M. Jean-Luc Crucke au ministre de l'Intérieur sur "l'absence de contrôles policiers due à l'épuisement
La Chambre: Commission des Affaires intérieures -Mercredi 27 02 2008
02.01 Jean-Luc Crucke (MR): Monsieur le président, monsieur le ministre, un communiqué de l'agence Belga assez court mais précis nous apprenait que la police fédérale n'effectuerait plus de contrôles de vitesse ou d'alcoolémie supplémentaires au cours des prochaines semaines et ce, à cause de l'épuisement des moyens financiers et des nombreuses heures supplémentaires déjà prestées par les policiers.Si l'absence ou la diminution des contrôles de vitesse et d'alcoolémie doit faire plaisir à certains, c'est évidemment beaucoup plus insécurisant pour d'autres. En effet, lorsqu'il y a moins de contrôles, il y a souvent davantage de dégâts.
Monsieur le ministre, ce genre d'information inquiète et soulève de nombreuses questions. C'est la raison pour laquelle je m'adresse à vous aujourd'hui. À cela, s'ajoute l'information selon laquelle certains policiers se soumettraient eux-mêmes à l'alcotest car ils sont en sous-effectif. C'est évidemment plus facile que de devoir faire souffler d'autres personnes. J'ai pu lire dans votre communiqué qu'il y aurait enquête, ce qui peut-être est déjà une réponse à la question! Comment en est-on arrivé à un tel état d'esprit?
Monsieur le ministre, y aura-t-il réellement moins de contrôles de vitesse et d'alcoolémie pour des raisons purement budgétaires? Si tel était le cas, cela n'a, selon moi, pas à passer la rampe de l'information. En effet, la diffusion d'une telle information peut avoir de nombreuses conséquences. Peut-on imaginer que des mesures strictes seront prises pour rappeler aux autorités policières leurs obligations, c'est-à-dire faire respecter la loi et faire en sorte que les habitants de ce pays puissent être sécurisés par l'application de la loi?
Patrick Dewael, ministre (en néerlandais) : L'effectif du personnel de la police intégrée est passé de 44.777 personnes au 1er janvier 2003 à 47.960 personnes au 1er janvier 2008. Il s'agit d'une augmentation de 3183 unités, dont 2536 au sein de la police locale. Ces chiffres semblent en contradiction avec les nombreuses déclarations relatives au manque de personnel au sein de la police.
Indépendamment de l'augmentation des effectifs, nous avons pris des mesures au cours des années écoulées pour accroître la capacité d'engagement opérationnelle de l'effectif existant. En effet, une plainte avait été formulée en ce qui concerne la présence insuffisante de la police dans les rues. Le succès de ces mesures a souvent été lié à la manière dont les zones ont réagi. Le paradoxe est que malgré la présence accrue de policiers dans les rues, du personnel supplémentaire est demandé.
Cette demande peut en partie être expliquée par l'ambition accrue des chefs de corps, des bourgmestres et de la police fédérale. De nombreux bourgmestres souhaitent investir dans la sécurité et élargissent le cadre du personnel. La dotation fédérale aux zones de police permet de procéder à ces extensions de cadre. Les attentes à l'égard de la police fédérale sont plus élevées que par le passé. Il semblerait que ce soit le prix que nous payons pour le succès de la réforme de la police. De nombreuses zones se montrent toutefois enthousiastes. Lorsque l'on évoque les déficits, il faut les situer dans le contexte exact. L'effectif du personnel a augmenté, ce qui également le cas pour les attentes de la population.
(En français) Je comprends la demande de personnel supplémentaire et je suis sûr qu'il y aurait du travail pour celui-ci, mais jusqu'où faut-il aller ' Je ne pense pas qu'il faille un policier à chaque coin de rue.
