Question de M. Jean-Luc Crucke au ministre de la Justice sur "le vol à la cathédrale de Tournai"
La Chambre, Commission de la Justice 27/02/2008
06.01 Jean-Luc Crucke (MR): Madame la présidente, monsieur le ministre, comme vous le savez
vraisemblablement, le 18 février dernier, treize pièces de valeur inestimable ont été dérobées dans la
cathédrale de Tournai. Ce fut un vol avec violence qui, en soi, ne fut pas banal.
Outre l'effet d'ordre sentimental que ce vol a suscité auprès de la population tournaisienne, il y a la perte d'un trésor du patrimoine belge, à savoir une croix byzantine.
Suivant les informations que j'ai pu recueillir dans la presse, le cas de Tournai ne serait pas unique. Les experts parlent de la Belgique comme d'une plaque tournante du trafic d'oeuvres d'art volées.
Monsieur le ministre, mes questions sont les suivantes.
- Cette fâcheuse réputation est-elle surfaite ou correspond-elle à une triste réalité?
- La justice connaît-elle une recrudescence importante d'affaires liées au vol d'oeuvres d'art en Belgique?
- L'absence de loi belge sur le recel d'oeuvres d'art volées ne contribue-t-elle pas à ce phénomène? En France, par exemple, il existe une traçabilité des oeuvres d'art. Celles-ci sont répertoriées dans ce que l'on appelle un livre de police qui permet de les identifier.
- Par ailleurs, la non-signature par la Belgique de la Convention de l'Unesco en la matière peut-elle expliquer ce phénomène?
Il semblerait qu'en la matière, en l'absence de contrôle et de traçabilité, l'argent au noir ait pignon sur rue puisque 80% des transactions en matière d'oeuvre d'art se feraient de la main à la main, ce qui contribuerait à faire de la Belgique une plaque tournante en matière d'oeuvres d'art.
06.02 Jo Vandeurzen, ministre: Madame la présidente, je ne partage pas l'analyse selon laquelle il y aurait un lien entre la prétendue absence de réglementation et le vol d'oeuvres d'art en Belgique. Des instruments existent bel et bien pour lutter contre ce phénomène.
Notre Code pénal ne contient effectivement pas de dispositions spécifiques à ce sujet, mais cela ne signifie pas que le trafic international d'oeuvres d'art volées ne fait l'objet d'aucune attention ni qu'aucune mesure ne peut être prise contre le vol d'oeuvres d'art.
Les compétences en matière de réglementation de ce domaine sont réparties entre les Régions, les
Communautés et l'État fédéral. La Communauté flamande et la Communauté française ont déjà promulgué des décrets visant à mieux protéger le patrimoine artistique de notre pays.
Deux importantes conventions internationales relatives au vol de patrimoine artistique ne sont pas encore entrées en vigueur en Belgique. Je m'en explique brièvement. La non-ratification à ce jour de la convention de l'UNESCO de 1970 par la Belgique tient au fait qu'il s'agit d'une compétence mixte, ce qui implique l'approbation de tous les parlements régionaux et communautaires ainsi que des deux chambres fédérales.
Il manque encore uniquement la ratification par le législateur flamand. Le projet de décret a été approuvé mais n'a pas encore été sanctionné.
La convention UNIDROIT de 1995 n'a été ni approuvée ni ratifiée par la Belgique car en 1993 une directive européenne avait été promulguée en la matière. Cette directive a été transposée en droit belge en 1996. Elle contient une réglementation pour la restitution d'objets volés. Le service du droit civil patrimonial du SPF Justice a été désigné comme autorité chargée de l'exécution de cette réglementation et peut intervenir si l'oeuvre d'art est retrouvée chez une personne autre que le voleur initial. La directive est applicable à toute oeuvre identifiée par les États comme oeuvre d'art nationale.
Le trafic illicite de biens culturels figure également sur la liste d'infractions auxquelles le mandat d'arrêt
européen est applicable. Cette matière est réglée par la loi relative au mandat d'arrêt européen du 19
décembre 2003.
06.03 Jean-Luc Crucke (MR): Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre réponse. Je ne partage pas votre point de vue quant au recel. En France, lorsqu'on est condamné pour le vol d'une oeuvre, la condamnation est proportionnelle à sa valeur. En d'autres termes, si vous volez quelque chose qui vaut 50 euros, vous risquez 50 euros. S'il s'agit de 500.000 euros, vous savez que vous prenez beaucoup plus de risques. Il y a donc là une dissuasion importante.
Libellés : cathédrale Tournai, vol et recel d'oeuvres d'art
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