C'est toujours d'une grande richesse de mettre les acteurs en face les uns des autres et l'on sent bien que, dans les propositions avancées, certaines sont contradictoires par rapport à d'autres. C'est le résultat du travail. Et en fonction de l'endroit où on se positionne dans le dossier du logement public, on a des réalités bien différentes et des obligations différentes auxquelles il faut pouvoir répondre.
J'aurais aimé que vous nous donniez votre appréciation et votre sentiment par rapport au débat que vous avez nourri sur d'éventuelles fusions de sociétés de logement ou de nécessité de société de logement. Toutes les sociétés que l'on connaît aujourd'hui n'ont pas les moyens d'avoir une société de régie. Je pense également à la professionnalisation des organes de gestion. Selon l'expérience qui est la vôtre aujourd'hui, peut-on dire que pour obtenir un résultat plus cohérent, plus conséquent, il y a une taille critique qu'il faut pouvoir atteindre?
Vous avez évoqué également le fait d'avoir été opposé à une gestion de type entrepreneuriale et d'un autre côté sociale. L'exemple de Bruxelles a été cité mais je pense que l'on peut parler de Charleroi où les sociétés de logement ont, en consensus, mis sur pied un service social. Quels sont les avantages et les inconvénients? Ne faut-il pas avoir à la tête des sociétés de logement des généralistes qui ensuite peuvent décliner?
Dans la souplesse d'attribution, je rejoins bien ce qui a été dit mais ne risque-t-on pas de retomber dans le travers dénoncé précédemment ? Si on a cadenassé un certain nombre de règles, c'est parce qu'on voyait les dérives qui existaient, un certain nombre de problèmes, notamment d'attribution purement politique en fonction des facilités de contact avec l'un ou l'autre décideur politique. Ne faut-il pas opérer une modification des mentalités au niveau des demandeurs de logement?
Je comprends que celui qui est demandeur va trouver la première perche tendue mais ce n'est pas toujours la bonne. On tombe dans un débat qui est plus important. C'est le contact qu'ont fait les élus locaux sur le terrain avec la population qui, parfois, ne voit dans l'élu local que celui qui peut apporter l'aide, qui doit l'apporter, mais en même temps des priorités qui sont celles du respect de la loi. Comment éviter qu'en mettant plus d'assouplissement, on ne tombe dans le travers précédent ?
Je voudrais aussi revenir sur l'adaptation de la norme des 10 %. J'ai entendu ma collègue avoir une interprétation qui était de dire « Cela veut-il dire que, dans l'ancrage communal, certains ne veulent pas faire la solidarité sociale ? ». On ne peut pas vous poser la question autrement, cela veut-il dire qu'à certains endroits, parce que le besoin se fait moins sentir ou peut-être existe moins, ce taux n'est pas efficient ?
On sait que certaines communes ont des profils sociologiques très différents, c'est une réalité de terrain. Je me souviens d'avoir eu un jour la discussion ici avec M. Eerdekens qui disait « ce n'est pas pour rien que les logements sociaux sont nés dans les bassins ouvriers, liés la métallurgie, à savoir là où le besoin existait ou dans des communes un peu plus rurales ».
Mais doit-on retenir de votre raisonnement que ces 10 % - quelle que soit la marge que l'on met, 18, 12, 15, peu importe - est inadaptée parce qu'elle ne tient pas compte des besoins sur le plan local ? Si c'est cela, cela veut-il dire qu'on peut avoir des communes qui, légitimement n'ont pas besoin de ce taux de 10% - et pas avec le parti pris social que vous avez décrit mais qui doit aussi parfois exister - car le besoin est nettement criant ? L'obligation devrait-elle être moins pesante sur celles-ci ?
Dès lors, on pourrait avoir une analyse qui concernerait l'ensemble d'un bassin territorial. En d'autres termes, si vous prenez l'exemple de la Wallonie picarde, on pourrait imaginer que l'objectif social du logement social est rempli si, pour l'ensemble du territoire, on a un tel taux de logements qui est atteint, ce taux étant déterminé par rapport à la demande. Décliner ce même objectif de manière plus individuelle entre les 23 communes, c'est peut-être rater l'objectif car on aura imposé, dans l'une ou l'autre de ces 23 communes, plus de logements qu'il n'y a de demandes alors que dans d'autres communes, des logements supplémentaires auraient été plus nécessaires en fonction de la situation économique et sociale. Demande à laquelle on n'aura pas répondu parce qu'on aura considéré avoir atteint un seuil préalablement fixé.
Enfin, j'aurai deux dernières remarques. Par rapport aux radiations, vous avez dit que, souvent, la radiation intervient de manière violente. Quand on parle de radiation, je suppose qu'on parle de résiliation de bail, c'est toujours un événement violent. Je voulais avoir une explication supplémentaire car je ne suis pas sûr qu'on parle de la même chose.
