Question orale de Jean-Luc CRUCKE au Ministre FURLAN sur "les contractuels seront-ils les éternels oubliés de la fonction publique?"
M. le Président. – L'ordre du jour appelle la question orale de M. Crucke à M. Furlan, Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville, sur « les contractuels seront-ils les éternels oubliés de la fonction publique ? »
La parole est à M. Crucke pour poser sa question.
M. Crucke (MR). – Monsieur le Ministre, à différentes reprises, j'ai évoqué le sujet avec vous dans cette commission, sujet qui concerne pas mal de monde dans la fonction publique. On considère qu'il y a en Belgique 216 000 contractuels employés dans les administrations et provinces - en Belgique pas seulement en Wallonie.
Si j'évoque la Belgique, ce n'est pas par hasard. Il y a une grosse partie qui se trouve en Flandre, je vous rassure, vous n'avez pas la responsabilité de l'ensemble de ce chiffre. C'est cependant le chiffre exact : 216 000 contractuels employés dans les administrations provinciales et locales, pas seulement de Wallonie, mais à Bruxelles et en Flandre également.
Je n'ai pas besoin de vous faire la démonstration du traitement différencié qui existe entre les statutaires et les contractuels, notamment sur le plan de la pension. Ce système a abouti à une série de stratagèmes que les uns et les autres emploient, notamment la nomination de certains fonctionnaires contractuels avant la fin de leur parcours professionnel. Mais il faut reconnaître que ceci se fait au détriment de la Caisse générale des pensions et que tout cela a un coût fort élevé.
Je vous avais également indiqué en son temps que les Flamands étaient passé à travers puisqu'ils avaient créé avec l'aide d'Ethias et de Dexia un système de pension complémentaire ou cotisation à faire par les communes. C'est un pourcentage de la masse salariale payée qui sert à permettre de compléter la pension. Je vous avais dit aussi - j'ai été relire tout cela - que je pariais que si les Flamands l'avaient fait ce n'était pas par hasard et que cela compliquerait le fait de trouver une solution au Fédéral. Car il faut bien le reconnaître, c'est le Fédéral qui est compétent en la matière. Nous sommes compétents pour le statut, mais les pensions restent pour l'instant une compétence du Fédéral.
Je ne pensais pas si bien parler, on a toujours tort d'avoir raison trop tôt, n'est-ce pas Monsieur le Président ?
Dans vos réponses, vous dites : « Je fais entièrement confiance à M. Daerden, c'est un homme courageux, intelligent, il travaille ses dossiers et il y a une législation qui va venir sur le plan Fédéral. Il n'y a donc pas de raison d'anticiper et de faire comme les Flamands. »
Qu'apprend-t-on aujourd'hui ? C'est que la première commune wallonne...
M. Furlan, Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville. – La seule !
M. Crucke (MR). – La seule aussi, je suis d'accord, qui s'est affiliée au système mis en place par les Flamands, c'est la commune d'Ans, celle de M. Daerden - c'est le monde à l'envers !
Je vous dis depuis des semaines, des mois, de ne pas être frileux, qu'on va se faire berner, par là je veux dire que les contractuels qui sont là n'auront pas la monnaie de leur pièce et c'est ce qui est le plus injuste. Je vous dis depuis des mois de ne pas croire à une solution fédérale parce que les Flamands la bloqueront, ayant trouvé une solution qui les satisfait. Mais alors, M. Daerden, Ministre des Pensions au Fédéral, donne quant à lui l'indication, non seulement il la donne mais il le dit.
Je vais le lire : « Ce produit apporte une vraie réponse au problème rencontré sur le terrain. Il est facultatif et je ne compte pas le rendre obligatoire mais, selon moi, la pension complémentaire est le meilleur moyen d'atteindre le seuil de bien être. »
Ce n'est pas rien quand le Ministre des Pensions déclare cela !
En plus, il vous dit que le système privé pour lequel les libéraux militent est le meilleur des systèmes !
Je sais bien que pour l'instant, M. Daerden a quelques problèmes avec sa fédération, et cætera. Ce n'est pas votre problème. J'ai vu que vous pouvez intervenir comme sapeur pompier, mais cela c'est encore un autre problème et on en parlera une autre fois.
Est-ce que maintenant, ces nouveaux éléments complémentaires ne feront pas en sorte de modifier votre perception des choses pour nous permettre un travail commun ? Sincèrement, je n'ai rien contre les Flamands, chacun fait ce qu'il veut dans la vie. On n'en peut rien s'ils sont nés par là. Mais ce serait quand même plus intelligent que toutes les communes wallonnes puissent travailler ensemble sur le sujet et qu'on ait un accord.
