Interpellation de Jean-Luc CRUCKE au Ministre NOLLET sur "la réelle volonté de promouvoir le véhicule électrique en Wallonie"
la Présidente. L'ordre du jour appelle l'interpellation de M. Crucke à M. Nollet, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique, sur « la réelle volonté de promouvoir le véhicule électrique en Wallonie ». La parole est à M. Crucke pour développer son interpellation.
Crucke (MR). Madame la Présidente, Monsieur le Ministre, chers collègues, la FEBIAC a communiqué un chiffre qui en soit est intéressant, il s'agit du nombre d'immatriculations en février 2011. Si on prend les voitures particulières, on a 53 135 immatriculations. Si on prend les véhicules électriques, dont véhicules de société, on est à 80 véhicules, c'est vous dire si la différence entre les deux est impressionnante. C'est aussi sans doute l'explication d'un manque d'engouement pour les véhicules électriques. Alors on peut peut-être parfois l'expliquer par le coût. Ces véhicules ont un coût proportionnellement élevé, quand on les compare aux performances de véhicules plus classiques, c'est une chose. C'est en cela que je pense que, lorsqu'on met une prime de 600 euros sur l'achat d'un véhicule électrique, finalement, c'est un peu un effet d'annonce qui est plus ventilé qu'autre chose. Ce n'est pas cela qui va faire la différence sur un véhicule de ce prix-là, même si, pour certains véhicules, on a augmenté jusqu'à 30 000 euros le montant du véhicule. C'est surtout aussi par un manque de volonté politique d'investissement, non pas dans le véhicule électrique mais dans le réseau, ce qu'on appelle les bornes de recharge qui doivent permettre, simplement, à la fois de pouvoir utiliser son véhicule. C'est pas tout de l'acheter, il faut encore après pouvoir l'utiliser. Il y a deux ans que vous êtes aux « manettes » de votre ministère. Je vous ai souvent lu, vous savez, votre bouquin « Green deal » dans lequel vous vantiez les véhicules électriques, le recours à ce type de véhicules, ... Je m'étais dit qu'une des premières décisions que M. Nollet allait prendre, c'était de faire en sorte que la Wallonie puisse avoir un réseau, comme d'autres l'ont, qui soit un réseau où le véhicule électrique, en tout cas, soit présent et pas absent. À titre d'exemple, la France a investi 1 milliard à 1,5 milliard dans le véhicule électrique. Il y a la possibilité de recourir au véhicule électrique, c'est dire s'il y a, chez le Président Sarkozy, une réelle volonté de promotionner l'économie verte. Après deux ans, cela doit pouvoir être le moment de faire un bilan, et quel est ce bilan ? Pourquoi cela n'a-t-il pas dégorgé ? Pourquoi une réelle promotion ne se fait-elle pas ? Attendez-vous le fédéral ? Parce qu'entre le moment où j'ai posé ma question et aujourd'hui, j'ai vu que M. Magnette est sorti sur un Master plan du fédéral pour promouvoir la voiture électrique. Je vous rassure, en effet d'annonce, il est encore plus fort que vous, parce qu'il n'y a strictement rien, tout ce que j'ai pris comme renseignement au fédéral me fait dire qu'il n'y a absolument rien pour l'instant dans cette annonce. Je ne sais pas si vous avez déjà été convié pour une réunion pour ce Master plan. On a souvent des informations qui peuvent se conforter, se confirmer. Sommes-nous repartis pour une sorte de yo yo entre fédéral et régions, oubliant les compétences des uns et des autres ? Quand je dis cela, je me pose la question. Vous aviez quand même, dans les annonces, fait part de votre volonté, pour le parc automobile de la région et des organismes d'intérêt public, de recourir dès 2011 à de nouveaux véhicules dont, disiez-vous, l'écoscore devait être, ou du moins atteindre 68. Un appel d'offres a été lancé en 2010. Cet appel d'offres a-t-il connu un certain succès ? L'administration a-t-elle pu analyser cet appel d'offres ? Quelles offres ont été reçues ? Quels lots ont été attribués ? Quelle en est l'importance ? C'est un premier geste qui pourrait montrer, même si le réseau n'est pas encore disponible dans la fonction publique, que le ministre a lancé le mouvement.
la Présidente. La parole est à M. le Ministre Nollet.
