Question orale de Jean-Luc CRUCKE au Ministre André ANTOINE sur "Candidature belgo-néerlandaise au Mondial 2018 et 2022"
M. Jean-Luc Crucke (MR). – Une décision importante pour l’avenir du football en Belgique et aux Pays-Bas va être prise dans les heures qui viennent à Zurich. Nous parviennent cependant des informations contradictoires sur les chances de réussite de la candidature belgo-néerlandaise pour l’organisation de la Coupe du Monde de football de 2018 ou 2022. Le rapport de la Fifa éventé par la BBC signalait que la Belgique n’était pas bien cotée en raison d’un manque de chambres d’hôtel et de terrains d’entraînement mais aussi en raison du concept général de l’organisation. Que pensez-vous des conclusions de ce rapport ? Comment comptezvous y répondre ? Le premier ministre déclarait cependant ce matin que nous étions passés de la position d’outsider à celle de candidat sérieux. La candidature belgo-néerlandaise a été reconnue pour ses méthodes de travail respectueuses des règles du lobbying. Quels seront les rôles dévolus à chacun des membres de la délégation belgo-néerlandaise devant se rendre à Zurich ? Seuls vingt-deux des vingt-quatre membres participeront au vote prévu jeudi à 16 heures, deux membres ayant été écartés, un Nigérian et un Tahitien. D’après certaines informations, le représentant de Tahiti – qui est aussi représentant de l’Océanie, et donc de l’Australie, laquelle présente sa candidature pour 2022 – a introduit un recours auprès du tribunal du sport. Si ce recours apparaît fondé, il pourrait invalider la décision de jeudi. Il ne faut pas prendre cette information à la légère. Est-elle crédible ? Faut-il la crédibiliser ? Y a-t-il des parades aux manquements éventuels ? Lorsque l’on prend une décision au sujet d’un événement aussi médiatisé et qui implique un tel investissement, il faut être certain d’opérer les bons choix et que tous les risques ont bien été pesés. J’aimerais donc savoir comment les délégations belges et hollandaises aborderont la dernière ligne droite dans ce dossier. Il est déjà remarquable que nous soyons arrivés jusqu’ici sans querelles communautaires. Votre rôle est donc primordial pour que ce projet aboutisse sans encombre.
M. André Antoine, vice-président et ministre du Budget, des Finances et des Sports. – Après cette longue campagne de candidature, force est de constater que dans ce pays, le sport réunit les hommes politiques dans un consensus fervent. S’il est difficile de former un gouvernement fédéral où l’on s’oppose sur des questions de financement, de compétences, de prérogatives, aucun politique cependant n’a remis en cause l’intérêt de cette candidature et ses retombées positives. Le défi était d’autant plus redoutable qu’il fallait non seulement s’entendre entre Belges, mais également avec les Hollandais. Je ferai donc le point sur les différents aspects du dossier. Le premier est financier. Je rappelle que le budget global de la Fondation Holland Belgium Bid s’élève à 10 millions d’euros. La part des partenaires commerciaux s’élève à 4,33 millions d’euros. Les deux pays concernés doivent donc dégager 2 835 000 euros, la Communauté française y participant à concurrence de 600 000 euros, somme qui pourrait nous être reversée si nous étions retenus. Le second concerne l’infrastructure, qui relève de la région. La Région flamande a décidé d’octroyer un prêt de 10 millions d’euros par stade. Nous consacrerons 10 millions d’euros pour Liège et Charleroi, ce qui ne représente qu’une première tranche. En effet, pour construire des stades de 40 000 places, nous devrons envisager plusieurs mécanismes de financement : partenariats publicprivé, véhicules financiers appropriés, contribution à un financement alternatif, etc. Nous nous y sommes engagés. Les représentants de la candidature belgohollandaise ont fait le choix d’une candidature éthique, sans démarchage ni promesse, sans tentative de favoriser le vote des membres du jury. Nous l’avons déposée, forts de nos moyens, de notre histoire, de nos spécificités. Nous avons systématiquement choisi de ne défendre que notre candidature, d’en vanter les atouts, sans jamais attaquer les autres. Je pense que nous avons choisi la bonne approche. Nous connaissons nos points forts : notre passé footbalistique, nos infrastructures, la proximité.. . Si nous devions organiser la coupe du Monde, les spectateurs pourraient