mardi 22 février 2005

Question orale de Jean-Luc CRUCKE au Ministre FURLAN sur "Faut-il réglementer la déontologie des élus avec les entreprises privées et/ou publiques?"

M. le Président. – L'ordre du jour appelle la question orale de M. Crucke à M. Furlan, Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville, sur « Faut-il réglementer la déontologie des élus avec les entreprises privées et/ou publiques ? » .

La parole est à M. Crucke pour poser sa question.

M. Crucke (MR). – Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, chers collègues, régulièrement, on voit fleurir dans la presse l'un ou l'autre comportements dénoncés. En toute objectivité, les meilleures intentions peuvent côtoyer les interventions plus suspectes. Nous sommes tous, dans notre vie quotidienne, contactés par des personnes qui souhaitent, à tort ou à raison, qu'une démarche soit effectuée, tantôt auprès d'une entreprise parce qu'elles pensent que cela pourrait leur être favorable - j'ai toujours pensé le contraire, mais on ne peut pas empêcher les gens de penser -, tantôt auprès d'une administration, pensant que le fait qu'un homme ou une femme politique écrive, pourrait faire avancer le dossier plus vite. J'ai aussi toujours pensé le contraire, mais on n'empêchera pas les gens de le penser, et certains d'agir, d'intervenir. Puis, vous voyez fleurir dans la presse un article qui dénonce ce type de comportement.

La Flandre a pris des mesures assez radicales en la matière, qui vont d'ailleurs jusqu'à quasiment interdire la « dienst method », c'est comme cela qu'ils appellent les permanences des uns et des autres. Je reste persuadé que c'est très utile, si vous voulez savoir comment les choses se passent, en tout cas savoir ce que les gens pensent.

Tout le monde sait qu'une collègue a été écharpée par Sud Presse il n'y a pas longtemps, mais le nom n'a pas d'importance, on n'est pas là pour viser ad hominem. Y a-t-il une législation en la matière ? A-t-on un règlement plus particulier qui spécifie ce qui est autorisé ou pas, ou s'en réfère-t-on purement et simplement à la conscience individuelle des uns et des autres ?

Deux, peut-on imaginer que, sur un plan communal - et je m'adresse évidemment à une compétence qui est plus communale -, ce type de comportement soit réglementé par le conseil communal ? Si c'était le cas, quelle serait la valeur d'un règlement qui engagerait les uns et les autres à ne pas seulement avoir un comportement digne de la fonction - c'est déjà une obligation liée à la fonction - mais qui préciserait effectivement ce qui est autorisé, souhaitable et interdit ? Est-ce que cela existe, d'ailleurs ? Y a-t-il un règlement qui existe ? S'il y en a un, peut-être pourriez-vous me le faire savoir.

M. le Président. – La parole est à M. le Ministre Furlan.

M. Furlan, Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville. – Votre question est complexe. Pour répondre de manière très concrète, les pratiques politiques que vous citez dans votre question ne sont pas, d'un point de vue éthique et en tant que telles, visées par une législation précise. Si elles peuvent ou si elles heurtent une forme d'éthique personnelle, il faut constater que tout comportement indélicat n'entre pas pour autant dans le cadre d'une législation spécifique. Légiférer sur l'éthique, en soi, serait par ailleurs inutile, si chacun, d'un point de vue personnel - qu'il soit communal, provincial, intercommunal ou régional -, avait toujours dans son esprit la défense des intérêts personnels, politiques ou électoraux, mais bien la défense de l'intérêt de l'institution ou de l'organisation pour laquelle il travaille.

Cependant, force est de constater qu'à travers l'histoire, le législateur a toujours dû s'intéresser à l'éthique en imposant des balises, des limites à ne pas dépasser, c'est tout l'objet de notre débat.

Cela ne veut pas pour autant dire que les pratiques que vous citez sont inadmissibles parce qu'elles n'entrent pas dans une catégorie de conflits d'intérêts. Elles peuvent d'ailleurs s'avérer constitutives d'une infraction pénale qui peut être, par exemple, la corruption. Ce n'est donc pas parce que, dans l'arsenal décrétal du Parlement wallon, il n'y a pas de législation, qu'il n'existe pas par ailleurs d'autres législations, notamment le pénal. Il existe donc, et vous le savez bien, des législations qui traitent de ce dossier. À titre personnel, je ne pense pas que légiférer de manière plus draconienne ferait vraiment avancer la responsabilisation du monde politique et je ne pense pas non plus que tout élu est automatiquement animé par la poursuite d'un intérêt strictement personnel. C'est cela, la difficulté, et c'est surtout pour cela que légiférer ne permettra pas de rencontrer à tout jamais toutes les situations et tous les comportements possibles. C'est pour cela que c'est éminemment délicat. L'éthique, vous savez que ce sont des conceptions qui varient dans le temps et dans l'espace. Ne pas aller à l'église au début du siècle précédent était une faute d'éthique, cela ne l'est plus aujourd'hui. L'éthique, par définition, varie dans le temps.

