jeudi 9 février 2006

QUESTION ORALE DE M. CRUCKE À M. ANTOINE, SUR " LES MODALITES DE RESORPTION DES DEFICITS"

Mme la Présidente. L'ordre du jour appelle la question de M. Crucke à M. Antoine, Vice-Président et Ministre du Budget, des Finances, de l'Emploi, de la Formation et des Sports, sur «
les modalités de résorption des déficits».

La parole est à M. Crucke pour poser sa question.

M. Crucke (MR). Très récemment, vous avez assisté à une réunion des ministres du Budget du pays.
Il vaut mieux que vous le fassiez étant donné le déficit de la Belgique, issu de la crise économique, qui devrait avoisiner 20 milliards, soit 5,89% du PIB, fin d'année 2009. Vous savez qu'il y avait un plan de résorption de ce déficit avec une trajectoire que l'on appelle le pacte de stabilité pour 2013. La Commission Européenne a sollicité un effort supplémentaire et a demandé d'accélérer la réforme
en ce sens. Elle exige que le résultat soit atteint en 2012. Je vous avais déjà questionné à l'époque sur le
sujet, en vous demandant que des efforts supplémentaires soient faits parce qu'on voyait bien
que la Commission n'avait pas un avis si favorable que ce qui avait été annoncé.
Les autorités belges devant remettre leur copie, pour la fin du mois de janvier, une réunion entre les
différents ministres du Budget du pays s'est donc tenue le 26 janvier 2010 afin de répartir les efforts
entre les différentes entités.
Sur cette réunion se base un document que l'on peut d'ailleurs lire très facilement sur le site du Conseil Supérieur des Finances, qui emploie une clé de répartition qui est de 65/35. Je me souviens de vos propos qui étaient, il y a quelques semaines, de me dire que pour vous, il était hors de question d'aller vers ce type de répartition et vous vantiez une autre clé.

M. Antoine, Vice-Président et Ministre du Budget, des Finances, de l'Emploi, de la Formation et des Sports. La première proposition est de 60/40.

M. Crucke (MR). Maintenant c'est 65/35. P.W. - C.R.I.C. N° 70 (2009-2010) - Lundi 1 février 2010 37

M. Antoine, Vice-Président et Ministre du Budget, des Finances, de l'Emploi, de la Formation et des Sports. C'est quand même beaucoup mieux.

M. Crucke (MR). Quand je vous interpellais la première fois, vous me vantiez un autre modèle
qu'est la répartition selon la capacité fiscale des entités, ce qui est encore très différent, vous en
conviendrez, par rapport aux répartitions.
Mes questions sont les suivantes: dans quel climat et de quelle manière cette réunion, avec votre Collègue le Ministre fédéral du budget s'est-elle déroulée? Quelles ont été la suggestion du Ministre fédéral du budget et les réponses des Ministres du budget de l'entité II? Quelles ont été votre réponse et celle des autres Ministres du budget? C'est surtout la vôtre qui m'intéresse par rapport à la proposition qui aura été faite par le Ministre fédéral. Suite à cela, y-a-t-il a eu un accord?

M. Antoine, Vice-Président et Ministre du Budget, des Finances, de l'Emploi, de la Formation et des Sports. Vous faites bien semblant de ne pas savoir! Ou alors vous mettez en doute la parole de
ceux qui vous ont raconté ce qui s'est passé.

M. Crucke (MR). Non, je ne mets rien endoute, j'ai lu dans la presse qu'il n'y avait pas eu d'accord. Je me dis deux cdH ne se sont pas mis d'accord, c'est intéressant de savoir en quoi. Le fait qu'ils soient cdH, en soi, c'est pelliculaire, ce n'est pas important!

M. Antoine, Vice-Président et Ministre du Budget, des Finances, de l'Emploi, de la Formation et des Sports. Mais non, c'est même essentiel!

M. Crucke (MR). Pour certains, oui, pour d'autres moins. Mais ce qui est important, c'est d'avoir un retour sur ce dialogue que vous avez pu nourrir de manière privilégiée entre vous. Comment en est-on ressorti puisqu'il n'y a pas eu d'accord? Où va-t-on parce que cela veut-il dire, en ce qui nous
concerne, en Région wallonne, que la ligne de la trajectoire qui a été définie sera gardée? Nous
maintiendrons le cap haut et fort, et qu'en aucun cas,vous ne changerez de point de vue?

