Exposé d'Yves Leterme sur apprentissage des langues à Frasnes-lez-Anvaing
Conférence du premier ministre Yves Leterme tenue à l'occasion du 10e anniversaire de
l'école communale d'immersion
Lundi 21 avril 2008,Frasnes-lez-Anvaing
1. INTRODUCTION
« Une langue très bien connue vaut un diplôme universitaire. » Ces propos de Marc Vandenhautte, directeur général du CLL, le centre de langues de l'UCL, résument fort bien l'intérêt que revêt l'apprentissage de langues autres que notre langue maternelle.
Je préfère parler de « langues autres que notre langue maternelle » que de « langues étrangères ».
En effet, s'il est vrai que le français ou le néerlandais représentent respectivement une « autre langue », voire une « langue étrange » pour un flamand ou un wallon, il ne s'agit toutefois jamais
d'une « langue étrangère » dans l'acception de « en provenance de l'étranger ».
L'on a coutume de dire qu'une même langue sépare Néerlandais et Flamands. L'on pourrait affirmer, selon ce même schéma, que Wallons et Flamands sont « liés par une langue différente ». Car s'il est vrai qu'elle se compose de plusieurs langues, la culture belge existe bel et bien ; elle s'assimile dès
lors à une culture de cultures.
« Une langue très bien connue vaut un diplôme universitaire. » La commune de Frasnes-lez-Anvaing l'a bien compris. En effet, voici dix ans, votre école communale lança le projet « enseignement immersif des langues ».
Cette école communale d'immersion se fondait sur un double constat. Premier constat : la
connaissance d'une ou de plusieurs langues étrangères constitue une nécessité dans la Belgique, l'Europe et le monde d'aujourd'hui. Second constat : l'enseignement traditionnel des langues ne fournit, en dépit des nombreuses heures de cours dispensées pour les deuxième et troisième langues, les résultats escomptés.
La connaissance de la deuxième langue demeure trop passive, et ce malgré les efforts important que consentent les enseignants. Si l'on est capable de lire, l'on ne parvient cependant pas à véritablement pénétrer dans la beauté littéraire d'une autre langue. Si l'on est capable de suivre une discussion, l'on ne parvient cependant pas à engager une discussion approfondie.
II – LANGUE ET CULTURE
C'est justement le fait de savourer la richesse linguistique de l'autre langue et la possibilité de mener une véritable conversation qui nous permet non seulement de pénétrer dans un autre idiome, mais également de pénétrer dans une autre culture qui contribue à déterminer l'identité d'une personne.
Pour connaître l'identité de son interlocuteur, mieux vaut parler sa langue. Leonard Orban,
Commissaire européen en charge du multilinguisme, affirmait l'année passée à l'occasion de la Journée européenne des langues : « Car les langues sont bien plus que des mots, elles sont le reflet vivant des cultures. Comprendre la langue de l'autre, c'est faire un pas énorme vers lui, et sa façon de penser la vie ».
a – La langue véhicule la culture
Une langue est plus qu'une manière de parler, elle est également une manière de penser. Une langue est plus qu'une manière de se faire comprendre en société. Une langue est plus qu'un moyen de communication technique, elle est vitale. Toute langue intègre des expériences relatives à l'histoire, à la culture et aux valeurs. Et le cinéaste italien Federico Fellini de dire : « Chaque langue a sa propre vision du monde ».
Nombre d'études ont été consacrées à la relation entre langue et culture. Qu'il y avait-il en premier, la langue ou la culture? L'homme devait-il pouvoir parler avant qu'il ne soit question de culture, parce que sans mots, l'on ne peut pas penser, et, a fortiori, pas créer? Ou bien la langue était-elle le produit
de la culture, laquelle avait besoin de mots et d'un langage pour transmettre sa façon de penser et son mode de vie?
Toute langue intègre donc une culture. Une étude du Département de Français de l'Université de Souk-Ahras en Algérie a démontré qu'il était impossible d'appréhender une langue sans la culture d'où elle émane, dans laquelle elle a évolué et fonctionne. Cette étude concernant l'enseignement du français en Algérie a démontré le caractère indissociable d'une langue et de sa culture.
