jeudi 1 décembre 2005

Question orale de Jean-Luc CRUCKE au Ministre ANTOINE sur "jugement sans appel de la famille Wegria sur la natation francophone"

M. Jean-Luc Crucke (MR). – Le titre est tout à fait exact, mais il faudrait y ajouter « sans appel de la part de nombreux sportifs ». Voici une dizaine de jours, dans son supplément sportif, La Dernière heure publiait un dossier complet sur la situation de la natation en Belgique, particulièrement en Communauté française. On y apprenait que Sarah Wegria, l’un des plus grands espoirs belges, quitte la structure francophone pour rejoindre la ligue flamande de natation « topsportschool vlanderen » de Merksem. Les raisons de ce départ incitent à s’interroger sur le mode de structuration de la natation en Communauté française. La maman de Sarah déclarait : « Dans la partie francophone, je pense que certains se reposent sur leurs lauriers et sont heureux de leur petite place au soleil. On manque de compétences et de moyens financiers pour développer la natation en Communauté française. Récemment, j’ai noué un contact avec un responsable de l’Adeps, c’était à mourir de rire. Au téléphone, il m’a tenu un langage inaudible, me signalant qu’il ne pouvait aider ma fille. Quatre mois plus tard, il lui adressait un courrier afin de la féliciter pour ses bons résultats. » Le papa de Sarah déclarait à son tour : « Vers l’âge de 15 ans, les nageurs de haut vol ont besoin de soutien mais ils ne reçoivent aucun écho en Wallonie ». Monsieur le ministre, partagez-vous le contenu des différents articles en question ? Pensez-vous qu’il reflète la situation actuelle de la fédération de natation en Communauté française ? Quels sont les moyens humains et financiers dont dispose cette fédération ? Permettent-ils à la fois la recherche de l’excellence et la vulgarisation du sport ? Avez-vous été avisé de difficultés particulières rencontrées par la fédération ? Dans l’affirmative, quel type de solution envisagez-vous et dans quels délais ? Enfin, le cas de Sarah Wegria n’est pas isolé. Laurence Rase avait également rejoint la Flandre. Il est triste de voir des talents nous quitter.

M. André Antoine, vice-président et ministre du Budget, des Finances et des Sports. – Il y aura toujours des sportifs qui, au gré de leurs résultats, se plaindront de l’intervention de la Communauté
française. Cependant, j’attire l’attention sur le fait que le nombre de contrats conclus par la Communauté française avec des sportifs de haut niveau est plus de deux fois supérieur au nombre de contrats offerts par la Communauté flamande. En 2009, nous avions 23 athlètes sous contrat. Cette année, nous en avons 52. En 2011, nous serons au-delà de 70. Par ailleurs, il faut savoir que des mouvements en sens inverse se produisent également. C’est ainsi que la skieuse Karen Persyn – que nous avons envoyée aux Jeux olympiques d’hiver – et le coureur à pied Pieter Desmet ont quitté le giron flamand. Nous ne pouvons évidemment pas déclencher une guerre communautaire chaque fois qu’un sportif de haut niveau choisit de défendre les couleurs de l’autre communauté ! L’athlétisme, la balle pelote, l’équitation, le judo, le canoë-kayak, le volley-ball, le basket-ball, le cyclisme, l’automobile et même le football nous ont valu de belles satisfactions en 2010. Cela n’a pas été le cas de la natation, même s’il ne faut pas se limiter aux médailles récoltées pour évaluer les performances. Cette approche serait parfaitement réductrice, surtout pour une petite communauté, dans un petit pays. Il importe aussi tenir compte des progrès accomplis d’une année à l’autre. En réalité, si nous prenons la peine d’établir le rapport des performances et des qualifications au plus haut niveau, nous pouvons être fiers de la saison écoulée puisque nous avons les meilleurs athlètes du monde dans toute une série de disciplines. Mathieu Loicq, champion du monde paralympique 2010 de tennis de table, en est un exemple parmi d’autres. J’en reviens à la natation. Lors des championnats d’Europe qui se sont déroulés à Budapest au mois d’août, la plupart de nos nageurs ont atteint les demi-finales. Trois d’entre eux sont même allés jusqu’en finale. Un quatrième, François Heersbrandt, a manqué la finale du cinquante mètres papillon pour six centièmes de seconde. Il s’est finalement classé neuvième du cinquante mètres papillon en demi-finale, septième du quatre fois cent mètres nage libre en finale et seizième du cent mètres papillon en demi-finale. Yoris Grandjean a terminé à la septième place du quatre fois cent mètres nage libre en finale, seizième du cent mètres nage libre en demi-finale et vingt-cinquième du cinquante mètres nage libre. Pholien Systermans a obtenu la septième place du quatre fois deux cents mètres nage libre en finale. Fanny Lecluyse s’est classée, en demi-finale, quatorzième au deux cents mètres quatre nages et onzième au deux cents mètres brasse. Enfin, Manon Lammens est vingt-cinquième aux dix kilomètres en eau libre et quinzième aux vingt-cinq kilomètres en eau libre. Ces résultats sont intéressants et tranchent avec la morosité de votre constat. Mlle Wegria a de nombreux talents mais ses multiples blessures l’ont empêchée d’atteindre les performances qu’elle s’était fixées. Je lui souhaite le meilleur. Monsieur Crucke, vous avez passé sous silence le soutien dont elle a bénéficié grâce au projet « Be Gold », c’est-à-dire les moyens que la Communauté française destine au COIB. Ce financement a pourtant couvert ses frais de manière quasi intégrale. François Heersbrandt a décidé de revenir en Belgique après son escapade toulousaine. Yoris Grandjean et Mathieu Fonteyn restent à Antibes où ils bénéficient de bonnes conditions. Le premier s’entraîne avec Denis Auguin et Alain Bernard, champion d’Europe et médaille d’or au Jeux olympiques de Pékin en cent mètres nage libre. Avec les fédérations, nous avons répertorié la natation comme une des dix disciplines majeures. Cela permettra de répondre à l’exil parfois forcé de certains jeunes. Le Centre d’évaluation de la performance sportive les y aidera grâce à son encadrement scientifique. Nous comptons, avec Mme Simonet, améliorer la pratique de la natation. Les facilités pour les nageurs devraient commencer dès le niveau primaire, contrairement à ce qui existe actuellement. Nous avons eu l’occasion d’observer un véritable talent à Ottignies. Cette jeune nageuse, en quatrième primaire, s’entraîne quatre fois par semaine. Nous devons donc étendre les facilités offertes en secondaire vers le niveau primaire car, comme la gymnastique, il s’agit d’un sport à maturité précoce. Le « plan piscine » tombe à point nommé. L’administration de la Région wallonne, sous la conduite de M. Devos, a recensé 92 piscines en Wallonie. Nous sommes convenus d’une programmation sur les crédits ordinaires et sur le reliquat des financements alternatifs pour améliorer l’état de nos piscines en termes de rénovation, de confort d’accueil et d’efficacité énergétique. Les nageurs et les futurs champions bénéficieront de ce fait de meilleures conditions d’entraînement. Le décret « missions » prévoit que la natation doit être une compétence acquise en sixième primaire. Les demandes en natation sont énormes, notamment pour la revalidation après une fracture ou un incident cardiaque. La Fédération francophone belge de natation bénéficie pour son fonctionnement et ses missions de près de 515 000 euros, dont 100 000 de forfait, 400 000 pour le plan programme et 15 000 pour la formation. Ce sont des moyens importants. Sept nageurs bénéficient du statut « espoir sportif », ce qui assure la relève, et cinq du statut « sportif de haut niveau », quatre d’entre eux disposant d’un contrat pris en charge par la Communauté française. Ce n’est pas négligeable. Il s’agit d’un travail de longue haleine. Nous avons besoin d’engranger quelques résultats pour apporter le coup de fouet nécessaire et cela exige la participation de plus de sportifs à tous les niveaux de compétition. Voilà de quoi nuancer l’opinion de Mlle Wegria, largement teintée de déception. Nous mettrons tout en oeuvre pour améliorer la pratique, les résultats et les performances en natation.

