vendredi 10 février 2006

Interpellation de Jean-Luc CRUCKE au Ministre Jean-Marc NOLLET, sur "la situation difficile des écoles de devoirs (EDD)"

M. Jean-Luc Crucke (MR). – J’avais déjà abordé avec vous la situation des écoles de devoirs voici quatre mois à la suite d’un mémorandum de la Fédération francophone des écoles de devoirs adressé à certains parlementaires. Vous m’aviez dit que vous n’aviez pas encore rencontré cette fédération et que vous le feriez incessamment avant de prendre position. C’est une matière que vous connaissez bien. On se souvient de votre succès médiatique il y a quelques années à propos de ce qu’on a appelé la suppression des devoirs. L’excellent rapport du délégué général de la
Communauté française aux Droits de l’enfant relatif à la pauvreté et son incidence sur les enfants,
les jeunes et leur famille, contient un paragraphe consacré aux écoles de devoirs, aux structures qui permettent de suivre les enfants après l’école. Personne ne peut contester leur utilité ni leurs effets positifs sur les résultats scolaires souvent critiqués en Communauté française.
Avez-vous rencontré la Fédération des écoles de devoirs ? Quand ? Quelles conclusions avezvous
tirées de cette rencontre ? Quelles mesures vous êtes-vous engagé à appliquer ? Pour l’année scolaire 2006-2007, 192 écoles de devoirs étaient subventionnées, contre 209 en 2007-2008. Quels
sont les données pour 2009-2010 ? Si ce nombre est croissant, cela se marque-t-il également pour
les écoles reconnues qui ne sont pas nécessairement subventionnées ?
Le budget alloué aux écoles de devoirs est géré dans une enveloppe fermée, il ne permet qu’un nombre limité de reconnaissances. Il existe deux types de subvention : au forfait et en fonction du nombre d’enfants inscrits. Les chiffres 2008-2009 et 2009-2010 montrent-ils une croissance des élèves ? Si oui, les écoles ne doivent-elles pas faire face à des difficultés pour boucler leur budget ? Sur huit écoles qui m’ont contacté, six se plaignent de problèmes budgétaires. La moitié de leur budget serait couverte par des subventions et l’autre, par la participation des élèves, mais cela ne suffirait pas. Par ailleurs, la totalité des subventions n’est pas versée en début d’année, ce qui peut
entraîner des problèmes de trésorerie. Les écoles reçoivent en effet le complément au début de l’année suivante, après le contrôle des dossiers par la Communauté française.
J’ai toutefois le sentiment que certaines d’entre elles fonctionnent avec des subventions extérieures
et disposent de moyens de financement plus soutenus, plus récurrents, ce qui peut entraîner des
différences substantielles entre elles. Qu’en est-il exactement ? Par ailleurs, quel est le montant global alloué par l’ONE aux écoles de devoirs ? Enfin, l’ONE impose-t-il à l’école de devoirs des formations précises et continues ? Si oui, est-il exact que la plupart de ces formations ont lieu durant les heures d’accueil des enfants ? Ces organismes ne bénéficient pas d’un personnel pléthorique puisqu’elles fournissent un travail de type social. Or, si les informations dont je dispose sont exactes, ces formations seraient dispensées durant les heures d’encadrement, ce qui risque de compliquer la situation.

