Question orale de Jean-Luc CRUCKE au Ministre-Président DEMOTTE sur "l'étude du bureau du plan évoquée par le Premier Ministre Leterme"
le Président. L'ordre du jour appelle la question orale de M. Crucke à M. Demotte, Ministre- Président du Gouvernement wallon, sur « l'étude du Bureau du plan évoquée par le Premier Ministre Leterme » La parole est à M. Crucke pour poser sa question.
Crucke (MR). Monsieur le Président, Monsieur le Ministre-Président, chers collègues, dans l'émission Grand Direct de RTL-TVI du 23 mars dernier, le Premier Ministre a fait référence à une étude du Bureau du Plan qui n'avait pas été publiée et qu'il avait, semble-t-il, gardée sous le boisseau afin, d'éviter, selon lui, d'inquiéter les milieux étrangers sur la situation de la Belgique. Il l'a en tout cas évoquée lors du Grand Direct. Ce dossier n'est pas banal puisqu'aux yeux du Plan mais également du Premier Ministre il semble que si l'on transfère des compétences vers les régions, quod non, ces compétences transférées le seraient avec, en termes budgétaires, un pourcentage limité des budgets, soit de l'ordre de 80 %, les 20 % restant au Fédéral pour rembourser la dette et alimenter un fond de vieillissement. Le Plan fait donc plus fort que M. Vande Lanotte puisque dans la note de ce dernier on prévoyait 90 %. À ce train-là, bientôt on en sera à 60 % et je me demande si certains n'envisageraient pas un transfert de compétences sans que les moyens soient liés. (Réaction du Ministre-Président)
Crucke (MR). Peut-être qu'en effet il faudra payer pour les avoir ! Cette question a rebondi au Parlement flamand la semaine dernière. Pour avoir lu les débats, je trouvais assez intéressant de voir qu'il y avait malgré tout des opinions très tranchées et différentes au sein du Gouvernement flamand. Si le Ministre-Président flamand, comme vous-même M. le Ministre Président vous l'avez déjà précisé, semble dire que s'il y a transfert des compétences il y a transfert à 100 % des moyens qui sont liés, le Ministre du Budget flamand, M. Muyters, ne dit quant à lui pas la même chose. Il a des phrases qui lui sont très propres : « Wie betaalt bepaalt ». M. Muyters dit donc clairement qu'on pourrait imaginer que le Gouvernement flamand intervienne dans la résorption de la dette, et que le principe selon lequel les moyens ne seraient reversés à 100 % pourrait être intéressant ou en tout cas devrait être discuté. Je pense qu'il faut qu'on ait votre point de vue et qu'on l'ait de manière claire et précise, dans le cadre d'un débat parlementaire. Le Premier Ministre a-t-il évoqué cette question avec vous ? Avez-vous pu prendre connaissance de ce rapport du Plan ? Quel est le point de vue de M. le Ministre-Président ? Restez-vous sur la même ligne que celle que vous avez déjà prononcée dans le passé, à savoir que tout transfert de compétences doit être relié à un transfert complet et à 100 % des moyens financiers qui y sont liés ? Avouons que tout autre raisonnement apparaîtrait aux yeux de ceux qui connaissent un peu les budgets wallons comme totalement incompréhensible.
le Président. La parole est à M. le Ministre- Président.