M. Antoine, Vice-Président et Ministre du Budget, des Finances, de l'Emploi, de la Formation
et des Sports. Qu'est-ce que vous préconisez?

M. Crucke (MR). À l'époque je vous ai dit que vous devriez sans doute faire des efforts supplémentaires et donc poser des choix politiques. Je pense que vous devriez en faire plus. Mais voilà,
vous semblez avoir tenu un cap, est-ce le bon? Là, l'Europe, manifestement, ne va pas dire la même
chose. Il faudra bien trouver une solution à un moment donné et assez rapidement. Comment ce dossier évolue-t-il ?

Mme la Présidente. La parole est à M. le Ministre Antoine pour sa réponse.

M. Antoine, Vice-Président et Ministre du Budget, des Finances, de l'Emploi, de la Formation et des Sports. D'abord sur le climat de la réunion, il était excellent, serein, il n'y a pas eu d'éclat de voix. Toutes les fardes qui étaient mises à la disposition des participants étaient de couleur mauve, c'est le seul élément de difficulté pour le Premier Ministre, qui les aurait voulues rouges, ce qui a valu un petit commentaire de ma part, un peu taquin, à l'égard de ses préférences footballistiques.

M. Crucke (MR). Si je peux vous rassurer, pour le mauve, nous serons toujours d'accord.

M. Antoine, Vice-Président et Ministre du Budget, des Finances, de l'Emploi, de la Formation
et des Sports. Figuraient autour de la table et ce n'était pas une réunion intra-cdH Yves Leterme,
bien évidemment, Premier Ministre, les Vices-Premiers Ministres, M. Reynders, M. Van Engel, Ministre du Budget, le Secrétaire d'État au Budget, M. Wathelet, un représentant de Mme Onkelinx,
Vice-Première Ministre, le Ministre-Président de la Région wallonne et Communauté française, votre humble serviteur, M. Muyters, mon collègue, et puis, Charles Picqué, son ministre des Finances, bref, toutes les personnes qui, à la tête d'un Gouvernement ou du Budget et des Finances se doivent de se rencontrer. Que s'est-il passé? Rappelez-vous, au mois de septembre, il y a eu l'obligation pour nous tous de déterminer un cadre budgétaire devant répondre àl'exigence européenne pour les années 2009-2010. À l'époque, c'est de cela qu'il s'agissait et il fallait répartir l'effort. Ensuite de quoi, il y avait l'exigence de l'Union Européenne de boucler la période jusqu'en 2012. On est bien d'accord.
Là se sont opposés, non pas des partis politiques, mais des institutions entre l'entité 1 et l'entité 2.
L'entité 1 défendant sous la plume du Premier Ministre de l'époque, Herman Van Rompuy, le fait que chacun contribue selon les moyens financiers que la Loi spéciale de financement lui assure. Puis
ce fut à hauteur des dépenses primaires de chacun des niveaux de pouvoir. Effectivement, j'ai alors
réagi, c'est vrai, tant à la Conférence Interministérielle et quand je dis «je», j'ai réagi pour les trois régions. Vous pouvez le vérifier auprès de qui de droit. Les Flamands et les Bruxellois ont dit : «Ce que le Collègue a dit vaut pour nous aussi». J'ai indiqué qu'un budget était fait de dépenses et de
recettes et autant je respectais la clé dépense, autant il m'étonnait que la clé recettes n'y figure pas alors
qu'elle est globalement de 75/25, 80/20, en la 38 P.W. - C.R.I.C. N° 70 (2009-2010) - Lundi 1 février 2010
matière. J'ai donc plaidé pour qu'il y ait une mixité dans les clés Dépenses-Recettes. Avons-nous été entendus ? Oui. Totalement ? Non puisque la clé est passée de 60/40 à 65/35, jusqu'en 2012, et puis après, je l'ai encore fait précisé dans le procès verbal lors de la dernière réunion de janvier, Procès verbal de la réunion de décembre, clairement, j'ai indiqué que pour nous, Régions, la clé 65/35 n'était plus de mise pour une raison très simple, c'est là que je m'écarte de vous. Ce n'est pas parce que nous ne voulons pas assurer le retour à l'équilibre, ce n'est pas parce que nous sommes laxistes ou que nous ne voulons pas faire des économies. La clé 65/35 jusqu'en 2015, cela signifie quoi pour nous? Faire des surplus budgétaires, c'est cela la vérité!
Donc, le Fédéral nous demande au nom de l'UE le retour à l'équilibre. J'y adhère, nous y adhérons.
Mais là, ce n'est pas cela qu'on nous propose. C'est vous, Wallons, Francophones, et Flamands, faits des
surplus budgétaires pour soulager ainsi, disons-le clairement, le fédéral. Donc là, nous avons un premier foyer de discussions parce qu'il n'est pas question pour nous d'aller faire plus d'efforts que ce sur quoi nous nous sommes engagés. Et c'est vrai que, pardonnez-moi, la trajectoire d'assainissement du Fédéral fait reporter un certain nombre d'efforts après les élections de 2011. Cela ne vous aura pas échappé! Le Gouvernement fédéral 2010-2011 a une vision de redressement économique très noble, repoussant ainsi les efforts à plus tard. Nous sommes donc en droit de nous poser la question de savoir si le Gouvernement fédéral sera en état de faire autant d'efforts sans solliciter les Communautés et Régions. C'est pour cela que nous nous battons pour qu'il y ait un objectif budgétaire reconnu et ne plus discuter pour les Communautés-Régions 2013-2014-2015. Aujourd'hui, que puis-je faire? Je l'ai expliqué au
