mardi 15 mars 2005

Question orale de Jean-Luc CRUCKE au Ministre ANTOINE sur "Exode des espoirs belges vers les clubs de foot français du Nord"

M. Jean-Luc Crucke (MR). – Monsieur le ministre, à l’instar de Eden Hazard, de nombreux jeunes footballeurs belges rejoignent les deux clubs du Nord de la France qui se trouvent à une encablure du Hainaut. C’est un fait, les bons joueurs de football sont rapidement répertoriés par les responsables de ces deux clubset amenés non seulement à s’y entraîner mais également à y parfaire leur formation intellectuelle. Notons que Lille est en tête du championnat de France. Nous sommes les premiers supporters des Ch’tis. Ce qui se fait là-bas est extraordinaire. Je pense notamment au nouveau stade et au centre de formation, que j’ai récemment visités. Nous avons pourtant eu – et en avons encore un – deux centres de formation renommés pour le football wallon, Mouscron et le Standard. Ces deux pôles n’attirent plus comme par le passé tous les joueurs francophones. Quant à Mouscron, nous pouvons déplorer ses résultats, malgré la qualité de M. Saint-Jean. Face à cet exode, ne doit-on pas conclure à l’échec de la politique de formation des footballeurs? Je vous interrogeais précédemment sur un décret non appliqué. Les deux questions auraient pu être liées. On vote des décrets en 2007 qu’on n’applique pas et en 2011, les joueurs sont partis. Comment comptez-vous renforcer spécifiquement la formation ? Ne serait-il pas utile d’entretenir un lien avec ce qui se fait en France, une sorte d’accord transfrontalier? Nous avons en Wallonie picarde la culture de l’euro-district. Cela devrait nous encourager à profiter de l’expérience qui existe, là où elle existe, en concluant des accord financiers. Quand on voit la diminution des inscriptions au Futurosport de Mouscron, croyez-vous qu’une formation de qualité soit encore possible en Communauté française ? Sans une équipe en division 1 ou 2, il y a une perte de présence et de qualité. En France, un footballeur pris en mains reçoit non seulement une formation footbalistique mais également une formation scolaire reconnue. En cas d’échec, il sera moins désarmé. Chez nous Kattrin Jadin – ancienne championne de judo belge – me disait qu’elle avait dû sacrifier l’école pour le judo. Or à l’époque en France, elle n’aurait pas dû faire ce choix car la formation intellectuelle était valorisée.
Enfin, pour revenir à Mouscron, quelle est actuellement la relation entre la Communauté française et le Futurosport ? Y a-t-il encore des liens ? Y a-t-il encore des moyens ? Quels sont ces moyens ? Comment sont-ils développés ? Sont-ils suffisants ? Ne conviendrait-il pas de miser davantage sur la collaboration entre la Communauté française et la France ?

