Interpellation de Jean-Luc CRUCKE au Ministre ANTOINE sur "Favoriser la pratique du sport à l'école"
M. Jean-Luc Crucke (MR). – Monsieur le ministre, dernièrement nous avons discuté du bi lan du doublement des heures du cours d’éducation physique dans les écoles pilotes. Au terme de cette expérience qui a duré quatre ans et pendant laquelle le nombre d’heures de ce cours était passé de deux à quatre par semaine, je vous avais demandé de tirer des conclusions. Vous m’aviez répondu que votre analyse était très mitigée et qu’il n’y avait pas grand-chose à tirer de cette expérience. Ce travail, qui a duré quatre ans, n’a donc pas débouché sur des éléments permettant de poursuivre la réflexion. L’un des auteurs de l’étude ne semble pas partager ce point de vue. Voici ce que déclara le professeur Cloes de l’Université de Liège à la suite d’un article de presse qui avait rapporté notre discussion : «L’article paru à partir de la réponse du ministre Antoine à votre question parlementaire relative à l’expérience du doublement des heures d’éducation physique dans le primaire ne me paraît pas refléter une série d’enseignements qui ont été tirés des quatre années du projet dans lequel mes collègues et moi-même avons été impliqués. Chaque équipe de recherche, UCL et ULB pour la partie condition physique et ULG pour la partie aspect motivationnel, affectif et style de vie, a préparé un rapport spécifique à l’issue de chaque année scolaire. Par ailleurs, une note de synthèse de six pages, comportant constats et enseignements a été rédigée afin de souligner tout l’intérêt de l’étude. Je ne sais pas si ce document a été mis à la disposition du public ni s’il servira à essayer d’améliorer la qualité de notre enseignement, ce qui était quand même l’objectif de ce projet. » Je demande au gouvernement que ce document de synthèse de six pages soit communiqué au parlement. Si le ministre n’est pas disposé à me le transmettre, je l’obtiendrai par une autre voie. Le professeur Cloes poursuivait : « Certes, comme nous l’avions indiqué dès le début de l’expérience, les modalités dans lesquelles nous avons dû travailler n’étaient pas idéales pour essayer de démontrer l’impact d’un programme expérimental. En revanche, si l’on considère la très grande diversité des contextes scolaires que l’on peut relever sur l’ensemble du territoire de la CommunautéWallonie-Bruxelles, il semble que l’on se soit trouvé finalement dans une situation très proche de ce à quoi pourrait correspondre la mise en application des directives générales. In fine, malgré des conditions parfois très différentes, on relève quand même des résultats encourageants. » Voilà deux sons de cloche très différents. Ceux qui ont participé à l’enquête nous disent, par l’intermédiaire de l’un des opérateurs, qu’il y a du matériel sur lequel le parlement peut travailler afin de formuler des recommandations ou des règles, tandis que le ministre et son cabinet considèrent que l’on ne peut rien en faire. J’estime qu’avant toute chose, le parlement doit pouvoir prendre connaissance de ce document. Monsieur le ministre, force est de constater que, dans la plupart des tests, qu’il s ’agisse ou non d’enseignement, nous ne sommes par les meilleurs élèves européens. Nous sommes conscients qu’un travail titanesque reste à réaliser, un travail qui mérite d’être structuré. J’aborderai ce problème sous trois angles qui sont autant de possibilités d’améliorer l’approche du sport pour les jeunes. J’évoquerai le sport mais surtout le rôle des professeurs d’éducation physique dans la création de passerelles entre le monde de l’école et celui du sport. Certains sont passionnés par leur travail et font le relais des clubs sportifs, d’autres se cantonnent à leur mission pédagogique. Certains pensent que l’école est sans doute la meilleure manière de détecter et d’orienter les talents sportifs ; d’autres se plaignent de l’absence de structures et d’organisation. Monsieur le ministre, ne faut-il pas créer une dynamique sportive dans les écoles ? Ce ne sont pas deux heures d’éducation physique par semaine qui permettront de créer l’engouement pour le sport, qui favorise, chacun le sait, l’équilibre personnel. J’aimerais également vous entendre, monsieur le ministre, sur l’organisation des compétitions scolaires. Quelle est la situation dans ce domaine ? Cette autre facette importante du sport, dont on a beaucoup parlé, notamment dans la discussion sur le budget, semble concerner les écoles de manières très diverses. Certaines écoles n’organisent aucune compétition intra ou interscolaire tandis que d’autres s’enorgueillissent non seulement de les organiser, mais aussi de les valoriser dans les médias. Sans lancer une