lundi 28 mars 2005

Question orale de Jean-Luc CRUCKE au Ministre-Président DEMOTTE sur "Courtrai tout près"

M. le Président. – L'ordre du jour appelle la question orale de M. Crucke à M. Demotte, Ministre-Président du Gouvernement wallon, sur « Courtrai tout près ».

La parole est à M. Crucke pour poser sa question.

M. Crucke (MR). – Monsieur le Président, Monsieur le Ministre-Président, chers collègues, vous avez pris connaissance, comme moi, de l'offensive commerciale courtraisienne qui vise à distribuer 110  000 exemplaires, un exemplaire faisant 76 pages, qui vantent la dynamique courtraisienne sur le plan économique et en français, pas seulement dans le nord de la France, mais aussi en Wallonie picarde - particulièrement Mouscron, Tournai, jusqu'à Ath - pour convaincre que le bon achat est un achat qui se fait à Courtrai et que même à Courtrai on peut le faire en français. Il y a de quoi rêver quand on sait comment cette réalité locale existe : on se dit qu'on prend vraiment parfois les Wallons pour des cons - excusez-moi du terme, mais chez certains, c'est un peu cela -.

Sur le plan de l'initiative commerciale, je n'ai rien à redire : chacun fait ce qu'il veut. Mais on est au-delà de l'aspect commercial des choses, n'est-ce pas le moment, Monsieur le Ministre-Président, de saisir la balle au bond ou, plutôt de renvoyer la balle puisqu'on semble fort intéressé par une clientèle francophone, wallonne, ne serait-ce pas le moment de tester ce genre d'accueil et de voir si l'ouverture à sens unique ou si c'est une ouverture qui peut-être multiple ? Est-on aussi bien accueilli que cela, avec les bras ouverts ou bien est-ce uniquement pour l'argent des Wallons qu'il y a un intérêt ?

Je me demandais quelle était votre appréciation sur cette initiative. Avez-vous été informé par votre collègue Ministre flamand - au demeurant également bourgmestre de Courtrai - ? On sait que nous avons des relations plutôt cordiales entre le nord de la France, le Courtraisis et la Wallonie picarde. Une information vous a-t-elle été adressée ?

Ne serait-il pas utile - et vous avez bien compris que je ne parle pas de délégation générale, il n'y a évidemment plus de sens de la représentation de la Wallonie vis-à-vis de l'extérieur - d'ouvrir à Courtrai et pourquoi pas à Lille tant qu'à faire, une maison de la Wallonie ? La Wallonie n'a-t-elle pas intérêt à utiliser la Wallonie picarde pas comme un cheval de Troie - je ne parle pas en termes guerriers - pour être réellement l'avant-garde sur le territoire de Courtrai et de Lille, avec quelque chose qui soit plus permanent ? C'est pour cela que je l'ai appelée maison de la Wallonie, cela n'a rien d'agressif, mais plutôt le sens de l'ouverture, de l'accueil, de l'information, du tourisme peut être aussi économique que l'on pourrait faire chez nous en Wallonie. Je me demandais s'il ne fallait pas saisir la balle au bond et j'attends avec une certaine impatience votre réponse.

M. le Président. – La parole est à M. le Ministre-Président Demotte.

M. Demotte, Ministre-Président du Gouvernement wallon. – Monsieur le Député, je crois que je peux déjà partager avec vous un premier point de vue qui est que cette initiative est révélatrice d'un contexte parce qu'elle se fait dans un contexte doublement particulier. C'est d'abord le contexte institutionnel de notre pays, mais c'est également un contexte de relations transfrontalières qui trouvent aujourd'hui de nouvelles caisses de résonance entre le Courtraisis, la Wallonie picarde et la conglomération lilloise.

Il s'agit d'une campagne, vous venez de le soulever vous-même, de communication privée. On est dans le privé, mais soutenu par des pouvoirs publics locaux. On sent que l'initiative est privée, on sent que les pouvoirs publics locaux sont derrière, dont le but est de promouvoir l'attractivité commerciale de la zone.

C'est le type de démarche qui se pratique quotidiennement au sein des pays et des régions, tout comme entre ceux-ci, particulièrement dans les espaces frontaliers. Je dirais qu'avec ce contexte que je viens de décrire et dans le cadre de relations normales dans un espace transfrontalier, nous n'aurions pas de réaction particulière à manifester.

Mais cela se déroule, effectivement, dans un contexte particulier, qui est celui de notre pays, comme je viens de le dire, avec des tensions et donc la coloration de cette action dans ce contexte-là est marquée.

On pourrait choisir d'ironiser par rapport à cette ouverture à la langue de l'autre au sens de la promotion du cadre commercial, alors que l'on sait bien que si l'on se réfère cette fois-ci à l'emploi administratif des langues, on est dans un autre espace-temps.

On peut aussi, sans naïveté, estimer qu'il s'agit d'un premier pas dans le sens positif d'une forme d'ouverture sui generis que cet espace développerait et qui pourrait d'ailleurs être testé par des initiatives réciproques. Cela se déploie dans cette triangulation dont j'ai déjà rappelé la réalité Lille-Courtrai-Tournai.

Cette initiative en tant que telle ne me choque pas, même si je n'ai pas du tout été informé a priori du contexte, ce que rien n'impose d'ailleurs parce que cette obligation d'information n'existe pas non plus. On n'attend pas des privés de Lille s'ils font une démarche chez nous qu'ils demandent, même par visa tout à fait informel, la faculté de le faire. On est aussi dans une logique de concurrence, clairement.

