Avenir des abattoirs wallons (suite)
Question orale de M. Crucke à M. Lutgen, Ministre des Travaux publics, de l'Agriculture, de la Ruralité, de la Nature, de la Forêt et du Patrimoine, sur « la restructuration des abattoirs wallons »
Mme la Présidente. - L'ordre du jour appelle la question orale de M. Crucke à M. Lutgen, Ministre des Travaux publics, de l'Agriculture, de la Ruralité, de la Nature, de la Forêt et du Patrimoine, sur « la restructuration des abattoirs wallons ».
La parole est à M. Crucke pour poser sa question.
M. Crucke (MR). - Madame la Présidente, vous aurez remarqué que la question était posée à la fois au Ministre Lutgen et au Ministre Marcourt parce que ma question part d'une déclaration du Ministre Marcourt dans la Dernière heure, le 1er février 2010 : 490.000 emplois dans les PME wallonnes. Ce qui m'intéresse en dehors de l'article, parce que je n'ai rien appris de plus, si ce n'est à la fin où on dit au Ministre Marcourt : voulez-vous changer l'avenir des abattoirs wallons ? Le Ministre Marcourt répond : « j'ai actuellement une réflexion économique sur ce secteur. Ma volonté est de faire évoluer et de consolider les outils en Wallonie pour les rendre plus performants. La Wallonie a besoin de garder des acteurs forts en la matière sur son territoire ».
Voilà que le Ministre Marcourt s'occupe des abattoirs. En plus, je téléphone à mon copain Jeholet que vous connaissez, qui s'occupe généralement des abattoirs, c'est son sujet : toi qui es Liégeois, tu connais M. Marcourt, as-tu eu des nouvelles sur la transformation des abattoirs ? M. Jeholet n'était pas au courant. Je vais quand même aller voir celui qui s'occupe de l'agriculture en Région wallonne, c'est le Ministre Lutgen, et c'est pour cela que je me suis permis de poser la question aux deux.
Donc, Monsieur le Ministre, je ne vous ferai pas l'injure de vous rappeler qu'il y a 15 abattoirs en Région wallonne qui ont vraiment la grosse part des marchés, 98% des abattages d'animaux de boucherie et 99% des abattages de porcs. Enfin, avec cela, on brasse tout.
Dois-je comprendre que dans la réflexion du Ministre Marcourt et donc du Gouvernement, parce que je sais que le Gouvernement travaille de manière collective, on considère que le nombre des abattoirs est un peu excessif, ou trop excessif, et qu'il faut donc le réformer ? Si c'est le cas, peut-on tracer la ligne de conduite du Gouvernement par rapport à ce dossier important des abattoirs ?
Et peut-être nous rappeler ce que le Gouvernement lui même, la Région wallonne, a décidé comme investissements ces dix dernières années, simplement pour mettre ces abattoirs aux normes européennes? Je n'ai pas ces chiffres, mais je suis certain qu'ils ne seront pas futiles et que les montants seront assez élevés. Je pense que c'est un choix que la Région wallonne a fait. Si oui, dans quel sens ? Si on ne change pas, dites-le-moi aussi. Alors, on pourra déduire qu'on fait des articles sur rien également.
Et le secteur a-t-il été rencontré ? Y a-t-il eu une concertation avec le secteur ?
Enfin, j'ai toujours cru comprendre également que le choix qui était fait dans la politique agricole, c'est une politique non seulement liée au sol mais une politique éminemment extensive et donc intensive. On sait très bien que les Flamands sont fort présents en aval et en amont pour tout ce qui est industrie de transformation, je ne pense pas que cela changera du jour au lendemain. Je comprendrai que ce n'est pas un hasard que deux gros abattoirs se trouvent l'un à Aubel et l'autre à Mouscron, on n'est pas loin de la Flandre et je mets Bastogne avec grand plaisir également dedans.
Nous annonçons un changement de politique agricole en la matière avec un élevage porcin industriel qui serait à multiplier, des schémas tout à fait rénovateurs. Je vous avoue que je n'ai pas compris cette sortie, et donc, puisque vous allez répondre pour les deux, vous allez pouvoir me répondre de manière claire. Tant qu'à faire, puisqu'on parle des abattoirs, permettez-moi également d'avoir une pensée pour ces petits abattoirs. Le pourcent restant, il reste quand même ceux qui sont là, qui ont des difficultés économiques quasiment insurmontables. J'en suis certain, je me demande comment ils font pour s'en sortir. Ils se battent pour leur survie. Est-ce que là aussi un schéma directeur est-il prévu ?
Monsieur le Ministre, je résume ma question en une seule pensée : je ne vous demande pas les intentions, je vous demande l'état de réflexion du Gouvernement sur ce dossier sur lequel, je vous le dis, je ne reviendrai plus : c'est M. Jeholet qui y reviendra.
Mme la Présidente. - La parole est à M. le Ministre Lutgen.
