mardi 13 décembre 2005

Interpellation de Jean-Luc CRUCKE au Ministre SIMONET sur "Dévalorisation de la fonction de directeur de l'enseignement primaire"

Mme la présidente. – Ces interpellations sont jointes.

M. Didier Gosuin (MR). – Madame la ministre, voici quelques semaines, je vous ai interpellée sur le nombre des circulaires. Je m’étais d’ailleurs présenté devant vous avec les 6,25 kilos de textes que les directeurs d’écoles fondamentales avaient chacun reçus au cours de l’année passée. J’avais évoqué la création à l’échelon fédéral de « cellules Kafka » pour alléger le travail administratif. Vous aviez tempéré mes propos en dédramatisant la situation.
Quelques temps après, des directeurs d’écoles fondamentales du réseau libre se sont plaints auprès de vos services d’être submergés de circulaires. Ils ont manifesté devant vos bureaux et malgré l’attention qu’ils disent avoir reçue, ils sont repartis déçus. Après cette rencontre, vous leur avez annoncé la création d’un groupe de travail. On pourrait en conclure qu’il est préférable de manifester pour se faire entendre : des directeurs d’école dans la rue devant un cabinet ministériel donnent une certaine ampleur au problème ! Quels sont l’objectif et la nature de ce groupe de travail ? Des réunions sont-elles prévues ? Selon quel calendrier ? Comment ce groupe de travail sera-t-il composé ? Qui en assurera la présidence ? Un agenda a-t-il été fixé pour le dépôt des conclusions? Comment analysez-vous le sentiment des directions d’établissements face à l’ampleur des tâches administratives ? Lors de la discussion du budget, vous avez déclaré que les 376 000 euros étaient alloués dans le contexte du suivi du décret de 2009. La principale revendication des directeurs est une diminution de la quantité de documents. Quitte à continuer à envoyer des circulaires, ils réclament du personnel pour les traiter, ce qui nécessitera des moyens supplémentaires. Je ne suis pas favorable à cette solution. Soit vous maintenez le nombre de circulaires en allégeant le travail administratif, soit vous dégagez des moyens pour soulager les directeurs et leur donner du temps pour la pédagogie. Ce choix faitil partie des missions du groupe de travail ? L’administration se rend-elle enfin compte de l’excès de paperasserie et de circulaires qui assaillent les directeurs et perturbent le travail pédagogique?

M. Jean-Luc Crucke
(MR). – Mon intervention est dans le droit fil de celle de M. Gosuin. Le mouvement syndical des directeurs, né en Wallonie picarde dans le réseau libre, prend de l’ampleur et s’étend aujourd’hui aux autres réseaux. Selon mes informations, l’encadrement dont dispose un directeur du primaire est sept fois inférieur à celui d’un directeur du secondaire. C’est tout à fait disproportionné ! J’aimerais vous entendre à ce sujet. Cette différence entre le primaire et le secondaire est-elle vraiment si importante ? Si tel est le cas, on peut comprendre que certains manifestent et disent qu’ils en ont ras-le-bol de ne plus pouvoir assumer la tâche de « pilote pédagogique » qui leur est dévolue parce qu’on réduit leur rôle à celui de « flics absorbés par la paperasse ». Ce sont les termes utilisés par Marc Castel qui est lui-même à la tête de ce mouvement. Quand on en arrive à ce type de raisonnement sur une fonction et un statut qui, au demeurant, est le plus beau que l’on puisse avoir, il convient de se poser des questions. Vous avez effectivement reçu les directions, qui ont fortement insisté sur cette circulaire du mois de septembre qui alourdit encore leur tâche. Je souhaiterais pouvoir identifier avec vous ce qui, dans cette circulaire, entraîne un surcroît de travail pour les directeurs. S’il s’agit de devoirs complémentaires à accomplir, ne serait-il pas possible de rationaliser et de faire preuve de cohérence dans les tâches demandées aux directeurs ? Je pense que c’est un peu le raisonnement qu’ils vous ont tenu. Quelles sont précisément les revendications des directeurs ? Que leur a-t-on répondu ? Un calendrier a-t-il été ébauché ?

Mme la présidente. – La parole est à M. Saint- Amand.