polémique, certains réseaux seraient-ils mieux structurés que d’autres ? Les compétitions sportives donnent notamment l’occasion aux jeunes d’apprendre le fair-play. Quelle est la situation dans ce domaine ? Quelle évaluation en faites-vous ? Estimez-vous que ce dispositif soit utile ? Pourrait-il être mieux utilisé ? Quelle en est l’efficacité ? Enfin, quel est le soutien financier et matériel de la Communauté française ? Vous aviez évoqué la possibilité d’imposer à chaque établissement scolaire la valorisation du projet de l’école à travers le sport, comme cela se fait déjà pour la culture, la citoyenneté, l’apprentissage de langues ou l’économie. Dans chaque école, un volet spécifique est intégré au projet de l’établissement. L’objectif est d’imposer dans le projet scolaire une référence au sport. Où en êtes-vous par rapport à l’application de cette idée ? Y a-t-il eu concertation tant avec Mme Simonet, qu’avec le monde de l’enseignement et du sport ? Des avis ont-ils été sollicités auprès de certains organismes ? Dans l’affirmative, quel est la teneur de ces avis, Une modification du décret est-elle envisagée ? A-t-on analysé les expériences ? Certaines écoles indiquent clairement, dans leur projet d’établissement, une référence au sport. Les parents qui inscrivent leur enfant savent ainsi que le temps consacré au sport va au-delà des deux heures d’éducation physique habituellement prévues. Je précise qu’il ne s’agit pas d’écoles sportives, mais bien d’écoles qui imposent des heures de sport supplémentaires extra-scolaires, comme l’Athénée d’Anvaing que je connais bien. L’idée me paraît bonne, même si elle n’est pas exempte de difficultés sur le plan des horaires. Les heures de sport supplémentaires ne peuvent en effet trouver place durant les heures de cours mais doivent se pratiquer avant ou après, voire le samedi. Avec quelques efforts – c’est cela aussi, le sport –, on parvient à concilier tout cela. Monsieur le ministre, vous l’aurez compris, mon interpellation n’est pas agressive, pas plus que la précédente. Je vise simplement à faire progresser les dossiers. Ce débat ne s’adresse d’ailleurs pas à une famille politique en particulier, mais il reflète l’intérêt que nous portons tous, je crois, au sport, à l’éducation à travers le sport et au développement physique de ceux qui le pratiquent et qui ne sont malheureusement pas assez nombreux.
M. André Antoine, vice-président et ministre du Budget, des Finances et des Sports :
Ce dossier représente un immense chantier qu’il n’est pas facile de mener à bien. Nous rêvons tous de voir le sport occuper une place de choix dans le cursus scolaire.L’hygiène de vie, la pratique sportive et l’effort physique dépendent de chacun d’entre nous et, pour les plus jeunes, d’eux-mêmes et de leurs parents, mais aussi de l’existence ou non de clubs dans la région et du goût de l’exercice qui aura été inculqué, dès l’école maternelle, grâce à la psy chomotricité dont on ne soulignera jamais assez l’importance. L’école doit être un lieu d’apprentissage, notamment de la vie, de la sexualité, du code de la route, du refus des addictions, à l’alcool ou la drogue notamment. Bref, l’école doit répondre à toute une série de sollicitations. Je rends d’ailleurs hommage aux pédagogues et à leurs directions qui doivent combiner tous ces éléments. Parallèlement à la responsabilité de l’école, il y a également la responsabilité éducative des parents ou des responsables de ces jeunes, sinon des jeunes eux-mêmes.
C’est évidemment ma collègue, Mme Simonet, et M. Marcourt pour l’enseignement supérieur qui ont la responsabilité des rythmes scolaires. Si nous voulons créer la révolution dont vous rêvez, il faut revoir les rythmes scolaires sans quoi, on ne fera jamais qu’ajouter une heure de cours dans de bonnes ou de moins bonnes conditions. Pour répondre à M. Crucke, je ne manquerai évidemment pas de lire la synthèse rédigée par les professeurs d’université et de vous la transmettre. L’appréciation que j’ai portée n’était pas la mienne mais celle de mon administration qui compte également des personnalités de très grande qualité et expertes en éducation physique et sport. Nous avons même des références étant donné l’intérêt que suscite le Centre d’évaluation de la performance sportive, géré par le professeur Franco.
Ce Centre pluridisciplinaire et soutenu par plusieurs institutions universitaires a d’ailleurs été doté pour la première fois d’un budget de cinq cent mille euros. C’est déjà une première réponse forte. Auparavant
en effet, ces moyens étaient sans commune mesure avec cette somme importante. En deuxième lieu, qu’avons-nous fait pour essayer d’améliorer la pénétration du monde sportif et du sport à l’école ?
