vendredi 10 février 2006

Question orale de Jean-Luc CRUCKE au Ministre Paul FURLAN, sur "la gestion de la dette communale"

M. le Président. Nous allons reprendre nos travaux. L'ordre du jour appelle la question orale de M. Crucke à M. Furlan, Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville, sur « la gestion de la dette communale ».
La parole est à M. Crucke pour poser sa question.

M. Crucke (MR). Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, chers Collègues, les dépenses des communes sont généralement des dépenses assez généreuses par rapport à l'investissement et par rapport à leurs missions. Missions dans lesquelles d'ailleurs, de plus en plus souvent, on leur demande de remplacer les pouvoirs pas seulement subsidiant, mais même l'autorité subsidiante. Pour tout ce qui est dépenses d'investissement, c'est l'emprunt qui permet d'étaler dans le temps l'investissement. Il semble que cela changera avec les règles européennes si on les applique un jour. J'ai lu votre annonce dans laquelle vous vous souciez de ces investissements et surtout de pouvoir continuer à faire face aux obligations des communes. Mais je pense qu'il n'y a pas de meilleur débat que celui qui permet d'avoir un tableau à la fois général pour venir ensuite à la proposition qu'est la vôtre. Le tableau général, c'est : «Que représente aujourd'hui l'investissement des communes wallonnes si on prend pour référence, tous les dix ans, la référence PIB?» Je sais que ce n'est plus toujours les références que l'on considère. Il y a d'autres références
également que le PIB. Il n'en reste pas moins vrai que sur le plan économique et financier, c'est une référence que l'on prend. Sur dix ans, comment a évolué la situation? Y a-t-il une évolution substantielle et que représente dans le poids économique du pays l'investissement des communes? Comment faire en sorte de gérer cette dette inhérente au fonctionnement communal, de la manière la plus active possible? Comment faire en sorte de gérer cette dette communale, dont je crains qu'elle existe, de la manière la plus active possible? Ce sont des procédés qui doivent exister, des recommandations faites par les uns et les autres. Je pense que c'est peut-être l'occasion aussi de dire : «voilà, il y a certains processus qui existent, que les communes emploient ou pas». Dans votre réponse, je verrai aussi ce qui est employé ou pas, ce qui devrait l'être plus en fonction du conseil que vous pouvez nous donner.
Enfin, j'en viens à votre proposition qui me semble être une sorte de renégociation partielle limitée dans le temps de cette dette. Vous me faites signe que j'ai mal compris, mais voilà, j'ai compris, ce qui était relaté dans les médias, je n'ai peut-être pas compris ce que les médias ont dit, mais cela va vous permettre d'être plus précis en la matière, en tout cas, d'être précis ici. 25 P.W. - C.R.I.C. N° 76 (2009-2010) - Mardi 2 février 2010 Quel est le mécanisme auquel vous comptez recourir, Monsieur le Ministre ? Quelles sont les conditions auxquelles devront répondre les communes pour y recourir ? Le but, c'est quand même de profiter d'un taux bas, quand je dis un taux, c'est le taux qu'il y a actuellement, et effectivement, il est bas.
Je suis parfois plus réticent sur la renégociation à long ou moyen terme parce que je pense que cela a des conséquences sur les futures générations. Si c'est une sorte de renégociation à plus court terme comment peut-on préciser l'économie qui sera faite par les communes? Y aura-t-il un tableau qui pourra voir ce qui est fait commune par commune? Il y a peut-être des communes qui auraient moins d'intérêt à le faire, mais la situation individualisée me semble intéressante à connaître. Comment pourra-t-on avoir ces informations-là? Dans quel délai comptez-vous avancer dans ce travail? Si c'est bien à bref délai, les communes ont-elles la certitude de pouvoir retrouver à terme le taux qui est celui qu'elles rencontrent à l'heure actuelle, qui est effectivement sans doute un taux plus élevé que le marché? Il ne faudrait pas que l'on soit pris dans un système où, après avoir renégocié à bref délai, on revienne avec un taux du marché qui, in fine, se retrouve plus élevé.
Enfin, peut-on assimiler ce mécanisme au fameux SWAP? Sinon, vous savez qu'il y a dans tous les prêts que nous faisons un élément qui me fait toujours pleurer parce que, quand on peut rembourser anticipativement, je pense qu'il faut le faire et on a parfois des opportunités pour le faire dans les communes.Mais si on le fait, on a aussi ces fameuses indemnités de remploi que nous devons payer au prêteur, mais qui fait qu'on se dit que même si une situation le préconise sur un plan purement financier budgétaire, sur un plan bancaire, on n'a pas intérêt à le faire, on y perdrait plus qu'on y gagnerait. Quid de cette éventuelle indemnité de remploi dans le système que vous préconisez?

