Question orale de Jean-Luc CRUCKE au Ministre MARCOURT, sur "le dépôt de bilan de Depoortere Fabrics à Mouscron et l'appétit bancaire"
Mme la Présidente. – L’ordre du jour appelle la question orale de M. Crucke à M. Marcourt, Vice-Président et Ministre de l’Économie, des PME, du Commerce extérieur et des Technologies nouvelles, sur « le dépôt de bilan de Depoortere Fabrics à Mouscron et l'appétit bancaire ».
La parole est à M. Crucke pour poser sa question.
M. Crucke (MR). – Madame la Présidente, Monsieur le Ministre, chers Collègues, en économie comme ailleurs, les choses peuvent changer rapidement et parfois très rapidement.
Je lisais le 2 décembre 2009, il y a à peine plus d’un mois, que lentement mais sûrement l'entreprise DEPOORTERE FABRICS remontait la pente. On savait cette société en difficulté depuis de longs mois, mais celle-ci avait commencé aujourd'hui à voir le bout du tunnel. Et vous vous souvenez qu’il y a une décision du Tribunal de commerce de Tournai, le 25 mai 2009, qui a octroyé le concordat sur base de ce qu’on appelle la légalisation de continuité d’entreprise, que je connais bien puisque j’en ai été un des auteurs sur le plan fédéral.
Donc, dans un contexte difficile sur le plan textile, du fait de la mondialisation, y avait-il une volonté à la fois du patronat et des travailleurs de s’en sortir, de relever le gant et de se dire qu’on voulait voir le bout du tunnel ?
Cela a été radicalement une surprise lorsqu’il y a une semaine, on a entendu que manifestement le patron n’y croyait plus, qu'il avait du mal à y arriver. Ce qui dans ce dossier reste en travers de la gorge, j’emploie ces mots à bon escient, je l’espère en tout cas, c’est le contexte final dans lequel on estime que les choses se sont passées.
Je sais que vous aviez ce matin un rendez-vous au cabinet avec M. Royaux. Il n'a peut-être pas eu lieu, mais s'il a eu lieu, vous m'en direz un peu plus, l’actualité fait bien les choses dit-on.
Mais le principe est le suivant : que l'entreprise soit en difficulté ce n'est pas la seule, il y en a d'autres. Qu'une entreprise soit en difficulté parce que le travail qui est fait est un travail qui ne convient plus à la mondialisation du commerce, cela peut arriver. Une entreprise, comme le genre humain, naît et disparaît. Par contre, si les éléments de faits qui nous sont rapportés sont exacts, à savoir qu'il y aurait une sorte de co-responsabilité extérieure à l'entreprise, quand je dis co-responsabilité je vise deux choses. C'est un, une banque bien connue, DEXIA, qui aurait purement et simplement pompé, il y a quelques jours, 1 million d'euros sur les comptes de l'entreprise alors que 500.000 euros avaient déjà été remboursés sur un prêt d'1,5 million. Si c'est exact, je vous avoue que j'ai du mal à comprendre. Si mes souvenirs sont bons, Monsieur le Ministre, il y a quelques mois, ce même organisme, cette même banque a eu besoin des pouvoirs publics pour s'en sortir, je ne pense pas qu'on peut dire que les pouvoirs publics n'ont pas été généreux en la matière, ils ont été conséquents avec une logique industrielle et bancaire. Si ce fait est exact, vous aurez constaté qu'on a beau en aider certains, dans certains cas, ceux-ci oublient très vite. C'était le premier élément.
On me dit également que, là, on est purement dans un système public. L'intercommunale IPALLE impose des exigences à ce point fortes qu'il était impossible à brefs délais de répondre à ces exigences pour pouvoir continuer l'entreprise. Ces deux éléments, je vous avoue, me perturbent. L'un vient du privé, l'autre du public. J'imagine bien à la fois le désarroi du patron, mais aussi le courroux des travailleurs, c'est quand même 85 personnes (80 ouvriers, 5 employés) qui se retrouvent sur le carreau à Mouscron. Sur les faits, Monsieur le Ministre, y a-t-il exactitude dans l'information ?
deuxièmement, quid, ai-je envie de vous dire, du futur ? Vous avez eu une réunion ce matin. Y a-t-il encore une lueur, y a-t-il encore une possibilité, une main qui va se tendre et peut-être celle effectivement de la Région, et dans quelles circonstances ? Ou bien envisage-t-on déjà une sorte de reconversion, ce qu'on appelle les cellules de reconversion pour les travailleurs ?
troisièmement, au niveau de l'investissement public cette fois-ci, de la Région, de l'Europe, il y a eu un certain nombre d'aides qui ont été agréés à l'entreprise pour l'aider à se redresser. Je n'ai jamais critiqué ce type d'aides, mais où en est-on ? Quelle est l'importance de l'investissement qui a été fait par l'Europe et la Région ? Doit-on considérer que cet investissement est aujourd'hui purement et simplement perdu ?