Je cite : « L'enseignement d'une langue étrangère aboutit à l'échec lorsque l'on a choisi d'écarter, ou
de les minorer, les contenus culturels en circulation par et dans la langue. En effet, l'expérience de terrain a montré que l'enseignement du français en Algérie, c'en est l'illustration, a beaucoup perdu dans ses rendements, que ce soit en termes d'efficacité ou en termes de repères ; pertes rendues possibles uniquement parce que l'on a ‘expurgé' cette langue de ses contenus de culturecivilisation.
»
b – La langue, une manière de voir Edward Sapir, l'un des anthropologues linguistes les plus importants du siècle écoulé, a relevé l'existence d'un lien direct entre la grammaire d'une langue et la manière dont une personne déchiffre
le monde et y évolue.
La langue dans laquelle l'on s'exprime exercerait une influence sur la manière dont on perçoit la réalité. Cette théorie s'appelle la relativité linguistique.
A titre d'illustration : le linguiste américain Dan Slobin a constaté, à l'issue d'une étude linguistique comparative, que les langues romanes, arabes et turques marquent une préférence pour ce qu'il désigne comme des « verbes-trajectoires », des verbes de mouvement qui s'orientent sur le résultat : « elle est entrée dans la pièce ». En revanche, les langues germaniques, slaves et chinoises affichent
une préférence pour les « verbes de manière », des verbes qui désignent la manière dont s'effectue le mouvement : « zij holde de tuin in ». La première catégorie de langues se focalise sur le lieu, la seconde sur l'homme.
Les gens voient le monde au travers de leur langue, et jugent par conséquent en fonction de leur sensibilité linguistique. La langue schématise, d'après Slobin, ce que l'on perçoit et s'avère donc cruciale pour se forger une image mentale de la réalité. « La langue agit comme un filtre de notre perception», affirme Dan Slobin.
c – La multiplicité de langues, une identité européenne
Ce sont précisément ces différentes manières de voir le monde et de l'appréhender qui constituent la richesse de notre culture européenne.
La diversité linguistique constitue un défi pour l'Europe. Mais ce défi est salutaire. Il va de soi que la multiplicité des langues impose des contraintes, qu'elle pèse sur le fonctionnement des institutions européennes et qu'elle a un coût en termes d'argent et de temps.
Mais le respect de notre diversité linguistique n'implique pas seulement la prise en compte d'une réalité culturelle produite par l'Histoire. Il s'agit du fondement-même de l'idée européenne telle qu'elle a émergé des décombres des conflits qui ont marqué le XIXe siècle et la première moitié du XXe
siècle.
L'Union européenne ne peut se construire que sur le socle de sa diversité linguistique. Ce qui est particulièrement réconfortant. Qu'un sentiment d'appartenance commune soit fondé sur la diversité linguistique et culturelle constitue un puissant antidote contre les fanatismes vers lesquels ont souvent
dérapé les affirmations identitaires en Europe et ailleurs, hier comme aujourd'hui.
Née de la volonté de ses peuples divers, qui ont librement choisi de s'unir, l'Union européenne n'a ni la vocation ni la capacité de gommer leur diversité. Elle a au contraire pour mission historique de préserver, d'harmoniser, de dépassionner et d'épanouir cette diversité.
L'Europe s'interroge aujourd'hui sur son identité et sur la possibilité d'en définir le contenu sans pratiquer l'exclusion et tout en demeurant ouverte sur le monde. C'est par une approche réfléchie de
sa propre diversité linguistique qu'elle peut aborder cette question délicate de la manière la plus constructive, la plus sereine, et la plus saine. L'identité de l'Europe n'est ni une page blanche, ni une
page déjà écrite et imprimée. C'est une page en train de s'écrire. Elle s'écrit en plusieurs langues.
L'Europe possède un patrimoine artistique, intellectuel, matériel et moral communs, d'une richesse inouïe, ayant peu d'équivalents dans l'Histoire humaine, bâti par tant de générations successives et qui mérite d'être préservé, reconnu, partagé.
En un mot, l'idée européenne est bâtie sur les deux exigences inséparables que sont l'universalité des
valeurs morales communes et la diversité des expressions culturelles. La diversité linguistique
représente tout particulièrement, pour des raisons historiques, une composante majeure ainsi qu'un
magnifique outil d'intégration et d'harmonisation.
