Question orale de Jean-Luc CRUCKE au Ministre Paul FURLAN sur "l'expérience pilote relative à l'actualisation du cadastre immobilier"
M. le Président. L'ordre du jour appelle la question orale de M. Crucke à M. Furlan, Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville, sur « l'expérience pilote relative à l'actualisation du cadastre immobilier».
La parole est à M. Crucke pour poser sa question.
M. Crucke (MR). Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, j'ai vu, la veille de la Noël, le 23 décembre, dans la presse, une fuite organisée ou non organisée seul l'avenir nous dira quel était le cheminement par un journaliste bien informé d'un point qui, le jour même, devait être abordé au gouvernement et qui a été reporté. Peut-être depuis lors, a-t-il été réabordé, vous me le direz. Vous souhaitiez mener un projet-pilote, ce sont les termes que vous employiez dans l'article puisque le journaliste a eu l'occasion de vous avoir au téléphone. L'expérience pilote part d'un élément que je trouve en soi intéressant, même si et là, les renseignements que vous me donnerez nous permettront d'y voir un peu plus clair j'ai comme une impression que la réalité est très différente de commune à commune. Je le dis parce que j'ai un peu questionné dans ma commune, quand j'ai vu une expérience pilote et un peu ailleurs aussi. Donc, on part du principe qu'on a c'est la loi dans chaque commune un agent référent qui est chargé d'amener l'information vers le cadastre, le Ministère des Finances fédéral. Qui dira encore que le Fédéral et les régions ne travaillent pas ensemble, quand on voit l'initiative que vous prenez, c'est clair que cela peut être intéressant? M. Reynders me demandait de bien vouloir vous préciser qu'il était fort intéressé par cela! Je lui ai d'ailleurs dit d'être prudent avec vous parce que l'on sait très bien comment les choses se passent. Souvent, derrière une façade agréable, on sent le croche-pied qui arrive!
L'idée de départ, c'est de se dire que, manifestement, les agents communaux ne travaillent pas assez ou pas bien ou oublient de travailler et l'on prévoit un agent référent. Je schématise un peu, je lis entre les lignes ! En ne communiquant pas au cadastre les renseignements qui sont liés aux modifications d'un habitat, forcément, il y a moins de recettes, certes vers le Fédéral, mais il y a aussi moins de recettes vis-à-vis des communes puisqu'on parle généralement du précompte immobilier. D'où votre initiative et l'expérience pilote que vous appelez, dans chaque province : x fonctionnaires qui seraient engagés pour quelques communes et qui joueraient les « rattrapages». Réfléchissons ensemble. Sur base de renseignements que j'ai pu récolter, je peux vous dire que la situation est vraiment très différente de commune à commune. Dans ma commune, la secrétaire communale était furieuse sur vous en disant: « Mais pour qui il nous prend!» Chez nous, l'information, elle est directement communiquée, la personne en question travaille de manière remarquable. Évidemment, nous, c'est une commune libérale, je sais bien qu'on y travaille bien, mais peutêtre que ce n'est pas la même chose...
(Réaction de M. le Ministre Furlan)
Par contre, renseignements pris ailleurs, je sens bien que vous touchiez quand même une réalité qui existe dans certaines communes. Votre point de départ n'est pas en soi de critiquer parce que, effectivement, il y a sans doute ce retard. Qu'avez-vous comme informations par rapport à ce retard? Comment le Ministre de l'Intérieur de la région arrive-t-il à dire : « Je considère que là, on est en retard, dans des délais qui sont anormaux et donc, forcément, en termes de volume financier, des délais qui font en sorte que les communes n'encaissent pas un montant de x ». Quel est ce montant ? Comment l'évaluez-vous ? Comment, grosso modo, arrive-t-on à se dire : « Il y a là une recette que les communes n'ont pas».? Comment imagine-t-on pouvoir privilégier certaines communes par rapport à d'autres puisque, vous le dites vous-même, 700 000 euros seront peutêtre dégagés et vous ne pouvez pas satisfaire tout le monde, donc, ce sera quelques communes par province qui pourront bénéficier de l'expérience pilote. Quelles communes? Quelles sont les conditions pour que ces communes puissent entrer dans cette éventuelle expérience pilote, a-t-on bien défini les critères qui permettront de le faire ou bien sera-ce un choix ad hominem par rapport aux communes? A t-on un critère qui a déjà été objectivé?
Troisième question, toujours par rapport à cela, 700 000 euros, cela représente nos engagements, mais je suppose que cela ne représente pas que nos engagements. Comment ventile-t-on cette sommelà? Y a-t-il là des paramètres qui ont été pris pour l'analyse du dossier? Ce n'est pas le tout de refaire le travail de fond, c'est intéressant d'avoir aussi une analyse de fond du dossier. Quatre, y a-t-il une concertation avec le Fédéral? Je l'ai dit dès le départ, je pense qu'il y a une liaison commune. Est-ce que vous vous êtes mis ensemble pour tenter de réduire l'enveloppe régionale en disant au Fédéral : « Je fais une partie de votre boulot, peut-être que vous pourriez nous aider».