M. André Antoine, vice-président et ministre du Budget, des Finances et des Sports. – De plus en plus de jeunes joueurs franchissent les frontières pour s’installer en France ou aux Pays-Bas. M. Crucke a mentionné Eden Hazard, mais il aurait aussi pu évoquer Nacer Chadli, accueilli en équipe nationale sans avoir disputé une seule rencontre en Belgique. Il faut néanmoins nuancer le constat. L’équipe alignée par M. Leekens lors du match Belgique-Finlande du 9 février était en majorité composée de joueurs francophones. C’était une grande première. Nous alignions douze joueurs sur vingttrois: les deux Gillet, Ciman, Fellaini, Chadli, Hazard, Legear, Pocognoli, Proto, Van Buyten, Witsel et Kompany. Et nous aurions pu ajouter Lukaku. La relève du football francophone existe bel et bien. Nous n’avons jamais eu autant de joueurs de talent au plus haut niveau. L’exode auquel nous assistons depuis une vingtaine d’années résulte d’une série de facteurs. Tout d’abord, bon nombre de clubs se sont désintéressés de la formation. Ils viennent seulement de comprendre tout l’intérêt d’investir dans ce domaine. Il y a quelques années, l’équipe de Beveren était exclusivement composée de joueurs ivoiriens. Certains de ces joueurs mènent à présent une carrière exceptionnelle dans plusieurs clubs européens. Cette année, depuis le départ d’Olivier Doll, Lokeren aligne souvent une équipe totalement étrangère. Lors de certaines compétions, La Gantoise a procédé de la même manière. Des clubs francophones se sont ouverts à de jeunes talents français. Charleroi et Mons, par exemple, ont puisé dans le vivier des joueurs français en mal d’épanouissement. Fort heureusement, le Standard s’est doté du centre Louis Dreyfus, auquel il faut ajouter le Futurosport de Mouscron, le CREF à Blégny et le Centre National Euro 2000 à Tubize. En outre, M. Abbas Bayat prétend avoir une école de jeunes à Charleroi. Il faut reconnaître qu’Anderlecht vient seulement d’investir de manière significative pour les jeunes à Neerpede. Cette approche de nos clubs de division d’honneur est assez récente. Par le passé, ces clubs cherchaient à acheter des joueurs étrangers ou, paradoxalement, à créer des centres de formation en dehors de la Belgique. Le club de Liers possède des centres en Égypte et le Sporting d’Anderlecht en Côte d’Ivoire. Nos clubs ont eu recours des politiques de recrutement différentes de la France. De plus, les clubs français bénéficient d’aides des municipalités sans comparaison avec les nôtres. Le magazine français Capital avait consacré un numéro entier à l’aide exceptionnelle et, selon le journal, inconsidérée des municipalités aux clubs de football. Le plus bel exemple est l’Olympique de Lyon dont la ville a garanti toutes les dettes. La situation est donc très différente de celle de la Communauté française. M. Pauwels me rappelait qu’il existe en France un contrat d’aspirant pro. Pour notre part, nous n’avons que des jeunes joueurs qui deviennent professionnels sans statut intermédiaire. En France, les aspirants pro reçoivent un défraiement de 2 000 ou 2 500 euros par mois. Lens, Lille et Valenciennes sont des clubs frontaliers, ce qui nourrit les ambitions des joueurs francophones. Je vais visiter ces trois clubs avec M. Thans. Leur caractéristique est de combiner la formation sportive et la formation générale de manière performante. Leur objectif est de former de bons joueurs mais aussi de leur offrir un bagage technique notamment en langues ou en informatique, ce qui n’est pas le cas de tous les clubs belges. Je m’inspirerai éventuellement de ces exemples pour les crédits de formation. Cette visite me permettra de bien comprendre leur organisation, entre autres grâce à l’aide de M. Pauwels, qui est responsable de l’information au club de Valenciennes. Enfin, la France a pleinement respecté la législation Fifa sur les transferts internationaux qui ne les autorise que pour les joueurs de 18 ans ou plus. Cependant, il y a des dérogations en cas de déménagement des parents pour raison professionnelle. Le club doit alors garantir au joueur une formation sportive, académique et professionnelle notamment par un encadrement optimal comme l’hébergement et éventuellement la désignation d’un tuteur. En outre, un joueur qui vit à 50 km d’une frontière peut entrer dans un club étranger si celui-ci se situe à 50 km maximum de la frontière. Ce règlement explique aussi le succès des clubs belges auprès des joueurs français. Le prestige récent des clubs de Lens, Lille et Valenciennes participent à leur attrait pour les jeunes, notamment issus de nos clubs. C’est le cas d’Eden Hazard qui vient du FC Tubize. Celui-ci conserve d’ailleurs toujours un pourcentage sur ses transferts. S’il quitte Lille, comme il en est question, pour un club du top européen, le club de Tubize touchera un pourcentage car il a également participé à la formation de ce joueur, à l’instar de Mouscron qui, dans le cadre de la curatelle, détient toujours des droits sur Ba, meilleur buteur en Allemagne avec Wolfsburg et dont on annonce le transfert vers le Royaume-Uni pour un montant considérable. Peut-on affirmer que nous ne faisons aucun effort ? Nous sommes intervenus pour le Futurosport et je vous confirme que ce complexe bénéficie du même budget qu’auparavant. En effet, la triple intervention de l’ancien président de l’Excelsior, de l’IEG et de la Communauté française à hauteur de 50 000 euros s’est confirmée. Cette somme permet à l’asbl de conserver les mêmes moyens qu’à l’époque prestigieuse de l’Excelsior, même si aujourd’hui, il n’y a plus de « club fanion ». Différents spécialistes, dont Benoît Thans, considèrent qu’un club de division 1 n’est pas indispensable à la tête d’un centre de formation. D’ailleurs, pour le cyclisme, notre centre de formation puise ses formateurs dans les différents clubs cyclistes. Dans cette discipline – Philippe Gilbert vous le confirmera – l’exemple de la Belgique est cité en référence dans toute l’Europe. En effet, nos amis flamands ont une équipe Jong Vlaanderen et nous avons notre équipe Wallonie-Bruxelles. Enfin, ne produisons-nous pas de talentueux joueurs en dehors de ces centres de formation ? Je constate en effet des exceptions comme Thomas Meunier, jeune joueur de 19 ans et probablement une des plus grandes révélations dans le noyau offensif. Or il a été formé à Virton, dans un club qui ne dispose pas de centre de formation. . . Preuve s’il en est que les joueurs peuvent être formés dans d’autres contextes que les centres de formation. Cependant, la formation reste un élément majeur de réussite dans lequel nous devons investir prioritairement pour l’amélioration globale du niveau de notre football. Il en va de même si nous voulons éviter l’épuisement financier de nos clubs dans de vains transferts. Les infrastructures seront adaptées en conséquence et font partie de l’étude soumise au groupe Thans. Nous soutiendrons un nombre limité de centres de formation, sachant qu’à l’échelle d’une petite communauté comme la nôtre, il est irréalisable de soutenir l’ensemble de ces structures. Je suis moins pessimiste que vous car je pense que le football francophone se porte bien au niveau individuel. Les problèmes viennent davantage des équipes, tout comme nous le vivons au Standard ou à Charleroi. Même si ce club se porte mieux, je ne vous cache pas que la division 2 m’inquiète un peu. . . D’ici le mois de mars auront lieu les renouvellements de licences et un certain nombre de ces clubs sont en situation extrêmement difficile. Je les rencontrerai tout prochainement car il n’est pas exclu que nous intervenions pour certains clubs tremplin afin d’éviter qu’ils ne connaissent le même sort que La Louvière ou Mouscron.

