Question orale de Jean-Luc CRUCKE au Ministre MARCOURT sur "Royal Boch, suite et pas fin"
la Présidente. L'ordre du jour appelle la question orale de M. Crucke à M. Marcourt, Ministre de l'Économie, des PME, du Commerce extérieur et des Technologies nouvelles, sur « Royal Boch, suite et pas fin », la question orale de Mme Zrihen à M. Marcourt, Ministre de l'Économie, des PME, du Commerce extérieur et des Technologies nouvelles, sur « la situation de Royal Boch » et la question orale de M. Saint-Amand à M. Marcourt, Ministre de l'Économie, des PME, du Commerce extérieur et des Technologies nouvelles, sur « la situation des travailleurs de Royal Boch ». La parole est à M. Crucke pour poser sa question.
Crucke (MR). Merci Madame la Présidente. Monsieur le Ministre, chers collègues, j'ai envie de dire : Royal Boch, suite et pas fin ! On se demande quand le calvaire des personnes qui travaillent dans cette société, ou plutôt qui travaillent alors qu'on ne leur fourni plus de travail pour l'instant, va prendre fin. Je commence à me poser une série de questions sur la régularité de certains comportements. Je n'ai pas besoin de décrire et de redécrire l'activité de M. Patrick de Mayer qui a réellement « mis à sac » cette société uniquement pour garder un trésor, un trésor de guerre. N'exagérons toutefois pas avec ce trésor de guerre parce qu'il ne restait quand même pas grand chose. C'est surtout la marque qui reste. Manifestement, il s'est foutu « comme de l'an 40 » tant de la Région wallonne, en l'occurrence de la SOGEPA, que des travailleurs. Je lisais très récemment dans l'Echo : « Un nouveau rebondissement dans la saga du dossier », puisque les deux actionnaires, la Région wallonne et M. de Mayer, auraient vous me le confirmerez ou l'infirmerez interjeté appel contre un volet du jugement du 1er février du tribunal de commerce de Mons de manière à contester la nomination de l'administrateur provisoire. Je voudrais comprendre le raisonnement de la région et de la SOGEPA dans ce dossier. Qu'est-ce qui fait qu'à un moment donné, on devienne allier de M. de Mayer ? Il y a des intérêts qui sont divergents. Nonobstant une action qui peut être commune, j'aimerais bien comprendre car à ce stade-ci, je vous avoue que j'ai du mal à suivre la logique. Quelle est la motivation et l'argumentation de la région dans ce dossier ? D'autant que je pense que « chat échaudé peut réellement craindre l'eau froide », dans ce dossier M. De Mayer n'a jamais respecté un seul de ses engagements à l'égard de la région et des travailleurs. Je voudrais, avant de poser un jugement sur la manière dont la région a agi dans le dossier, avoir réellement son modus operandi. Si je pose cette question, ce n'est pas uniquement à titre d'intérêts économiques, mais parce que je pense qu'il y a beaucoup de personnes qui n'arrivent plus à suivre intelligiblement ce dossier.
la Présidente. La parole est à Mme Zrihen pour poser sa question.
Mme Zrihen (PS). Je ne peux que compléter l'intervention de mon collègue M. Crucke en disant que la situation de l'entreprise Royal Boch a déjà fait l'objet de plusieurs questions et la situation d'incertitude dans laquelle se trouvent les travailleurs nous amène aujourd'hui à revenir sur ce sujet, quoique la presse a annoncé ce matin de manière très officieuse qu'il y aurait eu un dépôt de bilan. Rappelons une fois de plus que, malgré le soutien apporté à Royal Boch, l'évolution positive de la situation semble avoir été systématiquement sabotée par le repreneur. Aujourd'hui, les travailleurs ne sont pas remis à l'emploi et ne perçoivent plus qu'une maigre indemnité. La situation de ces travailleurs est dramatique puisqu'ils ne sont pas en chômage technique et ne sont pas non plus licenciés. Une situation qui les précarise, qui les empêche également de pouvoir reprendre leur avenir professionnel en main. En effet, leur statut n'existe pas, ce qui les empêche de reprendre une formation ou de trouver un nouvel emploi. Les travailleurs font donc les frais des erreurs commises par le repreneur de Royal Boch. J'ai d'ailleurs interrogé la ministre fédérale de l'emploi le 24 mars au Sénat à ce sujet. Il est clair que le repreneur n'a et n'a jamais eu l'intention de faire redémarrer l'activité sur le site de La Louvière. Plus le temps avance, plus la situation se dégrade. Pour rappel, le 26 février 2009, la SA Manufacture Royal Boch avait été déclarée en faillite par le tribunal de commerce de Mons. Une nouvelle entreprise, la Manufacture Royal Boch, avait été constituée le 29 juin 2009. Cette nouvelle société anonyme a repris l'activité et le personnel. Elle a connu des difficultés financières et par jugement du 2 décembre 2010, le tribunal de commerce de Mons a déclaré ouverte la procédure en réorganisation judiciaire. Un sursis a donc été accordé jusqu'au 2 février. Puis, par jugement du 2 février 2011, le tribunal de commerce de Mons a prolongé le sursis avant la faillite jusqu'au 2 avril 2011 et a désigné un administrateur provisoire, Maître Monique Blondiau, chargée d'administrer l'entreprise en lieu et place de ses organes. Qu'en estil maintenant ? Le contexte évoluant constamment, comment envisager le futur ? Parce que la grande question reste : que reste-t-il du patrimoine de l'entreprise et de ses stocks ? Quelle est la position de la SOGEPA dans ce dossier ? Où en est la procédure de récupération de la marque « Royal Boch » et de son savoir-faire ? Et enfin, qu'en est-il du remboursement du prêt de 950 000 euros qui a été consenti par la Région wallonne ?
