Question orale de Jean-Luc CRUCKE au Ministre Marie-Dominique SIMONET, sur "l'apprentissage de deux langues étrangères"
M. Jean-Luc Crucke (MR) – Dans ce domaine, il est utile de comparer avec les expériences entreprises ailleurs. En Suisse où le multilinguisme est érigé par raison et avec efficacité, dans le cadre du programme national de recherche (PNR) « Diversité des langues et compétences linguistiques en Suisse », des chercheurs ont étudié et développé des méthodes permettant de conserver,d’encourager et de profiter de la diversité des langues du pays.
En avril 2009, des chercheurs ont publié les conclusions d’une expérience menée depuis 2004 par la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique de Luzerne. L’expérience consistait à permettre aux élèves de primaire d’apprendre deux langues étrangères, une langue nationale et l’anglais, ou une deuxième langue nationale. Dans ce but, ils ont introduit un modèle appelé 3/5, prévoyant l’enseignement de l’anglais dès la troisième primaire et du français dès la cinquième. Une trentaine d’écoles sont visées par cette mesure. En comparant cette expérience au modèle précédent qui ne prévoyait qu’une seule langue étrangère, on a constaté que le nouveau modèle à deux langues se révèle plus efficace que l’ancien et n’a pas d’effets négatifs sur le bienêtre des enfants ni sur leur motivation durant les cours. Les compétences acquises en anglais, première langue apprise, ont une influence positive sur l’acquisition du français, deuxième langue.
Même constat chez nous pour l’immersion : les enfants qui ont appris une deuxième langue assimilent plus facilement une troisième langue et, ensuite, une quatrième.
Madame la ministre, avez-vous connaissance de l’expérience menée en Suisse ? Je meurs d’envie d’aller voir sur place comment cela fonctionne ! Quel est votre point de vue ? Seriez-vous disposée à autoriser les pouvoirs organisateurs intéressés à mettre sur pied l’une ou l’autre expérience-pilote ?
Si oui, à quelles conditions ? Dans le même ordre d’idées, il me revient que de nombreux élèves ayant fréquenté l’immersion dès la troisième maternelle souhaiteraient acquérir une troisième langue avant le second degré des études secondaires. Je vis cette expérience avec mes propres enfants qui étudient une troisième et même une quatrième langue en dehors de l’école.
Pourrait-on envisager l’apprentissage d’une troisième langue dès le premier degré du secondaire ?
Enfin, la diversité des expériences menées par d’autres pays ne devrait-elle pas nous inciter à
créer un Observatoire des langues chez nous ? Pensez-vous pouvoir concrétiser un projet de ce genre ?
Mme Marie-Dominique Simonet, ministre de l’Enseignement obligatoire et de promotion sociale. – J’ai effectivement connaissance de l’expérience menée en Suisse depuis 2004, visant à permettre aux élèves de primaire d’apprendre deux langues étrangères ou au moins une deuxième langue nationale. La principale lecture que je fais de cette expérience est que la Suisse, comme la Belgique d’ailleurs, est convaincue de l’importance de la maîtrise d’au moins une langue étrangère, voire de plusieurs. Mais ce pays, comme le nôtre, s’interroge sur le dispositif pédagogique à mettre en place. L’étude publiée en 2009 semble effectivement révéler de nombreux aspects positifs. Vous les évoquez ou, du moins, vous soulignez l’absence d’effets secondaires négatifs. Il est toujours intéressant de s’inspirer des expériences pédagogiques menées chez les voisins. Toutefois, les systèmes pédagogiques ne sont pas nécessairement transposables, compte tenu des réalités spécifiques à chaque pays, voire à chaque communauté. Il me semble raisonnable de commencer par évaluer les dispositifs existants et de mettre en place les mesures prévues dans la Déclaration de politique communautaire. Le décret conférant un cadre légal à l’immersion, en ce compris les modalités d’organisation, ne date que de 2007. Le décret sur le premier degré du secondaire fixant, notamment, les priorités en termes d’objectif d’apprentissage, date de 2006 et a encore fait l’objet d’une modification en 2008, pour la mise en oeuvre du premier degré différencié.
La Déclaration de politique communautaire prévoit d’étudier la possibilité d’inscrire l’apprentissage d’une langue étrangère dès la première année primaire et d’ouvrir l’apprentissage des langues dès la troisième maternelle. De même, elle prévoit la généralisation de l’apprentissage des langues dans l’enseignement qualifiant dans le cadre du plan « Marshall 2.vert », ce qui n’était pas prévu jusqu’à présent. Tant l’évaluation des projets existants que la création de nouveaux projets nécessitent d’importants investissements humains. Vu la situation
budgétaire, nous devrons procéder avec rigueur et méthode. Ainsi, du point de vue financier, il ne me paraît pas raisonnable – et la Déclaration de politique communautaire que je dois respecter n’envisage pas cette possibilité – d’organiser une expérience pilote permettant le choix d’une langue étrangère supplémentaire dans le primaire ou au début du secondaire pour des élèves en immersion primaire. Je ne suis pas opposée à la création d’un observatoire des langues. À ce propos, le gouvernement bénéficie déjà des avis intéressants du Conseil général
de concertation et de la Commission de pilotage.
M. Jean-Luc Crucke (MR). – Je remercie la ministre de sa réponse. Je comprends qu’elle doive à la fois respecter la Déclaration de Politique communautaire et l’évaluation des dispositifs existants. C’est un choix qui a été décidé par la majorité et je le respecte.
Cependant, je vous parle ici d’expériences pilotes qui vont au-delà des objectifs fixés ab initio
Je voudrais demander à la ministre d’examiner l’impact budgétaire d’une expérience pilote.
C’est ainsi que dans ma commune qui compte 11 000 habitants, nous avons deux projets d’immersion en langues anglaise et néerlandaise. Les enfants qui ont été les premiers bénéficiaires de cette expérience voici plus de dix ans vont maintenant entrer en 5e ou 6e année secondaire. Je pense que nous pourrions réaliser des économies en présentant aux parents et aux enfants la possibilité d’un troisième choix qui serait l’apprentissage de deux langues, le néerlandais et l’anglais. L’étude mérite d’être menée et je pourrais vous présenter un projet qui coûterait peut-être moins cher que le vôtre. Certes, un point d’interrogation demeure mais votre réponse m’incite à persister dans ma demande de création d’expériences pilotes.
Je remercie également la ministre pour sa réponse sur les laboratoires des langues dont elle ne rejette pas l’idée. Dans ce cadre, je suis persuadé que cet outil permettrait de nous tenir informés des évolutions et de nous renseigner sur les meilleurs choix à opérer.
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