Négliger une langue, c'est prendre le risque de la désaffection de ses locuteurs à l'égard de l'idée
européenne. Nul ne peut adhérer de tout coeur à l'ensemble européen s'il n'a le sentiment que sa
culture spécifique, et en premier lieu sa langue, y est pleinement respectée, et que l'intégration de son
pays à l'Union européenne contribue à épanouir sa langue propre et sa culture propre plutôt qu'à les
marginaliser. Tant de crises dont nous avons été témoins, en Europe et ailleurs, trouvent leur origine
dans le fait qu'une communauté a senti, à une certaine période, que sa langue était bafouée.
Chaque langue est le produit d'une expérience historique unique, chacune est porteuse d'une
mémoire, d'un patrimoine littéraire, d'une habileté spécifique, et constitue le fondement légitime d'une
identité culturelle. Les langues ne sont pas interchangeables, aucune n'est dispensable, aucune n'est
superflue.
d – Le multilinguisme favorise l'entente
Si nous comprenons ce qui se passe autour de nous par le truchement de la langue dans laquelle
nous pensons et exprimons nos pensées, il se révèle crucial que dans un pays comme le nôtre, situé
sur la ligne de démarcation des cultures linguistiques romane et germanique, nous parlions tous la
langue l'un de l'autre. Parler la langue de l'autre, c'est aussi comprendre les sensibilités de chacun.
Nombre des malentendus qui opposent le Nord et le Sud du pays sont probablement imputables à
des confusions linguistiques.
Les gens dont la connaissance linguistique est plus étendue bénéficient d'ordinaire d'une avance
culturelle sur ceux qui n'ont qu'une connaissance linguistique plus limitée. Qui plus est, ils maîtrisent
l'appareil technique de la langue et sont à même de veiller à la médiation et la conciliation. Ce sont
donc les partenaires privilégiés de la concertation et du compromis.
Si nous voulons évoluer dans un monde globalisé où nombre de cultures entrent en contact les unes
avec les autres et, par conséquent, s'influencent mutuellement, une bonne connaissance de plusieurs
langues constitue un atout, un point fort. Plus important encore, la connaissance de la langue de
l'autre constitue non seulement un bénéfice culturel mais elle représente en outre un atout à la table
de négociation !
Dans un monde, mais surtout un pays, où peuples et communautés dépendent mutuellement les uns
des autres pour leurs biens et services, pour la résolution de disputes politiques et de conflits
d'intérêts, la compréhension de la culture et du mode de pensée des uns et des autres – de l'intérieur,
donc en partant de la langue – revêt une importance majeure.
Le manque de sensibilité interculturelle peut engendrer malentendus et méfiance, l'incapacité à
collaborer, à négocier et à parvenir à des compromis. Les individus qui disposent d'une connaissance
linguistique leur permettant de pénétrer la culture de l'autre d'un oeil averti et de lire et de
« comprendre » les médias dans d'autres langues constituent le point de départ de l'entente
interculturelle et interrégionale.
La connaissance de la langue de nos interlocuteurs nous procure une « intelligence émotionnelle »
particulière, nous permettant de voir et de négocier à partir de la perspective de ces interlocuteurs.
III – LANGUE, TRAVAIL ET ECONOMIE
Pour survivre dans le monde compétitif qu'est notre monde globalisé, chaque nation, chaque
communauté, chaque région a, d'ailleurs, besoin de suffisamment de personnes à même de faire
tomber mentalement la barrière linguistique.
Les connaissances linguistiques ne constituent donc pas seulement un bénéfice culturel et un atout à
la table de négociation, mais elles représentent, avant toutes choses, un atout économique. Il importe
de s'en rendre compte car la motivation exerce une influence prépondérante sur l'apprentissage des
langues.