Voilà les trois, quatre questions que je voulais vous poser, Monsieur le Ministre, et vous l'avez compris, au ton qui est le mien : même s'il n'est pas agressif, il est aussi courroucé parce que si ce que j'ai comme informations est exact, je pense qu'il va falloir, à un moment donné, que l'on revoie les critères lorsque certains ont besoin d'aide.
Mme la Présidente. – La parole est à M. le Ministre.
M. Marcourt, Vice-Président et Ministre de l'Économie, des PME, du Commerce extérieur et des Technologies nouvelles. – Madame la Présidente, Monsieur le Député, c'est évidemment dossier difficile. Vous l'avez dit : ce sont plusieurs dizaines de familles qui, aujourd'hui, sont dans l'incertitude.
Avant de répondre précisément à vos questions, permettez-moi de retracer un peu l'histoire de cette entreprise. Premièrement, elle a bénéficié de différentes interventions sous forme de prêts (1,8 millions d'euros) et de capital (600.000 euros) de la part de la Région wallonne en 1992, 1993 et 1995, pour un montant total- faites l'addition - de 2,4 millions d'euros. Entre 1997 et 2003, un important programme d'investissements a été mis en oeuvre pour un total d'investissements de 44 millions d'euros, pour lesquels nous avons octroyé - avec mes prédécesseurs - 6,6 millions d'euros de primes. Pendant cette période, l'entreprise a renoué avec la croissance et le profit.
Après de nouvelles pertes en 2006, la Région est de nouveau intervenue sous forme d'un prêt à concurrence de 1.250.000 euros.
En novembre 2006, un accord avait pu être trouvé pour la reprise de la société DEPOORTERE par la société « Escolys s.a. ». Celle-ci a finalement renoncé, puisqu'elle ne pouvait plus continuer à financer les cash-drains de la société, compte tenu des résultats et de la faiblesse du carnet de commandes.
La société « DEPOORTERE FABRICS s.a. » a été créée en août 2007 suite à la reprise des actifs de « DPF s.a. » en faillite, avec 90 personnes sur les 200 que comptait précédemment l'entreprise.
En novembre 2008, j'ai demandé l'avis et les commentaires de la SOGEPA quant à la faisabilité d'une intervention de la Région, la société faisant de nouveau face à des difficultés qu'elle impute à la crise actuelle qui est liée aussi à la mondialisation et au dérèglement du secteur.
Afin de débuter l'analyse du dossier, les informations habituelles ont été demandées au management de la société, dont notamment, une situation récente et le business plan.
Fin janvier 2009, la SOGEPA a été informée que le Conseil d'administration de la société DEPOORTERE FABRICS avait décidé de « mettre sa demande initiale en stand-by, privilégian,t dans un premier temps, un apport de partenaires privés » : pour vous dire que nous avions été pro-actifs mais nous ne forçons pas les portes, il faut évidemment que nous soyons invités autour de la table.
Pour ce qui concerne le volet relatif à DEXIA, cet organisme bancaire avait un contrat de factoring avec DEPOORTERE FABRICS. Ce qui revient à dire que DEXIA préfinançait les contrats de l'entreprise avant de se faire régulariser par ses clients. Suite au dépôt de bilan de la société, le 18 janvier dernier, DEPOORTERE FABRICS est devenu débiteur des avances de DEXIA. Raison pour laquelle le préfinancement octroyé par Dexia a fait l'objet d'une récupération. Donc, vous avez raison : cet argent a été repris.
Il y a un problème de station d'épuration et je vais y revenir dans un instant.