Demotte, Ministre-Président du Gouvernement wallon. Monsieur le Président, Monsieur le Député, évidemment je ne vais pas faire de commentaire, d'autant plus que l'actualité a commencé à s'accélérer sur toutes les déclarations institutionnelles qui se font. Mais en la circonstance actuelle, j'ai envie de répondre à deux questions plus particulières et singulièrement celle de savoir si j'avais eu connaissance de ces données. Oui, j'ai eu connaissance de ces données, le 24 mars dernier, quand le Bureau du Plan, après les déclarations du Premier Ministre, les a mises en ligne. J'imagine que depuis le dépôt de votre question, vous avez vous aussi eu l'occasion de consulter de document en question. Je reviens tout de même pour les membres de la commission sur quelques éléments sur les questions de politiques budgétaires. On estime qu'il y a là, dans le cadre de la réforme du fédéralisme belge, des questions à se poser sur les modalités, les lois de financement. Tout cela dans un contexte de soutenabilité. Est-ce soutenable, le fait-on maintenant, peut-on poursuivre, ou doit-on changer ? Comment répondre à cela ? D'abord, il y a aussi une question de politique dans le cycle. En quoi le degré d'exposition des différents niveaux de pouvoir à la volatilité cyclique des recettes serait-il modifié en cas de passage d'un financement principalement de dotations à un financement davantage basé sur des recettes fiscales ? Quelle langue poétique ! Quelles sont les conclusions de ce rapport ? La principale conclusion de la note du Bureau du Plan est celle que vous évoquez, à savoir que, pour assurer la viabilité des finances fédérales et la prise en charge de la dette et du coût du vieillissement, les compétences transférées dans le cadre de la nouvelle réforme institutionnelle ne devraient être financées qu'à 80 %. Autrement dit, le transfert de compétences devrait s'accompagner d'un transfert proportionnel de l'effort d'assainissement à réaliser par l'Etat fédéral. Une alternative envisagée par le Bureau du Plan serait de transférer aux entités fédérées une part de la dette publique, à concurrence de 7,6 % du PIB par milliard d'euros de compétences transférées. Bien qu'équivalente du point de vue budgétaire, cette piste exposerait encore davantage les entités fédérées au risque d'intérêt ; sans parler de la portée symbolique d'un partage même partiel de la dette publique. Une autre alternative consisterait à faire reprendre à leur charge par les entités fédérées, le financement des pensions de leurs fonctionnaires. Ces conclusions reposent sur le triple constat que le déficit structurel est principalement situé au niveau fédéral, alors que celui-ci supporte la quasitotalité des charges de la dette publique, ainsi que la quasi-totalité des coûts du vieillissement de la population. Privé d'une part de sa capacité d'action en cas de transfert de compétences fiscales, l'Etat fédéral pourrait alors se trouver dans l'incapacité de faire face à ces charges. En résumé, selon le Bureau du Plan je suis toujours dans la pensée du Bureau du Plan, je tiens à le préciser pour qu'il n'y ait pas de confusion si ces compétences étaient transférées, elles devraient, effectivement, ne pas être transférées avec les moyens financiers intégraux, parce qu autrement l'Etat se trouverait mécaniquement confronté à un effort budgétaire représentant une part beaucoup plus importante de son budget et de sa capacité fiscale. Pour la position de la Wallonie, vous me permettez d'en rester là quant au détail du contenu de ce rapport. Je pense avoir évoqué les aspects fondamentaux. Je peux en venir maintenant à la Wallonie par rapport au financement de compétences. Vous avez raison de dire que la position qui est la nôtre, que j'ai exprimée, est constante. Elle est toujours de s'opposer à des transferts de compétences sans moyens équivalents. À ceci près que ce n'était pas ma position, bien sûr que je l'ai défendue, mais c'était une position unanime. À commencer par celle du gouvernement, puisque j'ai porté cette position devant le Groupe Octopus, le 25 janvier 2008. Notre formule était : « pas de tabous, mais des balises », et dans les balises, celle-là y était c'était : « La neutralité budgétaire pour les entités fédérées ». Avec un propos clair, je me cite à nouveau : « Nous ne voulons pas priver l'Etat fédéral des moyens de son fonctionnement, mais la réforme ne doit pas devenir un moyen de refinancer la fédération au détriment des entités fédérées. L'opération doit être financièrement blanche pour les régions et les communautés. Cela implique notamment le transfert de l'intégralité des moyens budgétaires et des services administratifs afférents aux compétences ». Déjà, à l'époque, il ne s'agissait pas de défendre son « pré carré » en disant « La Wallonie a d'ailleurs montré sa solidarité envers le Fédéral, à de