M. Jean-Luc Crucke (MR). – Je suis peut-être plus alarmiste que vous mais quand vous prenez l’exemple de la dernière sélection nationale, et même si le résultat final du match Belgique- Finlande ne reflète pas la qualité du jeu, je constate que la majorité des joueurs francophones évoluent dans des clubs étrangers ou ont été formés à l’étranger. Nous avons donc encore énormément de travail devant nous. Vous analysez avec beaucoup de lucidité les différences dans les moyens publics dont disposent les équipes françaises et les équipes belges. Vous avez totalement raison. Mais cela ne risque pas de changer. Nous ne trouverons pas dans les communes belges davantage de moyens. Le fossé continuera donc à s’agrandir. Le contrat « Suivre un pro » me semble une bonne idée. Les 50 000 euros affectés au centre de formation Futurosport sont largement inférieurs à ce qui se fait à Lille par exemple, dont le centre de formation compte près de 200 formateurs.

M. André Antoine, vice-président et ministre du Budget, des Finances et des Sports
. – Cela n’empêche pas Lille d’être intéressé à conclure un accord de partenariat avec Futurosport ! Cela démontre la grande qualité de la formation qui y est dispensée.

M. Jean-Luc Crucke (MR). – Je suis content de vous entendre sur ce point. Vous devez saisir l’occasion et négocier avec les centres français. Cela ne pourra être que bénéfique au football belge.

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