la Présidente. La parole est à M. Saint- Amand pour poser sa question.
Saint-Amand (Écolo). Merci Madame la Présidente. Monsieur le Ministre,ma question s'inscrit dans la foulée de celles de mes deux collègues qui ont retracé l'historique de ce dossier. Elle s'inscrit également dans la foulée de plusieurs autres questions que j'avais posées précédemment sur le même sujet. Je ne vais donc pas refaire ici tout l'historique, vous le connaissez certainement aussi, même si c'est votre collègue qui nous répond habituellement. Je voudrais surtout mettre l'accent sur la question des travailleurs qui sont, comme Mme Zrihen l'a dit, dans une situation catastrophique, puisque non seulement ils sont privés de travail et de salaire, mais également de chômage vu que la faillite, jusqu'à ce jour, n'a pas été prononcée et qu'il n'y dès lors pas de rupture de contrat. M. le Ministre Marcourt a rencontré une délégation des travailleurs il y a quelques jours. J'aurais voulu savoir si, à l'occasion de cette rencontre, une solution a pu être trouvée ou proposée pour régulariser leur situation ou pour les aider matériellement en attendant qu'elle le soit. La région est évidemment concernée par cette situation puisqu'elle est actionnaire de la société via la SOGEPA . Pouvez-vous dès lors nous préciser quelle sera l'attitude de la région dans ce dossier, notamment par rapport aux sommes d'argent importantes que la région a investi pour tenter de relancer cette activité économique ?
la Présidente. La parole est à M. le Ministre Furlan.
Furlan, Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville, en lieu et place de M. Marcourt, Ministre de l'Économie, des PME, du Commerce extérieur et des Technologies nouvelles. Concernant les derniers évènements d'actualité, mon collègue est actuellement à l'étranger et il lui est donc difficile de vous répondre. Avec ses services, nous avons actualisé au mieux la réponse, étant entendu qu'il ne s'agissait pas de mes compétences. La situation des travailleurs et vous l'avez souligné est à ses yeux et j'ajouterai de ceux de l'ensemble de gouvernement, l'élément le plus important du dossier. Effectivement, ils sont venus au cabinet du ministre . Ce dernier me dit de vous dire que malgré la situation difficile dans laquelle ils se trouvent aujourd'hui, leur comportement, qui ne dénote d'aucun débordement, est d'une dignité parfaitement exemplaire. Il est important de le souligner. Comme vous l'avez souligné aussi, la situation de ce dossier évolue sans cesse et la situation judiciaire est elle-même assez complexe. Pourquoi est-elle complexe ? Parce que plusieurs procédures judiciaires évoluent en parallèle. J'en citerai 3. Tout d'abord la procédure de réorganisation judiciaire dont l'objet était le transfert de tout ou partie de l'activité sous autorité de justice. Dans le cadre de cette procédure, le tribunal de Commerce de Mons, saisi d'une demande en intervention volontaire par les organisations syndicales, a désigné le premier février 2011 un administrateur provisoire pour l'entreprise et cette procédure s'est arrêtée le 2 avril dernier. Suite au jugement du 1er février 2011 qui taxait « les organes » de la société de « mauvaise foi manifeste » j'ouvre les guillemets car ce sont les termes du jugement pour justifier la désignation d'un administrateur provisoire, deux procédures ont été enclenchées : Une procédure introduite par Monsieur de Mayer sous la forme d'une requête en intervention volontaire contestant les notions de mauvaise foi, on ne peut pas l'empêcher de se défendre ; D'autre part, une action intentée par la SOGEPA, pour ce qui la concerne, qui a introduit une telle intervention via son propre conseil. Celle-ci ne vise pas la remise en cause de la désignation de l'administrateur provisoire, mais uniquement la notion de mauvaise foi alléguée à l'encontre de son représentant. L'objectif ici n'est pas de défendre M. de Mayer ; Une citation devant le tribunal de travail à l'encontre de l'entreprise et de l'administrateur provisoire pour non respect des contrats de travail, acte équipollent à rupture, ça doit être un terme juridique qui échappe à mes compétences. À ce sujet, Maître Blondiau, qui est administrateur provisoire, comparaissait jeudi dernier, mais le prononcé se fera à huitaine. Je