mercredi 16 mars 2005

Interpellation de Jean-Luc CRUCKE au Ministre ANTOINE sur "les abus sexuels dans le sport"

M. Jean-Luc Crucke (MR). – Lors d’une audition à la Chambre des représentants, M. Yves Vanden Auweele, professeur à la KUL et psychologue du sport, avait évoqué une étude qui avait abouti à un constat dramatique, à savoir que sept pour cent des jeunes filles et quatre pour cent des garçons avaient été victimes de graves agressions sexuelles lors d’une pratique sportive. Le professeur Vanden Auweele avait dressé la liste de trentesix comportements inacceptables dans le sport. Il avait déclaré : « Les enquêtes que j’ai menées en 2004, 2005 et 2006 auprès des étudiants de la KUL et de la VUB démontrent qu’il y a un réel problème d’abus sexuels et de harcèlements dans le monde du sport, sans différence fondamentale selon la discipline prise en compte, mais beaucoup préfèrent que l’on n’en parle pas ». Tous les sports sont donc touchés par le phénomène. La société est, elle aussi, touchée. Le 7 avril, le tribunal correctionnel de Tournai rendra son jugement contre un ancien entraîneur de football poursuivi pour tentatives de viol et attentats à la pudeur sur une quinzaine de mineurs de la région de Lessines. Le parquet a considéré que cet homme dangereux avait abusé de l’emprise qu’il exerçait sur ces jeunes. Les faits ont été signalés en décembre 2007 par une grand-mère qui avait recueilli les confidences de son petit-fils à propos des agissements de cet individu. Le phénomène n’est pas isolé. D’autres faits se sont produits. Avant d’exercer à Tournai, l’intéressé avait travaillé dans la région de Liège. Je pense que les propos du professeur VandenAuweele sont assez exacts. Certains pays ont réagi et ont pris des mesures. La Hollande a mis en pace un point de contact 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Nos collègues flamands ont lancé un nouveau décret en vigueur depuis janvier obligeant toutes les fédérations à avoir un plan éthique. Vous m’avez donné une réponse multiple lors du débat sur le budget. Tout d’abord, vous désiriez rencontrer le professeur VandenAuweele afin de vérifier la fiabilité de ses propos et la méthodologie employée. En fonction de ses réponses, vous envisagiez de lancer une étude plus centrée sur la Communauté française pour croiser les données. Ensuite, une journée d’étude devait être mise sur pied cette année avec des interlocuteurs du monde du sport comme les fédérations, l’Adeps et le COIB.
Enfin, vous envisagiez de remodeler la charte sportive. Depuis fin novembre 2010, avez-vous rencontré le professeur VandenAuweele ? Si oui, quelle est la teneur des discussions ? Avez-vous pris connaissance d’autres études qui confirmeraient ou infirmeraient ses constats ? Avez-vous décidé de croiser ces données avec une étude plus centrée sur la Communauté française ? Si oui, quand sera-telle réalisée ? Avons-nous un canevas de la journée d’études? Des interlocuteurs ont-ils marqué leur accord pour y participer ? Quel est le public ciblé ? Où en est la charte sportive et quelles en sont les échéances ? Pourquoi ne pas suivre les exemples en dehors de la Communauté française ? Vous rejetiez l’idée d’un centre d’appui mais la sensibilisation des fédérations par le décret flamand me semble intéressante. Il s’agit du meilleur vecteur d’intervention. Vous évoquiez la justice mais elle n’est malheureusement pas un agent de prévention. Elle intervient toujours en aval des cas exposés et, entre-temps, les victimes ont souffert, parfois causant des dégâts irrémédiables. Nous aurions préféré aborder un autre sujet. C’est malheureusement une des réalités du sport et nous avons une obligation politique et morale dans cette affaire. Nous devons faire en sorte que pareil cas ne se représente plus, grâce à une meilleure prévention et à une législation plus efficace.