Dernière question, parce que je vous prends pour tout sauf pour un innocent, donc, je me dis, quand vous avez réfléchi à la question, vous avez sûrement certains cas en vue pour lesquels le retard est plus important qu'ailleurs. Quelles sont les communes qui ont inspiré votre réflexion, d'où êtes-vous parti pour généraliser la réflexion? C'est juste une remarque historique pour bien comprendre quel est le cheminement du ministre.
Voilà les questions que je voulais poser sur un projet que je ne rejette pas d'un revers de la main. Je pense que, contrairement à ce que ma secrétaire communale me disait, il y a d'autres communes où les choses ne se passent pas comme chez nous et donc, il y a matière à travailler.
M. le Président. La parole est à M. le Ministre Furlan.
M. Furlan, Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville. Monsieur le Président, Monsieur le Député, je vous remercie pour votre question. Je pourrais tenir des années sur le précompte immobilier. C'est un sujet passionnant mais je vais m'en tenir à mes feuilles ou je vais déborder. D'abord, d'où tire-t-on cette analyse? Elle ne sort pas d'une analyse commune par commune, mais plutôt d'une analyse macro-économique, de chiffres émanant de Dexia. Vous avez le profil financier des communes où l'on voit des disparités extrêmement importantes et non objectivement explicables, cela peut être deux communes voisines ou des communes qui, en termes de richesse par habitant, ou en termes de pression immobilière, correspondent à des zones relativement similaires, même à des endroits différents du pays et qui ont un taux de rentabilité du précompte immobilier de 1 à 4, ce qui est impressionnant. Pour soulager votre secrétaire communale et je vous demande de lui faire passer le message le message est peut-être effectivement à destination de certaines communes qui ne font peut-être pas bien leur boulot, mais aussi à destination du Fédéral. Je vous explique: la base de calcul du précompte immobilier, l'impôt est perçu à 95% par les pouvoirs locaux. D'abord, vous l'avez relevé, cela pose de nombreux problèmes et c'est là que je peux être intarissable -sur le mode de calcul relativement obsolète aujourd'hui. Il faut peut-être un peu de courage pour pouvoir s'y pencher, sur la notion même de précompte immobilier, qui est par définition un impôt anti-social. Mais, au-delà mettons cet aspect de côté, j'y reviendrai si vous me le permettez le Fédéral n'a aucun intérêt à la perception de cet impôt. Les Flamands l'ont d'ailleurs régionalisé, si vous l'avez remarqué. Il faudrait peut-être le faire en Wallonie, cela nécessiterait la création d'une administration, évidemment. Mais convenons que le Fédéral et si vous pouvez m'aider justement à faire passer un message à Didier met peu de moyens à la perception du précompte.
(Réaction de M. Crucke)
La mission du Fédéral, c'est de percevoir l'impôt sur base de données qui sont fournies par les communes et je dois dire qu'il y a un désinvestissement du Fédéral dans cette administration, parce que le return pour le Fédéral est faible, voire nul, sans doute. Je n'en veux pas à Didier quand je dis cela. Les différents Ministres des Finances qui se sont succédés ont sans doute eu la même réflexion. Bref, vous l'avez souligné, c'est une source de perte de recettes fiscales pour les pouvoirs publics et essentiellement pour les pouvoirs communaux. Vous l'avez induit dans votre question, c'est aussi, me semble-t-il, en tout cas à mon avis, une source d'iniquité fiscale large entre les citoyens. Deux ménages, propriétaires du même bien immeuble, et un seul propriétaire a les moyens financiers de l'améliorer, qui peut payer moins de précompte immobilier que l'autre. C'est une source d'iniquité fiscale, on ne tient compte ni des revenus, ni de la capacité contributive, ni même du taux de rénovation. Cela pose quand même un problème intellectuel qui me fait dire qu'on devrait pouvoir revoir les choses en profondeur. J'ai bien conscience que je sors de la question.
