mercredi 26 janvier 2005

Interpellation de Jean-Luc CRUCKE au Ministre NOLLET sur "l'augmentation des prix du gaz et de l'électricité est-elle inexorable?"

Mme la Présidente. L'ordre du jour appelle l'interpellation de M. Crucke à M. Nollet, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique, sur « l'augmentation des prix du gaz et de l'électricité est-elle inexorable? ».
La parole est à M. Crucke pour développer son interpellation.

M. Crucke (MR). Madame la Présidente, Monsieur le Ministre, chers collègues, après les auditions que nous avons eues hier en commission, j'ai envie de répondre à la place du ministre et dire oui. C'est inexorable, encore faut-il ne pas charger la barque inutilement et peut-être éviter que lorsque l'on peut ne pas lever une taxe, on la lève. On ne va pas refaire tout le débat que nous avons eu en fin d'année 2010 sur cette nouvelle taxe qui frappe les ménages wallons, les citoyens, les entreprises. Je reste persuadé que ce n'est pas une bonne chose. Ceci dit, si je me suis permis de revenir aujourd'hui vers le Ministre c'est parce qu'il y a une réalité sur le plan économique que l'on ne peut nier. On voit bien qu'il y a une augmentation du prix du gaz et de l'électricité. Si on fait une comparaison 2008, 2009 et 2010, on sent bien qu'on est dans un trend qui est revenu à la hausse et qui est d'ailleurs comparable à un moment où le Gouvernement fédéral et souvenez-vous M. le Ministre, à l'époque nous étions sur les mêmes bancs, vous dans l'opposition et moi dans la majorité, mais au Gouvernement fédéral a pris des mesures pour limiter cette augmentation à l'égard des personnes qui sont les plus nécessiteuses et qui sont financièrement les plus fragiles. Ma question, face à une réalité du marché, est de savoir comment le ministre peut contrer pour partie cette réalité du marché? Quelles sont les mesures prises et peut-être à prendre pour éviter cela?
Deuxièmement, on en parlait tout à l'heure par rapport à la situation de monopole, il faut reconnaître que nonobstant une libéralisation du marché, Electrabel garde sur ce marché un monopole de fait. Ca ne plait pas toujours quand on dit cela, ni à Electrabel, ni aux autres fournisseurs d'électricité mais j'ai du mal, quand je vois les chiffres, à appeler autrement la politique d'Electrabel que celle d'une politique de monopole. Que peut faire le gouvernement pour tenter de faire jouer le marché à plein? Est-ce que face à ce problème de monopole qui est constaté et qui ne me semble pas contestable, il y a aussi des possibilités qui permettraient de jouer plus la concurrence, plus le marché, et moins le monopole.
Troisièmement, c'est un débat que nous avons déjà eu mais quand je vois l'augmentation de ces prix, je pense que l'on doit accélérer la décision à prendre et la solution à trouver, c'est la fusion et le rapprochement des GRD. Je lisais un article de presse récemment où les GRD étaient classés tant pour l'électricité et le gaz en fonction des prix qu'ils pratiquaient par rapport aux consommateurs, aux clients, qu'ils soient privés ou entreprises. C'est quand même assez grave de voir que sur le plan de l'électricité à Bruxelles, en Flandre et en Wallonie, quand on prend les dix GRD les moins chers, un seul est wallon, c'est celui du Brabant wallon. Tous les autres sont derrière. C'est un peu moins vrai quand on parle du gaz parce que dans le gaz on a Simogel et l'ALG qui se retrouvent dans les trois premiers mais après on se trouve à nouveau en fin de liste. Réellement, en termes de concurrence si je parle des entreprises, en termes de pénibilité financière si je parle de citoyens, il y a une réalité qui est extrêmement différente en fonction de l'endroit où l'on vit. Je pense sincèrement qu'une harmonisation des prix passe par une fusion des GRD et je me demande s'il ne faudrait pas maintenant s'attaquer à bras le corps à ce problème vu les difficultés dans lesquelles les entreprises et les citoyens se trouvent face à ce que j'appellerai la montée inexorable des prix du gaz et de l'électricité.

Mme la Présidente.
La parole est à M. le Ministre Nollet.

