mardi 8 février 2005

Question orale de Jean-Luc CRUCKE au Ministre NOLLET sur "l'accès à la propriété par la valorisation du droit de superficie"

M. Crucke (MR). Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, chers collègues, c'est un sujet que j'avais abordé avec vous tout au début de la législature, et qui est un système que je trouve personnellement intéressant et juridiquement intelligent, à savoir l'utilisation du droit de superficie. Lorsqu'on voit les dernières études qui ont été mises sur le marché, que ce soit dans le cas de l'indice Trevi ou de l'étude fort intéressante d'ING sur la chèreté du logement, dans laquelle l'analyse sur 25 ans aboutit à dire que le logement n'a jamais été aussi inaccessible qu'actuellement pour le citoyen.
En d'autres termes, de plus en plus de personnes n'arrivent plus, non pas à se loger, mais à devenir propriétaire d'un logement. Parce que les moyens financiers sont insuffisants, parce que les garanties demandées par les institutions bancaires sont à ce point importantes que l'on n'arrive pas, même dans le cas de personnes qui travaillent, à obtenir ce qu'est le rêve de nombreux belges qui ont une brique dans le ventre. Vous vous souviendrez que, lorsqu'on avait évoqué la possibilité de valoriser le droit de superficie, je vous avais démontré tout l'intérêt financier et budgétaire pour un ménage d'avoir ce système où, finalement, on change un peu les paramètres de la propriété tout en restant propriétaire, pour un temps déterminé, sachant que, à tout moment, on peut valoriser ce droit de propriétaire. On n'est pas propriétaire du fonds, on est propriétaire de l'habitation. Cela fonctionne dans d'autres endroits, je voyais le bourgmestre d'Etterbeek qui avait mis cela sur pieds, il y a quelques mois. Il me disait lui-même qu'il avait dû être confronté aux files d'attente par rapport à la demande existante. Il y a un intérêt et il y a manifestement aussi un intérêt pour tous ceux qui se sentent pour l'instant trop éloignés du logement et de la propriété. Vous m'aviez répondu que vous demandiez à vos collaborateurs d'étudier l'ensemble des systèmes en cours, des expériences en cours et de les détailler. Je suppose que, 16 mois après, je peux vous demander le travail qui a été fait par vos collaborateurs et si vous pouvez nous en donner les conclusions et les recommandations éventuelles. Vous m'avez également précisé que le Conseil supérieur du Logement pourrait être saisi de la chose. Je suppose qu'en 16 mois ils ont eu le temps de vous donner leur avis et sentiments. Si je reviens sur le sujet, c'est parce qu'en même temps, à travers la presse, j'ai vu qu'on mettait sur pied, qu'on avançait un concept américain que notre droit ne connaît pas encore, appelé le Community Land Trust. Ce dernier est aussi fort intéressant. Il est assez semblable au droit de superficie dans sa manière d'être si ce n'est qu'ici on part d'une association ou d'un pouvoir public qui acquiert un terrain ou reçoit un terrain par le biais de subventions ou de dons. Il met ensuite ce terrain à disposition d'acheteurs potentiels, où les logements qui sont construits sont mis à disposition d'acheteurs potentiels et on vise expressément les acheteurs en fonction de leurs ressources, c'est-à-dire les ressources les plus basses parce que, effectivement, on a ciblé la clientèle si je puis dire. Je voulais avoir votre avis sur ce système que je ne connaissais pas mais qui me semble intéressant. Dans la lancée, ces deux possibilités évoquées telles qu'elles sont là, peuvent maintenant arriver à une sorte de sensibilité plus poussée. Pourrait-on imaginer dans l'un ou l'autre cas des expériences pilotes qui permettraient à ce moment-là in concreto d'avoir des conclusions à tirer?

