lundi 25 juin 2007

12 Question de M. Jean-Luc Crucke à la vice-première ministre et ministre de l'Emploi et de l'Égalité des chances sur "l'organisation d'une forme de c

Chambre, Juin 2008

12 Question de M. Jean-Luc Crucke à la vice-première ministre et ministre de l'Emploi et de l'Égalité des chances sur "l'organisation d'une forme de concurrence déloyale entre les travailleurs" (n° 6309)


12.01 Jean-Luc Crucke (MR): Madame la présidente, madame la ministre, depuis tout un temps déjà, je me bats avec cette convention de lutte contre la double imposition franco-belge. Je pense que chaque jour qui passe sans voir le vote de l'avenant est un jour où non seulement l'État perd beaucoup d'argent, mais où l'on crée des situations fortement discriminatoires entre travailleurs d'un même pays, voire de pays limitrophes comme la France et la Belgique dans ce cas.

Par le biais du journal français "La Voix du Nord", je suis tombé sur ce que je pressentais et redoutais: des sociétés intérimaires osent le pas de se rendre en France. En effet, la Maison de l'emploi de Roubaix a organisé une matinée d'information sur les métiers. En soi, rien à lui reprocher puisque c'est son objet social. Cependant, les métiers pour lesquels les emplois étaient ouverts étaient réservés aux soudeurs, conducteurs de machine, chefs de ligne, caristes, techniciens de maintenance. Donc divers métiers auxquels des Belges, travailleurs ou demandeurs d'emploi, pourraient sans doute répondre.

Dans ce cas, nous avons affaire à deux groupes d'intérim, Convert Intérim et Randstad Intérim, qui se rendent de l'autre côté de la frontière, mais ils auraient pourtant pu le faire également en Wallonie. Ils vantent le travail en Belgique; je cite: "Nous manquons de personnel flamand motivé. Ce matin, nous avons vu quelques personnes intéressantes. Les frontaliers ont beaucoup d'atouts chez nous: il y a du boulot et ils gagnent plus. Pour nous aussi, c'est un intérêt d'avoir des gens motivés. Nous sommes contents que l'ASSEDIC prévoit des formations et des cours de néerlandais pour mieux s'entendre".



Tout cela, nous le faisons déjà chez nous. Pourquoi alors faire quelques kilomètres de plus pour aller au-delà de la frontière?

L'article poursuit: "Un employé gagnera en moyenne 20% en plus". Et est alors mise en avant la convention franco-belge. Ainsi, ce que je dis craindre depuis un certain temps, c'est que se crée une forme de dumping à l'emploi.



Madame la ministre, j'aimerais entendre votre réaction à ce sujet: est-il normal d'afficher de tels procédés?



Madame la présidente, sans lire les journaux français, il est impossible de le savoir. Il a fallu qu'un tel journal me tombe sous la main par hasard. En fait, la frontière n'est pas imperméable et, de temps à autre, un volatile vient nous apporter une bonne ou une mauvaise nouvelle.



N'y a-t-il pas lieu, là aussi, de dire que la logique qui est celle de trouver de l'emploi vaut pour tout le monde, pour les travailleurs français comme pour les travailleurs belges? Ne pensez-vous pas que l'on installe là une forme de discrimination entre travailleurs? Celle-ci aura finalement d'autres conséquences. En effet, comme toujours, dans ce pays, on ne peut s'empêcher de conférer au dossier des relents communautaires. Sincèrement, je dois vous avouer que je me pose beaucoup de questions à cet égard. Je vous demande de faire en sorte d'appuyer l'avenant à cette convention. Je vous le dis sincèrement: au plus vite celui-ci passera, au mieux cela sera, même s'il nous faudra subir un certain nombre de différences pendant un laps de temps. Cependant, la règle doit être appliquée dans le futur.



J'en termine par ce même document, que je peux vous transmettre. On y pousse la perfidie jusqu'à dire aux gens de se dépêcher car, pour l'instant, c'est encore intéressant tant que l'avenant ne passe pas.



12.02 Joëlle Milquet, ministre: Cher collègue, vous n'avez pas pu convaincre certains autres ministres de tenter de modifier l'avenant à cette convention. Un accord avait été obtenu fin décembre au niveau belge afin de faire en sorte que ce système totalement discriminatoire et je partage tout à fait vos critiques à ce sujet, tombe pour le premier janvier 2009.