Comme M. Dodrimont, M. Mouyard me demande pourquoi avoir choisi Namur pour lancer le projet « Mon club, mon école ». D’abord, il faut bien commencer quelque part ! Si j’avais choisi le Brabant wallon, on m’aurait reproché de privilégier ma région ! En outre, la symbolique du mot « Champion » me paraissait intéressante pour des sportifs. . .
Nous nous rendrons dans chacune des provinces de Wallonie mais aussi à Bruxelles, en compagnie de la figure emblématique de cette opération, Jean-Michel Saive, sportif exemplaire depuis de nombreuses années, qui récolte des résultats toujours étonnants et qui se prépare à participer à ses sixièmes jeux olympiques. J’ai pu constater combien ces jeunes étaient émerveillés de pouvoir côtoyer un champion pendant deux heures. Le projet représente vingt heures de présence de clubs dans l’école pour un coût de 650 euros, sans limitation du nombre de clubs participants, pour autant que la direction l’accepte. S’il y a plusieurs clubs, une rémunération pour un concierge peut également être prévue. Un troisième point concerne les professeurs d’éducation physique qui se plaignaient de ne pas disposer de matériel sportif, celui-ci n’étant pas toujours, loin s’en faut, prioritaire dans les écoles. Nous avons donc étendu le dispositif, qui ne concernait au départ que la psychomotricité dans le maternel, à tout l’enseignement primaire, passant de 50 à 75 %. Nous pourrions y inclure l’enseignement secondaire mais nous sommes limités par nos moyens financiers. C’est ce que m’a encore rappelé M. Marcel Cheron en insistant sur l’importance des trajectoires, du retour à l’équilibre financier et de la solidarité. M. Mighisha a, quant à lui, mis l’accent sur l’importance du dispositif, qui doit avoir pour but d’augmenter la disponibilité de matériel sportif à hauteur de 75 %. C’est un aspect qu’il faudrait rappeler aux directions.
Le quatrième élément concerne le décret sur les centres sportifs qui représente une excellente initiative mais qui n’a pas encore atteint son objectif. Ce décret a principalement permis de rémunérer le responsable du complexe sportif communal.
Par ailleurs, nous espérions trouver en la personne du directeur du centre sportif un véritable animateur de la politique sportive et non un responsable des bâtiments. Il ne s’agissait pas de refinancer les communes mais de financer l’animation sportive. Le gouvernement a approuvé une modification du décret qui mettra principalement l’accent sur le problème de l’animation. Je voudrais vous présenter ici les folders « Mon club, mon école » qui seront bientôt disponibles dans les établissements. (M. Antoine montre le document aux membres de la commission.) Le décret sur les centres sportifs est essentiel, nous devons avoir un lieu de coordination et d’impulsion de la politique du sport, notamment en appui sur l’action Été-Sport, qui se situe dans le prolongement des efforts fournis par les écoles et par les clubs, sans oublier les dispositifs liés à la création de nouveaux clubs. C’est un deuxième nouveau registre. Le monde sportif n’avait jamais été rétribué pour ce travail. Jusqu’à présent, il fallait uniquement compter sur le bénévolat. Dans bon nombre d’écoles, des professeurs d’éducation physique passionnés de sport s’occupaient gracieusement des jeunes après les cours. Aujourd’hui, nous les rémunérons. Les journées de formation continuée des professeurs d’éducation physique se tiendront à Louvain-la-Neuve au mois de juin. Nous organiserons, en partenariat avec le Cufosep, une formation continuée de trois jours pendant laquelle nous mettrons nos professeurs d’éducation physique en relation avec nos meilleurs formateurs, pour les initier à de nouvelles techniques de développement de l’activité physique ou sportive. Cette manifestation, jusqu’à présent seulement scolaire, deviendra aussi sportive. Elle est très attendue.