Aujourd'hui, la connaissance d'une ou de plusieurs langues étrangères constitue une nécessité que
nous reconnaissons tous. Qu'il s'agisse d'obtenir un emploi, de voyager ou d'accueillir des visiteurs,
de se documenter sur une technique de pointe, de faire connaître sa recherche ou d'acheter et de
vendre, nous sommes quotidiennement amenés à communiquer dans une langue étrangère.
a – La connaissance des langues, un avantage économique
Il suffit pour cela de considérer notre économie. L'économie belge est l'économie par excellence axée
sur l'exportation : plus de sept dixièmes de notre PIB sont exportés. Nos principaux partenaires à
l'exportation sont la France (17,6 %), l'Allemagne (16,7 %), les Pays-Bas (12 %), le Royaume-Uni, les
Etats-Unis, etc. Des trois dixièmes du PIB que représente le marché interne, une part substantielle
passe la frontière linguistique. Presque toutes les entreprises ont, dès lors, affaire à des partenaires
qui parlent une autre langue.
Il ressort d'une étude récente de l'Université d'Hasselt que quelque 20 % de nos entreprises ont
manqué des contrats ou que des contrats n'ont pas abouti faute de compétences en langues
étrangères. D'autre part, près de 70 % de nos entreprises confirment que la présence de la
connaissance de langues étrangères représente un stimulant substantiel pour leur croissance.
Nos entreprises ont-elles donc besoin de compétences en communication dans d'autres langues?
Incontestablement ! Les entreprises peuvent augmenter leur chiffre d'affaires si elles améliorent les
connaissances linguistiques de leur personnel. Ainsi, des contrats ne leur passeront plus sous le nez
et les négociations ne se détérioreront plus à cause de malentendus linguistiques ou culturels.
Un rapport de la Direction générale Education et Culture de la Commission européenne (septembre
2007) montre que les entreprises européennes perdent de nombreux marchés faute de compétences
linguistiques. Sur la base de l'échantillon qui a servi à cette étude européenne, l'on estime que 11 %
des PME européennes (c.-à-d. 945.000 entreprises) du secteur de l'exportation essuient, sans doute,
un manque à gagner pour cette raison.
Il ressort de l'enquête que, sur une période de trois ans, la perte moyenne par entreprise s'élève à
325.000 euros. Manifestement, l'enquête ne recense que les cas dans lesquels les entreprises étaient
conscientes de leurs pertes véritables ou potentielles. Il se pourrait donc que le chiffre réel soit
nettement supérieur.
L'étude met en évidence l'existence d'un rapport direct entre langues et bons résultats à l'exportation.
Plus précisément, elle distingue à cet égard quatre mesures de « gestion linguistique » : l'adoption
d'une stratégie de communication multilingue, le recrutement de locuteurs natifs, le recrutement de
personnel possédant des compétences linguistiques et le recours à des traducteurs et à des
interprètes. Chaque PME du secteur de l'exportation pourrait engranger des profits plus que
substantiels si elle appliquait une ou plusieurs de ces mesures.
b – La connaissance des langues, un plus lors de la recherche d'emploi
La connaissance des langues constitue par conséquent, pour l'employé, une compétence susceptible
de faire la différence lors de la recherche d'un emploi ou de l'évolution de la carrière. Dans 63 % des
vacances publiées dans les journaux pour des professions commerciales, le multilinguisme constitue
l'une des compétences exigées. C'est la raison pour laquelle 53 % des entreprises procèdent
effectivement à des tests linguistiques lors du recrutement.
C'est donc à juste titre qu'Annick Capelle, rédactrice en chef de Références Emploi, a écrit dans le
supplément du Vif-l'Express du 10 avril 2007 : « Le constat semble donc sans appel: la connaissance
des langues est devenue le passeport de l'emploi. »
Les besoins en compétences linguistiques iront en augmentant. Dans 13 des 29 pays étudiés par
l'étude européenne de 2007, au moins la moitié des personnes interrogées pensent avoir besoin de
compétences linguistiques supplémentaires au cours des trois prochaines années. Nombre de
personnes prévoient également une augmentation de la demande de compétences interculturelles.
C'est surtout dans une région comme celle-ci, aux environs de la frontière linguistique, que la
connaissance d'une des autres langues nationales est susceptible de présenter un avantage dans la
recherche d'un emploi : la zone dans laquelle l'on peut postuler sera, du coup, bien plus étendue.
C'est pourquoi la direction de l'école, la commune et les parents font preuve d'une grande prévoyance
en choisissant le néerlandais.