M. Lutgen, Ministre des Travaux publics, de l'Agriculture, de la Ruralité, de la Nature, de la Forêt et du Patrimoine. - Je réponds au nom du Gouvernement. Et vu l'esprit de grande cohérence qui anime ce Gouvernement, comme cela a été souligné par M. Crucke, vous devez bien vous douter que par rapport à un sujet comme celui-là, comme d'autres d'ailleurs, nous nous réunissons, nous nous concertons.
Dans le cas présent, M. Marcourt, avant de faire son interview, m'a téléphoné pour me dire ce qu'il comptait déclarer et pour savoir si j'étais d'accord avec lui, comme j'avais les abattoirs publics dans mes compétences, les abattoirs privés relevant de l'Économie. C'est la distinction qu'on peut faire entre les uns et les autres.
Vous avez fait les pourcentages vous-même entre les abattoirs publics et les abattoirs privés. On doit avoir une réflexion beaucoup plus large.
La subsidiation des abattoirs publics dans notre Région est réglementée par l'arrêté du 6 mars 1986, qui a été modifié en 1990, qui permet de subventionner, d'intervenir sur les investissements au niveau des abattoirs, à concurrence de 50% du montant de la dépense à subventionner. C'est la règle au niveau des abattoirs publics.
Dans le cadre de cet arrêté, environ 2,5 millions d'euros ont été octroyés ces dernières années pour les abattoirs d'Ath, Aubel, Bastogne et Virton. Il convient d'ajouter des subsides octroyés aux marchés couverts, qui s'élèvent à près d'un million d'euros sur la même période.
Comme rappelé dans votre question, en Wallonie, il y a 15 abattoirs agréés actuellement. Ces 15 abattoirs réalisent effectivement environ 98% des abattages totaux des animaux de boucherie et 99% des abattages de porcs, plus particulièrement. Virton sera le 16ème très prochainement.
Le nombre d'unités d'abattage ne semble pas excessif. Il paraît très intéressant d'identifier les pistes et outils qui leur permettront d'évaluer, de manière la plus efficace possible.
Par ailleurs, comme vous le savez très certainement, l'activité d'abattage - en tant que telle - n'est pas rentable à elle seule, loin s'en faut. Il faut avoir toute une série d'activités autour de l'abattoir qui permettent de rentabiliser l'ensemble de l'outil : les découpes de carcasses, la transformation de la viande, etc. Différents investissements ont d'ailleurs été soutenus dans ce cadre-là par la Région ces dernières années pour la transformation, pour la mise sous conditionnement dans toute une série d'endroits.
C'était aussi, au fil du temps, s'adapter aux comportements de consommation - les barquettes filmées, étiquetées, etc - pour avoir des produits qui correspondent de plus en plus aux attentes des consommateurs qui, qu'on le veuille ou non, consomment de plus en plus rapidement, utilisent de plus en plus le micro-ondes. Les activités connexes à l'abattoir se sont développées aussi en tenant compte de cette dimension-là pour rentabiliser au maximum l'outil, puisque l'outil abattoir, en tant que tel, n'est malheureusement pas rentable.
Comment soutenir les petits abattoirs ? Croyez bien que je les ai rencontrés à de nombreuses reprises. Oserais-je vous dire, sans aucune polémique, que la meilleure façon de les soutenir, c'est d'adapter les normes sanitaires qui sont totalement déraisonnables par rapport à la réalité de la production dans notre Région. Je n'accuse personne, je fais le constat : on a utilisé des normes industrielles, poussées par l'industrie, pour exclure du marché toute une série de petits abattoirs qui rendent des services très importants à la population, et en particulier à des agriculteurs qui veulent se spécifier dans des produits particuliers.
Prenez l'exemple de la volaille. Suivant la qualité de la volaille, vous avez besoin d'outils particuliers. Mais la quantité dans notre Région n'est pas suffisante pour avoir des abattoirs de grande taille pour ce type d'animaux.
De par les normes industrielles, on a exclu toute une série d'acteurs et d'abattoirs dans notre Région. Finalement, quel est le bénéfice sanitaire de tout cela ? Il est nul, il est même négatif. Il ne faut quand même pas être grand clerc pour se douter que certains animaux continuent à être abattus dans des conditions qui ne sont sûrement pas les meilleures possibles - pour rester très diplomate vis-à-vis des uns et des autres.
Il y a certainement une réflexion à avoir. Mais je ne voudrais pas m'en tenir à une compétence qui est une compétence fédérale. Je crois qu'on doit travailler dans le sens d'adapter les normes. Vous voyez que la Région a dû investir, que j'ai dû investir dans l'accompagnement au niveau des transformateurs dans notre Région, pour qu'ils puissent, en fonction de ce qui était établi comme rapport par l'AFSCA, avoir des formations nécessaires, avoir tous les éléments et tous les outils à leur disposition pour pouvoir se mettre aux normes. Ce n'est pas nécessairement des investissements, parfois ce sont des méthodes de travail ou autres.
J'ai toujours dit :« qu'il y ait un pôle contrôle à l'intérieur de l'AFSCA ». Mais qu'il y ait, demain, un pôle d'aide : ce serait intéressant pour permettre effectivement de ne pas simplement faire le constat, mais aussi d'apporter les solutions à l'intérieur même des différents établissements dans notre Région.