ne peux pas répondre à la place de la justice sur ce qu'elle décidera. Pour ce qui est de la situation de l'entreprise, la seule activité restante est la commercialisation des stocks. Maître Blondiau avait d'ailleurs convoqué une AG extraordinnaire le 21 mars dernier dont l'ordre du jour contenait notamment l'arrêt des activités, mais il appert qu'il n'est pas de la compétence de l'AG de prononcer la faillite. Un PV de carence a été rédigé. Nous sommes dans une situation inextricable d'un point de vue judiciaire qui a eu pour conséquence et vous l'avez souligné de laisser les travailleurs dans l'incertitude et dans le besoin financier vu qu'ils ne bénéficiaient que d'avances sur salaires et que d'autre part, ils n'étaient par considérés comme chômeurs. Les avances pour le mois de janvier et de février se sont élevées à 1 750 euros. J'ose espérer que c'est par personne. Depuis le 2 avril dernier, la procédure en réorganisation judiciaire s'est terminée étant donné qu'aucun repreneur ne s'est fait connaître et que le CA de l'entreprise a retrouvé la plénitude de ses pouvoirs. L'administrateur judiciaire n'est plus. Il pourrait décider de déposer les livres. Dans ce cadre, ce serait alors le fonds de fermeture qui interviendrait pour couvrir les indemnités de préavis et les travailleurs bénéficieraient d'une créance privilégiée sur la moitié du stock. Au sujet de la récupération du prêt, comme mon collègue a déjà eu l'occasion de le mentionner à plusieurs reprises, il a chargé la SOGEPA de prendre contact avec Monsieur de Mayer pour les modalités puisqu'il a confirmé son intention. Mais vous l'avez dit, il a confirmé beaucoup d'intentions jusqu'ici, il faut donc la concrétiser et voir comment il va rembourser le prêt. Pour ce qui est de la marque, Madame Zrihen, M. le Ministre Marcourt a rappelé à Monsieur de Mayer que la région est intéressée et il a également pris des contacts avec le Bourgmestre de La Louvière à ce sujet. La rencontre a eu lieu mercredi dernier.
la Présidente. La parole est à M. Crucke.
Crucke (MR). Je remercie M. le Ministre pour sa réponse et la justification du recours qui a été introduit par la Région wallonne parce que je trouvais que cela faisait mauvais ménage de voir les deux de Mayer et Région wallonne dans un recours qui pouvait apparaitre, selon les informations de la presse, identique alors que la motivation est tout-à-fait différente et c'est heureux. J'ai quand même envie de dire : que de temps perdu dans ce dossier ! Il y a évidemment cette situation dramatique, qui a été soulignée par mes collègues également, des travailleurs qui malheureusement doivent aspirer au dépôt de bilan je n'ai pas entendu les informations ce matin pour sauvegarder leur statut et leurs droits. C'est quand même le monde à l'envers, le fait d'espérer qu'une société fasse faillite pour pouvoir sauvegarder ses droits. Il y a la marque et j'entends que le ministre laisse la porte ouverte pour éventuellement trouver un accord avec M. de Mayer. Je dis au ministre : Pas op ! dans toutes les langues. Parce que si l'on attend M. de Mayer, on peut encore attendre longtemps. Il faut quand même savoir que l'actif dont on parle pour l'instant, il est en train d'être vendu dans les magasins de M. de Mayer au Sablon. Pendant que tout ce temps se passe, M. de Mayer continue à vendre l'actif au Sablon et cela, c'est totalement inadmissible ! La Région wallonne a injecté 950 000 euros dans le dossier à travers la SOGEPA, ce n'est pas rien ! Sincèrement, si l'on attend les intentions de M. de Mayer pour les rembourser, « je mets ma main au feu qu il ne les remboursera pas » ! Je pense qu il faut être intraitable avec ce monsieur. Malheureusement, le sort des travailleurs est scellé, mais, heureusement, on vit dans un état social qui permet d avoir une couverture, mais c est vraiment une gabegie par rapport à une marque qui reste reconnue mondialement pour sa qualité. Malheureusement, cela se terminera sans doute en « eau de boudin » et pour la Région wallonne, cela se terminera sans doute avec un gouffre qui sera de plusieurs de dizaines de milliers d euros. Nous en reparlerons dans les semaines et dans les mois à venir, mais je n ai vraiment pas confiance dans la manière dont la Région wallonne travaille dans ce dossier.
