samedi 7 avril 2007

Biocarburants:03 Question de M. Jean-Luc Crucke au ministre du Climat et de l'Énergie sur "le débat autour des biocarburants"

03 Question de M. Jean-Luc Crucke au ministre du Climat et de l'Énergie sur "le débat autour des biocarburants" (n° 5054).Chambre 06 mai 2008

03.01 Jean-Luc Crucke (MR): Monsieur le président, monsieur le ministre, nous entendons pour l'instant des réactions contradictoires sur le thème des biocarburants.
Je pense que le commun des mortels, le citoyen qui s'intéresse au développement durable, qui s'intéresse forcément à cette manière de changer notre dépendance aux carburants, n'y retrouve plus son latin.
Je voudrais donc connaître la réponse du ministre fédéral de l'Énergie.
Après le premier ministre, après le commissaire européen Louis Michel et le rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l'alimentation Jean Ziegler, c'est le professeur de la KUL Peter Tom Jones qui, récemment dans le "Standaard" tire la sonnette d'alarme. Tous disent qu'il faut faire attention car il y a un impact – j'emploie ce terme à dessein car c'est celui qu'on retrouve dans la déclaration – catastrophique sur le climat et sur la disponibilité en nourriture et en denrées alimentaires dans le monde entier du développement des biocarburants de la première génération.
Nous avons la particularité – avantage ou inconvénient – d'avoir plusieurs parlements en Belgique.
Je lis donc par ailleurs dans une déclaration au Parlement wallon, un autre ministre de l'Environnement qui affirme qu'on ne peut parler de développement durable sans tenir compte du développement économique et social – je tiens le texte à votre disposition. Le ministre parle ensuite du site de Bio-Wanze en disant que c'est le fédéral qui les a obligés à faire Bio-Wanze et que, par conséquent, si problème il y a, il doit être réglé au fédéral.
Je m'adresse dès lors au ministre fédéral. D'une part, j'entends des déclarations alarmistes. D'autre part, certains affirment qu'il faut poursuivre car c'est très important pour le développement du pays et de la Région. Dès lors mes questions sont très simples.
Quelle est la position du ministre de l'Environnement, de l'Énergie et du Climat sur un éventuel moratoire? En faut-il un?
Bio-Wanze est-il une erreur de la nature? Je sais que les ficelles ne se tirent pas au fédéral mais que pense le ministre de ce projet de développement durable?
Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, vous qui avez cette casquette fédérale – que je trouve tellement importante finalement dans notre pays si compliqué –, qu'il faudrait lancer un message qui, quel que soit l'endroit où on le prononce, quelles que soient les responsabilités et les compétences qu'on endosse, soit clair, précis et cohérent pour le citoyen? On ne peut pas dire que c'est bon et en même temps indésirable.
Tout le monde semble placer beaucoup d'espoir dans les biocarburants de la seconde génération.
Personnellement, je n'ai pas trouvé de réponse à la question suivante mais je vous avoue que je n'ai pas le temps de lire toute la littérature scientifique et je me dis que votre cabinet a un peu d'avance sur moi à cet égard. Est-ce que la solution se trouve réellement dans ces biocarburants de la seconde génération? Les critiques émises à l'encontre des biocarburants de la première génération sont-elles dépassées? Peut-on y voir ce lien exprimé par certains entre développement durable, économie et social?

