mardi 29 mars 2005

Question orale de Jean-Luc CRUCKE au Ministre ANTOINE sur "Sélection du Centre de Haut Niveau"

le président. – Je vous propose de joindre ces questions. (Assentiment)

Jean-Luc Crucke (MR). – Il me revient que la compétence ou la neutralité de certains membres du comité chargé de la sélection semble poser problème. Tout à l’heure, monsieur le ministre, vous avez parlé de M. Francaux. S’agit-il du directeur du Centre d’évaluation de la performance sportive (CEPS) ?

André Antoine, vice-président et ministre du Budget, des Finances et des Sports. – M. Francaux anime, avec ses collègues universitaires, le Centre d’évaluation de la performance sportive qui accompagne nos athlètes, tels que les frères Borlée ou autres. Il s’agit de la même personne, mais il n’est pas membre du jury.

Jean-Luc Crucke (MR). – Je vous remercie. Un pas important a été franchi dans le dossier du centre de haut niveau, auquel vous êtes très attaché. Quatre villes candidates ont été écartées. Trois restent en lice : Liège, Mons et Louvain-la- Neuve. Monsieur le ministre, mes questions sont simples. Quelles motivations ont fondé ce choix ? Quelle analyse a-t-on réalisée ? Tout concours implique logiquement que certains soient écartés et d’autres sélectionnés. Il importe cependant d’en comprendre les raisons. Le communiqué de presse annonçant la sélection indiquait la nécessité d’un complément d’information pour les trois candidats restants. Auront-ils droit aux mêmes questions ou à des questions différentes ? Quelles sont-elles ? Cette demande d’information complémentaire devrait prolonger le délai initialement prévu. Pouvez-vous préciser la durée de ce délai ? Est-il judicieux de procéder de la sorte ? Cela pourrait-il influencer la décision finale ? Le cas échéant, comment le calendrier sera-t-il revu ? Enfin, il ne suffit pas de remettre un échéancier, encore faut-il en préciser les étapes décisives. Ne serait-il pas judicieux de fixer les dates et les événements importants correspondants ?

Bea Diallo (PS). – Tous les parlementaires sont intéressés par ce dossier important, non seulement pour les sportifs, mais pour la Communauté française. Certains élus ont choisi de s’exprimer par voie de presse et de faire du show ; d’autres, comme M. Crucke, ont fait le choix de porter cette discussion en commission et de privilégier le débat d’idées. Nous avons donc pu lire qu’après réception des dossiers, le jury avait décidé que trois candidatures resteraient en lice : Liège, Mons et Louvainla- Neuve. Par ailleurs, j’ai pu lire aussi que la commission d’avis qui regroupe des membres de votre cabinet, de l’administration, du monde sportif francophone et le patron de l’Insep, le célèbre institut des sports français, a néanmoins décidé de demander des précisions aux trois candidats retenus. Ceux-ci ont jusqu’au mois de mai pour apporter leurs réponses et des auditions auront lieu par la suite.Monsieur le ministre, comment les membres de ce jury ont-ils été choisis ? Vous avez peut-être fourni davantage de renseignements sur le sujet devant une autre assemblée. Peut-être cela m’a-t-il échappé. Pour ma part, j’en suis resté à vos propos de novembre dernier, lorsque vous évoquiez la procédure en ces termes : « Ensuite, nous réunirons un jury composé des différentes administrations de la Communauté française et de la Région wallonne, du COIB, de l’AISF, d’experts extérieurs et internationaux. Comme vous le voyez, le panel est assez large. Je soumettrai prochainement au gouvernement une proposition pour désigner les personnes qui siégeront dans les jurys, en respectant la plus grande indépendance possible. » Monsieur le ministre, pourriez-vous donc nous faire part de la composition du jury et des critères qui ont présidé à ces choix ? Je voudrais notamment examiner avec vous la représentation de la Cocof et de la Région wallonne dans ce jury dans la mesure où il me semble nécessaire, pour la Communauté française, de s’appuyer tant sur l’expertise bruxelloise que wallonne en matière d’infrastructures sportives. Un représentant bruxellois et un représentant wallon ont-ils bien été désignés ? Le cas échéant, comment expliquer un éventuel traitement différent de ces deux institutions que sont le service Infrasports de la Région wallonne et le service des sports de la Cocof ? Quel mode de fonctionnement a-t-on retenu pour les travaux de ce jury ? Sur quels critères les différents membres seront-ils amenés à effectuer leur choix final ? Y a-t-il des membres avec voix délibérative et d’autres avec voix consultative ?(Signes d’acquiescement du ministre.) Quel mode de décision a-t-on retenu ? Va-ton privilégier le consensus, ce qui contribuerait à doter le futur centre de la Communauté française d’une légitimité forte ? À votre avis, la décision finale interviendra-t-elle avant l’été ? En conclusion, l’étape que la Communauté française va franchir est aussi essentielle que sensible car elle doit permettre de départager des dossiers sur des critères de qualité objectifs. La transparence et la bonne marche du processus contribueront à valider le résultat de la sélection et donc l’adhésion de la Communauté française, dans toutes ses composantes, à un projet d’envergure que nous attendons depuis des années. Ce projet doit se réaliser dans l’intérêt des sportifs de haut niveau qui doivent bénéficier d’infrastructures et de cadres adéquats pour s’épanouir sportivement mais aussi dans tous les autres aspects de leur vie. Les experts ont une tâche difficile et il faut que leur travail se fasse dans les meilleures conditions.