Si l'anglais ouvre la porte des marchés de l'exportation, la connaissance de nos langues nationales
ouvre la porte à l'ensemble du pays. Mais il y a plus, les résultats de l'étude européenne de 2007
donnent à penser que l'idée très répandue selon laquelle l'anglais est la langue universelle pèche par
simplisme et que le tableau est plus bien complexe.
IV – ENSEIGNEMENT DES LANGUES DES LE PLUS JEUNE AGE
Il existe évidemment différentes méthodes d'acquisition du plurilinguisme. La Communauté flamande
a opté pour les projets CLIL - Content and Language Integrated Learning écrit en toutes lettres – à
savoir une méthode d'enseignement d'une langue étrangère pour les matières à contenu factuel
(« zaakvakken ») dans l'enseignement secondaire. Les écoles des néerlandophones débutent, en
général, l'enseignement du français avec des enfants âgés de 10 ans, même si la nouvelle
réglementation permet de dispenser plus tôt des initiations linguistiques en français.
La Communauté française a, quant à elle, opté pour l'immersion. Lors de la rentrée de septembre
1998, le Collège Echevinal de Frasnes-Lez-Anvaing a décidé de mettre sur pied, dans son réseau
communal, un enseignement de type immersif, et d'ouvrir une classe de troisième maternelle et une
classe de première primaire de la section immersive néerlandophone.
a – La langue, plus qu'une matière
Pour chaque matière, enseignants et pédagogues recherchent la meilleure méthode d'apprentissage,
partant de l'idée que dans une classe, un enseignant ou une enseignante ne disposent que de
possibilités et de moyens limités. Il se trouve que chaque heure de cours est unique et un professeur
ne peut générer qu'un flux de communication limité face à un groupe de vingt enfants ou jeunes.
L'enseignement « normal » est donc clairement limité, ce qui suscite le mécontentement de nombre
d'enseignants idéalistes quant aux résultats. Quelle que soit la qualité de l'enseignant et peu importe
l'assiduité des enfants, le résultat sera toujours en-deçà des attentes. Les aptitudes nécessaires pour
parler et converser ne s'apprennent pas dans le cadre d'un cours de langues « normal ». L'utilisation d'une langue étrangère dans une situation réelle et naturelle fait défaut dans la formule classique
« temps x enseignant x matériel didactique x apprendre x s'exercer ». L'enseignement d'autresmatières dans cette « langue étrangère » le permet cependant.
b – Mieux vaut commencer jeune
Le modèle d'immersion et le modèle CLIL partent tous deux, aussi différents soient-ils, d'un même point de départ, à savoir qu'il vaut mieux commencer à apprendre une ou plusieurs langues à un jeune âge, même s'il demeure des divergences quant à l'âge idéal.
Nombre de linguistes estiment toutefois qu'il existe une période critique qui s'achève aux alentours de la puberté. Après cette période, le cerveau ferait l'objet de modifications biologiques rendant l'apprentissage d'une langue plus ardue.
Selon le professeur Lies Sercu de la KULeuven, les enfants imitent plus facilement des sons, ce qui leur permet de maîtriser plus rapidement la prononciation que des enfants plus âgés ou des adultes.
Le multilinguisme dès le plus jeune âge est important, dit-elle, car dès qu'une première langue étrangère est acquise, l'apprentissage de la seconde sera d'autant plus facile. Tout simplement parce que la personne connaît déjà le système.
D'un point de vue linguistique, l'apprentissage d'autres langues dès le plus jeune âge présente donc l'avantage de développer spontanément l'aptitude ultérieure permettant d'apprendre des langues. Qui plus est, les langues apprises dès le plus jeune âge sont perçues comme plus faciles. Et ce, non seulement pour des raisons linguistiques, mais également parce que cet enseignement n'est pas « académique ». L'obligation d'obtenir de bons résultats disparaît et entraîne avec elle la suppression des barrières sociales.
Des études scientifiques démontrent que les enfants qui commencent à apprendre tôt d'autres
langues étrangères parviennent plus facilement à une bonne prononciation, ce qui constitue un atout
supplémentaire en faveur de l'apprentissage dès le plus jeune âge. Contrairement aux enfants qui apprennent à s'exprimer avec fluidité dans leur langue maternelle ou leur seconde langue, les personnes qui apprennent une langue après leur enfance auront presque toujours un accent.