Nollet, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique. Le risque en matière de véhicule électrique est bien, selon moi, d'enfermer les pouvoirs publics dans un simple choix binaire de véhicules individuels pour les automobilistes, ce qui me semble très réducteur par rapport aux enjeux de la mobilité de demain. La question de la promotion d'un mode de transport se pose donc dans le cadre plus large d'une concurrence entre modes de transports et dans le cadre général des enjeux de la mobilité. À titre d'exemple pour illustrer ce propos, lorsque qu'un déplacement se fait en voiture électrique plutôt qu'en voiture à moteur thermique, il y a certainement un gain environnemental. Si, par contre, ce même déplacement remplace l'utilisation de transports collectifs qui sont déjà électriques pour une bonne part ou de mobilité douce, il peut s'agir alors d'une perte environnementale. Il en va de même pour les questions d'engorgement des villes par les véhicules individuels. À l'inverse, en zone rurale, par exemple, un véhicule électrique peut être plus intéressant pour rejoindre des n uds de transports en commun. De même, ce gain environnemental, lorsqu'il est réel, va grandement dépendre, entre autres, du mode de production de l'électricité, du moment et du mode de rechargement, de la nature des batteries, du poids et de l'efficience du véhicule électrique. Ainsi, une voiture électrique de deux tonnes, rechargée en heure de consommation de pointe sur une borne à recharge rapide alimentée par une électricité produite à partir du nucléaire ou d'une centrale au charbon, cela ne garantit pas du tout la même réduction d'empreinte écologique, ni le même gain environnemental global, qu'un véhicule léger, ou mieux un scooter, rechargé pendant la nuit et alimenté par de l'électricité renouvelable. Le rapport de bénéfice environnemental entre les deux peut être d'un facteur supérieur à dix. Ceci étant dit, le développement de véhicules électriques reste une opportunité réelle d'avancées vers une mobilité plus durable, s'il est bien encadré. Je vous rejoins dans votre analyse, largement partagée par tous les acteurs du domaine, de la nécessité d'une stratégie, et donc d'un cadrage par les pouvoirs publics du développement de bornes de rechargement. Je n'ai pas été saisi par le fédéral. Je vous ai répondu et je vous le redis. Je suppose qu'on devra attendre qu'il ne soit plus en affaires courantes, mais, me dit-on, c'est en train de se débloquer. J'espère juste que cela ira sans trop traîner. Le développement des véhicules électriques est par ailleurs aujourd'hui un fait incontournable, les voitures sont en vente et des bornes sont installées en Wallonie par les acteurs privés du secteur. À ce propos et par rapport à votre expression « la charrue avant les b ufs », je pense, bien au contraire, que le développement des bornes est beaucoup plus dépendant de la diffusion des voitures que l'inverse, puisque les voitures individuelles se rechargent en fait principalement à domicile. Il y a donc lieu de bien cerner les attentes effectives et réelles des consommateurs privés par rapport aux bornes. La question, aussi importante soit-elle, est donc bien complexe. Il faudra veiller à ce que le bilan sociétal global du développement d'un parc de véhicules électriques en Wallonie démontre une valeur ajoutée réelle, aussi bien sur le plan économique, social qu'environnemental. C'est bien à l'identification convenable de ces enjeux et priorités que mes services s'attellent. Enfin, concernant le nouveau marché de fourniture de véhicules automobiles et petits utilitaires, je peux vous confirmer qu'il a effectivement été lancé fin de l'année dernière. Je vous confirme bien que le cahier spécial des charges exigeait que les véhicules de service non-utilitaires atteignent un écoscore minimum de 68. Dans le respect de la loi sur les marchés publics, les offres ont été minutieusement analysées par les services de la gestion mobilière, ce qui a pris un certain temps, vu l'ampleur du marché. Mon administration met actuellement la dernière main à son rapport d'analyse en vue de sa transmission à l'Inspection des finances. Ce n'est qu'une fois l'avis de l'Inspection des finances remis que je pourrai attribuer les différents lots.
la Présidente. La parole est à M. Crucke.
Crucke (MR). Concernant le marché public, on attendra la décision finale. Sur la mobilité électrique, j'ai bien entendu votre raisonnement, mais affinons-le. Vous savez comme moi que le transport collectif, dans cette belle Wallonie, n'existe pas partout. À certains endroits, il est extrêmement rare, peut-être là où il devrait être plus conséquent. Si on voulait trouver un équilibre entre les ruraux et les urbains pour en faire peut-être des urbains un jour. Le circuit collectif n'existe pas, ou à certaines heures bien précises qui font que, à un moment donné, il n'est pas utile, ou pas utilisable de manière pragmatique. Je comprends que vous ne fassiez pas une analyse aussi étendue que l'a fait la France. Je parle de 1,5 milliard d'euros. Mais il y a d'autres modèles. Regardez le modèle hollandais. Le gouvernement hollandais a visé, sur 2012, 10 000 véhicules électriques. La première ambition est de dire « En 2012, on doit arriver à avoir l'utilisation au volant de 10 000 véhicules électriques et on engage pour cela un investissement de l'ordre de 60 millions d'euros ». Je cite les chiffres. Dix mille en 2012, 200 000 en 2020. Là, on est dans une progressivité du temps, dans le temps, qui a été inscrite sur base d'ambitions. C'est cela que j'aimerais entendre par rapport au Ministre de l'énergie que vous êtes, c'est « on ne sait pas tout faire le jour même ». De toute façon, on n'aura pas l'argent pour tout faire, vous le savez très bien. Les arbitrages politiques sont ce qu'ils sont. Mais tant que vous ne chiffrez pas l'ambition qui est la vôtre et l'évolution que vous voulez en créer dans le domaine, on va continuer, en termes de véhicules électriques, à être un parent pauvre, alors que je pense que le sol wallon se prête à ce type de mobilité, et pas seulement en termes d'usage, mais aussi en termes de recherche et d'investissement.
la Présidente. L'incident est clos.
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