M. Olivier Saint-Amand (ECOLO). – Madame la ministre, je souhaite me joindre à ces deux interpellations en lien avec la question que je vous ai posée en commission, le 14 septembre dernier, sur l’aide aux directions de l’enseignement fondamental. À l’époque, l’actualité révélait que la Cour des comptes avait épinglé la Région flamande parce que l’aide qu’elle accorde aux directions de l’enseignement secondaire est trois fois supérieure à celle qu’elle accorde aux directions de l’enseignement fondamental. En Communauté française – M. Crucke vient de l’indiquer – cette aide serait sept fois supérieure. Le Segec avait même estimé à l’époque que dans certains cas de figure cette aide était douze à dix-neuf fois supérieure. Pour prendre un exemple concret, une école fondamentale de neuf cents élèves n’a pas droit à un équivalent temps plein là où une école secondaire a droit à dix équivalents temps plein. Notre propos n’était absolument pas de remettre en question l’encadrement du secondaire, mais bien de souligner l’importance de l’aide accordée aux directions de l’enseignement fondamental. Pour pallier ce manque d’aide, les écoles et les pouvoirs organisateurs engagent sur fonds propres, quand ils peuvent se le permettre, des agents PTP ou ALE. Ce sont des situations inconfortables parce que ces personnes ne sont pas spécialement qualifiées pour exercer les fonctions qui leur sont confiées. De plus, certaines de ces aides sont limitées dans le temps. Comme vous avez pu le constater lors de visites d’écoles, on attend beaucoup d’un directeur du fondamental. Il doit être un superman, capable d’assurer la gestion administrative et financière ainsi que celle des ressources humaines de son établissement. Il est conseiller pédagogique, même si le temps dont il dispose pour cette mission est très limité. Et parfois même, si des enfants en détresse font appel à lui, il doit parfois se transformer en infirmier ou en juge de paix. Récemment, vous avez reçu une délégation des directeurs qui ont manifesté dans la rue. Quelles réponses avez-vous pu leur donner à leurs légitimes demandes, comme vous l’aviez précisé lors de la rencontre du 19 novembre ? Nous savons qu’à court terme, le budget est restreint, mais pouvez-vous nous confirmer la priorité, dont vous avez parlé lors des discussions de septembre dernier, qui sera accordée aux directions du fondamental dès que des moyens seront disponibles ?