M. le Président. La parole est à M. le Ministre Furlan.

M. Furlan, Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville. Monsieur le Député, la question est complète à tout le moins. Je vais donc essayer d'y répondre.
Dans un premier temps, vous l'avez rappelé, je pense que le recours à l'emprunt a toujours été un mécanisme de financement utilisé par les communes pour financer essentiellement leurs investissements. J'en profite pour vous dire que c'est une particularité par rapport aux autres pouvoirs publics puisque la commune n'emprunte que pour financier des investissements, contrairement aux autres niveaux de pouvoir. L'emprunt de trésorerie étant la partie congrue des emprunts. A une dette correspond un investissement, ce qui est une bonne manière de gérer la dette. Les communes wallonnes financent en moyenne leurs investissements à 45% sur base d'emprunts, cela veut dire que les 55 autres sont d'autres types de recettes, soit des fonds propres, soit des subsides, principalement. Concernant le niveau d'endettement des communes, je pense qu'on va partir du général pour retourner au particulier. Le niveau d'endettement des communes, ces dernières années, a très peu évolué. Depuis 2000, la dette des communes a évolué d'environ 1% par an et elle représente aussi environ excusez-moi des approximations, mais la masse étant telle 30% du passé «bilantaire» des communes. Le montant estimé globalement pour les pouvoirs locaux, y compris les provinces et CPAS, correspond à 5 milliards d'euros. Cela peut paraître évidemment important en valeur absolue et si on ramène cela en pourcentages par rapport à la dette publique totale, cela représente plus ou moins 4,5% de la dette publique totale. On pourrait même dire que, globalement, c'est raisonnable pour le premier investisseur public du pays, car il faut mettre cela en regard de l'investissement pratiqué par les communes. Je pense qu'on peut dire que c'est bien géré et que cette dette a tendance à diminuer en valeur relative. Elle augmente moins vite que les dettes des autres pouvoirs publics. Je dirais que cela mérite une mention spéciale. Je ne m'en attribue évidemment pas le mérite. Il faut attribuer ce mérite aux gestionnaires communaux qui semblent relativement de bons gestionnaires au regard de ce qu'on peut apprécier tant en
augmentation en valeur absolue qu'en augmentation relative, en regard aussi de l'investissement puisque
ce que les communes investissent par rapport aux autres pouvoirs publics, c'est finalement 40 à 60 % des investissements du pays. Ce qui est quand même non négligeable. Je rappelle que la gestion de la dette est une compétence essentielle des receveurs, au niveau communal, bien sûr sur approbation du Collège. Je partage votre avis. Il est parfois impossible de faire autrement sur la renégociation de la longueur de la dette. Evidemment, cela amène à des remboursements annuels moins élevés, mais sur une période plus grande, je conçois qu'il s'agit bien d'un report de charges sur les générations futures. C'est une opération que je conseille, mais elle est parfois indispensable pour équilibrer les finances communales et certains l'ont fait. On ne peut pas, a priori, parler d'un acte de mauvaise gestion. Parfois les circonstances économiques et structurelles de la commune font qu'il n'y a plus d'autres possibilités. P.W. - C.R.I.C. N° 76 (2009-2010) - Mardi 2 février 2010 26 C'est évidemment la dernière que je conseillerais si j'avais un conseil à donner. Le système que j'entends mettre en oeuvre ou que j'ai mis en oeuvre maintenant puisque le passage au Gouvernement a été réalisé, est tout à fait autre. C'est un système novateur. C'est employé par le secteur privé depuis nombreuses années. Je vous dirai pourquoi, à mon sens, cela n'a pas été employé plus vite par les pouvoirs communaux et pourquoi ce n'est toujours pas employé finalement ou très peu employé par d'autres niveaux de pouvoir public. Aujourd'hui, on vit une situation assez exceptionnelle, c'est que le taux court terme pratiqué par les banques est inférieur au taux long terme. On peut estimer les choses au moins pour un an, au moins jusque décembre. Évidemment, je vous dis cela nonobstant le fait que demain, il y ait une guerre dans un pays ou un autre, ou une augmentation du prix du pétrole ou toute autre chose. Les analystes estiment que cette dette court terme n'évoluera pas, en tout cas évoluera dans les mêmes proportions que le taux long terme et on peut estimer cela à une période d'un an. Alors, ce que je propose c'est négocié avec le