M. Jean-Marc Nollet, vice-président et ministre de l’Enfance, de la Recherche et de la Fonction publique. – Les écoles de devoirs jouent en effet un rôle important dans la réduction des inégalités
scolaires ; tout le monde s’accorde sur cet effet.
En Communauté française, comme le délégué général aux droits de l’enfant le rappelle dans son rapport sur la pauvreté auquel vous faites référence, les écoles de devoirs sont des lieux d’éducation incontournables et indispensables. Au-delà du rôle qu’elles jouent dans le soutien à la scolarité, les écoles de devoirs visent, par leurs méthodes de travail, par leurs animations et par leurs différentes actions, le développement et l’émancipation sociale de l’enfant, mais aussi l’apprentissage de la citoyenneté et de la participation. La réunion annoncée en octobre dernier avec la Fédération des Écoles de devoirs a bien eu lieu. Le président et la coordinatrice de la fédération sont venus le 12 novembre dernier présenter leur cahier de revendications dont vous avez eu également connaissance. Lors de cette prise de contact, ils ont manifesté leur souhait d’être entendus et que nous établissions un plan de travail pour les mois à venir. Plusieurs actions sont en cours sur la professionnalisation souhaitée par la fédération. Je vous CRIc No57-Enf.9 (2009-2010) ( 4 ) confirme que le groupe de travail, chargé de finaliser l’arrêté relatif aux formations d’animateurs et coordinateurs des écoles de devoirs, créé par ma collègue, Mme Huytebroeck, tiendra sa première réunion avant la fin du mois de février. Nous sommes bien sûr associés à ces travaux et travaillerons en collaboration avec l’ONE, le service de la jeunesse et les représentants du secteur. La volonté de tous est d’avancer rapidement pour qu’enfin, après cinq années d’existence du décret, tous les arrêtés d’application entrent en vigueur. Par ailleurs, la protection du nom « école de
devoirs », souhaitée également par la fédération, est le résultat d’une certaine confusion régnant parfois sur le terrain. En effet, on constate que des opérateurs privés et marchands, du type « coaching scolaire » ou « cours particuliers », font usage de l’appellation « école de devoirs » dans leur promotion. Ainsi que je viens de le rappeler, les écoles de devoirs vont bien au-delà du soutien
scolaire et remplissent de nombreuses autres missions que ne proposent pas de telles sociétés.
Le décret du 28 avril 2004 relatif aux écoles de devoirs, modifié le 12 janvier 2007, prévoit qu’un organisateur d’activité pour enfants ne peut s’intituler « école de devoir reconnue par la Communauté française » que s’il a été préalablement reconnu. Au terme de cette rencontre, nous avons rappelé notre souhait de continuer à soutenir le secteur et, comme le prévoit la Déclaration de politique communautaire, d’évaluer le décret. Nous avons convenu d’ériger un groupe de travail
chargé de procéder à cette tâche. Il est constitué de représentants du secteur de sorte que les acteurs de terrain soient entendus et que, tout au long du processus, la concertation soit assurée.
Comme vous le laissez entendre dans votre question, il y a bien une différence entre le nombre d’écoles de devoirs reconnues et le nombre d’écoles subventionnées. Viennent s’ajouter à ces deux données les chiffres relatifs aux pouvoirs organisateurs dont elles dépendent. Ces derniers peuvent eux aussi être reconnus ou reconnus et subventionnés. Au 31 décembre 2009, il y avait en Communauté française 255 pouvoirs organisateurs de ce type d’écoles reconnus pour un total de 351 écoles de devoirs. Parmi celles-ci, 277 ont été subventionnées pour l’année académique
2008-2009 et 214 dépendaient de pouvoirs organisateurs différents.
Les services de l’ONE terminent de traiter lesdossiers de 2009 et 2010, et les chiffres définitifs seront arrêtés début mars 2010. Un première estimation
fait apparaître que 193 pouvoirs organisateurs ont entré une demande de subvention ;
dix-neuf d’entre eux ne respectent pas les critères requis, soit vingt-six sites non subventionnés.
On constate que le nombre d’écoles de devoirs reconnues est en constante évolution depuis l’année scolaire 2004-2005. On passe en effet de 302 écoles de devoirs en 2004-2005 à 351 en 2008-2009. Le nombre d’écoles de devoir subventionnées était de 292 en 2004-2005. Il a connu une baisse en 2006-2007, avec 252 écoles, soit une soixantaine de plus que le nombre que vous avancez. Depuis cette baisse, le nombre progresse à nouveau annuellement pour atteindre l’an dernier 277 unités. Le budget réservé par l’ONE pour les écoles de devoirs n’a cessé d’augmenter au-delà de l’indexation depuis 2007. Ainsi, en vertu du nouveau contrat de gestion de l’ONE, l’enveloppe 2008 consacrée à ces écoles a été accrue de 6 pour cent celle de 2009 de 3 pour cent supplémentaires. Pour l’année 2010, l’augmentation sera également de 3 pour cent Vous constaterez donc que malgré les mesures d’austérité budgétaire auxquelles l’ONE doit faire face, le soutien aux écoles de devoirs a été maintenu. Les chiffres qui précèdent démontrent que le nombre d’écoles de devoir subventionnées augmente depuis 2006-2007, mais ne il connaît pas d’explosion. Par contre, le budget du secteur a par contre connu un développement substantiel,
passant de 278 216 euros en 2006-2007 à 1 039 000 euros pour 2009-2010.
L’ONE me confie enfin que les écoles de devoirs n’ont pas subi de diminution de leur subvention, au contraire. Certains pouvoirs organisateurs ont par contre connu une baisse de leur subvention, mais en raison d’une diminution des présences d’enfant ou du nombre d’animateur qualifiés.
Le décret a assuré une reconnaissance ainsi qu’un financement systématique et structurel de la part de la Communauté française. En vertu de son article 17, l’ONE accorde des subventions aux écoles de devoirs dans la limite des crédits disponibles. La subvention octroyée à chaque école l’est au sein d’une enveloppe fermée répartie entre toutes les écoles de devoirs répondant exactement à l’ensemble des critères de reconnaissance et de subventionnement. La subvention de l’ONE ne correspond pas à la totalité des frais de fonctionnement d’une école de devoirs. Il est d’ailleurs difficile d’estimer le pourcentage des charges totales qu’elle couvre. Les ( 5 ) CRIc No57-Enf.9 (2009-2010) situations vécues par les écoles de devoirs sont très disparates. En effet, certaines écoles ne bénéficient d’aucune aide, tandis que d’autres ont des locaux mis à disposition, n’ont pas de charge à supporter ou comptent parmi leur personnel des personnes détachées par une association ou par un pouvoir public.
Par ailleurs, les écoles de devoirs ont également accès à des sources de financement extérieures.
Elles peuvent bénéficier d’aides à l’emploi APE de la Région wallonne ; il n’y a pas de programme ou de politique croisée spécifique en matière d’emploi pour ce secteur, mais les écoles de devoirs peuvent obtenir des APE en fonction de leur statut, asbl ou pouvoir organisateur. Deuxièmement, elles peuvent engager du personnel en recourant au Fonds d’impulsion à la politique des immigrés, le FIPI. Beaucoup d’écoles de devoirs reçoivent ces aides, très souvent de façon récurrente.
Troisièmement, des subventions peuvent être octroyées par la Cocof.
Quatrièmement, certaines communes subventionnent également les écoles de devoirs. Cinquièmement, elles peuvent, notamment à Bruxelles, bénéficier de moyens supplémentaires dans le cadre de projets de cohésion sociale, et sixièmement, de ceux des plans de prévention
et de proximité.
J’en viens à la formation des animateurs. Le décret prévoit qu’une école de devoirs doit permettre aux membres de son équipe, bénévoles ou rémunérés, de participer à des formations qualifiantes
ou continuées. Il n’y a donc pas d’obligation en la matière. Il est cependant important de souligner que les écoles de devoirs ont accès aux formations de la Fédération francophone des écoles de devoirs et des coordinations régionales. Elles peuvent aussi participer aux modules subventionnés par l’ONE destinés au divers acteurs de l’accueil durant le temps libre. Chaque année, un catalogue complet des formations est envoyé aux écoles de devoirs ; il est consultable sur le site de l’ONE. Le programme 2009-2010 propose plus de deux cents formations en Communauté française. Dans ce cadre, certains opérateurs proposent même des accompagnement qui se font sur sites et à horaires négociés. Sachez que ce décret me tient particulièrement à coeur d’autant que j’ai été à son initiative. Je me réjouis donc de constater qu’il est toujours d’application et qu’il répond bien à sa mission.