Si on parle de fin de bail, à un moment donné, lorsque les personnes ne font pas d'efforts, on doit bien y arriver et c'est peut-être là que le rôle social doit être plus évident. En effet, au plus vite on approche le candidat ou, dans ce cas-ci, le locataire défaillant, au mieux on peut circonscrire son besoin et l'aider plus facilement. Si on le laisse partir, il est clair qu'on tombe dans une spirale - qui doit aussi être dénoncée -, à savoir celle de retrouver ces mêmes personnes au CPAS avec une demande de relogement. Au bout du compte, si le CPAS n'a pas le logement nécessaire, la personne risque de se paupériser encore plus. En cette matière, on aurait donc besoin d'interventions nettement plus rapides.
Le dernier élément de mon intervention concernera le chèque-loyer. J'ai été très attentif à ce qui a été dit et très heureux d'entendre que, nonobstant les critiques, dans certaines conditions, le chèque-loyer pourrait fonctionner. Je voudrais préciser aussi l'exemple français en disant qu'il y a parfois des dérives. Quel est l'élément qui permettrait d'éviter la dérive, tout en ayant un chèque-loyer qui, réellement, répond à l'ambition d'aider les personnes qui ont besoin d'un logement ?
Punt aan de lijn. Si je termine par un petit mot de flamand, c'est parce que vous avez aussi évoqué le cas de la Flandre où, dans le cadre de promotions immobilières faites dans le privé, on impose un certain nombre de logements publics. Je trouve que cette idée est riche et intéressante. Mais elle n'existe pas qu'en Flandre. Là aussi, comment peut-on trouver les bons exemples et les moins bons ? Je pense à ce qui se passe en Allemagne ou en Hollande et qui pourraient être des sources d'inspiration.
M. le Président. - La parole est à M. Fourny.
M. Fourny (cdH). - Je remercie les auteurs des deux rapports qui nous sont communiqués aujourd'hui. Le travail démontre à suffisance que, comme l'intitule le rapport, le logement public est un secteur en perpétuel chantier. Effectivement, début de la législature précédente, nous avons parcouru l'ensemble du secteur du logement, dans des circonstances beaucoup plus douloureuses. Le travail qui avait été fait à l'époque en commission nous avait quand même permis de resituer l'ensemble des problèmes qui existaient au sein de ce secteur. Le Parlement wallon, dont notre Commission, avait ainsi rédigé une résolution comprenant plus de 40 recommandations, qui ont été, au fil du temps, adoptés tant par le Gouvernement wallon que par notre assemblée et qui ont permis de faire avancer le secteur du logement.
Ceci dit, les problèmes que vous relevez ici et les questionnements évoqués sont des sujets qui reviennent de manière récurrente et qui doivent, à mon estime, être redébattus, voire évalués, pour essayer d'améliorer au mieux la vie dans le secteur du logement.
Premier élément, concernant le mode de gestion. Je regrette que, dans ce rapport, il ne soit pas fait état de chiffres précis au niveau de la situation financière actuelle du secteur. Il aurait été utile de disposer de ces informations. En effet, lorsqu'on prend le problème, par exemple, sous l'angle de l'arriéré des loyers et si mes informations sont conformes à ce que j'ai pu obtenir au travers d'une question écrite, on constate que cet arriéré cumulé d'impayés s'élève à onze millions d'euros dans le secteur du logement. C'est évidemment une charge lourde et importante. Il faudrait donc qu'on puisse mettre cet arriéré en rapport avec la situation financière du secteur et d'examiner la manière dont les sociétés procèdent afin de récupérer ces arriérés de loyer et conscientiser les locataires.
L'exercice nous a démontré qu'une situation n'était pas l'autre et que la manière dont étaient gérées les sociétés dans une région n'était pas la même que dans une autre. On rencontre de nombreuses disparités au niveau de la gestion de cet arriéré tout comme de l'appréhension du rôle social que, à mon estime, doit avoir la SLSP. Selon moi, il lui incombe de pouvoir s'enquérir, auprès des locataires, des problèmes en raison desquels ils n'ont pas payé leur loyer et de saisir cette difficulté dès l'instant où elle se présente, plutôt que de laisser pourrir des situations qui aboutissent à des ruptures de bail devant le Juge de paix, entraînant des situations sociales dramatiques. Sur ce point, j'aurais aimé avoir quelques informations complémentaires.
