Question orale de Jean-Luc CRUCKE au Ministre NOLLET sur "Monsieur le Ministre est-il le conseil de l'IRE?"
la Présidente. L ordre du jour appelle la question orale de M. Crucke à M. Nollet, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique, sur « Monsieur le Ministre est-il le conseil de l'IRE ? » La parole est à M. Crucke pour poser sa question.
Crucke (MR). Madame la Présidente, Monsieur le Ministre, chers collègues, j'ai été surpris et pourtant Dieu sait si je ne suis pas un conseil, ni un défenseur de... (Réactions de M. le Ministre) Pour ceux qui croit en Dieu et, qui sait, pour ceux, comme vous et moi, qui n'y croient pas, ce n'est pas grand chose. Je ne suis pas le conseil de la famille Daerden et caetera, vous le savez parfaitement bien. J'ai été surpris parce que je pense connaître votre sentiment d'équité en général, vous faites un certain nombre de choses par un courrier que vous avez envoyé et, en tout cas, un de ces courriers à un certain nombre d'opérateurs publics m'est revenu entre les mains afin de leur signaler la condamnation qui a été prononcée par l'IRE à l'encontre de la SPRL Delbrouck, Cammarata, Gilles et Associés, que l'on connaît faut-il le dire, parfaitement bien dans ce parlement. Si j'ai été étonné, c'est par une phrase de ce paragraphe où vous indiquez qu'un des appelants aurait sollicité l'alourdissement de la décision en degré d'appel, ce qui est possible, mais je ne dispose pas de ce renseignement-là. Puisque vous l'avez, je vais vous demander d'où vous le tenez. Je suppose que c'est de l'IRE. Y a-t-il un rapprochement particulier entre le ministre et l'IRE, une relation extrêmement personnelle qui permet de disposer des informations dont d'autres ne bénéficient pas ? Deuxièmement, si je suis étonné, c'est parce que la presse a relaté un certain nombre d'appels des réviseurs d'entreprises. Vous savez comme moi que, s'il y a appel, il y a ce que l'on appelle l'effet suspensif du second degré de juridiction qui suspend les effets du premier degré de juridiction et qu'il y a présomption d'innocence. Vous avez certainement interrogé votre réviseur sur ce qu'il y a lieu d'entreprendre. D'après les informations dont nous disposons, un de ces appels viserait, à leur dire, la peine infligée. Ne craignez-vous pas, dans l'hypothèse du second degré, que les réviseurs se verraient totalement acquittés des charges qui sont mises à leur encontre ? Ne craignez-vous pas devoir, à ce moment-là, subir une sorte de forme de responsabilité d'actions, de responsabilité à votre encontre ou à l'encontre du gouvernement, parce que vous incitez carrément, si je comprends bien, les OIP à changer de réviseurs ? N'attendez pas le résultat, virez-lez maintenant ! Moi, je n'aurais pas osé écrire cela, je vous le dis !
Nollet, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique. Moi non plus.
Crucke (MR). Vous l'avez mis avec d'autres mots, mais c'est ce que vous voulez dire. Quand on lit votre courrier, c'est ce que cela veut dire. Voilà, c'est mon analyse, ma lecture de votre courrier, je ne sais pas si d'autres ont eu la même analyse. Suite à ce courrier-là, avez-vous eu des réactions d'un certain nombre d'organismes, et peut-être même d'ailleurs des intéressés, en disant : « hé là, nous ne sommes pas encore morts et vous nous enterrez déjà ! » ?
la Présidente. La parole est à M. le Ministre Nollet.