en effet aisément assister à deux matchs en une journée. Les moyens de communication entre nos pays sont donc un avantage précieux. À ce propos, un commentaire entendu ce matin dénonçait l’absence d’étude sur les éventuelles retombées économiques de l’organisation de la Coupe du Monde. Une émission y sera d’ailleurs consacrée ce soir. Ne soyons pas défaitistes ! Une nation peut se démarquer si elle se donne de grands objectifs et mobilise ses moyens au-delà de ses clivages politiques. Alors des retombées pourront être engendrées sur les plans touristique, commercial et économique, mais aussi par l’investissement majeur qui sera consenti afin d’adapter nos infrastructures. Cette amélioration des stades profitera au monde du football. Face à cette démarche positive, nous avons en effet dû constater plusieurs comportements et déclarations déplaisants. La BBC, notamment, est parvenue à dévoiler notre rapport le jour même où nous l’avions déposé ! Pourtant la règle prévoit que seul le comité organisateur le reçoit et non les candidats tiers. La BBC a donc crû bon d’appuyer la candidature du pays qu’elle veut servir en égratignant (le mot est faible) celle des autres. D’après Gilbert Timmermans, directeur de notre candidature, le rapport relève trois points faibles. Le premier est le manque de chambres dans notre réseau hôtelier. Cet aspect ne me semble pas insurmontable. Le deuxième est notre actuelle instabilité gouvernementale. D’autres candidats se sont engouffrés dans ce débat géopolitique, utilisant également d’autres aspects, notamment énergétiques, pour faire triompher leur candidature. Le troisième concerne l’exigence de garanties gouvernementales que nous pourrions également rencontrer. Pour le reste, notre candidature semble correspondre en tous points aux attentes de la Fifa. Elle veut donner un caractère durable et écologique du Mundial. La volonté de toutes les parties de s’investir pleinement dans cette organisation est manifeste. Les retombées positives sur le plan social et footballistique sont soulignées. Le souci pour l’environnement, y compris dans la construction des stades, est constant. Nous n’avons pas écarté les compléments financiers qui seront nécessaires pour ce faire. Mais il est vrai que nous n’avons pas opté pour des pratiques déloyales. Que se passera-t-il demain ? Nous devrons obtenir, dès le premier tour, quelques votes positifs parmi les membres du Comité, ce qui nous permettrait de rester en lice. Notre premier ministre a qualifié notre candidature d’outsider. La limite entre candidat outsider et candidat sérieux est ténue. J’aime à penser qu’il privilégie la seconde acception. Je le répète, notre candidature est sérieuse. Si j’en crois les bookmakers, nos chances de réussite sont assez limitées, mais il n’est pas interdit de rêver un instant. Si les grandes nations s’affrontent, ce qui est probable, notamment pour deux d’entre elles, peut-être cela permettra-t-il à une troisième candidature de passer au second tour. On a régulièrement constaté que lorsque deux fortes candidatures s’opposent, elles peuvent s’annihiler au profit d’une troisième. Nous savons qu’une candidature connaît des difficultés sur le plan financier. Je ne citerai pas les pays, vous les aurez reconnus. Un autre atout qui pourrait nous permettre d’être retenus serait que la Fifa privilégie un fonctionnement éthique. Ce serait le plus beau démenti aux suspicions de corruption qui pèsent sur l’un ou l’autre membre du jury. Retenir des pays plus modestes, qui n’ont ni voulu ni pu obtenir indélicatement les faveurs de l’un ou l’autre membre du comité serait faire preuve de noblesse. Tels sont, me semble-t-il, les deux scénarios qui pourraient propulser notre candidature. Plusieurs personnalités se sont affichées – c’est plus important que les ministres –, tels que Michel D’Hooghe, Harry Been, ancien secrétaire général de la Fédération néerlandaise et co-organisateur de l’Euro 2000, Jacques Rogge, mais aussi Herman Van Rompuy, président du Conseil européen qui animait notre plate-forme de candidature avant qu’elle ne soit retenue au plus haut niveau. Son fils, par ailleurs, en était la cheville ouvrière. Tels sont les éléments qui peuvent indiscutablement plaider en notre faveur. On peut y ajouter un élément sympathique. Un grand nombre de footballeurs de premier niveau, comme Ruud Gullit, se sont engagés à nos côtés.