Mme Marie-Dominique Simonet, ministre de l’Enseignement obligatoire et de promotion sociale. – Depuis que j’occupe la fonction de ministre de l’Enseignement obligatoire et de promotion sociale, je ne cesse d’être à l’écoute de tous les acteurs de l’école en me rendant régulièrement sur le terrain. Je peux ainsi entendre les directions d’écoles qui évoquent régulièrement les difficultés qu’elles rencontrent par rapport à l’ensemble des tâches administratives qui leur incombent. Cependant, si ces tâches, sans être disproportionnées, font partie du travail du directeur, elles le détournent d’une autre mission, celle de pilote pédagogique de leur école. J’ai déjà été interrogée sur cette problématique et je voudrais vous faire part de la rencontre que j’ai eue le vendredi 19 novembre avec les représentants des directeurs de l’enseignement catholique qui m’ont fait part des constats que vous évoquez. Les mesures contenues dans la circulaire 3 308 ont déjà fait l’objet d’une réponse de ma part et je n’y reviendrai pas. En effet, j’ai bien expliqué les tâches imposées aux directions dans le cadre de la mise en oeuvre du plan Pagas, qui vise à garantir un enseignement serein et à lutter contre la violence. J’invite M. Crucke à lire attentivement la réponse donnée à l’interpellation de M. Gosuin. Le terme « flicage » a même été utilisé. Il est vrai qu’on peut y lire que le directeur, en cas de non présentation d’un élève à la suite d’une convocation, peut déléguer un membre du personnel au domicile des parents. Cette mesure figure d’ailleurs déjà dans une circulaire de 2007. Il ne s’agit donc pas d’une nouveauté. Elle est certes quelque peu nébuleuse puisque cela vise surtout l’enseignement secondaire. Les directeurs de l’enseignement ont désormais droit à l’aide d’une personne à temps plein par mille élèves, ce qui n’avait pas soulevé la moindre difficulté en 2007, 2008 et 2009. Cette aide est encore insuffisante, j’en conviens. Dans l’absolu, il faudrait passer à un équivalent temps plein pour cinq cents élèves, mais cela coûterait treize millions d’euros. C’est un coût important que nous ne pouvons assumer dans la situation budgétaire actuelle. L’enseignement secondaire est incontestablement mieux loti. À cet égard, la responsabilité est collective. Il est sans doute apparu aux ministres qui se sont succédé que les élèves étaient plus difficiles dans l’enseignement secondaire, même si M. Neven a dit tout à l’heure qu’ils le deviennent aussi dans l’enseignement fondamental. La circulaire 3 308 n’impose pas à proprement parler de nouvelles tâches, mais j’admets que sa publication a provoqué un certain ras-le-bol. En fait, nous réimprimons les circulaires collationnées, en mettant en gras les points qui changent. De cette manière, les néophytes disposent de documents de référence complets tandis que les directeurs chevronnés gagnent du temps en se limitant à prendre connaissance des nouveautés. Cette année, il s’agissait du nouveau numéro vert et de l’informatisation de certaines données tendant à simplifier les charges administratives de la fonction. Les directions ont sans doute utilisé la publication de cette circulaire pour rappeler leurs légitimes besoins d’aide en matière de gestion administrative. En fait, il n’y a pas que les circulaires de la Communauté française qui sont en cause. La Dimona, imposée par le gouvernement fédéral, qui les oblige à compléter des documents pour chaque membre du personnel, et la réglementation sur les asbl devenue plus stricte, alourdissent également leurs tâches. Notre objectif est d’offrir un enseignement de qualité. Le rôle de la direction est très important dans la gestion pédagogique d’un établissement. Je l’ai affirmé aux directeurs quand je les ai rencontrés, mais je leur ai aussi dit que je ne pouvais pas faire des miracles au vu de la situation budgétaire actuelle. Il m’est impossible de résoudre d’un coup de baguette magique les inégalités de traitement. Le précédent gouvernement avait déjà initié un pas dans ce sens. Cette situation est ancienne et résulte de l’organisation de l’enseignement et des choix posés par nos prédécesseurs depuis de nombreuses années. Il ne s’agit pas de les remettre en cause, nous avons tous dans cette assemblée notre part de responsabilité. Le système éducatif a évolué et les moyens pour le piloter efficacement n’ont pas toujours suivi. Ce n’est pas une raison pour baisser les bras. J’ai la volonté politique de faire avancer ce dossier grâce à un travail mené sur deux axes. Le premier porte sur la simplification des tâches administratives et le second sur l’analyse institutionnelle de l’organisation actuelle de l’enseignement fondamental. J’accorde de l’importance aux interpellations et questions parlementaires que j’intègre dans mes réflexions et politiques. Sur cette base, pour envisager concrètement la mise en place de la simplification administrative, M. Hubin, administrateur général de l’Agers, a reçu le 25 octobre dernier, à ma demande, les représentants des directions de l’enseignement fondamental de tous les réseaux ainsi que les services de la direction générale de l’enseignement obligatoire, du pilotage de l’enseignement et de l’inspection. Cette réunion s’est donc tenue avant la manifestation des enseignants. Un cadre de travail a été élaboré et les objectifs de simplification administrative ont été balisés. Il a été convenu qu’il fallait identifier les tâches redondantes et celles pour lesquelles un suivi n’est pas organisé, notamment par manque de temps. Au cours de cette réunion, nous avons notamment envisagé de supprimer certaines tâches n’ayant pas d’importance majeure et n’étant pas imposées par voie décrétale aux directeurs. Régulièrement, on m’interroge sur les statistiques et des informations concrètes. Ne perdons pas de vue que celles-ci ne sont parfois disponibles que sur le terrain. Pour l’analyse institutionnelle de l’organisation actuelle de l’enseignement fondamental, je réunirai dès janvier les représentants des directions de tous les réseaux pour définir les objectifs précis. Nous pourrions envisager des modifications décrétales libérant davantage de temps pour que les directeurs puissent mieux exercer leurs missions. Bien sûr, les tâches administratives feront toujours partie de leur travail, mais elles ne doivent pas primer les tâches pédagogiques. La revalorisation salariale du poste de direction et l’augmentation de l’aide administrative font également partie des revendications que les organisations syndicales défendront dans le cadre de la négociation de la programmation sectorielle. Je suis ouverte à la discussion, mais les marges budgétaires sont étroites.

M. Didier Gosuin
(MR). – Votre administration m’a informé de la réunion qui s’est tenue le 25 octobre dernier. Certains directeurs craignent l’encommissionnement. Ce groupe de travail a-til une échéance précise ? Les marges budgétaires dont vous disposez sont certes étroites, néanmoins il doit être possible de faciliter le travail des directions sans que cela n’ait d’impact budgétaire conséquent.

M. Jean-Luc Crucke (MR). – Je suis persuadé que vous êtes consciente du problème et des difficultés que rencontrent les directeurs. Pour assumer une telle responsabilité, il faut être passionné et se sentir investi d’une mission. Sans vouloir être pessimiste, et compte tenu de la complexité croissante de cette fonction, je crains que sans aide humaine supplémentaire, il n’y ait pas de solution. Il est normal, comme vous le proposez, de clarifier et de simplifier le cadre. Il faut pouvoir entendre ce qui motive certaines demandes. Si on ne trouve pas de solution, nous ne parviendrons plus, à terme, à recruter de directeurs.

Mme la présidente. – Les incidents sont clos.

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