Dans nos différents entretiens à propos de ma question, vous m'avez précisé que pour janvier 2011 vous disposeriez d'une évaluation des mesures qui avaient été prises par la Wallonie pour encourager les communes à risquer, oser la statutarisation des contractuels.
Certains avantages ont été mis en place. Vous ne disposiez pas à l'époque du rapport. Nous sommes à présent en mars et je suppose que ce rapport vous est parvenu ? Qu'en est-il ? Y a-t-il réellement eu un effet bénéfique ? Cet effet doit-il être prolongé ? Est-ce qu'il y a un complément qui doit être ajouté ? La loi doit-elle être modifiée ? Certaines communes ont-elles bien joué le jeu alors que d'autres sont totalement réticentes ? Où en sommes-nous dans ces mesures que vous annonciez comme étant une possibilité d'éviter de faire une pension complémentaire et passer à un statut qui serait quasiment identique ? Ce qui est de l'ordre du rêve. Car lorsque l'on sait ce que coûtent un contractuel et un statutaire, les communes ont vite fait le compte. Malheureusement, elles ne sont pas riches comme Crésus et doivent parfois passer par là aussi.
M. le Président. – La parole est à M. le Ministre Furlan.
M. Furlan, Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville. – D'abord, quelques considérations générales. Quand on dit qu'il y a un système flamand et un système wallon c'est faux. Il y a un système ONSS, système qui a été fait par l'ONSS APL auprès de Dexia et d'Ethias et auquel les communes wallonnes peuvent tout à fait souscrire, preuve en est, c'est que la commune d'Ans - et je n'ai pas encore le dossier mais en tout cas au niveau de l'annonce - l'a fait.
Si l'on compte sur ce système pour combler la différence entre une pension d'un agent contractuel et une pension d'un agent statutaire, en termes de coûts, on se met le doigt dans l'œil jusque l'omoplate. En effet, on a calculé que pour combler définitivement l'écart entre les deux, il faudrait consacrer 10 % de la masse salariale actuelle des contractuels à une pension complémentaire : ce sont plusieurs dizaines de millions d'euros.
Aujourd'hui, la mesure, qu'elle soit flamande ou de la commune d'Ans, est purement cosmétique puisqu'il s'agit de combler 1%.
J'avais fait la différence et je vous avais donné les chiffres, c'est de l'ordre de 30 euros nets par an, soit pas vraiment la panacée.
Troisième élément, je vais revenir au fond de la question, c'est que dans la masse, aujourd'hui, du personnel des Pouvoirs locaux, masse commune, le taux de nomination est plus fort dans les provinces, environ 60% - dans les communes, il est d'environ 37%. Dans les 63% restants, 50%, donc, un peu près 31% sont des agents sous statut APE, donc pas statutarisables sous peine de perdre en plus du coût du statut le bénéfice des points APE et 31% sont donc du personnel contractuel non subventionné et donc demain statutarisable par les communes à leur bonne volonté.
Quatrième élément, c'est que nommer coûte, c'est clair, et que ne pas nommer coûte aussi ! Dans la mesure où, moins on nomme, moins le système des pensions des agents statutaires s'auto-finance et donc, plus on augmente les cotisations. Ne pas nommer coûte, nommer coûte puisqu'il y a une différence fondamentale.
M. Crucke (MR). – Sauf pour les francs-tireurs.
M. Furlan, Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville. – Je vais y revenir, sauf pour les francs-tireurs avec des communes qui jouent la solidarité et des communes qui la jouent moins. Les communes qui jouent la solidarité sont doublement pénalisées, si je peux me permettre, une première fois, parce qu'elles ont nommés, choisi le bien être de leur personnel, mais participe au système de solidarité générale et puis, quand on augmente les cotisations de pensions, parce que d'autres n'ont pas nommé, elles sont une deuxième fois pénalisées, parce que 2% sur une masse de personnel statutaire importante ou 2% sur presque pas de statutaires, évidemment cela change tout.
Il y a un problème, on parle beaucoup de la solidarité ou des transferts Nord-Sud, il y a aujourd'hui, et il faudra trouver des mesures correctrices, un problème de solidarité intra-communale wallonne, sur lequel il faudra nous pencher et sur lequel je suis en train de réfléchir, d'ailleurs.
