lundi 26 novembre 2007

Construction :Lutte contre la fraude fiscale QR

Chambre,nov 2008

02 Question de M. Jean-Luc Crucke au secrétaire d'État à la Coordination de la lutte contre la fraude, adjoint au premier ministre, et secrétaire d'État, adjoint au ministre de la Justice sur "la fraude dans le secteur de la construction" (n° 8617)
02.01 Jean-Luc Crucke (MR): Monsieur le président, monsieur le ministre, il y a peu, vous annonciez votre intention de lutter contre la fraude fiscale dans le secteur de la construction.
Un groupe de travail a été mis sur pied, réunissant des fonctionnaires de l'ONSS, de la Banque-Carrefour de la Sécurité sociale, de l'ONEM et des Finances pour lutter tant contre le travail au noir, les abus en matière de chômage - le fameux formulaire C 32.A -, les sociétés dormantes et le détachement de travailleurs étrangers. Excusez du peu, cela fait pas mal de sujets!

Face à ce genre de mission, il me paraît opportun de pouvoir disposer dès le départ d'une espèce de tableau de bord à suivre. Aujourd'hui, en fonction des éléments en votre possession et de l'état d'avancement du dossier, que peut-on dresser comme bilan? Quelles sont les pertes budgétaires estimées pour l'État?


Pouvez-vous préciser la mission mais aussi le délai dans lequel le groupe de travail devra rendre son rapport? Ce même groupe de travail peut-il utiliser ou faire référence à ce que l'on appelle l'expertise universitaire? En effet, pas mal d'études ont été réalises dans le monde universitaire. Il serait, par conséquent, intéressant de croiser les informations.

Les partenaires sociaux seront-ils associés à l'analyse ou du moins entendus dans le cadre de ce dossier? Je pense que, pour une fois, ils sont sur la même longueur d'ondes, qu'il s'agisse du patronat ou des syndicats car ils ont tout intérêt çà ce que la fraude en la matière soit maîtrisée le plus rapidement possible.



02.02 Carl Devlies, secrétaire d'État: Monsieur le président, cher collègue, je peux vous confirmer qu'un groupe de travail "construction" a été créé l'été dernier à mon initiative. Ce groupe de travail est composé, d'une part, de fonctionnaires dirigeants de la Banque-Carrefour de la Sécurité sociale, de l'Office national de sécurité sociale, du service d'information et de recherche sociales, de l'Office national de l'Emploi et des Finances et, d'autre part, des représentants des cabinets compétents. Sa création répondait à la demande du secteur lui-même qui est confronté à une concurrence déloyale engendrée par la fraude.



Parallèlement, des contacts ont été établis avec les organisations d'employeurs et de travailleurs.

Il est impossible de chiffrer l'ampleur de la fraude dans le secteur de la construction ou dans d'autres secteurs et le dommage qu'elle cause aux pouvoirs publics.

Dans la littérature, on trouve les données les plus disparates en ce qui concerne l'ampleur de la fraude sociale, tant sur un plan global que sur un plan sectoriel. Cela est dû à un manque d'outillage conceptuel uniforme. Selon l'étude du professeur Pacolet, la fraude sociale s'élèverait à 3 milliards d'euros. Une étude de l'Institut des comptes nationaux de 2003 estimait la fraude fiscale et sociale à 5 à 6 milliards d'euros. À mon avis, ces estimations sont réalistes. Il s'agit de montants importants.



Afin de parvenir à une meilleure image de la fraude sociale, le service d'information et de recherche sociales (le SIRS) a pris l'initiative d'obtenir, à l'aide d'un échantillonnage établi sur une base scientifique, une image de l'ampleur et de la nature de la fraude dans un secteur.



Je désire mettre l'accent sur le fait que notre priorité n'est pas tant la détermination de l'importance de la fraude que la lutte effective contre la fraude organisée, contre l'utilisation abusive du chômage temporaire, contre les abus en matière de détachement, ce grâce à une approche syndicale continue et coordonnée avec tous les acteurs concernés.



Le groupe de travail a été créé en marge du Collège pour la lutte contre la fraude fiscale et sociale et est axé sur un secteur, à savoir le secteur de la construction traditionnellement connu comme étant sensible en matière de fraude.



L'objectif est de travailler à une approche structurelle au-delà des limites départementales et institutionnelles.



Les mesures suivantes sont envisagées.

- La carte C3.2.A, qui est un formulaire existant utilisé dans le cadre du chômage temporaire: l'ouvrier du chantier devra la remplir quotidiennement. Si la carte n'est pas remplie complètement à partir du premier jour, tant l'employeur que l'employé peuvent être sanctionnés. Cette mesure doit permettre un meilleur contrôle des présences sur le chantier et, par conséquent de réfréner les abus liés au chômage temporaire.



- Plus de rapidité de réaction face aux abus liés notamment aux sociétés dormantes. Ainsi, les entrepreneurs qui ont des dettes sociales seront repris plus rapidement que maintenant sur le site internet de l'ONSS, avec obligation de retenue.



- Augmentation du nombre de contrôles, également en dehors des heures de travail habituelles. En comparaison avec 2008, les services d'inspection sociale devront effectuer 1.000 contrôles de plus dans tous les secteurs. Environ 35% de ces contrôles supplémentaires auront lieu dans le secteur du bâtiment.



- Les services d'inspection vont également mieux coopérer
. Les services de l'inspection sociale effectueront des contrôles plus ciblés sur les routes en collaboration avec les services de police et les services douaniers; par exemple, le contrôle des camionnettes.



