mercredi 14 octobre 2009

Pour le député libéral,Jean-luc Crucke, la Communauté française doit adopter une position ferme face à ce type d’événement. Il s’agit en effet d’un ministre d’une entité belge qui cherche à affaiblir l’une des caractéristiques de ce pays, à savoir la maîtrise du français.

Je vous demande, Mr le Ministre de réagir fermement, mais aussi de prendre un peu de hauteur. Comment la Communauté française défend-elle sa langue à l’échelon national, européen et international ?
Sur quelles structures pouvons-nous nous appuyer pour que le français soit reconnu comme une langue à part entière ?
L’anglais est indéniablement une langue véhiculaire internationale. Mais en Afrique, n’en déplaiseà M. Smet, c’est le français qui joue ce rôle. Or l’Afrique est le continent de l’avenir, appelé à rejoindre les pays émergents d’aujourd’hui,
comme le Brésil, l’Inde ou la Chine.
Rien que pour cette raison, nos amis néerlandophones devraient ne pas oublier qu’il est parfoisutile de connaître le français.


Monsieur le ministre, je vous demande de remettre les points sur les i mais pas de surenchérir sur les propos du ministre Smet. En ces temps où d’aucuns cultivent une forme de mépris, voire de haine, entre communautés, c’est peut-être le moment de faire en sorte de réduire le fossé. La langue française, avec tout ce qu’elle a de beau, de performant, d’utile, de sensible, doit davantage servir à rapprocher les communautés qu’à les diviser.
J’ai toujours pensé que la langue était un moyen de rapprochement, de communication et que c’est en connaissant la richesse de sa langue
qu’on peut commencer à mieux connaître l’autre, mieux l’apprécier peut-être, mais surtout mieux le comprendre. C’est tout le sens de ma question.
J’attends avec impatience votre réflexion sur ce sujet.


M. Rudy Demotte, ministre-président. – Ma réponse pourrait être très brève. J’ai pris connaissance dans la presse des déclarations de M. Smet.
La question est délicate, d’autant plus que M. Smet, dans les heures qui ont suivi ces déclarations, s’est fait contredire par le ministre-président
flamand.
Je retiens de vos propos, que je partage, que le fait politique est remarquable, même si, dans l’histoire de notre pays, nos entités ont évolué de manière très différente pour ce qui est de l’apprentissage des langues. Chaque entité a la pleine possibilité de mettre en oeuvre les politiques linguistiques qu’elle souhaite. Les Communautés française et flamande n’ont pas suivi le même chemin.
La politique linguistique comprend les apprentissages de base, professionnels, mais aussi de l’approche culturelle. Sur ce plan, la langue a indéniablement été pour les francophones un outil d’ouverture. La langue française, n’en déplaise
à certains, est quand même plus utilisée dans le monde que le néerlandais. Par ailleurs, la manière de considérer ceux qui parlent la langue
de l’autre a très fort varié. En Communauté Wallonie-Bruxelles, nous avons toujours été ouverts à la différence. Sur le fond, la situation est différente en Flandre, en Wallonie et à Bruxelles.
Le texte que j’ai sous les yeux, tel que rédigé, est extraordinairement ambigu. Je ne résiste pas au plaisir de vous en lire un paragraphe.
« Le français, à une certaine époque, a joué un rôle important dans la vie de la Flandre, sans que l’inverse soit vrai en Wallonie. »
Ce que cette phrase ne dit pas, c’est que le français, à un moment donné, a été la langue d’usage administratif. Il est également vrai que
la bourgeoisie flamande des grandes villes comme Gand ou Anvers, classe dominante, utilisait le français comme langue d’usage.
La Flandre a considéré qu’elle devait imposer, dans ses dispositifs d’apprentissage, l’usage de cette deuxième langue nationale, ce que n’ont pas
fait les francophones qui ont laissé le choix. Par contre, dans le cadre des écoles d’immersion et de la logique d’ouverture à laquelle je faisais référence,
nous nous trouvons dans un monde tout à fait différent. En effet, en Communauté française, 151 écoles du niveau fondamental et 98 écoles du
niveau secondaire pratiquent l’immersion, majoritairement en néerlandais. C’est ainsi sur les 151 écoles du fondamental, 119 pratiquent le néerlandais
en immersion et sur les 98 implantations du secondaire, 70 font de même.
Manifestement, notre approche est différente. Comment la francophonie est-elle portée par la Communauté Wallonie-Bruxelles à travers le
monde ?
Nous avons voulu appuyer toute notre démarche sur la maîtrise du français, en ce compris dans la coopération au développement. Quand, au Sénégal, nous développons des projets d’apprentissage dans des domaines comme la chaux
hydraulique dans la restauration de bâtiments, la langue véhiculaire est le français et il n’y a pas que l’apprentissage qui est important, la langue l’est
aussi.
Même si nous avons cette volonté et que nous mettons les instruments en place, des signes me paraissent inquiétants.
Ce n’est pas la Communauté française de Belgique qui se pose en leader dans l’organisation internationale de la francophonie à travers le
monde. Nous sommes très actifs et nous sommes parmi les principaux bailleurs de fonds mais notre puissant voisin du sud joue un rôle plus important que nous.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes.
La langue des textes primaires de la Commission européenne était en 1986 le français pour 58%des textes, l’anglais pour 26%et l’allemand pour 11 %..
En 2007, l’anglais est devenu la langue des textes primaires à concurrence de 73 %, le français, de 12,5 % et l’allemand, de 2,4 %.
L’évolution est évidente. Souvent, par souci d’ouverture aux langues, je m’exprimais en anglais
dans les assemblées internationales.
J’ai délibérément décidé de parler en français pour défendre cette langue. Les chiffres cités sont des indicateurs d’un réel problème de positionnement
de notre Communauté. J’y reviendrai plus en détail en commission.
Au sein de la francophonie, nous avons été parmi les pays les plus offensifs pour mettre en place des dispositifs de formation et d’apprentissage.
Avec la France, le Luxembourg et l’OIF, nous avons joué un rôle moteur dans le plan pluriannuel pour le français dans les institutions européennes lancé en 2002 et visant notamment à former des fonctionnaires au français. Nous mettons coup de bonne volonté à relever ce défi majeur.
Nous devons nous interroger sur la place des langues aujourd’hui comme nous nous posons régulièrement la question de la biodiversité. Si nous
voulons que la différence culturelle dans ce monde emprunte les sentiers de la culture à travers les langues et dialectes, qui ont aussi leur place, alors
nous devons avoir en mire ce qui nous menace.
À l’échelle planétaire, il s’agit du recours à des langues qui sont dominantes par leurs voies d’apprentissag et les pays qui les portent. Cette situation
nécessite une analyse, une stratégie et un renforcement
des outils.
M. Jean-Luc Crucke (MR). – Je remercie le ministre-président pour sa réponse. Je suis heureux qu’un fait politique négatif à l’égard de cette
Communauté française puisse trouver une réponse positive via son ministre-président.
Comme vous l’avez fait, il ne faut pas se voiler la face. Les chiffres sont là. Ils nous indiquent qu’il faut être modestes dans nos ambitions mais ils témoignent également du niveau à atteindre. Le français est une belle langue encore pratiquée dans le monde entier. Notre défi est de maintenir cette situation. J’aime votre comparaison entre la biodiversité et le multilinguisme. À des échelles différentes,
ces deux cas évoquent la beauté de la différence.
La richesse ne vient pas des similitudes.
Nous pourrons débattre plus longuement en commission comme vous le proposez.

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