Par ailleurs, au-delà de ces investissements dans notre Région, il y a, au travers du Plan Marshall 1, une disposition qui s'appelle le Fonds FIDER qui permet, au travers des ateliers de travail partagé, à des agriculteurs, à des transformateurs, de déposer des projets en commun. Toute une série de dossiers sont en cours : pourquoi l'ai-je mis en place ?
Je suis allé voir en France ce qui se passait. Il faut donc se dire : « vu qu'on n'a pas des volumes suffisants, pour atteindre ces normes - l'investissement est trop important par rapport au volume -, c'est de travailler ensemble, c'est de faire en sorte que les acteurs se regroupent, qu'ils puissent investir de façon commune, que la Région wallonne, au travers du Plan Marshall et du FIDER en particulier, les soutiennent financièrement de façon importante». Ils partagent donc un outil qui correspond et qui respecte parfaitement les normes.
Il y a de beaux projets derrière tout cela. Il y a l'aspect de transformation du produit en tant que tel, avec des outils plus performants, au-delà de l'aspect sanitaire, mais aussi des liens en terme de commercialisation, de distribution et autres, qui sont plus importants entre les différents coopérateurs et qui permettent d'offrir une gamme de produits plus large, plus diversifiée pour l'ensemble de la clientèle. Cela permet aussi d'améliorer la rentabilité des différents intervenants, des différents acteurs qui peuvent être à la fois des agriculteurs, des transformateurs, qui se regroupent et qui travaillent dans le même sens et avec les mêmes outils.
Une nouvelle disposition a été mise en place dans le Plan Marshall 2.Vert, au travers des halls relais agricoles, pour permettre d'avoir des infrastructures communes à l'ensemble des agriculteurs. C'est un atelier de travail partagé, version simplifiée pour l'ensemble des agriculteurs concernés.
Vous aviez parfaitement raison, même si on ne parle que de 2%, 3%, de 10, 20 ou 30 abattoirs privés. Je vous ai parlé des normes, je vous ai parlé des dispositions prises, des moyens que nous mettons au niveau de la Région. Y a-t-il moyen d'aller encore plus loin ? Nous étudions actuellement différentes pistes, notamment des pistes d'abattoirs mobiles. Cela existe en France, au Canada, pour des volumes très restreints. C'est juste une piste, il faut voir cela avec les acteurs concernés. On ne va pas rentrer en concurrence avec des privés qui ont investi, mais ils pourraient aussi être acteurs par rapport à cela. Il faudra aussi négocier avec l'AFSCA puisque, ce qui est parfois étonnant, c'est que les outils qui sont validés dans un pays comme la France sur le plan sanitaire, ne le sont pas automatiquement chez nous, loin s'en faut. Mais je crois que c'est aussi une piste qui peut être étudiée à l'avenir.
Toutes ces pistes sont regroupées dans une étude réalisée en parfaite intelligence, parfaite collaboration, parfaite concertation avec mon collègue M. le Ministre Marcourt. J'aurai le plaisir de revenir vers vous pour vous montrer combien ce travail commun pourra apporter des réponses concrètes pour les abatteurs, mais aussi pour la filière dans notre Région.
Je vous ai cité beaucoup d'éléments économiques, ils sont évidemment essentiels. Il y a aussi de la création d'emplois derrière tout cela, mais il y a aussi une certaine défense de notre patrimoine gastronomique puisqu'on a vu, au travers du secteur de la transformation, de par les normes qui étaient mises en place, des produits qui disparaissaient du marché, des produits qui avaient parfois 50, 100 ans d'existence et de tradition dans certaines régions. On peut, grâce à certains projets intelligents, les faire renaître.
Mme la Présidente. - La parole est à M. Crucke.
M. Crucke (MR). - Je remercie M. le Ministre pour sa réponse.
Mes craintes sont avérées. Non pas que je critique les réponses de M. le Ministre : sur les petits abattoirs, on a effectivement une réponse satisfaisante. Mais je n'arrive toujours pas à comprendre ce que le Ministre Marcourt a dit, voulu dire, pensé.
Vous me rassurez en disant que vous ne comprenez pas non plus.
Par contre, ce genre d'article inquiète le secteur, parce qu'on se demande s'il y a une bombe au-dessus du secteur ou pas. Il vaut mieux qu'il n'y ait rien.
M. Lutgen, Ministre des Travaux publics, de l'Agriculture, de la Ruralité, de la Nature, de la Forêt et du Patrimoine. - Je vous rassure, j'ai rencontré le secteur dernièrement.
M. Crucke (MR). - Je n'ai peut-être pas rencontré le secteur, mais j'ai rencontré une personne du secteur et, pas plus que vous, elle ne comprenait cet article.
On va mettre cela sur l'excès d'intention littéraire.
Libellés : abattoirs wallons, Chat Jean-Luc Jean-Luc Crucke, Lutgen
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