André Antoine, vice-président et ministre du Budget, des Finances et des Sports. – Je remercie les parlementaires qui portent une attention soutenue à ce projet. Il se passe rarement une commission sans que l’on ne m’interroge sur le sujet. Il ne m’est d’ailleurs pas toujours possible de donner de nouveaux éléments. Certains parlementaires ne viennent pas en commission mais font des déclarations dans la presse. Il est difficile dans ce cas de nourrir un débat avec eux. Pourtant j’aurais pu ainsi corriger certaines erreurs dans leurs propos. Selon certains, nous ne nous intéresserions qu’aux sportifs de haut niveau au détriment des autres sportifs, des clubs plus modestes ou de nos centres Adeps. Rien n’est plus faux. Pour cette seule année 2011, 41 millions d’euros sont inscrits au budget pour la rénovation des centres Adeps. C’est un effort inédit en Communauté française puisque ces crédits étaient auparavant de huit millions d’euros. La Région wallonne affecte aux infrastructures sportives cinquante-cinq millions d’euros. Pour 2011, en tenant compte de la participation bruxelloise, 96 millions d’euros y seront donc consacrés. La première phase du plan « piscines » a été budgétisée à hauteur d’une cinquantaine de millions d’euros d’ici la fin de la législature. À ces 96 millions d’euros s’ajouteront donc quinze millions du plan « piscines ». C’est dire qu’un effort significatif a été consenti pour les infrastructures. Reste ce projet majeur qu’est la construction du centre pour les sportifs de haut niveau. D’après les estimations, il coûterait de soixante à septante millions d’euros. En tant que ministre des Sports, je suis particulièrement heureux. L’objectif de la déclaration de politique communautaire est de ne construire qu’un seul centre et non plusieurs comme on l’avait envisagé. Je ne cesse de le répéter, mon objectif est de poser la première pierre de ce centre qui sera utilisé par mon successeur à la plus grande satisfaction de toutes les fédérations et du COIB. Je rappelle que ce sont ces fédérations qui ont établi la liste des disciplines qu’ils entendaient privilégier. Enfin, nous avons voulu établir une procédure la plus transparente et la plus accessible possible. Nous avons établi un cahier des charges et constitué un jury chargé de nous aider dans notre choix. Le gouvernement, sous le contrôle du parlement, aura bien entendu le dernier mot. Je regrette les passions que suscitent ce dossier, parfois sans raison. En tant que sportif, il faut d’abord se réjouir de voir un gouvernement s’atteler à ce dossier sans retard. Nous avons eu la volonté d’envoyer le cahier des charges à toutes les communes, de la plus petite à la plus importante. Toutes ont eu donc la possibilité de déposer un dossier. Une première séance du jury de sélection a été organisée ce 21 mars dernier afin d’analyser les différents dossiers entrés par les communes ou les villes. Je n’ai pas fait de communiqué de presse. C’est une fuite, heureuse ou malheureuse, à vous de juger, dans un grand quotidien vespéral qui a permis de dévoiler le nom des trois villes dont le dossier était recevable. Le jury rédigera un rapport dont le gouvernement tiendra compte lors de sa délibération. Le procès verbal, qui n’est pas encore disponible, devra mentionner les raisons pour lesquelles la candidature de certaines communes n’a pas été retenue. Le cahier des charges était très clair. Sans doute ne remplissaient-elles pas les conditions de superficie, d’affectation du sol, d’accessibilité ou de proximité d’une université. Quoi qu’il en soit, au cas où Bruxelles, Bouillon ou Andenne s’estimeraient lésées, elles pourraient se faire entendre. Je préfère donner du temps au temps pour permettre à chacun de s’exprimer mais, à ce stade, je n’ai pas encore eu de réaction négative. Mon chef de cabinet adjoint a voix consultative. Il est avant tout observateur et ne peut participer aux délibérations. Trois villes ont remis un dossier qui correspond au cahier des charges et le défendent âprement. Il s’agit de Liège, qui se mobilise pour le projet Speed, de Louvain-la-Neuve, avec sa figure emblématique, Eddy Merckx, et de Mons, avec un nageur remarquable