Gouvernement. Je prends l'effort de 2012, et je tire une médiane régressive jusqu'en 2015 pour arriver à
zéro. Cette médiane régressive, c'est une médiane indicative qui me dit comment je résorbe mon déficit; mais en tout état de cause, jamais elle ne doit m'amener à produire des surplus budgétaires.Premier foyer de contestation.
Deuxième foyer de contestation, celui-là me paraît moins contentieux. Le Fédéral nous dit: «Par rapport à septembre, on constate que certains indicateurs repartent sur des perspectives un peu plus positives qu'auparavant». Nous avons fait nos budgets, rappelez-vous, sur la base de 0,4 de croissance. La Banque Nationale nous dit maintenant que pour 2010, ce n'est pas 0,4, ce sera 1%, et j'ajoute même, le Bureau du Plan, lui, dit que ce ne sera pas 1%, mais 1,1%. Autrement dit, je l'ai toujours dit devant cette Commission, que nous allions constituer un budget sur une base extrêmement prudente parce qu'au moment où nous avons voté notre budget au mois de décembre, on avait déjà ces indicateurs qui circulaient et on a dit :« non, on colle à ce que le Fédéral nous a dit, 0,4, même si noussavons que c'est davantage».
À la Communauté, à la tribune, j'avais même relevé tous les éléments qui me paraissaient "prudence"notre budget. Je l'ai peut-être moins fait à la Région, mais à la tribune du Parlement à la Communauté, je l'ai fait parce que là, ce sont des recettes institutionnelles, il n'y a pas de recette aléatoire comme en Région liée à notre impôt. Le fédéral constate que cela va mieux, et moi, je les intègre dans mon contrôle budgétaire que je vais faire en février. Pourquoi devrais-je faire des efforts
qui ne sont plus nécessaires aux yeux de la croissance nouvelle constatée? Pas de souci. Et le
Fédéral dit que comme l'UE demande 3%, c'est bien de cela qu'il s'agit, l'équilibre en 2015, mais 3 % de
manière intermédiaire, il faut le laisser enregistrer l'augmentation de croissance. Nous avons regardé,
cela est intéressant et puis je vais conclure, vos budgets dans les parlements et nous avons vu que la
Région wallonne et la Communauté française notamment ont repris un objectif budgétaire plus rigoureux que celui que nous tolérons. Donc nous aurions pu nous endetter davantage, c'est cela que ça veut dire. Et bien, nous figeons votre montant. On dit «ok» pour 2012, mais pas plus loin.
Dernier élément de discussion, et ainsi vous pourrez vérifier auprès de qui de droit, c'est le Fédéral qui nous dit qu'il a constaté que le Conseil Supérieur des Finances a relevé qu'il y a une amélioration des Pouvoirs locaux de 0,1, et tenezvous bien Madame la Présidente, les Pouvoirs locaux ont toujours été dans le périmètre entité 2 et le Fédéral vient nous dire, que comme cela va mieux dans les Communes, cet effort-là, je le prends pour moi et je ne devrai plus le faire. Comme les Communes sont mieux gérées avec toutes les aides régionales, au passage, le Fédéral fait une économie de 330 millions et ne doit plus faire d'efforts. Et là,on nous a dit «Stop», car on n'a jamais marqué notre accord. La discussion s'est enclenchée et finalement, dans un brouhaha, le Fédéral nous a dit y renoncer. Voilà ce qui a été dit, avec une longue discussion avec M.Reynders notamment sur la dégradation des finances communales. À quoi sont-elles imputables? Je lui répondu de faire une réforme de l'incendie comme des polices, vous allez voir ce qui va se passer dans les Communes. Si c'est conjoncturel, là, c'est différent.
Donc voilà où l'on en est pour le moment. Au moment où je vous parle, il y a un Comité technique
P.W. - C.R.I.C. N° 70 (2009-2010) - Lundi 1 février 2010 39 de ce qu'on appelle les Chefs de Cabinet, chargé de vérifier le procès-verbal avant de conclure mercredi. Pour terminer, j'ai le sentiment que le
Gouvernement fédéral était surtout très impatient d'envoyer quelque chose à l'UE, bien plus que de
répartir l'effort 2013-2014-2015. J'ajoute que dans la modification, figeant nos soldes budgétaires, tels
que nous les avons votés dans la trajectoire, en 2012, si le Fédéral tient le cap, je dis bien, s'il tient le cap, la clé, M. Crucke, n'est plus de 65/35, mais de 78/22, ce qui est exactement la clé que je vous avais indiquée au début, 25/75, oui, 80/20, oui, faites le compromis entre les deux, c'est 78/22. Voilà ce que nous allons plaider et continuer à plaider tout en collectant l'impôt plus juste. Là, M. Jeholet a quelques difficultés, mais on veut le faire, et d'autre part, tenir notre ligne d'économies.