Pour moi, l'Eurométropole est un espace qui doit aussi viser à des mises en commun d'énergies pour veiller au meilleur développement de la zone dans une logique de complémentarités. Il faut bien réfléchir à ces éléments qui font la complémentarité. Et là nous avons quelques éléments dans le passé où on a pu tirer profit de démarches concertées. Je vais vous donner un exemple très récent, celui de la présence au MIPIM, le marché international des professionnels de l'immobilier. C'est bien parce qu'on a les trois bassins réunis en un qui sont là et qui s'épaulent les uns les autres en apportant chacun ses atouts. L'un disant voilà c'est plutôt mes avantages, l'autre disant moi j'ai autre chose dans l'escarcelle. Cela dit, je partage le volontarisme dont vous avez fait preuve en disant qu'il faut bien mesure l'importance pour la Wallonie picarde et la Wallonie par-devers la Wallonie picarde de valoriser ses atouts.

C'est vrai pour la visibilité de la Wallonie par cette tête de pont qu'est la Wallonie picarde dans l'Eurométropole. C'est un décloisonnement transfrontalier que nous appelons évidemment de nos vœux qui ne doit pas conduire non plus à ce que nous ayons une logique de raisonnement recloisonnant pour nous-mêmes les démarches. Il faut chaque fois les inscrire dans l'ensemble.

Vous abordez la question d'un « toutes-boîtes » local au sein de ce parlement et cela montre bien que vous partagez la même vision, que vous dépassez le problème de lecture aux limites territoriales et je dirais qu'il faut promouvoir la Wallonie dans cet espace transfrontalier et, notamment, vers la métropole lilloise. Je pense qu'un des gros enjeux c'est notre positionnement par rapport à Lille. Je ne néglige pas le Courtraisis, mais j'insiste sur l'importance lilloise pour nous et j'ai récemment pu participer à la journée des clusters de l'innovation qui touchait toute la région et je peux vous dire qu'on sentait là véritablement le souffle de la volonté de collaboration entre les clusters, les pôles de compétitivité, les entreprises, le monde de la recherche, l'enseignement. On sentait cette volonté de développement partagé, ce n'était pas que des mots et qu'il y avait des gens sur le terrain, des entrepreneurs, des enseignements, des chercheurs qui étaient en train de nouer un certain nombre de nœuds entre eux pour renforcer notre tissu.

C'est un mouvement de fond qui doit contribuer à notre repositionnement idéologique du redéplacement de la frontière qui doit devenir un mode de comportement. C'est interpellant quand on voit le voisin venir chez soi parce que cela nous appelle à nous positionner dans ce débat. Je pense donc que votre initiative au parlement aujourd'hui doit ouvrir également pour la Wallonie picarde un débat sur sa présence originale dans les autres territoires quelles qu'en soient les formes parce que nous devons recopier les mêmes formes, peut être pas. Pouvons-nous nous priver d'une absence extra-territoriale ? Certainement pas. Je dirais bien entendu que nous devons garder aussi une initiative au privé. Il doit jouer un rôle dans ce positionnement que le privé est dynamique chez nous. Sur toute la Wallonie picarde, d’Enghien en passant par la porte cominoise ou Pérulwez, on a un privé partout extrêmement volontaire et que dans les organisations patronales, les chambres de commerce, il y a une réflexion à avoir sur ce thème et nous serons toujours à leurs côtés. Les pouvoirs locaux ont le même type de raisonnement pour pousser un certain nombre d'initiatives.

Voilà ce qu’à ce stade, j'avais envie de vous dire en partageant évidemment une sensibilité qui nous vient peut-être aussi de la connaissance d'un certain nombre d'entre nous du terrain que vous définissez, mais en soulignant que, pour la Wallonie, c'est aussi un mode de comportement futur que nous devons élaborer. C'est non seulement son développement à partir de ces pôles internes, mais sa volonté de débordement positif sur ses limites et ses frontières.

M. le Président. – La parole est à M. Crucke.

M. Crucke (MR). – Je remercie M. le Ministre-Président pour sa réponse. Je pense qu'il faut aller au-delà de l'anecdote et de l'élément commercial. Vous savez, quand j'ai lu cela, j'ai pensé à un film « Il ne faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages ». C'est une première impression qui m'était venue en tête et puis je me suis dit qu'on perdrait inutilement du temps à se braquer, à mon sens, sur un document. Il est là, il est fait. Par contre, cela peut créer une nouvelle dynamique et je retiens l'idée que vous avez ajoutée par rapport aux propositions, du recours au privé. Je pense que c'est vraiment une matière dans laquelle la représentation extérieure faite par le privé et le public est plus forte que si elle est faite par l'un ou par l'autre tout seul.

Pour vous qui avez en charge les relations internationales, il serait opportun que ce dossier soit mis sur la table et sans sous-régionalisme particulier, sachant très bien que l'Eurométropole existe, et pourquoi ne pas en profiter pour que cela puisse être l'avant-garde. C'est comme cela que je le vois, la Wallonie picarde. Finalement, ce n'est pas le talon, ni d'Achille, ni de l'une ou l'autre, mais c'est vraiment un élément dont la Wallonie doit pouvoir user, non pas abuser. Vous qui avez les relations extérieures dans vos compétences, pourquoi ne pas essayer, sur base d'une réaction triangulaire, d'être plus présent, de manière non agressive, mais informative, à l'extérieur. Je suis prêt à vous aider dans ce dossier si vous le jugez utile.

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