la Présidente. La parole est à Mme Zrihen.
Zrihen (PS). Effectivement, le dépôt de bilan est bien confirmé et il faut encore un ou deux documents pour que cela soit tout à fait officiel. Ce qui veut dire que pour les 36 travailleurs, la solution sera donc possible. Quoi qu il en soit, il faudra être extrêmement attentif. Je rappelle que les 700 000 euros dont ils ont fait en quelque sorte cadeau pour que la reprise de leur entreprise soit possible et qui étaient leurs indemnités, doivent leur permettre de participer ou d être en tous les cas dans le cadre du 32bis, mais cela, c est une question pour le fédéral. La vigilance s impose avec quelqu'un qui, pendant plusieurs mois, n a pas arrêté de faire perdurer des situations inacceptables pour en arriver à avoir comme seule activité la commercialisation des stocks. Cela relève vraiment d une mauvaise foi manifeste. On pourrait même dire parfois plus. Quoi qu il en soit, ce qui nous importe pour le moment, c est bien sûr que la SOGEPA soit remboursée et que, outre cela, la marque Boch et cela, mon collègue vient de le dire qui a une très grande crédibilité, et ce de manière internationale, puisse être reprise. Il faudra vérifier de quelle manière c est possible. On peut imaginer avec M. de Mayer beaucoup de solutions. La dernière fois, il avait l air de dire que cela lui semblait impossible étant donné toutes les dépenses énormes qu il avait dû consentir. La vigilance est de mise et je pense qu il ne faudra pas lâcher parce que ce qu on vient de vivre maintenant pourrait être quasiment un cas d école qu il ne faudrait pas répéter, ni pour la Région wallonne ni pour les travailleurs.
la Présidente. La parole est à M. Saint- Amand.
Saint-Amand (Écolo). Merci Madame la Présidente. Je souligne, avec plaisir la manière élogieuse dont M. le Ministre parle de l'attitude des travailleurs, souligne la dignité de leur comportement et le côté exemplaire de celui-ci. Je pense qu au travers de toute cette triste histoire, c est quelque chose qui se doit d être dit. Avant toute chose, ce sont bien les travailleurs qui méritent toute notre attention. J ai entendu également dans votre réponse qu une aide matérielle avait pu être apportée à ces travailleurs au travers d une avance sur salaire. Je pense que ce sont des choses positives qui méritaient d être relevées. Du côté de M. de Mayer, son intention de rembourser le prêt est bien la moindre des choses. Je ne doute pas que vous aurez à c ur avec vos collègues du gouvernement de mettre toute la pression nécessaire pour que ce soit bien le cas. Vous avez senti sur ce point une unanimité autour de la table. Dans les trois partis qui se sont exprimés, il y a un soutien unanime pour agir en ce sens. Je rappellerai, comme je lai fait dans ma précédente intervention sur le sujet, l idée d essayer de maintenir malgré tout, au travers d un projet public ou un partenariat public/privé, une activité artisanale à La Louvière autour de Boch, autour de la faïencerie en partenariat avec le musée, pourquoi pas, qui permettrait de garder à La Louvière le savoir-faire et la fierté de son patrimoine. Cette ville est fort marquée par l activité de la faïencerie Boch. Ce serait malheureux qu elle disparaisse définitivement, qu elle se dilue quelque part dans le monde sans trop savoir où. L idéal pour ce faire serait de pouvoir récupérer la marque, mais je ne doute pas que ce ne sera pas une mince affaire.
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