qui suit tout cela de très près. Le jury bénéficie de l’assistance technique de deux bureaux d’architecture, Urban Platform et Archi 2000, dont l’engagement résulte d’un marché public. Ils n’ont pas non plus de voix délibératives. J’en viens à la composition du jury. Trois personnes de l’administration en font partie. La présence de M. René Hamaite, directeur général de l’Adeps, et de M. Léon Zaks, directeur du service de l’infrastructure, s’imposait d’elle-même. Quant à celle de M. Dirk Desmet, elle vient de ce que le service de l’infrastructure de la Communauté française ne dispose que d’une seule personne pour suivre les infrastructures sportives alors que l’équipe de la Région wallonne est beaucoup plus étoffée. Mais cela devrait bientôt changer puisque j’ai demandé à M. Nollet de procéder à des recrutements complémentaires eu égard au nombre de dossiers Adeps pendants. Nous avons voulu enrichir l’équipe « Communauté française » et nous appuyer sur le savoir-faire indubitable de l’équipe de M. Desmet ou de M. Devos. Le jury compte donc trois représentants des services de l’infrastructure. M. Kir m’a précisé qu’un contact avec son cabinet et son administration aurait lieu le moment venu. Coordonnant le dossier bruxellois, il a cependant précisé qu’il lui serait difficile d’intégrer le jury. Pour la représentation du monde sportif dans le jury, M. Pierre-Olivier Beckers, président du COIB, a désigné M. Pascal Mertens. Je ne comprends pas le ressentiment de Mme Defraigne envers M. Mertens puisqu’il vient des Mutualités libérales. Ce choix souverain relève du COIB. M. Thierry Mauder, directeur du Centre de haut niveau de l’Insep, est le deuxième représentant sportif du jury. Nous souhaitions bénéficier de son expertise. Le troisième est M. Alexandre Walnier, président du Conseil supérieur des sports, viceprésident de l’Association interfédérale du sport francophone (AISF) et président de la Fédération d’escrime. À lui seul, il représente énormément de milieux et, en outre, il préside l’instance consultative de la Communauté française. Pour ma part, j’avais songé à M. Jacques Borlée comme expert du milieu sportif car il a une conception très cohérente du sport. Toutefois, pour éviter la moindre suspicion puisque ses fils étudient à l’UCL, M. Noël Levêque, conseiller de la RTBF pour l’athlétisme et un des meilleurs entraîneurs de cette discipline, le remplacera. Pour les représentants financiers du jury, la responsable de la Cellule d’information financière, Mme Stéphanie Wintein, a désigné M. Raphaël Schneider, spécialiste français des partenariats publics-privés recruté au sein de la CIF. Ce type de montage financier sera probablement celui que nous retiendrons pour le financement du projet. Pour les représentants des médias, la plupart des journalistes de la presse écrite que j’ai abordés ont décliné l’offre. Nous nous sommes donc tournés vers le directeur des sports de la RTBF, M. Michel Lecomte. Absent à la première réunion, il s’est désisté pour ne pas délibérer sur des dossiers dont il n’a pu assister à la présentation. C’est tout à son honneur. L’accompagnement est assuré par M. Marc Jeanmoye, responsable de l’Adeps et originaire de Liège, je le précise pour qui de droit, même s’il dirige la Cellule sportive en toute impartialité. Il n’a pas voix délibérative dans le jury. Ce jury me semble équilibré. Comme vous pouvez le constater, nous progressons. Les candidatures devaient être déposées pour le 23 décembre. L’examen de leur recevabilité est en cours. Une série de questions techniques élaborées par le jury seront soumises aux villes pour leur permettre de préparer leurs réponses afin d’éviter tout favoritisme. Les villes défendront leur candidature le 24 mai. Le bureau d’architecture se rendra éventuellement sur place pour vérifier la disposition des lieux. Un rapport me sera transmis et je présenterai le dossier à mes collègues du gouvernement dans le courant du mois de juin. Chacun aura ainsi l’assurance d’avoir été entendu et compris, et d’avoir eu la possibilité de réagir. Ce dossier est important. Je tiens à respecter la plus grande discrétion, je ne veux pas être suspecté du moindre favoritisme.