- Utilisation et traitement de la banque de données OASIS
. Les services d'inspection sociale devront davantage utiliser et traiter les données issues de cette banque de données OASIS de la sécurité sociale afin de pouvoir effectuer des contrôles plus ciblés sur base d'indicateurs de fraude potentielle concernant, entre autres, le chômage temporaire.



Les procédures qui doivent être suivies en matière de concertation sociale sont bien évidemment respectées. Par exemple, l'obligation de compléter quotidiennement la carte C.3.2.A a été soumise au comité paritaire pour la construction, qui a émis un avis unanime. En marge de ce groupe de travail, des contacts ont lieu tant avec les organisations d'employeurs qu'avec celles des travailleurs.



Pour réaliser une politique de contrôle et de respect des règles efficace et effective, il faut que les mesures aient l'assentiment du secteur même.

Il n'est pas fait appel à des expertises externes telles que les universités. Il s'agit d'un groupe de travail composé de fonctionnaires dirigeants qui ont une bonne connaissance du terrain et qui disposent de l'expertise nécessaire pour élaborer des mesures concrètes en collaboration avec le SIRS et pour les mettre en exécution. Pour le futur, le but est de réunir ce groupe de travail lorsque la situation l'exige afin de pouvoir faire face rapidement à de nouveaux phénomènes de fraude.



Enfin, je voudrais souligner que ces mesures se rattachent à celles du plan d'action du Collège pour la lutte contre la fraude fiscale et sociale telles que:



- un contrôle efficace des nouveaux phénomènes de fraude tels que la vente de kits de faux documents (fiches de salaire, C4 et cartes SIS – point d'action 39);

- la lutte contre l'utilisation abusive de structures sociétaires, comme les sociétés dormantes (point d'action 26);

- l'introduction du PV électronique uniforme, ce qui accroîtra l'efficacité de la lutte contre la fraude sociale (point d'action 41);

- l'association des données de la banque de données DIMONA de l'ONSS aux banques de données des organismes de paiement pour pouvoir détecter de manière proactive, à la source et non pas ad hoc, le cumul non autorisé des allocations de chômage avec un travail (point d'action 51).

- l'optimalisation du recouvrement par le service de l'Enregistrement et des Domaines du SPF Finances des allocations de chômage injustement perçues (point d'action 19);

- l'échange structuré de données entre les services d'inspection sociale et l'ONSS en ce qui concerne les constatations effectuées lors des contrôles de chantiers, en ce compris les constatations de fraudes graves comme par exemple des employeurs fictifs ou la fraude en matière de chômage temporaire (point d'action 55);

- l'association des données de la banque de données LIMOSA et de la banque de données "déclaration de travaux" de l'ONSS (point d'action 56);

- l'association de certaines données du cadastre LIMOSA en ce qui concerne les entreprises de construction, avec les données dont dispose le fonds de sécurité d'existence des ouvriers de la construction dans le cadre du système des timbres fidélité et/ou intempéries (point d'action 56).



Comme la fraude s'internationalise de plus en plus, une lutte efficace requiert un renforcement de la collaboration internationale entre les services concernés belges et étrangers, en poursuivant la conclusion d'accords de coopération d'une durée indéterminée.



Je considère que la présidence belge de l'Union européenne en 2010 constitue une occasion unique pour mettre à l'ordre du jour le renforcement de la collaboration internationale dans le cadre de la lutte contre la fraude.



02.03 Jean-Luc Crucke (MR):
Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie pour votre réponse. Les chiffres cités prouvent l'ampleur du gouffre. Il est question de 3 à 6 milliards d'euros. D'une part, c'est une somme visiblement importante. D'autre part, que cache cette différence entre ces deux chiffres? C'est vous dire si, dans ce domaine-là, on manque de maîtrise!

Vous avez raison de prendre un certain nombre de mesures structurelles. Toutefois, outre ces mesures, il faut réellement une participation complète des forces sociales. Elles ont un intérêt commun. En effet, les "canards boiteux" pour ne pas dire "véreux" – ce qui serait plus correct – ne sont pas ceux que l'on voit dans le secteur. Ce ne sont pas les syndicats, les entrepreneurs que l'on côtoie ni la Fédération des entreprises. Ceux-ci ne demandent qu'une seule chose, c'est que l'entreprise fonctionne. Ce sont justement ceux que l'on ne voit pas!

Au vu des chiffres, l'augmentation des contrôles – j'ai entendu le nombre de 1.000 contrôles supplémentaires – reste selon moi une goutte d'eau dans l'océan. Une collaboration me semble indispensable à la réussite du plan.

Enfin, on dit toujours que le Belge a "une brique dans le ventre". Je pense que c'est vrai et, lorsque la construction va bien, tout va bien. Une des manières de sortir de la crise dans laquelle nous plongeons est peut-être de faire en sorte de créer de l'emploi, des entreprises par la construction de logements. Il est primordial que les aides de l'État aillent dans ce sens.



Je reviendrai sur le dossier lorsque nous aurons les conclusions de ce Comité d'étude car ce domaine offre encore vraiment un champ à explorer.



02.04 Carl Devlies, secrétaire d'État: Monsieur Crucke, le chiffre de 3 milliards d'euros provient du professeur Pacolet et concerne la fraude sociale tandis que le chiffre de 6 milliards d'euros provient de l'Institut national des Comptes et concerne la fraude en général, y compris la fraude fiscale.



Quant à vos deux autres remarques, je les partage également. Dans ma réponse, j'ai référé aux entretiens que j'ai eus avec les employeurs et les syndicats du secteur. Tous deux sont parties prenantes pour trouver des moyens pour lutter contre la fraude dans leur secteur. C'est d'ailleurs une solution face à la crise à laquelle le secteur sera confronté les prochains mois.

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