Enfin, de puissantes sociétés commerciales ont soutenu notre projet. Je n’en citerai qu’une seule, n’y voyez pas de ma part une quelconque forme de publicité. La banque ING, bien connue en Belgique et aux Pays-Bas, s’est résolument engagée, y compris sur le plan financier. Autant d’éléments non négligeables à mettre à notre actif. Demain, le vote aura lieu à 16 heures. Nous
saurons donc le surlendemain ce qu’il est advenu de notre candidature. Je terminerai par un élément positif. Notre parlement connaîtra dans les prochains mois la communautarisation du football, c’est un élément majeur. Auparavant, nous ne pouvions pas aborder ce sujet ici. La Communauté française n’était compétente ni pour ses infrastructures ni pour sa politique. À l’avenir, ce sera le cas. Nous avons d’ores et déjà consacré des montants importants dans le budget initial puisque 1 600 000 euros y sont inscrits pour la nouvelle fédération et 1 500 000 pour la formation et l’émergence de clubs, comme nous l’avons annoncé en commission. Ce n’est pas rien ! Nous allons consacrer plus de moyens au football que ne le fera la Flandre. Les moyens dont nous disposons doivent nous permettre de réussir une politique favorable au développement du football, notamment par la formation. À cette fin, je confierai, la semaine prochaine, à un groupe d’experts le soin de me faire un rapport complet sur le football francophone et wallon. Cela permettra de baliser le travail. Je préfère m’adresser à des spécialistes plutôt qu’aux seuls membres de mon cabinet qui n’ont peutêtre pas toute la connaissance dont disposent ces observateurs privilégiés de notre football francophone.
Enfin, quoi qu’il arrive, nous devrons investir tant à Liège qu’à Charleroi. Le fer de lance du football wallon reste indiscutablement le Standard et nous devrons mettre son stade en conformité avec les exigences de l’UEFA. Nous serons aux côtés du Standard. Du reste, une réunion est programmée dans les prochains jours pour ficeler ce dossier, si nous ne devions pas être choisis pour organiser le Mondial. Il en sera de même pour Charleroi pour laquelle nous ferons preuve de la même détermination. Les montants seront importants. Je souhaite simplement que le lieu et la formule retenus coïncident avec les délais du Mondial ou avec ceux que le Conseil d’État nous a fixés au risque d’astreintes.
Monsieur Crucke, dans ce dossier, je ne suis pas un membre de la majorité et vous n’êtes pas un membre de l’opposition. L’un et l’autre, et toutes les forces politiques, sommes rangés derrière cette candidature. Quelle bénédiction pour un ministre des Sports d’exercer un mandat durant lequel l’organisation d’un Mondial se profile ! D’office, toutes les portes budgétaires vous sont ouvertes. Rien que pour cela, je suis un des premiers supporters. Mais si nous ne devions pas être retenus, nous nous retrouverions toutes et tous pour discuter de l’avenir du football francophone et pour prendre ensemble, je l’espère – je vous sais passionné aussi –, de bonnes décisions pour le développement de ce sport qui reste le premier sport de notre communauté en ce qu’il mobilise un sportif sur quatre. Rendez-vous d’ici quelques heures !
M. Jean-Luc Crucke (MR). – Je remercie sincèrement le ministre pour ses informations. Je ne doute pas que si le vote devait avoir lieu sur la base des valeurs, nous serions les favoris. Selon un proverbe wallon que vous connaissez, vous aussi : « C’è tôdi li p’tit qu’on spotche ». Par contre, en anglais – pour faire référence à ceux qui nous ont très rapidement critiqués – on dit que « Small is beautifull ». Je retiendrai plutôt la deuxième expression. Si ce dossier n’a pas suscité le moindre débat communautaire entre le Nord et le Sud de notre pays, il ne cause pas non plus le moindre souci entre la majorité et l’opposition. C’est donc bien des bancs de l’opposition que je vous dis, pour demain : « Bonne chance, monsieur le ministre !
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