M. le Président. La parole est à M. le Ministre Nollet.

M. Nollet, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique. Monsieur le Député, à ma demande, le Conseil Supérieur du Logement a effectivement consacré un examen à la question de la valorisation du droit de superficie afin d'accéder à la propriété. Le Conseil aboutit à la conclusion que les opérations immobilières réalisées par le biais du droit de superficie ou de l'emphytéose méritent d'être encouragées. Cela va vraiment dans le sens, je pense, de ce que vous souhaitiez. Dans le cadre de cet examen, le Conseil a pris connaissance du concept de Community Land trust apparu aux Etats-Unis à la fin des années 1970. Ce concept se rapproche assez bien du schéma d'une coopérative qui produit des logements abordables pour des personnes disposant de bas revenus: celles qui n'arrive plus à avoir accès pour l'instant au logement, à la propriété en tout cas. Dans ce système, la propriété foncière qui appartiendrait aux pouvoirs publics est séparée de la propriété du logement et permet dès lors d'une part, à l'acheteur de diminuer le prix d'achat initial et d'autre part, au trust de garder un contrôle permanent sur les prix des immeubles. La DPR visant plus particulièrement les locataires de logements publics qui souhaitent devenir propriétaires, le Conseil préconise de sensibiliser et encourager les Sociétés de logement public à la mise en uvre de telles formules. Le Conseil estime que l'intérêt de telles opérations pourrait résider, en Wallonie, dans la mise en uvre d'expériences-pilotes basées sur ce principe, et dont l'intérêt serait: l'accompagnement des occupants; la gestion démocratique du foncier; le terrain qui reste la propriété de l'opérateur.
Compte tenu de cet avis et dans un souci d'élargir les moyens d'action des Sociétés de logement public, les SLSP pourront gérer des projets de type « community land trust» afin de financer, construire ou rénover des logements qui seront occupés par des «coopérateurs» dans le cadre de conventions spécifiques. Adapté aux spécificités du logement locatif social, le système peut en effet offrir des possibilités de mixité sociale intéressantes et amener des capitaux destinés à construire ou rénover des logements publics. Les SLSP seront habilitées, pour ce faire, à créer des coopératives qui présentent différents avantages non négligeables. Rappelons que, chez nous, la figure du trust, cette institution qui a pour vocation de gérer un bien dans l'intérêt de ses membres, n'existe pas dans les textes de loi, ou disons pas en tant que telle en tout cas.
D'abord, le mécanisme de la coopérative offre à toute personne (habitant, investisseur privé, pouvoir public, communal, et caetaera) la possibilité de souscrire des parts et ainsi de participer à l'élaboration des projets de construction ou de rénovation.
Ensuite, il est également possible de prévoir dans les statuts que le produit de l'aliénation des parts, audelà d'un certain seuil, revient à la coopérative. Ce qui permettra à celle-ci de réinjecter des fonds frais dans d'autres projets ou de déduire l'excédent du prix de revente des parts à l'acquéreur suivant, afin de maintenir le bien abordable financièrement.
Par ailleurs, le recours au système de la coopérative rend les institutions financières plus enclines à concéder des prêts, que ce soit au bénéfice de la coopérative en vue de financer des rénovations ou des coopérateurs/usagers eux-mêmes. Je vous le dis, Monsieur Crucke puisque c'est un peu l'aboutissement d'une réflexion que vous avez effectivement initiée mais qu'on avait un peu en parallèle, peu importe les droits d'auteur de l'idée initiale, le Code wallon du logement sera modifié en conséquence et un appel à projets sera réalisé en 2012 sur ce volet-là. Il faut le temps que nous modifions le Code wallon du logement. Cette mesure figure dans la note d'orientation, ce n'est plus une idée du Ministre, mais elle a été adoptée par le gouvernement le 16 décembre 2010. Voilà une fois de plus, un point de convergence entre nous, je dirais, sur une idée nouvelle, à venir, à tester en Wallonie et vous avez là des échéances, un calendrier qui font avancer les choses après analyse et après avis du Conseil supérieur du logement qui a fait son boulot dans les temps impartis.

M. le Président. La parole est à M. Crucke. Je vois que vous êtes impressionné par la réponse.

M. Crucke (MR). Je suis rarement impressionné, mais je suis totalement satisfait...

M. le Président. Tant mieux.

M. Crucke (MR). ... de la réponse. Tant par la réponse du ministre que par la manière dont ce dossier a été travaillé et a évolué.
Quand je ne suis pas d'accord, je le dis, mais quand un travail a été convenablement fait, il faut pouvoir le dire aussi. Je peux vous assurer que je ne manquerai pas d'être candidat à ces projets pilotes en 2012.

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