Je persiste à souhaiter que l'on puisse, à partire du 1er janvier 2009, reprendre des règles normales au niveau européen, c'est-à-dire une taxation au niveau du lieu de travail et non au niveau du domicile, cette dernière solution permettant de profiter d'avantages sociaux. Il est vrai que cela entraîne un avantage majeur pour les travailleurs français alors que nous avons des demandeurs d'emploi belges et que j'entends nombre de plaintes sur le nombre de demandeurs d'emploi, notamment wallons, et, par ailleurs, sur le nombre d'offres vacantes du côté flamand.



Hélas, ces derniers mois, une renégociation a eu lieu, faisant apparaître un consensus peu modifiable à ce stade, consistant à dire que l'entrée en vigueur de l'avenant ne pourrait avoir lieu que dans les trois ans et non, comme cela avait été prévu, et comme je le souhaitais, le 1er janvier 2009. Je le regrette. Je n'étais pas présente à la négociation. Cela ne rentre pas dans mes compétences. J'ai essayé, à plusieurs reprises, d'exprimer nos attentes à ce sujet, en kern et ailleurs, que ce soit en m'adressant au ministre des Finances ou au premier ministre. Apparemment, l'avenant contenant l'idée de postposer à trois ans l'entrée en vigueur des dispositions semble à ce stade incontournable et je le regrette.



Je le regrette car il s'agit encore de trois années de privilèges mais aussi de moindre attractivité pour les demandeurs d'emploi wallons.



Il faut avant tout essayer de mettre sa propre population au travail et qu'il ne faut pas donner des avantages à la population d'à côté.



12.03 Jean-Luc Crucke (MR): Madame la présidente, je remercie la ministre pour sa réponse.



En ce qui concerne l'avenant, je n'ai pas de difficulté à lui confesser que je n'ai pas réussi à convaincre le premier ministre de changer son point de vue sur la question. Cette demande de trois ans vient d'où elle vient et il faut savoir le reconnaître.



Madame la ministre, vous avez utilisé vous-même les termes "consensus difficilement changeable". Vous avez raison, même si on n'est pas d'accord avec ce qu'il y a dans un consensus, cela reste un consensus. Dans ce cadre, je partage votre regret des trois ans.



Au plus vite nous changerons la situation, au mieux ce sera. En matière d'emploi, vous pourriez avoir besoin de cette somme de 25 millions d'euros que les Français vont payer. Pour l'instant, ils ne paient strictement rien et on perd sur tous les tableaux: sur le plan social, sur le plan fiscal et sur le plan budgétaire.



Madame la ministre, pour l'instant, certaines organismes intérimaires mettent sur pied des pratiques peu correctes par rapport au monde du travail et par rapport au monde de l'emploi en général. Je vous le signale car je pense que vous pouvez arriver à modifier certaines choses avec votre pouvoir de persuasion. Entendons-nous bien, je ne veux pas qu'on ne retienne que cela de ce dossier; je ne veux pas faire de différence entre un Français et un Belge, entre un Flamand et un Wallon. Vous l'avez dit tout à l'heure, il y a des différences bien réelles sur le plan régional mais quand on joue de cette manière-là, on fait en sorte d'aggraver ces différences et de ne pas respecter les règles du jeu, qui doivent faire en sorte qu'au plus les personnes travaillent, au mieux nous nous porterons.



12.04 Joëlle Milquet, ministre: Je suis prête à parler de cette problématique avec le secteur intéressé. Il n'y a pas de base légale qui interdit quoi que ce soit, notamment la libre circulation, mais par rapport à notre cible, les demandeurs d'emploi, je prendrai des mesures pour faire passer l'idée selon laquelle c'est en faveur des demandeurs d'emploi belges que nous devons travailler prioritairement avant d'aller chercher de la main d'œuvre de manière effrénée chez nos voisins.



12.05 Jean-Luc Crucke (MR): C'est tout ce que je demande!
Quand on lit qu'en 2007, quasiment 400 travailleurs wallons ont trouvé de l'emploi en Flandre grâce au plan emploi de la Région wallonne et qu'on voit ici deux sociétés intérimaires venir avec 170 emplois lors d'une seule réunion, il y a de quoi se poser des questions!

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