Je plaide depuis un certain temps sur la nécessité de renforcer la mission d'accompagnement de type social dans les SLSP comme on le fait au niveau des AIS. De manière pratique, lorsqu'une AIS rencontre un problème d'arriéré locatif, elle s'enquière automatiquement du problème pour essayer de le résoudre et apporter une solution aux personnes qui habitent ce type de logement. Je crois que c'est une mission centrale des SLSP, compte tenu de l'importance de l'arriéré actuel. J'aurais aimé vous entendre sur cette question.
Deuxièmement, j'aborderai le système à points. Je pense que ce système, qui est d'actualité depuis 1998, a été mis sur pied pour éviter les dérives que l'on connaissait à l'époque, à savoir une forme de clientélisme ou de passe-droit en fonction de la proximité existante au niveau du politique qui était à la tête d'une société de logements ou voire même des directeurs-gérants. Le système a permis, me semble-t-il, de rétablir une certaine équité entre les différents candidats-locataires. J'abonde vraiment dans ce sens et je pense qu'il faut le maintenir.
Cependant, le système de candidature ou de formulaire unique a, de manière complémentaire, permis d'objectiver la hauteur réelle du nombre de demandeurs de logements sociaux en Région wallonne. On parlait, à un moment donné, de plus de 60.000 personnes qui étaient en attente. Le formulaire unique nous a permis d'apprécier la hauteur correcte qui est de plus ou moins 28.000 à 30.000 demandeurs, ce qui réduit la fourchette.
Je voudrais aussi vous entendre sur l'application du formulaire unique. En effet, dans certains cas, ce formulaire revient à imposer à certains locataires qui se trouvent à Mouscron, d'habiter un logement en zone rurale ou à des citadins de venir en zone rurale. Il y a des migrations qui peuvent trouver à s'appliquer mais il me semble qu'il y a là un effet pervers de la mesure qu'il y aurait lieu, à mon estime, de devoir rectifier en imposant l'idée de cantonner sa demande soit dans un bassin de vie, soit à la hauteur d'une province, afin de pouvoir circonscrire au mieux la demande des locataires.
Autre élément sur lequel j'aimerais intervenir porte sur la problématique des AIS. Vous ne l'avez pas évoqué de manière spécifique et précise. Je m'en étonne car il s'agit d'un outil récent mais qui a démontré à suffisance l'intérêt qu'il représente, puisque le nombre d'habitations mises à disposition à travers des AIS est en nombre croissant. Nous avons eu de longs débats en cette commission sur la question de la couverture de l'intégralité du territoire wallon. Vous connaissez les critères qui sont appliqués actuellement. Il faut, à tout le moins, qu'il y ait un groupement de communes de plus de 50.000 habitants pour pouvoir constituer une AIS, être reconnu et pouvoir obtenir l'agrément. Nous avions déposé, avec M. Jamar, une proposition qui visait à réduire ce seuil afin de pouvoir permettre la couverture de l'ensemble du territoire wallon. Ce débat a été reporté à la rentrée, dans l'attente des conclusions de votre rapport. Or, je n'ai pas perçu, dans votre discours, un intérêt particulier, ou en tout cas une expression claire par rapport aux AIS. Qu'en est-il ?
Enfin, pour ce qui concerne la problématique de l'aspect administratif et la manière dont la Société wallonne exerce la tutelle à l'égard des sociétés, on entend, de manière récurrente, des plaintes et complaintes des directeurs-gérants quant à la lourdeur administrative de la tutelle telle qu'elle est exercée actuellement. Qu'en pensez-vous ?
Au niveau de l'ancrage communal, on se plaint également de cette lourdeur administrative dans la gestion des dossiers. In fine, on voit une série de programmes qui auraient dû être exécutés ou qui sont en cours d'exécution, mettre un temps énorme tant au niveau de la rénovation que de l'acquisition, retards liés principalement à la question de la lourdeur administrative avec laquelle ces dossiers sont appréhendés. J'aurais aussi aimé avoir un petit commentaire de votre part.
J'en terminerai sur la question du PEI. Il n'a pas été abordé et on aurait peut-être pu l'évoquer pour savoir quel est l'état actuel de l'exécution du PEI et les perspectives pour l'organisation de la fin des travaux, puisque sur le milliard d'euros qui avaient été engagés en 2004, pas moins de 360 millions ont seulement été engagés. Quid de la suite ?
M. Crucke (MR). - M. le Président, je souhaiterais juste ajouter un mot. J'aurais aimé que l'on réponde à la question sur la taille des sociétés de logement public. Le débat est de savoir s'il y a un besoin de fusion ou pas.
M. Massart, Secrétaire de rédaction et journaliste de l'Agence Alter. - Ce n'est pas l'intention du secteur de procéder à une fusion, par contre, la demande est de pouvoir mutualiser certains services que ce soit en termes de centrales d'achat ou dans le cadre d'un organisme commun prenant en charge la question des marchés publics.