Question orale de Jean-Luc CRUCKE à la Ministre LAANAN sur "Bilan du fonds d'investissement St'art"
Jean-Luc Crucke (MR). – Madame la ministre, nous avons abordé ensemble le sujet du Fonds d’investissement St’art dès ses débuts. En automne 2008, le gouvernement avait annoncé le lancement de ce fonds, devenu opérationnel à la fin de l’année 2009. Mieux vaut tard que jamais. Après une première année d’activités, il est désormais fonctionnel. Il vient d’ailleurs d’éditer une communication sur son travail. Je ne vous demande pas de me dire ce qui s’y trouve mais plutôt de nous éclairer sur ce qui ne s’y trouve pas. Dans les débats sur le budget, nous avons augmenté le capital public de ce fonds de dix à seize millions. Cela laissait entendre qu’il avait des besoins particuliers de financement, à combler que ce soit par des prêts ou par des prises de participation. Or, dans sa communication, le fonds dit avoir retenu onze projets et les financer à hauteur de 2,28 millions d’euros au total. Madame la ministre, pourquoi fallait-il dès lors augmenter le capital public de ce fonds, donc immobiliser de l’argent qui est rare et cher ? L’information à votre disposition lors de la décision d’augmenter le fonds était-elle différente ? D’autres demandes existaient-elles qui n’auraient pas été acceptées ? J’aimerais comprendre cette différence entre les besoins mis en avant pour solliciter des moyens et les projets finalement retenus. En réponse à ma première question concernant ce fonds, vous aviez évoqué la participation du secteur privé. Vous me disiez être assez rassurée sur la capacité du secteur privé à agir en complémentarité, voire en collaboration, avec le secteur public. Aujourd’hui, il n’y a toujours pas de capital privé. Toutefois le fonds affirme que son conseil d’administration a commandité, en novembre 2010, une étude sur « l’opportunité » de recourir à des capitaux privés. Il ne s’agit donc plus d’une obligation mais bien d’une possibilité. Madame la ministre, qui s’est vu confier cette étude ? Dispose-t-on déjà de ses résultats ? Dans le cas contraire, quand pourrons-nous en prendre connaissance ? La Région wallonne est sans aucun doute le fer de lance de ce fonds et la Communauté française est présente depuis les débuts du projet, mais la Région bruxelloise semble traîner la patte. À mon avis, ce n’est pas faute de volonté de votre part, madame la ministre. À l’époque, vous affirmiez que la Région de Bruxelles pourrait y entrer très rapidement. Aujourd’hui, ce n’est toujours pas le cas. Comment expliquez-vous ce retard ? Des difficultés particulières se sont-elles présentées ? Des discussions ou des négociations sont-elles en cours ? Si oui, où en sont-elles ? Concernant les onze dossiers retenus par le fonds, de quels projets s’agit-il ? Comment peuton caractériser l’objet social de chacun d’entre eux ? Le souhait initial était de provoquer un effet de levier. Cet effet fonctionne-t-il pour ces projets ?
Fadila Laanan, ministre de la Culture, de l’Audiovisuel, de la Santé et de l’Égalité des chances. – Comme j’ai déjà eu l’occasion de vous l’indiquer, monsieur le député, le lancement effectif du Fonds St’art a été annoncé officiellement à l’occasion d’une conférence de presse en fin janvier 2010. Lors de ses réunions, le conseil d’administration a eu l’occasion de se prononcer sur des dossiers remis entre mars et décembre 2010. La dernière conférence de presse passe en revue l’exercice de dix mois d’activité, qui ont vu la prospection des différents secteurs concernés, le soutien au montage des plans financiers, des analyses sectorielles et financières, des décisions d’investissement, avec leurs contrats complexes et leur suivi. Le fait que dans un délai aussi court, le fonds ait pu répondre favorablement à onze dossiers est remarquable. L’ensemble des acteurs et interlocuteurs déjà actifs dans l’investissement ainsi que les entreprises bénéficiaires s’accordent sur ce point. En outre, il était clairement opportun d’augmenter le capital du fonds en raison des perspectives d’investissement dans les industries culturelles et créatives. La procédure – demande formelle d’une entreprise, remise d’un plan financier et concrétisation du financement sur avis positif du conseil d’administration – prend un certain temps. St’art intervient pour une part du montant à financer. D’autres partenaires privés doivent généralement poursuivre leur tour de table. Ainsi le travail réalisé par St’art en 2010 produira-t-il également ses effets en 2011. Il ne s’agit pas d’une immobilisation de l’argent public, mais, au contraire, de placements via le fonds. Il n’y a pas non plus de sous-utilisation, le fonds devant disposer du montant global pour sa politique d’investissement sur plusieurs années. St’art ne peut pas dresser de bilan après dix mois d’activité : pour un outil financier et économique, ce délai serait un peu court. . . Contrairement à ce que vous laissez entendre, les industries culturelles et créatives sont très actives enWallonie et en Région bruxelloise, et la vitalité des micro-entreprises et des PME est patente. Nous pouvons nous féliciter de posséder un outil économique et novateur comme St’art – unique en Europe – qui répond aux besoins spécifiques des entreprises culturelles en Communauté française Wallonie-Bruxelles. Lors du colloque de septembre sur les industries culturelles et créatives, pendant la présidence belge du Conseil de l’Union européenne, la présentation de St’art a été très remarquée ; il en a été de même lors de la conférence Innova à Liège, en octobre dernier. Depuis, les Pays-Bas ont créé leur propre fonds sur le modèle de St’art, suivis par l’Allemagne. Le processus est donc en marche dans les autres États européens. La Direction générale sur