M. Nollet, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique. Les prix de l'électricité et du gaz comprennent diverses composantes. Pour répondre à la question de savoir si c'est inexorable, il faut aller voir à l'intérieur de ces différentes composantes. Le poids des composantes du prix varie en fonction du point de raccordement, du profil et du niveau de consommation du client. Le tarif «réseau de distribution» représente moins de 40 % du prix de l'électricité pour un client résidentiel type contre environ 20% pour un client industriel. Les tarifs «réseau de distribution» varient d'un gestionnaire de réseau à l'autre. Les différences, parfois importantes, s'expliquent par des raisons objectives de densité de population et de topographie. La fusion des GRD permettrait d'uniformiser les tarifs « réseaux ». Dans certains cas, cela entraînerait probablement une hausse par rapport aux tarifs actuels, dans d'autres cas, une baisse. Quant à la redevance de voirie gaz, vivement réclamée par les pouvoirs locaux, elle est plafonnée pour les petits consommateurs et dégressive pour en réduire l'impact sur les consommateurs industriels. En Région wallonne, depuis l'ouverture totale des marchés au 1er janvier 2007, le prix de l'électricité pour les clients résidentiels est plus élevé pour un client alimenté par un fournisseur désigné (généralement l'opérateur historique que vous aimez tant) que pour un client actif qui a choisi le produit le moins cher du marché. Il est donc important pour les clients de bien comparer les offres en fonction de leur situation. A cette fin, le simulateur tarifaire mis en place par la CWaPE est un outil très intéressant permettant aux ménages de comparer les offres des fournisseurs. Actuellement, 20 fournisseurs sont actifs sur le marché régional de l'électricité et 17 sur le marché régional du gaz. Electrabel reste l'acteur dominant mais sa part de marché diminue au profit des nouveaux entrants. Actuellement, pour les ménages, les fournisseurs imposent un forfait de base complété par un prix au kWh. A la suite de l'application de ce forfait, plus on consomme, moins cher on paie à l'unité. Cette situation rend l'énergie proportionnellement très coûteuse pour les petits consommateurs. La réflexion en matière de tarification progressive est un objectif à rencontrer dans un avenir proche lorsque sera tranchée la question de savoir si nous agissons avant ou après un éventuel transfert de compétence en matière de tarifs relatifs aux réseaux de distribution. On est quasi prêt mais il y a une difficulté liée à savoir si la compétence tarifaire est transférée et c'est à la limite, je dirais, plus facile mais si jamais cela devait trop traîner parce que certains au sein d'un même parti disent « avec la NV-A» puis « sans la NV-A», c'est un peu lourd et lent, alors on pourrait réagir autrement. La réflexion en matière de tarification progressive est avancée et cette mesure incitant à la réduction de la consommation revêt un caractère environnemental, mais il s'agit également d'une mesure sociale puisqu'elle permettrait de réduire le coût énergétique pour les petits consommateurs. La question du prix de l'électricité dépend surtout des prix mondiaux de l'énergie et du manque de concurrence au niveau de la production. Pour rappel, la production d'énergie ressort de la compétence de l'Etat fédéral. Il faut souligner que, même si de nouveaux fournisseurs sont entrés sur le marché wallon, le manque de concurrence joue au niveau de la production et des capacités d'importation. Par ailleurs, les fournisseurs n'ont souvent pas d'autre choix que de s'approvisionner auprès de l'opérateur historique. A ce propos, la prolongation des centrales nucléaires détenues par l'acteur dominant freine encore la concurrence au niveau de la production. Toutefois, au niveau wallon, le mécanisme des certificats verts a permis un réel essor de ce type de production depuis son entrée en vigueur en 2002. En effet, la part de la production d'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables dans la consommation finale d'électricité en Région wallonne est passée de moins de 3% en 2001 à près de 10% en 2009. Ce mécanisme permet de développer une certaine concurrence dans le secteur de la production d'électricité verte. Vu la tendance internationale, il est probable que les prix de l'énergie vont croître au cours des prochains mois et des prochaines années. Dès lors, afin de limiter l'impact sur la facture des ménages, des petites entreprises et des industries, il est indispensable d'orienter les investissements vers les économies d'énergie. A ce titre, les primes énergies octroyées aux ménages ont été réorientées, comme vous le savez, vers l'isolation et majorées, comme vous le souhaitiez aussi certainement, pour les ménages à bas revenus. Par ailleurs, les accords de branches ont permis aux entreprises de réaliser des investissements rapidement rentabilisés. Ce mécanisme va prochainement être adapté et étendu aux PME et au secteur tertiaire afin d'en étendre le champ d'application.

Mme la Présidente
. La parole est à M. Crucke.

M. Crucke (MR). Je remercie M. le Ministre pour sa réponse. J'entends bien, lorsqu'on parle des GRD, évoquer les différentes contraintes auxquelles elles sont soumises, mais je considère que cela n'explique pas tout. J'ai envie de vous dire aussi que l'efficacité des gestionnaires de réseau est ce que l'on doit cibler parce qu'ils ne sont pas tous aussi efficaces l'un que l'autre et cette non efficacité influe sur le prix de la facture, qu'on le veuille ou non. C'est une des raisons pour lesquelles je suis favorable à cette fusion des GRD.
Deuxièmement, vous avez raison quand vous expliquez que nous ne disposons pas en tant que région de tous les mécanismes qui permettent d'avoir une influence décisive sur le prix de l'électricité, la compétence de tarification. Il y a un certain temps que je suis favorable à tout ce qui est transfert de compétences vers la région, et sûrement celle-là, mais j'ai quand même envie de vous dire de ne pas trop attendre. En dehors de divergences que vous pourriez trouver dans des partis d'opposition, regardez d'abord dans ceux qui déjà depuis quelques mois travaillent à sept pour tenter de trouver une solution. Vous savez très bien que je suis pour un transfert des compétences vers les régions, je suis pour une politique efficace, lisible et visible. Il faut plus de lisibilité dans les compétences de ce pays. En matière d'énergie, nous travaillerons beaucoup mieux si nous sommes wallons que ce qu'on fait pour l'instant au niveau des compétences. Je n'ai pas peur à vous engager à aller plus loin. Vous connaissez mes positions, elles sont très claires. Je vais vous envoyer tout ce que j'ai écrit sur la chose. Je me préoccupe peu de la NV-A, ce n'est pas elle qui va décider pour la Wallonie. Osez prendre vos responsabilités, osez relever vos manches, ayez une véritable politique énergétique qui soit visionnaire et cela vous pourrez le faire quand vous aurez toutes les compétences. C'est trop facile de dire qu'il y a encore une partie là bas. Arrêtez là bas, l'avenir de la Belgique n'est pas au Fédéral. L'avenir de la Belgique est dans ses Régions et quand les Régions auront plus de compétences, elles se parleront mieux. Voilà ce que je pense réellement, si vous voulez encore un avenir dans ce pays qui s'appelle la Belgique.

Mme la Présidente. Je déclare l'incident clos.

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