M. André Antoine, vice-président et ministre du Budget, des Finances et des Sports :
Le cas de Tournai nous rappelle malheureusement l’existence de situations tout à fait intolérables. La Justice s’en est saisie. Cela ne peut que nous conforter dans une action structurée et objectivée. Nous avons tous été impressionnés par l’étude flamande et saisis par les agissements de certains prêtres au sein de l’Église. Je souhaite aborder la question avec méthode. Certains d’entre vous défendent à juste titre l’idée d’une étude propre à la Communauté française. Elle sera bel et bien réalisée. Nous avons commencé par consulter les différentes universités afin de choisir une ou plusieurs d’entre elles en fonction des offres qu’elles nous transmettront. Nous leur demanderons au passage de croiser leurs méthodes et leurs critères avec les résultats de l’étude similaire de la KUL afin d’obtenir un état des lieux dont nous ne disposons pas aujourd’hui. Il ne sera toutefois pas exhaustif car, par définition, certains de ces gestes et actes ne sont hélas pas connus ou peuvent difficilement être appréhendés. Cet état des lieux sera néanmoins une première base importante. J’ai demandé à René Hamaide, le directeur général de l’Adeps, de dresser un inventaire complet des actions que nous menons. C’est d’autant plus nécessaire qu’il sera lui-même entendu ce mercredi après-midi par la commission fédérale.
Il pourra ainsi s’exprimer sur ce que la Communauté française a mis en oeuvre dans le passé et sur ce qu’elle compte faire à l’avenir ainsi que sur l’étude de la KUL, qui est interpellante mais pas nécessairement pertinente. Vous m’aviez demandé de rencontrer M. Pierre-Olivier Beckers car vous vous étiez ému de ne pas voir un réel intérêt du COIB pour ce sujet. M. Beckers m’a affirmé que ce point avait été évoqué à plusieurs reprises au conseil d’administration. Je lui ai fait part de notre volonté de voir le COIB organiser une journée d’étude qui réunirait les trois communautés et les différentes instances concernées. Il me semble en effet que nous aurions tort de vouloir nous isoler. Même si une étude doit être menée à l’échelle de notre Communauté, les méthodes pour traquer de tels comportements nous échappent largement et les bonnes pratiques des uns peuvent être imitées par les autres. Cette table ronde se tiendra dans le courant de cette année et vous y serez invités par le COIB.
Comme par le passé, nous exigeons de tous les moniteurs et responsables de l’encadrement, notamment de l’Adeps, un certificat de bonne vie et moeurs et une formation adéquate. Même pour l’opération Été Sport, le personnel d’encadrement devait être titulaire d’un brevet ou faire preuve d’une expérience. Nous avons donc privilégié la qualité, espérant éviter ainsi la présence de personnes dont le but ne serait pas uniquement sportif. La surveillance des vestiaires et des chambres est également organisée dans les centres Adeps. De plus, les moniteurs sont supervisés par un chef d’activité, qui a pour mission de les encadrer et de détecter les éventuels comportements inappropriés, voire préjudiciables pour la santé physique ou psychique de nos jeunes. Enfin, la charte éthique fera l’objet
d’une, très large campagne de promotion. La campagne « Mon club, mon école » va démarrer, avec le concours de Jean-Michel Saive. La campagne d’organisation de l’opération Été-Sport s’ensuivra. C’est donc probablement à la rentrée que nous commencerons la promotion de la charte éthique. Bien sûr cette charte ne traite pas uniquement des abus sexuels, elle traite aussi du fair-play, de la tolérance, du respect des règles. . . Les jeunes auront l’occasion de signer une grande charte qu’ils pourront afficher dans les locaux de leur club ou fédération. La campagne sera combinée avec une opération « Capitaine fair-play ». Celle-ci visera à donner un rôle plus important au capitaine qui, outre sa qualité de responsable de son équipe sur le terrain, doit être un modèle et celui qui véhicule les valeurs reprises dans cette charte. Quant au point de contact, je me demande si nous devons en organiser un pour le sport ou nous appuyer sur des institutions qui existent déjà, comme les associations s’occupant de maltraitance, ou sur le délégué aux droits des enfants. Seuls des spécialistes peuvent intervenir dans un point de contact.
Cela dépasse très largement le domaine du sport. Bien sûr, comme le dit M. Diallo, le sport peut malheureusement en être un terrain propice : la pression pour les résultats, les rapports de force, l’admiration pour le modèle qu’est l’entraîneur et l’autorité qu’il a parfois. . . font courir le risque que des personnes aux pratiques douteuses s’installent dans un sport alors qu’elles ne devraient jamais y avoir de place. Nous disposons actuellement de ce rapport intermédiaire. Lorsque l’étude sera terminée, nous pourrions peut-être entendre son auteur, voire l’auteur principal de l’étude flamande, afin de croiser les résultats. C’est à vous d’en décider, messieurs les parlementaires. De la sorte, nous disposerions d’un diagnostic complet et de pistes pour mener des actions complémentaires.

Réponse de M. Crucke : Monsieur le ministre, votre réponse est très complète et intéressante mais je regrette de ne pas connaître le contenu de la rencontre avec le professeur Vanden Auweele. L’avez vous rencontré ?

M. André Antoine : Pas directement. Mon administration l’a rencontré lors de l’établissement du cahier des charges pour les universités.

M. Jean-Luc Crucke: Quoi qu’il en soit, la méthode employée me satisfait. Je ne vous cache pas que j’avais l’intention de déposer une motion. Je ne le ferai pas car le ministre semble prendre les engagements que je sollicitais du gouvernement, à savoir la réalisation de l’étude, le croisement des résultats ainsi que l’inventaire des mesures actuelles. Le ministre affirme que l’étude sera réalisée et je n’ai pas de raison d’en douter. L’inventaire des mesures a été sollicité auprès de M. Hamaite. Ces engagements étant actés, une motion ne sera pas nécessaire. Une journée d’étude sera organisée par le COIB dans les trois communautés. Cela ne me dérange nullement. Cette matière ne connaît pas de frontière et la comparaison des expériences, des réactions et éventuellement des solutions sera très utile.
Le point de contact me semblait être une bonne option mais je suis prêt au débat, comme vous, monsieur le ministre. Faut-il créer un nouveau point de contact ou utiliser les structures existantes ? D’après le professeur, l’existence d’un point de contact qui sensibilise au phénomène de l’abus sexuel semble fonctionner aux Pays-Bas. La proximité de ces points de contact avec les milieux sportifs semble jouer un rôle. Mais le débat doit avoir lieu et je ne déposerai donc pas de motion. Par contre, puisqu’une certaine unanimité semble exister entre les groupes politiques réunis ici, nous pourrions adopter une résolution plus précise. Nous devons sensibiliser au-delà de la commission et cela demande un geste un peu plus fort.

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