les entreprises de la Commission européenne a lancé son premier appel visant à identifier les problèmes qui doit affronter ce secteur pour définir sa politique. En 2010, monsieur Crucke, cent trente et une entreprises ou associations ont contacté St’art, parmi lesquelles une cinquantaine semblent pleinement entrer dans son champ d’action. Seize ont remis un dossier complet qui a été analysé par St’art et soumis à son conseil d’administration, ce qui représente 32 pour cent de dossiers conformes et 12 pour cent des contacts. Sur les seize présentations, le conseil d’administration a marqué son accord de principe pour onze dossiers, soit 69 pour cent de réussite. À la clôture de l’année 2010, une vingtaine de plans financiers étaient en cours de préparation ou d’analyse. Les motifs de refus des dossiers sont variables, mais, le plus souvent, soit le plan financier n’était pas rentable, soit les retombées économiques étaient insuffisantes, soit il s’agissait de recouvrements de dettes du passé. Dès son origine, St’art a émis le souhait d’attirer des capitaux privés dans le fonds. Cette volonté n’a pas encore été concrétisée. En effet, le marché public d’étude sur le financement privé de St’art est en cours et arrivera à échéance à la fin du mois de mai. Je vous communiquerai le nom de l’entreprise. Aucun contact particulier n’a été pris sur ce point entre la Communauté française et la Région bruxelloise. Le besoin ne s’en fait d’ailleurs pas sentir, puisque, grâce à ses actionnaires, St’art peut intervenir dans le financement d’entreprises tant en Wallonie qu’en Région bruxelloise. Dès le départ, la Communauté française souhaitait la création d’un partenariat entre la Région de Bruxelles-Capitale et St’ art. Pour des raisons budgétaires la Région bruxelloise ne s’est pas encore inscrite dans cette démarche. Mais la situation peut évoluer, on l’a vu avec Wallimage. St’art travaille déjà avec des institutions de la Région de Bruxelle-Capitale pour le financement de l’aide à la création d’entreprises, c’est un élément à souligner. Enfin, les onze sociétés ayant reçu, en 2010, un avis favorable du conseil d’administration relèvent des secteurs suivants : une pour la production musicale, deux pour la production de jeux vidéo, une pour la production d’expositions, une pour la création d’accessoires de mode, une pour le relevé et la modélisation du patrimoine architecturale, une pour le service en arts de la scène, une pour la promotion en arts de la scène, une pour la production de spectacles vivants, une pour une chaîne thématique de télévision et un bureau d’architecture. Selon les prévisions établies par les promoteurs de projets, ces onze sociétés devraient créer dans les trois années à venir des emplois directs correspondant à 80 équivalents temps plein, ainsi qu’un grand nombre d’emplois indirects qu’il est impossible de quantifier à ce stade. Elles devraient également engendrer un chiffre d’affaires de 140 millions les deux prochaines années. Les décisions de St’art favorables à ces onze sociétés ont un effet levier potentiel dans le financement bancaire et/ou privé de 2 589 116 euros. L’effet levier effectif pour les cinq sociétés dont le financement a déjà été libéré au 31 décembre 2010, soit un montant de 1 080 000 euros, a été accompagné de levée de fonds privés pour un montant de 543 116 euros et d’apports bancaires pour un montant de 935 000 euros, soit un total de 1 478 116 euros. J’ose espérer que, grâce à ces précisions, vous serez convaincu du poids économique de St’art pour nos entreprises culturelles wallonnes et bruxelloises.
Jean-Luc Crucke (MR). – Je ne demande qu’à être convaincu ! Malheureusement, je ne viens pas assez souvent dans cette commission, mais je remarque que vous gardez tout votre optimisme face aux difficultés. Je vous invite cependant à la prudence. Si toutes les sociétés et opérateurs extérieurs qui vous demandent un financement se retrouvaient dans la situation de St’art, vous auriez sans doute moins de monde à votre porte. Lorsqu’on a un capital de 100% , dire que ce capital doit encore être augmenté pour n’en dépenser que 15% , le reste pouvant être placé, c’est évidemment une solution idéale ! La trésorerie de la Communauté française pourrait très bien prendre ce placement en charge, dans la mesure où elle dispose d’une plus grande expertise pour rechercher le bon placement. Je trouve dommage d’immobiliser de l’argent. Vous le justifiez par votre optimisme habituel : il y a eu une centaine de demandes, 16 business plans ont été rentrés, onze ont été retenus ; onze sur seize, cela ne permet pas de dépenser les 16 millions d’euros disponibles. C’est nouveau, c’est 10 mois, soit mais il ne fallait peut-être pas passer de 10 à 16 millions. Je constate que votre volonté de partenariat avec le secteur privé reste intacte, j’espère la voir se concrétiser. Pour être « exemplaire » aux yeux des pays voisins, il faut aussi être efficace. Quand je verrai la marque du privé, je constaterai qu’on a réussi à convaincre ceux dont le métier est de prendre des risques avec leur argent, l’argent du privé. Enfin, j’entends que vous faites marche arrière à propos de la Région bruxelloise. Je suis toujours très heureux que la Région wallonne et la Communauté française puissent aider nos amis bruxellois. La Wallonie verse plus d’un milliard d’euros à Bruxelles chaque année. C’est une réalité dont il faut être conscient. Pour la solidarité mais aussi pour le signal fort envoyé vers l’extérieur, il serait bon que ce projet aboutisse, même si je comprends les difficultés financières de la Région bruxelloise. Ce dossier est de votre ressort, je reviendrai donc plus tard vers vous pour poursuivre le débat.
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