Question orale de Jean-Luc CRUCKE au Ministre NOLLET sur "la priorité dans l'attribution d'un logement suite à une expulsion judiciaire"
le Président. L'ordre du jour appelle la question orale de M. Crucke à M. Nollet, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique, sur « la priorité dans l'attribution d'un logement suite à une expulsion judiciaire ». La parole est à M. Crucke pour poser sa question.
Crucke (MR). Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, chers collègues, ma question avait été rédigée avant que je ne lise, le 29 mars dernier, la décision que vous avez prise à l'égard d'un arrêté du bourgmestre de Charleroi qui visait également un cas d'expulsion, mais là de surpeuplement, si j'ai bien compris. En tout cas, lui considérait qu'il y avait surpeuplement et vous avez considéré que les critères devraient être appliqués avec une certaine sérénité. J'aurais pu trouver dans votre geste, une réponse à partir du cas de la question que je pose aujourd'hui. Mais il faut croire qu'il n'y a pas de hasard, parce que je vous parle d'une pratique dont je viens d'avoir connaissance. On m'en avait déjà parlé, mais j'en ai cette fois-ci eu la preuve directe, dans la mesure où comme d'autres de mes collègues ici, nous avons ce qu'on appelle hebdomadairement des permanences. Il y a des gens qui viennent en permanence expliquer « tiens on doit concilier de faire ça, ci et là ». Quand c'est le conseil, on peut encore estimer que les gens répondent, quand ils écrivent textuellement aux personnes ce qu'il se passe, ça devient plus inquiétant. En d'autres termes, vous savez comme moi que l'attribution des logements sociaux se fait en fonction de certains nombre de critères, d'urgence, de priorité sociale et chaque critère se voit attribuer un certain nombre de points. Il semble que certains services sociaux, pour permettre justement à certaines personnes de disposer du nombre de points liés à l'expulsion, conseillent aux personnes de se maintenir dans un logement privé, peu importe la raison, déficit en paiement ou pas, mais de s'y maintenir en attendant qu'un jugement prononce l'expulsion, parce que le fait d'avoir dans un jugement qui reprend ce critère d'expulsion les rend prioritaires sur le plan social. Je pense qu'on arrive là à détourner toute la finalité sociale de l'expulsion même, parce qu'on peut comprendre évidemment que lorsque des gens sont sur le coup de l'expulsion, des familles qui craignent et je dis, peu importe la raison de se retrouver sur la rue, on peut comprendre qu'il y ait un geste qui soit fait par la société pour tenter de leur venir en aide. Evidemment, si on renverse ce critère et qu'on en arrive à dire « restez tant que le juge ne s'est pas prononcé », on va avoir une inflation judiciaire inévitable, on va se mettre à dos un certain nombre de propriétaires qui jouent le jeu tout à fait correctement en disant « je suis évidemment obligé de passer par des procédures alors qu'on pourrait trouver un consensus sur le départ ». Je voulais savoir si vous aviez connaissance de cette pratique et si elle vous a été rapportée. J'aimerais connaître votre appréciation par rapport à cela. Est-ce que vous constatez et ce qui s'est passé le 29 mars me renforce dans ce sentiment un recours inhabituel, injustifié ou même illégal à l'expulsion dans un certain nombre de cas ? Comment les gestionnaires de logements sociaux peuvent-ils réagir par rapport à cela ? Doivent-ils eux-mêmes apporter l'appréciation sur ce qui serait judiciairement et légalement une expulsion ou seraitce un abus d'expulsion ? Je pense que ce n'est pas facile non plus pour un gestionnaire de se mettre à la place d'un magistrat et encore moins d'une situation telle que la vivent les familles qui sont en dés uvrement. Ne faudrait-il pas harmoniser les règles je l'avais mis dans ma question et considérer que dès que quelqu'un doit quitter un logement privé, il y a une priorité, mais c'est sans doute beaucoup trop large, parce qu'on va tomber alors dans d'autres excès ? Comment faire la part des choses et faire en sorte que les jugements soient respectés pour ce qu'ils sont, les propriétaires respectés également pour ce qu'ils ont et les locataires qui sont dans des situations malheureuses sont particulièrement aidés par la Société.
le Président. La parole est à M. le Ministre Nollet.
Nollet, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique. L'incitation à rechercher la condamnation judiciaire pour bénéficier d'un avantage en matière d'attribution de logement est de toute évidence contraire à l'éthique et à la déontologie dont doivent se prévaloir des services sociaux. Le cas échéant et en fonction des faits, le caractère délictueux d'une telle pratique me semblerait même pouvoir être soulevé. Le recours éventuel à ce type de pratiques ne serait, de toute évidence, pas mis en avant par les travailleurs sociaux qui y recourraient. En conséquence, je n'ai pas connaissance de faits tels que ceux que vous dénoncez, encore moins de leur ampleur supposée. Vous me posez aussi la question de savoir si le type de fraude dont il est fait état ne pourrait être combattu dès lors que le simple fait de quitter un logement privé, qu'il y ait mesure d'expulsion ou pas, donnerait droit à une priorité. Je me permettrai de rappeler que le principe des priorités en matière d'attribution, c'est d'opérer une distinction parmi les candidats en augmentant les chances des ménages les plus en difficulté. Il m'apparaît qu'une telle mesure serait totalement en contradiction avec le principe même des priorités. En quoi le simple fait de quitter un logement, à la limite par choix personnel, devrait-il justifier l'octroi de points de priorité ? Une telle mesure aurait sans conteste pour effet immédiat de créer un effet d'aubaine qui serait préjudiciable au système et léserait les ménages les plus en difficulté. Voilà un peu ma position sur le sujet.
le Président. La parole est à M. Crucke.
Crucke (MR). Je remercie M. le Ministre pour sa réponse. Je comprends sa position sur un plan doctrinal sûrement. Par rapport au fait que j'ai cité, j'ai pris l'initiative d'envoyer les documents au parquet. Le parquet en fera ce qu'il veut. Je suppose qu'il a peut-être d'autres chats à fouetter, mais peu importe. Si je n'avais pas eu les documents qui arrivent à le prouver, c'est clair que je ne m'en serais pas inquiété. Si on va jusqu'à écrire et conseiller à quelqu'un, c'est qu'il y a des filtres qui ne fonctionnent plus dans une pratique qui, malheureusement, existe. J'ai dit que je comprenais votre position sur le plan doctrinal. La proposition que je faisais était beaucoup plus large. Il n'en reste pas moins qu'on doit quand même se demander si l'idéal ne serait pas, lorsqu'il y a une difficulté et souvent on connaît le schéma, c'est quelqu'un qui n'arrive plus à payer le loyer, et caetera, la procédure judicaire qui s'en suit, donc l'expulsion de trouver entre votre position et ce que je proposais une situation médiane qui serait de dire que, lorsqu'on a affaire à quelqu'un qui est en difficulté de paiement, qu'on peut trouver un arrangement à l'amiable avec le propriétaire et peut-être avec l'aide des services sociaux. On devrait pouvoir considérer cette personne, même si elle n'est pas expulsée encore, comme étant dans une situation d'expulsion à venir, parce que c'est l'étape suivante. Moi, ce que je veux, c'est éviter qu'on ait une inflation juridictionnelle, qu'on respecte le propriétaire, mais qu'en même temps, les services sociaux puissent jouer leur rôle réellement, plutôt que de faire ce que je vous ai relaté ici.
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