Toutes les compétitions scolaires existantes seront pérennisées. La compétition réservée aux élèves de rhétorique qui se déroule à Neufchâteau remporte un grand succès. Certes, toutes les écoles n’y sont pas représentées puisqu’il faut passer l’écueil des éliminatoires pour y participer, mais la plupart des écoles se sont inscrites. Le projet d’olympiades scolaires n’est pas abandonné mais je voudrais qu’il soit porté par les fédérations. Nous allons en reprendre l’organisation avec le COIB. Nous avons mandaté un directeur provincial de l’Adeps à cet effet. Par ailleurs, toutes les compétitions organisées par l’Association des fédérations francophones sportives scolaires, qui représente les fédérations des trois réseaux, sont maintenues. Je songe par exemple au projet En route pour la forme. Je cours pour ma forme a rassemblé soixante-cinq mille participants. Les journées consacrées à la découverte des sports, organisées par ces fédérations, ont attiré trente cinq mille enfants. Dans le secondaire, les fédérations ont mis sur pied de nombreuses rencontres sportives qui ont rassemblé environ deux cents équipes en
futsal, cent quatre-vingts équipes en basket-ball, cent vingt équipes en volley-ball, cinquante équipes en football, sans oublier le rugby, le cross, l’escalade, l’athlétisme, la natation, le tennis de table, le badminton, l’orientation et le VTT. Toutes ces manifestations sont cofinancées par Mme Simonet et moi. De nouveaux projets seront du reste lancés, avec le souci de transmettre les valeurs éthiques que sont le fair play et la tolérance. Enfin, nous participons à des compétitions inter-scolaires nationales et internationales, notamment via la fédération internationale scolaire (ISF). L’équipe de basket francophone de l’athénée royal Atlas à Liège s’est qualifiée et représentera notre pays en Chine. Nous avons financé son déplacement. J’espère que la presse réservera de l’attention à ce sommet de la compétition interscolaire. L’association des fédérations francophones de sport scolaire bénéficie d’un subside de 253 000 euros. Elles peuvent en outre nouer des partenariats avec des fédérations existantes. C’est le cas notamment pour le mini-tennis avec l’association francophone de tennis dirigée par M. Stein, pour l’arbitrage, pour la fédération de basket et pour la fédération de rugby – sport en pleine expansion – dont je souligne le dynamisme, l’efficacité et l’esprit de fair-play. Nous avons libéré des crédits importants pour la formation des formateurs et des jeunes. Un certain nombre d’enseignants, qui ne sont pas professeurs d’éducation physique, sont passionnés par le sport. Ce sera l’occasion de participer à leur formation continuée et de leur offrir des revenus complémentaires via les organisations subventionnées en Communauté française.
Enfin, nous poursuivons le travail avec Mme Simonet dans l’adaptation des contenus de cours, notamment sur le plan de l’éducation physique où des efforts importants ont déjà été consentis. Cette opération est de longue haleine. Elle fonctionne aussi grâce à l’exemple de sportifs de haut niveau. Les infrastructures sont nécessaires tout comme le personnel d’encadrement et des programmes de sport à l’école mais rien ne remplace jamais les modèles. Un champion ou une championne à imiter suscite l’engouement chez les jeunes. C’est pourquoi nous poursuivons les efforts, entre autres pour Milan-San Remo et le Tour de Lombardie, comme je l’ai rappelé à M. Dodrimont, en parallèle avec une couverture du championnat d’Europe d’athlétisme malheureusement oublié. Ce travail méritera de nouvelles interpellations pour évaluer l’évolution et les améliorations. Notre priorité du sport à l’école est manifeste.
M. Jean-Luc Crucke : Certains éléments sont intéressants. Il est difficile de faire jouer à l’école des rôles multiples tout en maintenant une organisation indispensable du travail scolaire. En outre, toutes les responsabilités ne reviennent pas à cette institution mais doivent être assumées au dehors.
Vous pointez du doigt la complexité de l’organisation des horaires mais cela n’est pas impossible. D’autres pays le font sans grande contrainte. Pour ce faire, une réelle volonté politique est nécessaire. Vous avez évoqué « Mon club, mon école ». Je me suis laissé dire que certaines écoles, qui utilisent leur capital période pour augmenter le nombre d’heures d’éducation physique et font appel dans ce cadre à des clubs, rencontraient des difficultés.
M. André Antoine : Les relations, entre les écoles et les clubs sont à double sens. Il faut développer la pratique du sport à l’école, mais également inciter les élèves à s’inscrire dans un club, l’objectif étant d’augmenter les affiliations.
M. Jean-Luc Crucke : C’est le cas, semble-t-il. Je suis bien conscient qu’en raison des éliminatoires, toutes les écoles ne participeront pas aux compétitions sportives. Au-delà de cela, certaines écoles n’envisagent l’éducation physique que comme une obligation inscrite dans le programme. Il n’y a donc pas de culture du sport dans le projet de l’établissement. Aussi je déposerai une motion visant à étudier, en concertation avec les autorités concernées, le rôle que peut jouer le professeur d’éducation physique dans la détection et l’orientation vers les clubs sportifs, à soutenir et à valoriser les compétitions interscolaires, à rendre obligatoire l’insertion d’un volet spécifique d’éducation physique dans chaque projet d’établissement et à communiquer cette fameuse note de synthèse de six pages.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire
Abonnement Publier les commentaires [Atom]
<< Accueil