M. Jean-Luc Crucke (MR). – Il y a quatre mois, je vous avais proposé d’inviter des représentants de la Fédération des écoles des devoirs pour entendre leur avis sur le sujet. Ce secteur concerne en effet beaucoup de personnes dont les initiatives riches par leur diversité et indispensables d’un point de vue social méritent une reconnaissance de ce parlement.
Par ailleurs, les groupes de travail que vous avez évoqué devront faire l’objet d’un suivi.
Enfin, je note une reconnaissance et un subventionnement plus importants. Vous avez souligné l’augmentation du budget. Reste à savoir si elle permet de répondre à l’accroissement du nombre d’écoles de devoirs. Je reste en effet persuadé que celles-ci ne sont pas suffisamment soutenues.
Il faudrait également que vos services, ou l’ONE, s’interrogent sur les interventions autres que le subventionnement. Les écoles de devoirs se plaignent souvent de ne pas être soutenues par les pouvoirs communaux alors que d’autres écoles le sont. Cela crée une sorte de concurrence entre écoles puisqu’elles ne bénéficient pas toutes des mêmes ressources. On peut se demander si le rôle des pouvoirs communaux est de suppléer à ce qui relève de l’intérêt général. Cette question mériterait à elle seule un débat. Je ne m’étendrai pas sur les aides à l’emploi, que vous avez eu l’objectivité d’évoquer.
Enfin, vous avez précisé qu’il n’y avait pas d’obligation de formation continue. Elle devrait être intégrée au décret à l’occasion d’une future révision car elle me paraît indispensable dans tous les domaines qui concernent la petite enfance. Cependant, qui dit obligation, dit aussi moyens. Pour ce qui est des horaires, vous m’avez rassuré, les informations dont je disposais n’étaient donc pas correctes.

M. le président. – L’incident est clos.

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire

Abonnement Publier les commentaires [Atom]

<< Accueil