Nous avons, par ailleurs, constaté qu'une demande de mise en place d'un Plan d'accompagnement des reconversions avait était faite le jour même de la déclaration de faillite. L'instruction de ce point est, d'ores et déjà, mis en oeuvre et la proposition de démarrage du Plan de reconversion sera soumise au bureau exécutif du FOREM le 9 février prochain, c'est donc exactement dans une semaine. Tout est donc mis en oeuvre pour que la plate-forme permanente de reconversion de Tournai-Mouscron puisse accueillir les travailleurs licenciés de l'entreprise dès le 15 février.
Par ailleurs, et nonobstant la faillite, à l'initiative d'une part, de représentants syndicaux et d'autre part, de contacts que nous avions avec le directeur, une réunion s'est tenue aujourd'hui au cabinet. Le directeur a fait part du fait que l'absence de partenaires privés faisait que, aujourd'hui, il se trouvait lui-même dans une impasse. Qu'ai-je décidé ?
Premièrement, c'est de demander à la SOGEPA de prendre immédiatement contact avec la curatelle et d'envisager avec elle ce qu'il était envisageable de faire en termes de reprise d'activités.
deuxièmement, j'ai également demandé à la SOGEPA d'envisager l'état du secteur . Nous l'avions déjà fait, mais il y a d'autres acteurs sur le site. Le directeur sortant, dit : « J'ai un problème d'équilibre financier, c'est peut-être dû à la taille de l'entreprise qui est face aux éléments, mais peut-être dans un ensemble plus costaud, nous pourrions parvenir à assurer cet équilibre financier, et donc, peut-être intéresser des repreneurs ».
Troisièmement, c'est évidemment de prendre contact avec l'Intercommunale pour voir dans quel cadre nous pouvons travailler ensemble et pour collaborer au sauvetage de l'entreprise et de ses travailleurs. Voilà ce qui a été décidé ce matin. La SOGEPA était autour de la table et nous allons véritablement continuer, puisque comme vous l'avez vu, je dirais que la Région est un partenaire historique important et que nous n'avons pas ménagé nos efforts. Nous allons continuer à le faire parce que ce qui nous intéresse, c'est évidemment de permettre au maximum de travailleurs de conserver leur emploi, et à l'entreprise de retrouver un avenir, dans la mesure où nous pourrions trouver un partenaire privé prêt à injecter des fonds. Voilà, par rapport à la réunion qui s'est tenue ce matin à 8 heures, les éléments que je peux vous donner.
Mme la Présidente. – La parole est à M.Crucke.
M. Crucke (MR). – Je remercie M. le Ministre pour sa réponse. c'est vrai que c'est un dossier qui pèse lourd - pas seulement en termes d'emplois, on l'a précisé - mais aussi par rapport au risque que la Région wallonne a pris sur le plan financier : plus de 10 millions d'euros !
Je pense que vous avez raison de ne pas fermer les yeux sur ce type d'investissement et de considérer en pertes et profits ce montant - en l'occurrence plus en pertes évidemment qu'en profits. Je peux comprendre le raisonnement par rapport à cette reconversion qui, quoiqu'il arrive, doit être mise sur pied. Je pense que l'initiative, prise à travers la SOGEPA, pour garder contact avec la curatelle est aussi une bonne initiative. Les contacts avec l'Intercommunale, vous avez aussi raison de les prendre.
Mais j'insisterai sur un élément supplémentaire, même si ça ne changera peut-être plus rien par rapport à ce dossier-ci. Vous m'avez confirmé, dans les faits, l'attitude qui a été celle de DEXIA. je pense qu'il serait intéressant qu'il y ait un entretien avec M. le Ministre de l'Économie de la Région wallonne - mais de manière plus globale cette fois-ci, et pas uniquement sur un dossier particulier, encore que c'est à travers ce dossier-ci que l'on vit une réalité qui, j'ai envie de dire, est peu agréable - et les responsables de la banque pour leur rappeler, tous partis confondus d'ailleurs, qu'on s'en souvienne bien, qu'au moment où ils ont eu besoin de nous, quand il était indispensable de les sauver, on l'a fait ! On peut leur rappeler que peut-être, également, avant de couper le robinet ici - même si je peux comprendre l'analyse juridique et vous et moi sommes juristes - il faut que tout le monde prenne des risques, et le milieu bancaire devrait le comprendre aussi de temps en temps, d'autant plus dans une région qui veut se redresser. J'insiste pour qu'il y ait ce contact et pour que vous me teniez informé du résultat de ce contact.
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