La voie idéale, pour moi, c'est une refonte complète de l'impôt foncier. Si l'on va un peu moins dans l'idéal, c'est organiser de manière plus sérieuse la péréquation fiscale. Si on attend ces deux dossiers comme soit les monstres du Loch Ness, soit l'Arlésienne qui n'arrivera jamais, est-ce que, dans l'attente, on ne fait rien et est-ce qu'on reste spectateur du manque de recettes fiscales pour les communes et de l'iniquité fiscale pour les citoyens? D'où l'expérience pilote que j'ai proposée. Alors, l'expérience pilote, vous avez raison, mais j'y
reviendrai à la fin parce que vous m'avez interrogé sur l'importance finalement de la « distorsion». Force est de constater qu' à part les études macroéconomiques ou micro par rapport au profil Dexia, commune par commune, dans lequel on voit des disparités importantes, personne, à mon avis, ne doit disposer à l'heure actuelle de mesures précises quant aux améliorations qui ont été apportées à des bâtiments qui auraient pu, en suite de cela, échapper au cadastre. Mais quelques éléments peuvent vous donner peut-être une idée de l'ampleur du phénomène. Il y a des expériences pilotes menées à la fin des années 1990 qui ont montré qu'au minimum 5 % du revenu cadastral légitimement dû échappe au recensement cadastral. Autre exemple, la matrice cadastrale recensait, fin 2001, 1 110 758 salles de bains alors que le recensement décennal de l'INS conduisait à un total de 1.242.425, soit un écart de 12%. Or, vous savez que le revenu cadastral est lié à l'état de rénovation, de salubrité ou de service qui est presté dans un bâtiment. L'Union des villes et communes estime je la laisse responsable des chiffres ainsi qu'entre 35 et 50 millions d'euros de recettes annuelles échappent chaque année aux communes wallonnes. C'est tout sauf négligeable, évidemment.
À partir de cela, nous sommes d'accord, on décide soit de taxer et on taxe tout le monde de la même façon, de manière équitable, soit on fait autre chose. Mais quand on taxe quelque part au vogelpik, et c'est un peu ce qui se passe pour le moment avec le précompte immobilier, non seulement il y a la perte, mais il y a une iniquité pour moi qu'il me tient à c ur de réparer. J'ai proposé au gouvernement de prendre en charge les frais de la mise en place d'un processus pilote qui viserait à engager, dans chaque province, deux agents chargés d'aider les communes dans leur travail d'appui aux agents chargés de cette mission. Est-ce suffisant, n'est-ce pas suffisant? Vous l'avez rappelé dans votre question, l'arrêté royal du 10 octobre 1979 pris en exécution du Code des impôts sur les revenus en matière de fiscalité immobilière, impose à chacune des communes de nommer un indicateur expert, cela s'appelle comme cela, chargé d'assister le cadastre dans ses expertises. Concrètement, on constate que cette tâche est souvent difficile à remplir par les communes, certaines la remplissent bien, certaines la remplissent mal. On augmente donc l'iniquité entre les citoyens, parfois par manque de moyens, parfois par méconnaissance tout simplement de l'importance du rôle que l'on attend de cet agent, parfois sans doute aussi, vous l'avez aussi sous-entendu, par manque de volonté politique, par manque de courage politique, sans doute. Donc, un appui provincial au niveau du pouvoir qui bénéficie également dans une moindre mesure du produit de l'impôt me semble être une piste intéressante pour uniformiser. Pour quelle commune? Ce n'était pas l'objet de ma note au gouvernement. Ma note au gouvernement consistait à mener une expérience pilote avec chacune des provinces, chacune des provinces ensuite à l'intérieur de son périmètre, de proposer un certain nombre de critères et un certain nombre d'actions. Je pense que les réalités dans la Province du Luxembourg ne sont pas les mêmes que celles dans
la Province de Hainaut et donc, je n'ai pas voulu aller jusqu'à ce stade. Je ne vous cacherai donc pas que si mon cabinet travaille depuis quelques temps sur cette idée, le dépôt de la proposition sur la table du gouvernement a été anticipé par l'apparition de certaines marges budgétaires de fin d'exercice, ce qui m'a permis à un moment de déposer la note au gouvernement. Il faut encore les moyens pour le faire, tout simplement j'avais du non-consommé, je vais appeler un chat, un chat, c'était le moment de lancer l'opération. Je n'ai pas été suivi dans cette analyse en tout cas pas pour l'instant, mais il y a un accord du gouvernement sur le principe que c'était une bonne idée. Pour tout le monde, l'unanimité du gouvernement, c'était une bonne idée; le problème était que j'étais en dehors des balises de la circulaire budgétaire qui permet l'engagement. Voilà, on ne peut pas se fixer des règles et soi-même y déroger. Et j'admets que j'avais un peu « forcé la porte» mais mon objectif était de déposer une note d'orientation pour voir le ressenti de mes collègues et je dois vous dire que le ressenti était tout à fait positif. Donc, je ne désespère pas de pouvoir présenter à nouveau, en fonction des moyens budgétaires qui seront les miens en 2011, le dossier sur la table du gouvernement puisque l'accord de principe était acquis. Je pense que j'ai été franc dans ma réponse, je ne veux pas vous vendre n'importe quoi! Je pense en tout cas que nous pouvons partager une grande partie de l'analyse sur la nécessité de faire quelque chose. Mais je rappellerai pour conclure, car je pense que c'est vraiment le fond du problème au-delà des deux expériences pilotes des deux agents, que ce qu'on pourrait faire de mieux avec cet impôt, c'est de le jeter à la poubelle et d'en créer un autre, plus équitable, basé sur d'autres données. En deuxième lieu, si ce n'est pas possible, si cela demande un travail trop conséquent, il faudra sans doute penser à une péréquation fiscale. Cela ne veut pas dire augmentation de la pression, cela veut dire égalisation des citoyens devant l'impôt, me semble-til. Ce sera encore un travail conséquent à réaliser et au-delà, aider les communes dans le système actuel me paraît être la plus petite voie, la voie la moins imposable, la moins chère en tout cas, la moins ambitieuse, mais qui participerait quand même à l'amélioration du système. Voici les trois volets de cette problématique que je voulais aborder.