L'apprentissage de langues dès le plus jeune âge présente également un avantage culturel. En effet, en entrant rapidement en contact avec d'autres langues, l'on s'ouvre davantage à la diversité linguistique. Ce qui promeut à son tour la cohésion sociale et la compréhension culturelle. En apprenant des langues étrangères, les enfants se rendent plus compte de ce qu'offrent d'autres cultures et groupes culturels où se parlent d'autres langues et où valent d'autres normes linguistiques.
En apprenant à en tenir compte, les enfants pourront mieux cohabiter avec les autres.
c – Les bilingues ont une longueur d'avance
Comme je l'ai déjà dit, l'âge idéal auquel les enfants devraient être en contact avec ce que j'aimerais désigner comme une « seconde langue maternelle » fait encore l'objet de discussions. Il semblerait en revanche qu'à la longue, le bilinguisme ne présente que des avantages. Même l'UE plaide en faveur du multilinguisme pour cette raison.
Michael Clyne, professeur de linguistique à Melbourne, affirme que les gens dont l'anglais est la langue maternelle sont désavantagés parce qu'ils demeurent plus souvent unilingues. Il ressort d'études de l'université de Toronto que les bilingues disposeraient de la même avance dans l'exécution de certaines exercices visuels que les adeptes des jeux vidéo. Concernant le multitasking, l'exécution de plusieurs exercices simultanément, ce groupe serait également avantagé. Les sujets soumis aux tests, qui consacraient leur temps libre aux jeux vidéo, obtenaient des scores élevés, mais si en plus ils étaient bilingues, ils se révélaient imbattables.
Des études de la VUB (Vrije Universiteit Brussel) ont indiqué que les enfants bilingues exécutaient plus rapidement certaines tâches cognitives que les enfants unilingues du même âge. Il en découlait que les enfants bilingues entre 7,5 et 11 ans réalisaient plus rapidement des exercices d'attention, de linguistique et de mathématiques que les enfants unilingues du même âge. La raison en serait que le centre grammatical des bilingues a subi un double entraînement dont ces derniers tireraient profit pour le reste de leur vie.
V – CONCLUSION
En guise de conclusion, nous pouvons affirmer que le plurilinguisme s'acquiert de préférence dès le plus jeune âge et qu'outre la qualité de l'enseignement, la quantité de l'offre linguistique importe. Un enfant n'apprendra que la langue dans laquelle on lui parle directement.
L'attitude des parents est très importante. Il importe qu'ils adoptent une attitude positive à l'égard des cultures des deux langues. Nombre de parents, très certainement les parents des enfants de cette école communale, sont parfaitement conscients de l'intérêt que représentent le multilinguisme et un enseignement efficace sur les plans qualitatif et quantitatif.
Les enfants doivent avoir l'occasion de devenir multilingues, précisément pour leur permettre de se construire un avenir. Les employeurs insistent eux-aussi sur le bilinguisme dans le cadre de la recherche d'un emploi.
Il est clair que le rôle que joue l'école dans l'enseignement des langues dépasse la seule acquisition d'une langue et que les besoins ne se limitent pas aux professeurs de langues. A l'heure actuelle, les écoles doivent préparer les enfants à participer à une société ouverte à d'autres cultures, dans laquelle ils entrent en contact avec des gens d'autres pays et avec des traditions différentes.
L'apprentissage des langues dès le plus jeune âge peut procurer une avance substantielle aux enfants. En stimulant à un stade précoce la capacité innée qu'ont les enfants à apprendre des langues, ceux-ci disposeront de plus de temps pour apprendre la langue et vivront des expériences linguistiques et culturelles. Ceci favorisera non seulement leur confiance en eux, mais encore les aspects sociaux, culturels, auditifs, linguistiques et personnels de leur développement général.
Qui plus est, cet apprentissage renforcera leur aptitude décisionnelle et leur participation tout en améliorant leur qualité de vie. D'après un adage tchétchène : « celui qui parle plusieurs langues vit plusieurs vies ».