M. Jean-Luc Crucke (MR). – Je vous remercie, monsieur le ministre, même si votre réponse me laisse insatisfait, et c’est peu dire. Ma question ne concernait que la natation. Vous me donnez des résultats intéressants dans d’autres disciplines. Soit, c’est tant mieux. En matière de natation, la compétition n’est pas le seul élément important. Il y a aussi la pratique courante et vous faites à cet égard le relais avec Mme Simonet pour en favoriser l’enseignement. Cependant, quand vous dites qu’il faut nuancer les choses, je vous invite à ne pas édulcorer les chiffres. Les statistiques sont là : en Communauté française, sept enfants sur dix ne savent pas nager correctement en sortant de primaire. C’est dramatique.

M. André Antoine, vice-président et ministre du Budget, des Finances et des Sports. – D’où tenez-vous vos sources ?

M. Jean-Luc Crucke (MR). – Elles viennent de M. André Heneveaux, un professionnel et un connaisseur. Il s’agit d’un des meilleurs entraîneurs belges qui a formé Yoris Grandjean, un Liégeois qui pratique actuellement en France où il bénéficie d’un encadrement de qualité. Ces informations figurent dans un article de La Dernière Heure.

M. André Antoine, vice-président et ministre du Budget, des Finances et des Sports. – Ce n’est pas une étude scientifique.

M. Jean-Luc Crucke (MR). – Mais c’est un constat. Si vous n’écoutez pas les avis des professionnels de la natation, susceptibles de vous donner des pistes de réflexion, vous n’arriverez pas à relever le niveau de ce sport. Vous remettez en cause l’avis de Mlle Wegria, sous le prétexte qu’elle est déçue, et celui de M. Grandjean parce qu’il est à l’étranger. Pourquoi ne prenez-vous pas la balle au bond pour venir en aide au secteur ? Écoutez plutôt ce que nous dit M. Heneveaux : « Depuis des années, aucune amélioration n’a été constatée au niveau francophone. Beaucoup de pays ont produit des efforts importants pour mettre en place du sport-étude. Ici, le coup de fouet engendré par la création en Communauté française s’est vite estompé. On ferme des piscines, on en rénove tant bien que mal. En trente ans, une seule nouvelle piscine a vu le jour en région liégeoise. Une ville comme Liège n’est dotée d’aucun bassin digne de ce nom. » Telle est la réalité. Un fait vaut mieux que n’importe quel discours. Tant que vous refuserez de voir cette réalité en face, on continuera à formuler des espoirs, des intentions. Tout cela est bien beau, mais pour notre part, nous souhaitons de la performance.

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