M. le Président. La parole est à M. Crucke pour un commentaire.
M. Crucke (MR). Oui, un petit commentaire, Monsieur le Président. Tout d'abord, je remercie M. le Ministre pour sa réponse. Il a lui-même précisé les choses, mais je pense que c'est exact en fonction des deux articles que j'ai lus, il y a une certaine objectivité dans sa réponse. Ceci dit, Monsieur le Ministre, je pense qu'il faut être conséquent, pas seulement avec soi-même, mais conséquent avec les politiques qu'on veut mener. Quand vous dites que c'est un des seuls éléments sur lequel nous ne serons pas d'accord, qu'il y a un désinvestissement du Fédéral, ce n'est pas suffisant, vous-même vous l'avez dit en réalité. Quand je dis que ce n'est pas suffisant, je veux bien prendre l'autre volet aussi, d'ailleurs je vais y revenir. La Région flamande a pris ses responsabilités. De deux choses l'une: ou bien en Wallonie on prend nos responsabilités, on assume, on gère, et il n'y a pas besoin d'aller dire aux autres qu'ils ne le font pas bien, qu'ils le font bien, qu'ils peuvent faire plus. C'est terminé, on a appris, c'est ce que j'appelle moi le transfert de compétences de maturité. On assume le fait de ne pas percevoir ou que certains ne fassent pas assez leur travail et on ne peut pas comme cela être entre deux eaux. C'est ce qui m'a le plus étonné, c'est ce qui me prouve que la maturité n'est pas encore arrivée au sein de ce gouvernement, des composantes de ce gouvernent en tout cas quand je vois qu'il y a blocage sur un sujet qui, au demeurant, peut prêter à contestation. Mais en tant qu'expérience pilote, il y a eu blocage la première fois, on a été remballé et depuis lors, on n'a pas encore reçu l'accord de principe. Si vous croyez que quand le Ministre Antoine vous dit «accord de principe», il a marqué son accord, vous ne le connaissez pas.
M. Furlan, Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville. Il y a eu un gouvernement depuis.
M. Crucke (MR). Et on n'a toujours pas reçu l'accord. Cela veut dire que vous ne prenez pas le risque une deuxième fois de vous voir remballé!
Chez M. Antoine, ils ont fait campagne sur «l'union fait la force», je ne sais pas si vous vous en souvenez. Chez Écolo ils n'aiment pas les provinces, donc, vous êtes vraiment mal pris dans une logique qu'on appuie pour aller plus loin. Je ne vais pas vous dire qu'une fois de plus vous avez besoin de l'opposition pour trancher, mais de temps en temps, on se demande si ce n'est pas nous qui devons faire l'arbitre à ce niveau!
Parce qu'en soi, cela ne mange pas de pain, si ce n'est pouvoir révéler un certain nombre de phénomènes, et j'étais sceptique au départ en lisant cela sur le premier plan, puis après, non, je me suis dit : «Il n'a pas tort, il faut savoir ce que l'on veut». Moi je ne suis pas pour une imposition plus lourde. Je suis pour l'imposition juste et donc, c'est votre raisonnement aussi. Je suis très curieux de voir comment vous allez vous sortir de cela, c'est vraiment intéressant. À un moment donné, un des deux va lâcher! Qui sera le premier: celui qui a les sous en mains ou ceux qui sont contre les provinces? Je maintiens que l'idée était bonne et que l'on peut nous, sur les bancs de l'opposition, avoir la joie de vous soutenir. N'oubliez donc pas, le jour où vous ferez le choix entre les communes, qui vous a soutenu et qui ne vous a pas soutenu !
M. le Président. Il faudra juste convaincre la secrétaire communale!
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire
Abonnement Publier les commentaires [Atom]
<< Accueil