nombreuses reprises » mais c'était plutôt de dire « On veut continuer à garder les moyens qui sont nécessaires à la poursuite de notre redéploiement économique ». C'était cela notre préoccupation. C'est aussi la position pas seulement du gouvernement, mais du parlement ! Je ne dois pas rappeler aux membres de la Commission la résolution dans le cadre des négociations institutionnelles unanimement adoptée par notre assemblée le 16 juillet 2008 sur proposition de quatre chefs de groupe, et donc votée par toutes les familles politiques démocratiques disant, je cite : « Dans la perspective de toute négociation institutionnelle au niveau fédéral, le Parlement wallon revendique le respect des balises, opposition à tout transfert de compétences qui ne s'accompagnerait pas du transfert des moyens financiers et humains correspondants sur la base des besoins réels et non sur la base d'une clé de répartition théorique ». Qu'en est-il aujourd'hui ? Rien n'a changé sur le fond. La Wallonie a toujours besoin de se concentrer sur son redéploiement économique et a besoin de ses moyens. On souhaite tout autant maintenir au niveau fédéral, les moyens nécessaires à la pérennité de notre système de protection sociale, on n'est pas indifférent à ce qui se passe au Fédéral et qui plus est, pour nous, il y a une exigence éthique absolue, mais qui s'est aussi imposée comme une parade efficace aux conséquences de la crise, c'est le maintien des systèmes de protection sociale. Nous sommes donc sur la même ligne, mais nous souhaitons aussi que Bruxelles obtienne les justes moyens nécessaires pour répondre à ses charges. Ce qui a changé, c'est qu'en 2008, on parlait de transferts de compétences et de maintien de la solidarité ; depuis 2010, tournant des négociations, on parle aussi de révision complète de la loi de financement. Parler d'un pourcentage de moyens accompagnant des transferts de compétences n'a dès lors de sens que dans une approche globale qui intègre les mécanismes de financement et des transferts de solidarité. L'équation est donc encore un petit peu plus complexe que quand on en parlait à l'époque. La Wallonie n'a jamais été avare de solidarité, bien au contraire, mais nous devons être vigilants. Nous avions d'ailleurs un précédent de refinancement par transfert de compétences non assorti de moyens, ce sont les transferts de la Saint- Quentin en 1993 qui ont permis le refinancement de la Communauté française. Il n'en est pas moins vrai que la Wallonie a besoin de mobiliser efficacement chaque euro pour asseoir son renouveau économique, l'optimalisation de la gouvernance en est une condition, le maintien de recettes adéquates reste cependant la base de tout. Ceci dit, je pense que nous sommes tous renvoyés devant nos responsabilités, le gouvernement comme le parlement, même si nos entités ne sont, je le rappelle aujourd'hui, à ce stade, pas parties prenantes en tant que telles aux négociations. On assiste à cela de manière distante. Il revient donc tout autant à chaque élu de Wallonie de défendre cette position au sein de sa formation politique. L'ensemble de celles-ci étant d'ailleurs associé aux négociations fédérales, c'est en effet essentiel et ce sont des domaines où la conjonction des forces doit s'imposer comme une évidence par delà les clivages.
le Président. La parole est à M. Crucke.
Crucke (MR). Vous avez parlé de la nécessaire solidarité, mais je pense qu'il faut aussi évoquer la loyauté. Je trouve que ce n'est pas normal qu'un document comme celui du Bureau du Plan soit tenu à l'écart et qu'il faille apprendre, non pas par une conférence de presse, mais par un débat télévisé, son existence. Tout le monde sait qu'il y a des négociations sur le plan institutionnel. Je trouve qu'il y a un jeu de cache-cache qui n'est pas très sain et qui, finalement, envenime les choses plus qu'il ne permet de les résoudre. Deuxièmement, quelque soit le contenu de cette étude, je pense qu'il faut qu'on ait une autre analyse : même dans l'hypothèse où le point de vue que vous développez, qui est celui auquel j'adhère également, à savoir celui où des compétences sont transférées avec des moyens, cela voudra dire qu'au niveau fédéral, soit on augmentera les recettes avec le recours à l'impôt, soit il faudra faire régime sur les compétences qui resteront au Fédéral. C'est ce que dit le Bureau du Plan en proposant de transférer 80 % des recettes. On se rend bien compte que des mesures qui sont capitales à prendre, ne relèvent pas de notre responsabilité. Malgré tout, quand quelqu'un a faim, il faut toujours faire attention à ce qu'il pourrait prendre. Il faut faire attention à ce genre de démarches qui ne sont pas, à mon avis, tout à fait dues au hasard en ce qui concerne le Fédéral.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire
Abonnement Publier les commentaires [Atom]
<< Accueil