Nollet, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique. M. Crucke l'a fait avec beaucoup d'humour et c'est tout à son honneur, parce qu'il est évident que poser la question sans l'humour, -mais il n'en a pas manqué, « M. le Ministre est-il le Conseil de l'IRE ? »,- ce serait tout aussi stupide que de lui renvoyer la pareille via ma réponse, en disant : « M. Crucke est-il le conseiller de Daerden & Co ? » Soyons clairs, ni l'un ni l'autre, M. Crucke, et vous le savez bien. Le courrier auquel vous faites référence a tout simplement été adressé à toutes les institutions à l'égard desquelles j'exerce un pouvoir de tutelle dans le cadre de mes compétences régionales et au sein desquelles a été désigné un réviseur ou un cabinet de réviseurs ayant fait l'objet de la sanction disciplinaire prononcée par l'IRE. Contrairement à ce que vous laissez sousentendre dans vos textes mais entendre, ici, en commission, je ne suis en possession d'aucune information privilégiée quant au contenu et au déroulement des procédures disciplinaires devant l'Institut des Réviseurs d'Entreprises à l'encontre de la société de réviseurs d'entreprises que vous citez. Les informations dont je dispose, vous en disposez aussi suite aux réponses apportées aux septante questions qui m'ont été posées par votre collègue, Mme Véronique Cornet. « Gouverner, c'est prévoir ! » : dit-on souvent à juste titre. C'est aussi anticiper autant que possible les différents cas de figure. Les informations auxquelles j'ai fait allusion dans mon courrier du 24 mars 2011, -je suppose que c'est celui-là que vous citiez,- ont été largement et préalablement publiées dans la presse. Je peux vous citer en exemple l'article mis en ligne sur le site de La Libre le 18 mars et dont le titre évocateur stipule : « Daerden Junior, un an de suspension requis ». Vu la gravité de ces informations, il était de mon devoir, en ma qualité de ministre de tutelle de certains organismes d'intérêt public et ce n'est pas Mme Cornet qui, je suppose, me contredira, ni M. Jeholet qui est venu vérifier l'exactitude de ma réponse pour pouvoir la lui relayer,- d'en faire part à ces derniers, en les invitant à examiner, avec les réviseurs en question, les mesures à prendre en prévision de l'éventualité de sanctions disciplinaires définitives. En effet, en cas de suspension de leur réviseur habituel durant la période de préparation et d'approbation des comptes annuels, les organismes en question subiraient des inconvénients sérieux, voire un préjudice grave, qui toucheraient à l'intérêt public. Je suis sûr que, si je ne l'avais pas fait, Mme Cornet serait intervenue et, peut-être même d'autres aussi, peut-être même vous, puisque je vous sais attentif, pour pouvoir contrer au plus vite toutes les dérives qu'on rencontre encore malheureusement dans certains milieux. Il était également de mon devoir d'attirer leur attention sur le fait que, dans l'hypothèse où ces informations seraient de nature à rompre l'indispensable relation de confiance avec leur réviseur, il leur appartiendrait d'envisager la révocation pure et simple, comme la loi les y autorise. J'ai veillé, à cet égard, à ne formuler aucune injonction. Cela, vous l'avez bien vu dans le courrier, les laissant libres d'exercer la plénitude de leurs prérogatives, chaque cas étant différent. Dans ces conditions, je n'aperçois pas en quoi j'aurais violé la présomption d'innocence des réviseurs en question, ni par conséquent en quoi ce courrier emporterait un quelconque risque de recours. J'ai reçu une seule réaction à ce jour, à part la vôtre, mais un peu surpris, mais j'ai pris l'humour qui était derrière. L'autre me surprenait moins, à laquelle il a été réservé la même réponse que celle je vous fournis aujourd'hui. Rassurez-vous, pas de divergence de vues en fonction de l'interlocuteur, même si celui-ci m'a plus surpris que l'autre.
Mme la Présidente. La parole est à M. Crucke.
Crucke (MR). J'apprécie aussi l'humour du ministre. Finalement, si je comprends bien, dans ce parlement, c'est l'opposition qui donne toutes les informations. C'est grâce à Mme Cornet que M. le Ministre a appris l'importance d'un recours qui viserait à alourdir la sanction. C'est grâce également à l'opposition, la même opposition qu'il apprend qu'un certain nombre de choses qui sont écrites dans ce courrier qu'il a signé, pourrait un jour, je le mets au conditionnel, être considérées. Quand vous dites qu'il y a au moins quelqu'un qui vous a écrit aussi en dehors d'un parlementaire, vous nous dites que vous avez répondu la même chose. Je serais curieux de voir s'il appréciera de la même manière. Quand un ministre prend la plume, c'est autre chose que lorsqu'un parlementaire prend la plume, cela a quand même beaucoup plus de poids. Vous êtes l'autorité morale supérieure par rapport à un certain nombre d'organismes. Quand vous prenez la plume et que vous écrivez « il vous est rappelé que la révocation pour perte de confiance, notamment, est une possibilité à ne pas négliger, étant donné les antécédents disciplinaires des personnes concernées ».
Nollet, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique. Trente secondes d'honnêteté.
Crucke (MR). Ah non ! Je suis toujours honnête, cela vous savez que...
Nollet, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique. Trente secondes de travail parlementaire ! Si je ne l'avais pas fait, vous m'auriez demandé de le faire !
Crucke (MR). Moi, je ne l'aurais pas écrit à votre place, je vous l'ai dit !
Nollet, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique. Non, cela c'est clair, mais vous m'auriez demandé de l'écrire !
Crucke (MR). C'est un autre problème. On doit surveiller ce que vous faites ou ne faites pas.
Nollet, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique. Bien sûr, bien sûr.
Crucke (MR). Maintenant, ici, vous l'avez fait, je vous dis que cela, en tout cas je ne l'aurais pas écrit.
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