(En néerlandais) La police doit également être protégée contre ces nouvelles attentes. Certaines demandes adressées à la police ne relèvent pas de son « core business ». La police a pour missions principales de faire appliquer la loi (« law enforcement ») et de lutter contre la criminalité (« crime fighting ») dans l'esprit de la police de proximité (« community policing »). C'est pourquoi nous nous efforçons de sensibiliser les autres acteurs, tels que les parquets, les sociétés de transports en commun, les éducateurs de rue et les indépendants. La police tend à établir un partenariat avec l'ensemble des acteurs. L'efficacité de la gestion ne se mesurera pas uniquement sur la base du nombre de policiers globalement recrutés mais sera également fonction de ces partenariats.
Lors du dernier conclave budgétaire, j'ai demandé qu'on recrute 1.350 agents au lieu de 1.150.
(En français) L'effort budgétaire s'élève à 50,8 millions d'euros pour le recrutement de treize cents policiers en 2008, répartis entre 36.850.000 euros pour le traitement et la tenue, 8.430.000 euros pour les subsides aux écoles de police et 5.500.000 pour les frais de fonctionnement et d'investissement.
(En néerlandais) Nous devrons bien tendu pouvoir maintenir cet effort de recrutement supplémentaire pendant quelques années. Compte tenu du nombre de départs naturels, de la nécessité de pallier les manques d'effectifs dans certaines zones et du renforcement de certains services de la police fédérale visant à concrétiser les ambitions du plan national de sécurité, nous devons maintenir ce chiffre de 1.350.
En principe, chaque recrue diplômée choisit de travailler à la police locale ou à la police fédérale mais, depuis l'arrêté royal dit 'Van Holsbeeck' de mars 2007, des mesures ont été prises pour les diriger prioritairement vers des zones structurellement déficitaires. La possibilité est ainsi offerte aux zones de recruter sur la base de moyens propres.
Certaines fonctions sont à ce point spécialisées qu'il est difficile de dénicher des candidats adéquats. Je citerai l'exemple de la cellule anti-terrorisme où il faut être non seulement expert internet mais encore connaître plusieurs langues étrangères, dont l'arabe. Nous devons donc recruter directement du personnel
spécialisé à l'extérieur ou organiser nos propres formations
Je suis convaincu que cette combinaison de mesures suffit à maintenir l'effectif policer à un niveau acceptable. Bien entendu, il y aura toujours des services et des groupements insatisfaits qui demanderont du personnel supplémentaire mais je n'ai pas l'intention de permettre que ce pays devienne un état policier.
Des questions ont également été posées à propos des déclarations d'un syndicat policier concernant la falsification des statistiques.
(En français) Il s'agit d'assertions défendues par un seul syndicat et contestées par d'autres syndicats et des chefs de sections locales de la police routière. Le commissaire général de la police fédérale s'est étonné de ces déclarations ; je partage sa surprise.
(En néerlandais) Si de telles pratiques devaient effectivement exister, une chose est claire: c'est totalement inadmissible car manifestement contraire à la déontologie du fonctionnaire de police. J'attends dès lors dans les meilleurs délais des explications à ce sujet de la part du commissaire général qui a demandé une enquête indépendante auprès de l'inspection générale.
Nous sommes régulièrement confrontés de nos jours à des déclarations sur les conséquences
catastrophiques des économies réalisées au niveau fédéral sur le budget de la police, histoire probablement de maintenir la pression au moment des discussions budgétaires. Je me distancie totalement de telles déclarations et j'attends les résultats de l'enquête.
En ce qui concerne la sécurité routière et la police fédérale de la route, il est très important d'avoir pu confectionner pour 2008 un budget dans le cadre duquel des efforts particuliers ont été consentis pour l'Intérieur et la Justice. M. Vandeurzen et moi-même avons pu obtenir chacun 50 millions d'euros supplémentaires.
Depuis la modification de la loi de 2005, la police de la route fédérale bénéficie des moyens du Fonds de la sécurité routière. Ces dernières années, elle a reçu de 3 à 4 millions d'euros supplémentaires. Cet argent lui a permis d'acquérir des véhicules et des appareillages supplémentaires et de payer les prestations supplémentaires ainsi que les heures de nuit. On saura dans les prochaines semaines si le système va subir des modifications structurelles mais je suis partisan d'une plus grande flexibilité dans l'affectation des moyens.