monde bancaire et cela répondra à une de vos questions, à savoir quelle est la garantie de la sécurité et le fait de pouvoir retomber sur le taux long terme à un moment donné -, c'est permettre aux communes, individuellement, sur décision uniquement du Collège, de passer du crédit long terme au crédit court terme pour 30% de leur dette nominale, le solde restant dû de leur dette, sous réserve qu'il y ait transfert des compétences de la gestion de ces 30% au CRAC. Pourquoi? Parce que gérer la dette à court terme, cela implique une vision quasi quotidienne du taux. Il ne faudrait donc pas demain avoir une surprise. Je parle d'un évènement qui entraîne la montée du taux dans les deux heures. Le CRAC est outillé pour le faire. C'est sa compétence et si la décision de passer dans le système devient une décision individuelle, la décision de revenir au taux long terme est de l'appréciation du CRAC. C'est sans doute une des raisons pour laquelle on n'a jamais, jusqu'ici, eu à employer ce type de méthode. Vous savez que les collèges ont lieu une fois par semaine, que ce n'est pas si facile que cela de s'intéresser à la gestion à court terme et long terme. On n'est pas outillé pour le faire et on ne dispose pas de la compétence humaine pour le faire. Donc, le CRAC va exercer un véritable monitoring et il va être le seul acteur à décider à un moment qu'il y a danger et qu'il faut retourner au taux long terme. Les perspectives économiques nous donnent une relative stabilité dans le temps, au moins jusqu'au mois de décembre. Il faut, pour que le système rapporte quelque chose aux communes, un différentiel entre le taux court terme et le taux long terme d'au moins 1,5% parce que nous avons négocié le retour à un taux long terme fixé à l'avance. Évidemment, vous avez des crédits à 5 ans par exemple pour un ordinateur, à 20 ans pour une voirie, à 30 ans pour un bâtiment. Vous avez des révisions qui sont semestrielles, trimestrielles ou annuelles, voire des taux fixes. C'est pour cela que chaque commune devra demander à son organisme bancaire d'identifier l'ensemble des emprunts, et vous savez qu'ils sont
repris individuellement. Nous verrons lesquels sont intéressants pour passer du taux long terme au taux
court terme. On a évalué cela à peu près à 30% de la dette. Si la différence est supérieure à 0,5%, on proposera à la commune de passer au taux court terme durant la période intéressante. Cela peut durer
deux mois, six mois, un an, deux ans, dix ans. À mon avis, c'est une situation qui va perdurer. Si on
se réfère à 30% des 5 milliards aujourd'hui et si on admet que toutes les communes passent au système,
ce qui ne sera évidemment pas le cas, étant donné le taux moyen des emprunts, cela représente un gain
pour l'ensemble des communes de 22,5 millions d'euros. J'ai quelques chiffres en tête. Pour la ville de
Charleroi, si on devait appliquer les 30%, cela représenterait une économie annuelle de 750.000 euros. Ce n'est quand même pas rien. Beaucoup moins pour la ville de Liège, paradoxalement parce que la structure de sa dette n'est pas la même. C'est donc la configuration particulière de chacune des communes qui sera analysée par le CRAC. Voilà le mécanisme. Ce n'est pas une renégociation. On passe du taux long terme au taux court terme avec une assurance de retrouver le taux long terme moyennant finalement le paiement d'une garantie à la banque qui se couvre pour donner cette garantie.Mais quand on parle de 22,5 millions, c'est
coût de la garantie comprise. Le seul inconvénient finalement pour l'autonomie communale, c'est qu'on est obligé de se séparer d'une partie de celle-ci. Imaginez un receveur malade, un bourgmestre qui ne suit pas
suffisamment ses affaires, cela peut arriver. Je pense que le passage par le CRAC, qui est vraiment un
outil important et qui est sensible aux finances communales, est primordial, car il sera finalement
chargé d'aller contrôler si l'une de nos communes est en situation de péril. Cela correspond aussi à une philosophie que j'essaie de développer avec le CRAC. Jusqu'à maintenant, on voyait le CRAC comme le gendarme arrivant dans une commune à finances obérées pour lui dire : « Attention voilà, je vous apporte la recette miracle, bien qu'il n'y en ait pas toujours». Il y a une certaine peur du CRAC dans le chef des communes. On a souhaité, avec Claude Parmentier, essayer de 27 P.W. - C.R.I.C. N° 76 (2009-2010) - Mardi 2 février 2010 modifier un peu cette image pour aller vers un rôle de conseil. Il y a toujours évidemment le rôle de contrôle des plans de gestion, c'est un rôle ingrat, c'est un peu le contrôleur des contributions, je dirais,
mais je pense aussi qu'on peut bénéficier de l'expérience du CRAC pour avoir un véritable rôle de conseil. C'est finalement sa première mission puisque c'est le CRAC qui a négocié tout cela avec le secteur bancaire. C'est une première mission de conseil avec une exposition médiatique suffisante pour qu'on en parle, que nous proposons ici. Je vous ai expliqué le mécanisme, ce n'est pas assimilable du tout à un mécanisme de SWAP puisqu'il s'agit finalement d'une renégociation du taux d'intérêt. Je vous ai donné assez de renseignements, mais le reste, c'est technique, cela porte sur les durées du taux à court terme.

M. le Président. La parole est à M. Crucke.

M. Crucke (MR). Je pense que ce système est intéressant.

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire

Abonnement Publier les commentaires [Atom]

<< Accueil