À titre de boutade, M. le Député m'inquiète, est-ce qu'il n'est pas au courant qu'aujourd'hui le Gouvernement fédéral est en affaires courantes. Bien sûr, vous lisez le Moniteur belge tous les matins !
Évidemment, à ce titre, le gouvernement ne peut faire aboutir ce dossier, à mon sens essentiel, qu'est la réforme du régime des pensions qui est à mon avis - là, je pose déjà une réflexion personnelle - la seule solution structurelle qui permette de répondre aux difficultés qui nous attendent.
Le mécanisme de pensions complémentaires que vous avez évoqués, que vous évoquez de manière récurrente, vous suivez le dossier, est bien entendu une initiative d'une ONSSAPL sollicitée par la Flandre, il est vrai, mais applicable aux communes wallonnes. Je redis que ce n'est pas aujourd'hui une solution, que cela ne comble pas l'écart.
D'autant plus que, si vous me le permettez, cela va fondamentalement ou cela risque fondamentalement de créer une différence entre les communes qui peuvent se permettre une pension complémentaire, parce que leur situation budgétaire le permet, et d'autres qui ne peuvent pas se le permettre parce que leur situation budgétaire ne le permet pas.
D'autres auront un problème de solidarité intra-communes wallonne, se pose un problème de pension pour les riches et de pensions pour les pauvres. C'est pour cela que je redis qu'à mon estime, ce qu'il faut faire aujourd'hui, c'est inciter les communes à statutariser, éventuellement, évidemment en ayant une réflexion sur le statut.
À ce propos la décision du Conseil communal d'Ans, bien qu'ayant fait l'objet de beaucoup de publicité, dirais-je, même une conférence de presse me dit-on, n'a toujours pas été communiqué à mon administration.
Je redis que le problème des pensions, je pense que vous pensez la même chose que moi, c'est avant tout un problème global, parce qu'elles concernent à la fois les agents statutaires et les agents contractuels que l'on ne peut pas isoler dans un mécanisme de financement.
Évidemment, il faut trouver une solution pour les pensions des agents contractuels, cela c'est évidemment important, mais il faut aussi en trouvant cette solution, ne pas, et c'était l'entame de mon propos, dénaturer la prise en charge des agents statutaires, autrement dit augmenter encore la commune.
Je pense que la commune qui nomme le plus doit être aux alentours de 60 ou 70% d'agents statutaires, la commune qui nomme le moins, je vais pas vous dire son nom, cela ne sert à rien, elle est à 11%.
(Réaction de M. Crucke)
Ce n'est pas vous, je sais. Comme quoi les disparités sont importantes.
Je veux dire même combler, même partiellement, le détail existant, de temps en temps je retourne à ma note, entre pension de contractuels et celle des statutaires, est en l'état infinançable et en plus, je pense qu'il est de nature à aggraver finalement par une fausse bonne idée, dirais-je, l'impact financier du financement des pensions des statutaires et donc, je pense qu'il faudrait plus et c'est ce que mon prédécesseur, Philippe Courard, avait fait, peut-être pas suffisamment, c'est encourager par des mesures wallonnes la statutarisation des agents de la fonction publique locale.
Dialoguant avec beaucoup de bourgmestres, on connaît parfois les lourdeurs du statut mais à Seraing, par exemple, où il y a plus de 80% d'agents nommés, nous n'avons pas un taux d'absentéisme, et j'ai fait le calcul, qui est différent des communes où il y a peu d'agents nommés. Cette légende qui vaudrait qu'une fois qu'on est nommé, on ne viennne plus travailler, c'est assez faut ! Maintenant, il y a sans doute des assouplissements au statut. Mon prédécesseur l'avait d'ailleurs fait en introduisant la notion « d'inaptitude professionnelle ».
Comment peut-on mieux inciter les communes à organiser la solidarité entre elles et donc à pousser vers la statutarisation.
voilà, je pense que le statut a quant à lui été modernisé.
au sujet de la deuxième, je vous donne un peu en vrac, je me passionne alors je ne me réfère pas toujours au document qui sont les miens, en ce qui concerne l'évaluation qui est évidemment importante, en date du 31 décembre 2010, c'était la date initialement prévue pour l'adaptation des statuts des communes aux dispositions du pacte a été reportée, à la demande des pouvoirs locaux, au 1er avril.
L'évaluation ne peut-être reportée aussi qu'à partir du moment où j'aurai les résultats de ce qui va se passer.
Ce rapport, nouvelle fraîche de ma collaboratrice, parviendra au cabinet la semaine prochaine, je vais donc le présenter au Gouvernement wallon dans les prochaines semaines.