Nous allons examiner avec les partenaires de la commission de la sécurité routière la possibilité de mettre en oeuvre les recommandations des Etats généraux de la sécurité routière. Les efforts requis des différents services de police seront alors connus, de même que l'ampleur des moyens nécessaires à cet effet. Cet aspect sera ensuite encore discuté au cours d'une conférence interministérielle à laquelle je participerai ainsi que mon collègue de la Mobilité, avec une dizaine de ministres fédéraux et régionaux.
Les chiffres avancés par M. Geerts pour 2004 et 2006 concernent les heures/homme effectuées par les collaborateurs des postes routiers qui interceptent les véhiculent qui roulent trop vite et cherchent à repérer les automobilistes qui adoptent une conduite inappropriée.
Les chiffres pour 2007 sont comparables. La réduction de la capacité s'explique essentiellement par la réorientation en faveur de contrôles requérant la mise en oeuvre d'effectifs importants, tels les contrôles du transport routier. A la police de la route, des collaborateurs ayant bénéficié d'une formation spécifique procèdent aux contrôles de la vitesse. En 2007, ils ont consacré au déploiement de caméras mobiles 43.000 heures/homme, soit 4000 de plus que prévu.
La police de la route fédérale assume également des missions de sécurisation et de maintien de l'ordre public et apporte, sur demande, un appui spécialisé à la police locale pour l'escorte de transports exceptionnels et des interventions lors de courses cyclistes. Toutefois, la capacité à mettre en oeuvre dans le cadre de ces missions est réduite dans toute la mesure du possible.
Une amélioration comme une détérioration de la sécurité routière procèdent toujours de la combinaison d'un certain nombre de facteurs. Mais il est évident qu'il faut accroître le risque pour les contrevenants d'être pris sur le fait. Le déploiement de caméras numériques aura sans doute pour effet d'augmenter le nombre de contrôles de la vitesse en Belgique. Je fournirai par écrit les données demandées par MM. Van Hecke et Jambon à propos du nombre de contrôles et de victimes de la route.
02.10 Jean-Luc Crucke (MR) :
Jean-Luc Crucke (MR): Monsieur le président, je remercie le ministre pour sa réponse extrêmement détaillée.
À entendre certains syndicats, on peut penser à un phénomène que l'on connaît lors de certaines
manifestations, lorsqu'on cite un nombre différent de participants selon qu'on se trouve du côté des forces de police ou des syndicats. Les chiffres sont parfois à ce point différents qu'ils nécessitent une explication. Ici, nous avons affaire à un syndicat de police, ce qui complique les choses. Il faudrait affiner la réflexion.
Monsieur le ministre, je partage votre vision sur le fait qu'on ne peut mettre un policier à chaque coin de rue.
Les citoyens ne souhaitent pas avoir un État policier. Il est vrai que la politique de sécurité dépend aussi de
la manière dont elle est appliquée dans les zones. J'entends donc bien qu'il n'y a pas de diminution mais bien une augmentation.
Lorsqu'on tire comme conclusion qu'il n'y aura pas de tests d'alcoolémie ou de contrôles de vitesse supplémentaires, il convient de signaler qu'il y en a déjà plus qu'avant. Ce n'est pas une raison pour en accroître le nombre. Vous avez suffisamment développé cet aspect dans votre réponse.
Il faut être intransigeant par rapport aux comportements qui ont été dénoncés. On parle de statistiques falsifiées. Soit ce comportement existe, il est fautif et donc punissable dans le chef des responsables, soit il n'existe pas et ceux qui le prétendent sont tout aussi punissables car il s'agit d'une désinformation qui nuit à l'image de marque de la police. Je vous demanderais d'être très attentif à l'enquête menée par M. Koekelberg en la matière.
Libellés : effectifs de police, police transfrontalière, statistiques falsifiées
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