Question orale de Jean-Luc CRUCKE au Ministre ANTOINE sur "Expérience pilote du doublement des heures de sport à l'école"
M. Jean-Luc Crucke (MR). – En février 2007 votre prédécesseur M. Eerdekens annonçait le lancement d’une expérience pilote visant à doubler le nombre d’heures d’éducation physique dans onze écoles de la Communauté française. L’objectif était d’améliorer la condition physique des jeunes et de prouver que le développement des talents sportifs était tout à fait compatible avec un cursus scolaire classique. Une étude universitaire était prévue dont le rapport devait être terminé pour la fin de l’année 2010. Quel est le bilan de cette expérience ? Disposez-vous des recommandations du suivi universitaire? Quelles conclusions peuvent en être tirées? Ces onze écoles vont-elles poursuivre l’expérience? Il ne serait d’ailleurs pas inutile que notre commission se déplace un jour dans l’une ou l’autre de ces écoles. Après analyse de ce bilan, pensez-vous appliquer une ligne de conduite particulière ?
M. André Antoine, vice-président et ministre du Budget, des Finances et des Sports. – L’objectif du projet de mon prédécesseur était d’évaluer l’impact du passage de deux à quatre heures hebdomadaires d’éducation physique sur la condition physique, les attitudes et le style de vie des élèves de la troisième à la sixième année primaire. Il s’agissait d’identifier les modalités d’organisation appliquées par les écoles pour répondre à cette modification du programme de cours et de dégager les critères de réussite susceptibles d’en renforcer l’efficacité.
À cette fin, les élèves ont été évalués partir de mesures et de questionnaires chaque année, de 2005 à 2009. L’administration des sports s’est adressée à une équipe de chercheurs de l’UCL, l’ULg et l’ULB pour l’analyse de cette étude. Dix-neuf écoles ont participé à l’opération. Les scientifiques ont d’emblée souligné les faiblesses du mécanisme qui leur a été proposé. Ils ont notamment déploré le manque d’informations sur le processus d’enseignement, l’organisation et le contenu des séances d’éducation physique et sportive proposées aux élèves, la participation active de ces derniers à différentes activités parascolaires ou organisations particulières de l’école, voire au type d’infrastructures disponibles. Les chercheurs ont ensuite regretté la difficulté d’une évaluation physique chez des enfants aussi jeunes (de 8 à 12 ans), d’autant plus que cette période de la vie n’est pas la plus intéressante pour agir efficacement sur les fonctions musculaires et physiologiques. Selon les spécialistes, la période la plus propice est celle de la puberté. En outre, le contexte de l’opération « éducation physique au carré » n’envisageait qu’une augmentation de la durée des cours d’éducation physique, sans aucune directive concernant le contenu. La collecte des données relatives à la pratique sportive extrascolaire a été confiée aux enseignants. Leur exploitation est donc particulièrement délicate. L’opération visait à soutenir l’intérêt d’une augmentation du nombre d’heures d’éducation physique, mais force est de constater qu’elle s’écarte d’un travail parfaitement contrôlé scientifiquement. L’évaluation des effets de ce projet a donc été fortement influencée par les conditions dans lesquelles elle a été mise en oeuvre, notamment par la grande disparité des activités proposées d’une école à l’autre, le manque d’accompagnement des acteurs et de planification des activités. Les ressources en infrastructures ont également pu constituer un facteur limitant, en raison de problèmes d’organisation dans certaines écoles pilotes. Au vu de ces constats, je souhaite utiliser les données garanties comme scientifiquement valables, à savoir les mesures effectuées sur les enfants de 8 à 12 ans au cours de ces quatre années d’investigations, afin d’établir une sorte de baromètre de la condition physique des enfants. On ne pourra jamais établir scientifiquement la corrélation entre le doublement des heures et l’amélioration des performances sportives. Nous manquons de données parce que l’approche n’a pas été coordonnée et concertée au départ. Le baromètre de la condition physique est un outil inspiré par une recommandation du Conseil de l’Europe. Dans ce programme, on teste les jeunes avec une rigueur scientifique reconnue. On établit des moyennes, par âge et par sexe, sur la force, la souplesse, la coordination et l’endurance. L’objectif est d’offrir un outil d’évaluation, tant aux fédérations et clubs sportifs qu’aux milieux de l’enseignement, pour favoriser et concilier la pratique sportive et la santé des jeunes, en apprenant à ces derniers à se connaître eux-mêmes et à choisir les activités physiques adaptées à leur situation. Le baromètre existe déjà pour les jeunes de dix à dix-huit ans. Il est mis à jour tous les dix ans et mon administration prépare donc son actualisation pour que les nouveaux résultats soient disponibles dès 2013. Puisque la valorisation scientifique de cette expérience de dédoublement des heures fut relativement décevante, je vais réunir l’ensemble des professeurs d’éducation physique par province, et leur faire rencontrer les spécialistes des différentes fédérations; les alerter sur l’opération « Mon club, mon école » ; les informer des nouveaux crédits qui leur permettent d’acquérir du matériel scolaire; les inviter à participer à l’opération de recensement des infrastructures sportives par commune– principe même des centres sportifs intégrés – et les inciter à ouvrir leur pratique à de nouvelles disciplines ou approches d’activités physiques, d’entraînements, etc. Ces rencontres seront programmées en 2011. Ma collègue, Mme Simonet, ministre de l’Enseignement de plein exercice, y sera bien évidemment associée.
M. Jean-Luc Crucke (MR). – Après un décret mort-né, une expérience inutilisable : cela fait beaucoup d’occasions ratées ! Je ne vous les reproche pas mais ceux qui ont assisté à ces débats
s’en souviendront : c’est le résultat, une fois de plus, d’une tension au sein même du parti socialiste. Mme Arena ne voulait pas de ces expériences. M. Eerdekens a sans doute obtenu de les réaliser mais sans aucun suivi scientifique sérieux. Les données sont en effet inutilisables !
M. André Antoine, vice-président et ministre du Budget, des Finances et des Sports. – Mais l’expérience, elle, n’était pas inutile !
M. Jean-Luc Crucke (MR). – Je ne pense pas du tout qu’elle était inutile. Malgré les faiblesses sur le plan scientifique, cette expérience a au moins eu pour effet positif d’éveiller des jeunes aux sports. Ce ne sont pas deux mais bien quatre ou cinq heures d’éducation physique par semaine
qui permettront aux jeunes de connaître les sports. Cet aspect aurait dû être analysé : ces jeunes fontils ensuite plus de sport que les autres ? Si ce lien pouvait être établi, l’expérience n’aura pas été inutile. Finalement, la question dont nous voulions débattre, celle de la nécessité ou non d’augmenter les heures de pratique d’éducation physique, n’a pas été tranchée et reste donc d’actualité. L’expérience se trouve pourtant à l’étranger. Aux Pays-Bas ou en Allemagne, le cursus scolaire intègre remarquablement le sport et la culture. Il ne faut pas réinventer la roue !
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