradiquer ce fléau. Cependant, comme vous le savez, la technologie avance parfois plus vite que les textes de prévention ou de répression. Par rapport aux laboratoires et aux chercheurs, nous sommes parfois en retard d’une ou deux années. On découvre aujourd’hui des produits qui seront interdits dans deux ou trois ans mais qui, pendant un certain temps, ont offert à des sportifs la possibilité d’obtenir, de façon inadmissible, des résultats qu’ils n’auraient pas eus sans cette supercherie.
Nous sommes très attentifs au problème, mais il faut reconnaître que le domaine est extrêmement complexe et a des ramifications sur le plan international. La Communauté française est déterminée et volontaire, mais consciente qu’avec 4 400 000 habitants, par rapport aux six milliards d’habitants de la planète, et face au fléau international, notre pierre apportée à l’édifice est petite. Nous souhaitons cependant contribuer à un édifice solide.
M. Jean-Luc Crucke (MR). – Il est vrai que le budget a crû entre 2004 et 2005 mais, vous l'avouerez, monsieur le ministre, cette augmentation, même si elle représente 25 %, reste pelliculaire en comparaison des 7 milliards de l'ensemble du budget de la Communauté française. Je crains que ces quelques moyens supplémentaires ne nous permettent pas d'être beaucoup plus efficaces dans le contrôle.
Tout est une question de choix de stratégies. Vous avez comparé votre situation à celle de la France. Si nous ne disposons pas des moyens nécessaires à des contrôles efficaces, nous devons peut-être privilégier la prévention. C'est un choix qui vous appartient.
Vous avez par ailleurs parlé de la collaboration avec le parquet. Nous ne pouvons que nous en réjouir. Si j'insiste tant sur l'harmonisation des législations, à laquelle je vous sais favorable, c'est parce qu'il extrêmement difficile pour un parquet unique, même s'il est organisé par arrondissements judiciaires, d'appliquer des législations différentes, particulièrement à Bruxelles qui est souvent le théâtre de manifestations internationales. Cette coexistence de législations différentes est une difficulté supplémentaire.
Quant aux contrôles, vous dites que vous ne tenez pas à savoir de quelle manière ils sont exercés. Je peux le comprendre. Il me paraît toutefois important de pouvoir décortiquer a posteriori la manière dont la cellule antidopage a travaillé. La cellule antidopage pourrait en tirer des enseignements pour l'avenir.
Enfin, je note que la Convention internationale contre le dopage aura rapidement franchi le cap de la commission des Relations internationales. Le texte relatif au patrimoine immatériel a eu plus de chance que celui qui concerne le sport puisque, grâce notamment au concours de l'opposition dont un membre préside cette commission, il a pu être examiné rapidement et efficacement. J'espère donc que l'on fera encore appel à notre soutien pour que la Convention contre le dopage puisse être adoptée rapidement car il s'agit d'un outil important pour des contrôles antidopage performants à l'avenir.
Mme Isabelle Lissens (MR). – Sur les moyens financiers, j'ai envie de vous dire, monsieur le ministre, qu'il faut se donner les moyens de ses ambitions. Il est dommage que le budget n'ait pu être augmenté, ce qui impose une sélection des objectifs. Comme l'a dit M. Crucke, il faut inévitablement faire des choix stratégiques et certains domaines sont donc favorisés au détriment d'autres.
Vous dites que la diminution du nombre de contrôles est la conséquence de la démission d'un médecin. J'en prends acte. Nous verrons si les contrôles pourront être renforcés en 2006.
Quant aux réunions avec le parquet, je ne peux que vous encourager à les perpétuer car il est important, surtout dans ce domaine, que toutes les parties poursuivent des objectifs communs.
M. le président. – Les incidents sont clos.

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