03.02 Paul Magnette, ministre: Monsieur le président, cher collègue, comme vous, je suis de très près ce débat animé et passionnant. J'ai également relevé les différentes interventions des acteurs de premier plan du monde politique et scientifique.
Il s'agit, selon moi, d'une question qu'il faut aborder avec nuance. Accepter un moratoire concernant les biocarburants serait une solution de facilité. Le sujet a le mérite d'exercer une pression positive en faveur de l'adoption de critères stricts de durabilité, mais un moratoire ne résoudrait pas le problème.
Il est vrai que les biocarburants peuvent engendrer des effets pervers tels que ceux que vous avez mentionnés. Afin de les éviter, nous avons exigé, au moment des appels d'offres réalisés par le gouvernement fédéral pour la défiscalisation des biocarburants, l'inclusion de plusieurs critères comme une évaluation du bilan global en CO2 et la moindre utilisation de pesticides. C'est une première approche pour inclure des critères de durabilité pour ces biocarburants. Au niveau européen, les mêmes critères de durabilité sont en cours d'étude et développés. Il va sans dire que la Belgique est très active dans ces travaux. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire dans cette commission, la Belgique a été un pays pionnier
en la matière puisque, dès février 2007, le représentant permanent de la Belgique au COREPER soulevait la question et demandait que des critères de durabilité soient examinés. J'ai d'ailleurs adopté la même position lors du dernier Conseil européen de l'Énergie qui s'est tenu en février dernier, si ma mémoire est bonne.
En ce qui concerne plus particulièrement le site de Bio-Wanze et la question de savoir s'il est contraire aux objectifs de développement durable, ma réponse est claire: non.
Le site de Bio-Wanze a fait l'objet, comme les autres, d'une analyse du bilan global en CO2. Différentes méthodologies ont cours. Selon ces dernières, on arrive à une réduction de CO2 pour le bioéthanol qui y est produit qui s'échelonne entre 65 et 80%, ce qui représente une avancée significative.
Par ailleurs, la matière première utilisée à Bio-Wanze qui est soit du blé, soit de la betterave sucrière, vient principalement de Belgique tant du Nord que du Sud du pays, d'Allemagne et de France dans un rayon d'environ 150 km. Il n'y a donc pas d'importation lointaine ou de déplacements inutiles. Le site même de Bio- Wanze a été étudié en fonction de sa proximité avec des voies fluviales et ferroviaires. Bref, ce site a fait l'objet d'une étude approfondie qui s'inscrit dans une logique de durabilité. C'est un site dans lequel s'opère un développement industriel intégré valorisant également les sous-produits et les déchets générés avec une
logique de maillage.
Pour son exploitation, tout dépendra des critères finaux que l'Union européenne retiendra et du sort réservé aux installations ayant déjà reçu des agréments.

Il ne faut pas perdre de vue que cet investissement industriel important réalisé sur impulsion fédérale est aussi un débouché pour des milliers d'agriculteurs tant du Nord que du Sud du pays qui vendent du blé et des betteraves qu'ils cultivent sur des terres qui autrefois étaient la plupart du temps en jachère conformément à l'accord de la politique agricole commune. Il n'est donc pas question de concurrence avec
la production alimentaire. L'analyse a été faite sérieusement. Il en ressort qu'il s'agit bien d'un dossier durable.

Pour ce qui est des biocarburants de la deuxième génération, nous croyons en leur potentiel. Dans ce cadre, des critères de durabilité devront également être respectés. En outre, les biocarburants produits à partir de déchets organiques (les déchets verts, les déchets de culture et de cuisine) ne devraient pas engendrer d'effets négatifs sur le coût des denrées alimentaires.
D'autres questions se feront jour néanmoins comme, pour cet exemple, la soustraction d'une fraction organique qui sert de source de matière organique pour les sols. Nous devrons examiner cela aussi, ce dans une logique de durabilité complète. Nous espérons disposer à l'échelle européenne de biocarburants de deuxième génération vers 2015, sans oublier par ailleurs le nombre de projets de recherche en cours pour ce que l'on appelle la troisième génération, c'est-à-dire le biocarburant produit à partir d'algues, sur lequel votre collègue M. Flahaux a eu l'occasion de m'interroger en cette même commission.
03.03 Jean-Luc Crucke (MR): Monsieur le président, je remercie M. le ministre pour sa réponse. Je partage son point de vue tant sur le moratoire que sur le site de Bio-Wanze. Sa réponse a le mérite de clarifier un certain nombre de points, car nous finissons par ne plus y voir clair! Sincèrement, pour le citoyen qui ne s'intéresse pas du matin au soir à cette problématique mais qui perçoit l'existence d'un phénomène plus qu'intéressant, il n'y a rien de pire que de ne pas disposer d'éléments de stabilité et de clarification en la
matière.
Sans doute "Le printemps de l'environnement" y participera-t-il, mais ne vaudrait-il pas mieux adopter une position commune dans le cadre d'une conférence interministérielle pour réellement appeler blanc ce qui est blanc et noir ce qui est noir?

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