Je préfère donc toujours en appeler à la probité qui doit toujours guider un élu, mais en prévoyant quand même les limites à ne pas franchir, par exemple des situations dans lesquelles, si les conditions, sont réunies, le mandataire serait considéré comme trop personnellement intéressé par une décision ou par un projet et serait écarté de la prise de décision pour la sérénité ou la transparence des débats.

Comme ministre en charge des pouvoirs locaux, je suis saisi de plaintes, de réclamations de mandataires locaux qui s'interrogent sur certains comportements adoptés par leurs pairs. Il m'est donc déjà arrivé d'annuler des délibérations pour violation de l'article 1122/19 du Code où siège le conflit d'intérêts. Mais il m'est aussi arrivé, il faut en convenir, après analyse et instruction de l'administration, de conclure qu'en l'espèce, les conditions du conflit d'intérêt étaient loin d'être réunies. Au niveau du volume, ces plaintes sont relativement rares. Ce côté positif me fait penser que, finalement, beaucoup plus d'élus se préoccupent de l'intérêt général que de l'intérêt particulier auquel cas, nous avons tous des oppositions dans nos conseils communaux qui peuvent être au courant d'un certain nombre de choses. Je reste donc optimiste et je pense que ces comportements indélicats continueront, je l'espère, à être marginaux dans le chef des hommes politiques.

Quant aux règles communales qui pourraient s'appliquer à un moment, c'est possible, mais la commune doit être sensibilisée ou attentive à des dispositions supérieures, et notamment à tout ce qui concerne la hiérarchie des normes. Vous en conviendrez, dans un règlement communal on a pas à mettre en avant un aspect qui - et on en a eu un exemple tout à l'heure, avec la discussion sur les signes convictionnels - contrevienne à la Constitution, aux Droits de l'hommes, et caetera. Il n'existe donc pas de modèle en matière d'éthique. Si une commune voulait approfondir la matière, elle pourrait le faire dans le cadre d'un règlement d'ordre intérieur, lequel d'ailleurs contient déjà normalement actuellement, ou en tout cas est censé contenir, un chapitre ou un titre consacré à l'éthique et à la déontologie des mandataires toujours attentifs, respectueux, précautionneux relativement à la hiérarchie des normes. C'est par ce biais, à mon avis, qu'on peut encourager une certaine forme de proactivité des communes.

M. Crucke (MR).
– je remercie le ministre pour sa réponse. Vous avez aussi évoqué le conflit d'intérêts, légalement punissable, mais on a parfois aussi le trafic d'influence qui, pénalement, est également sanctionnable. Je suis aussi d'avis, comme vous, qu'il est difficile de légiférer en la matière et que recourir à la notion de probité est peut-être ce qu'il y a de plus compréhensible pour les uns, mais peut-être pas pour les autres. C'est là que je veux en venir. Je pense que le mandataire, quel qu'il soit en général, sait très bien quand il franchi la frontière et sait très bien où sont les limites de l'acceptable ou de ce qui n'est pas acceptable. Par contre, contrairement à ce qu'on pense, le citoyen ne le sait pas toujours, ou a une tendance à vouloir parfois l'oublier, à ne pas le savoir. C'est pour cela que j'étais venu sur l'idée du règlement communal, avoir une sorte de code « de bonne conduite » sur lequel on communique, comme dire au citoyen « n'allez pas lui demander, puisqu'il ne le fera pas ou ne peut pas le faire ». Je pense que cela a un intérêt de mettre chacun face à ses responsabilités, et pas toujours l'homme ou la femme politique. C'est toujours facile de décrier quelqu'un par rapport à un comportement.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, mon parti a été interpellé pour avoir créé une entreprise, mais tous ont été contactés pour ce genre de méthode. Quand on se trouve en première page pour ce type de comportement, on se sent mal. La personne qui est venue faire la démarche, elle ne sent rien du tout, parce qu'à ce moment-là, souvent, elle ne vous connaît plus. J'aime bien une communication qui permet à tout le monde de dire qu'on ne pouvait pas ignorer, on ne pouvait pas ne pas savoir, qu'on ne savait pas qu'il y avait des choses qu'on ne faisait pas. Peut-être qu'un jour on devrait avoir un débat plus approfondi sur la chose de manière à sensibiliser tout le monde.

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