Mme la Présidente. La parole est à M. Crucke.

M. Crucke (MR). J'apprécie toujours les réponses du Ministre du Budget parce qu'il a évidemment l'art de ne pas dire grand chose de ses intentions. On ne peut pas lui en vouloir, on n'interpelle pas le Ministre sur ses. Il essaye de nous faire croire que la meilleure des solutions serait qu'il n'y ait pas d'accord. Je pense que vous avez et là quand je dis «vous», je dis la Région un intérêt à avoir un accord jusque 2014. Sinon, ce qui se passera, c'est qu'après les élections fédérales, vous irez non pas vers un marchandage qui serait un marchandage dans lequel on compare les budgets, les recettes et les dépenses, mais vous iriez vers un marchandage qui sera un marchandage à la fois communautaire, avec sans doute des transferts de compétence, sans forcément en avoir les moyens. Et je crains que cela soit au détriment des finances des Régions. Mais vous n'aurez peut-être pas l'occasion alors de faire autre chose.

M. Antoine, Vice-Président et Ministre du Budget, des Finances, de l'Emploi, de la Formation et des Sports. Il ne faut pas accepter un accord pour n'importe quel accord.

M. Crucke (MR). Je n'ai pas dit dans mon propos qu'il fallait accepter n'importe quel accord. Je ne trahis pas votre pensée quand vous me dites :«j'avais l'impression que le Gouvernement fédéral ne cherchait qu'une seule chose»
. Cela veut dire que, sur un dossier qui pèse lourd dans la poche descitoyens, qu'il devra combler un jour ce trou-là avec ses propres finances. L'effet «boule de neige», vous savez ce que cela veut dire. ON va un jour se retrouver dos au mur et là, vous ne parlerez plusd'austérité, mais vous me parlerez de crise qu'il y aura réellement, qui vous obligera vous aussi, en ce compris la Région, à faire de l'austérité.

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