Jean-Luc Crucke (MR). – Monsieur le ministre, vous ne devez guère vous étonner des nombreuses questions sur le sujet. Il est parfaitement légitime que les parlementaires vous interrogent même à propos d’un comité d’avis puisque la décision sera prise par le gouvernement. Pour vous paraphraser, ce dossier n’est pas « léger ». Il s’agit tout de même de plus de 2 milliards de francs ! On peut comprendre qu’on se bouscule dans les starting-blocks et que cela va continuer maintenant qu’une première étape a été franchie. Il y aura des influences, des pressions, il faudra néanmoins décider en toute sérénité ! Je regrette que nous n’ayons pas obtenu aujourd’hui réponse sur les raisons et motivations précises pour lesquelles certaines personnes ont été retenues plutôt que d’autres. J’y reviendrai donc ultérieurement. Monsieur le président, il me semble opportun et utile que notre commission puisse entendre les trois candidats restants afin qu’ils nous expliquent la manière dont ils ont monté leurs dossiers, le contenu de ces dossiers, leurs avantages et inconvénients. Ce serait un bel exercice de transparence et de démocratie. Je vous demande donc officiellement de solliciter, sur avis de la conférence des présidents, l’audition de ces trois opérateurs dans notre commission.

Bea Diallo (PS). – Je vous rejoins sur l’importance de trouver le bon équilibre entre sport de haut niveau et sport pour tous. J’insiste sur l’objectivité et la transparence du processus. Plusieurs intérêts sont en présence dans ce dossier et le jury aura à poser un choix difficile. Les porteurs de projets défendent la qualité de leur propre dossier. Je rappelle cependant qu’il s’agit de privilégier celui qui répond au mieux aux critères établis par la Communauté française. Ce sont, avez-vous rappelé, les fédérations qui ont choisi les sports qui seront accueillis dans ce centre. Je pense que ce sont celles qui ont développé le lobby le plus efficace qui sont parvenues à vous les suggérer. Quand les questions que vous évoquiez seront-elles élaborées par le jury ? Quand les visites sur place et les vérifications techniques auront-elles lieu ? À partir de quelle phase Bruxelles sera-t-elle associée ? L’indépendance des membres du jury est fondamentale. À l’instar de ce qui se fait pour les mandataires politiques, une charte permet-elle de prévenir tout conflit d’intérêts ? Un rapport au gouvernement par des experts n’avait-il pas été prévu ? Est-ce vous qui vous chargerez de faire ce rapport au gouvernement ? Certaines personnes ne seront sans doute pas contentes. Ce qui importe, c’est que les sportifs disposent de ce centre tant attendu. L’intérêt des politiques passe après. Pour que la Belgique retrouve sa place dans le sport, il faut lui donner les moyens adéquats.

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