Pour résumer, ma vision c'est que la pension complémentaire est loin d'être la panacée universelle, qu'elle coûtera cher, que cela engendrera un effet pervers qui est la non-statutarisation et donc, la non-couverture des pensions. Il y a un problème de solidarité intra-communes wallonnes et je pense qu'aujourd'hui, nonobstant une réflexion sur l'assouplissement du statut, il faut surtout inciter des communes à avoir une réelle politique de statutarisation. Grosso modo.
M. le Président. – La parole est à M. Crucke.
M. Crucke (MR). – Je remercie M. le Ministre pour sa réponse. Monsieur le Ministre votre raisonnement est intéressant, intellectuellement intéressant. Respectable même si je ne le partage pas totalement et je vais vous dire pourquoi.
C'est plutôt sur le côté politique que je ne le partage pas, ce n'est pas sur la justesse du raisonnement.
Sur l'élément de solidarité, on peut totalement se rejoindre avec les dérives justement en termes de solidarité que l'on connaît actuellement de par l'application biaisée du système, je sais que certains en font.
Les affaires courantes, vous me dites que le Fédéral est en affaires courantes, quand je vois tout ce qu'on peut faire en affaires courantes, même entrer en Libye, je pense que c'est plus une question d'absence de volonté politique et c'est là que nous divergeons : vous continuez à dire que la loi doit intervenir au Fédéral, va intervenir au Fédéral, moi je persiste à penser qu'elle n'interviendra pas !
Personne n'est « Cassandre » ici, vous ne savez pas de quoi demain sera fait.
M. Furlan, Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville. – Vous savez pourquoi je crois qu'elle va devoir évoluer ? Parce que l'on peut avoir difficilement des fonctions publiques à des différents niveaux, on nomme à la région, on nomme au Fédéral, et reprenons les pouvoirs locaux que nous connaissons bien nous tous ici.
Vous avez du personnel enseignant communal qui est nommé après un stage de 2 ans, il travaille dans la même commune, du personnel de la zone de police qui est nommé après 3 mois, lui, le statut « mamouth » l'oblige. Et vous avez les laisser pour contre de la fonction publique locale, qui sont nos agents des CPAS et des agents communaux. Vous comprenez, à un moment, soit on réforme l'ensemble du système mais y compris pour toutes les fonctions publiques régionales, fédérales et locales mais même à l'intérieur de la fonction publique locale, à un moment on ne peut pas avoir, ce qui existe actuellement, on est bien d'accord, mais il va falloir que l'on ait une réflexion sur cette affaire qui me paraît être le résultat évidemment, il n'y a pas une décision qui l'implique, mais le résultat d'une politique ou d'une pratique, pensions aux agents APE, mais qu'il va falloir vraiment corriger, me semble-t-il dans une réflexion globale. C'était juste une insise.
M. Crucke (MR). – J'entends bien, Monsieur le Ministre, et je voudrais participer, partager l'optimisme qui est le vôtre, mais je n'y crois plus à cela.
Je n'y crois plus et je suis certain que les Flamands lorqu'ils ont mis leur système sur pied, ont réfléchi à cela, c'est pas seulement dans l'air du temps, c'est dans l'air de la mécanique intellectuelle qu'ils mettent en place. C'est cela que je voudrais vous dire sincèrement, si j'ai tort tant mieux !
Quand je vois M. Daerden prendre la mesure qu'il prend, en étant Ministre des Pensions au Fédéral, ce n'est pas la bonne pratique, ce n'est pas le bon exemple, si vous me permettez, cela créé encore plus de suspicion. Voilà, l'avenir nous dira qui a tort ou qui a raison.
(Réaction de M. le Ministre Furlan)
Non ce n'est pas illogique, là je partage votre point de vue, c'est qu'il faut se préparer effectivement à tout !
Dernière réflexion, Monsieur le Président, mais elle s'adresse plus à vous qu'au ministre, par rapport à l'évaluation de ces mesures, je pense qu'on aurait intérêt une fois que le rapport est passé au gouvernement, qu'il a suivi son parcours habituel, à discuter de ce rapport ici en commission et qu'on puisse avoir un débat au sein de la commission sur l'évaluation de mesures qui ont été entreprises et celles qu'il faudra peut-être entreprendre ensuite.
M. le Président. – Bonne suggestion, on la retient et on essaiera de faire cela dès que les documents seront disponibles puisque le ministre répond par la positive.
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