lundi 9 mai 2005

Question orale de Jean-Luc CRUCKE au Ministre-Président DEMOTTE sur "le wooncode et le Conseil des droits de l'homme de l'ONU"

le Président. L'ordre du jour appelle la question orale de M. Crucke à M. Demotte, Ministre- Président du Gouvernement wallon, sur le « Wooncode » et le Conseil des droits de l'homme de l'ONU. La parole est à M.Crucke pour poser sa question.

Crucke (MR). Monsieur le Président, Monsieur le Ministre-Président, chers collègues, ma question aujourd'hui est d'actualité puisque le débat a lieu à Genève en même temps que je vous parle. Vous savez que la Belgique comme tous les pays démocratiques doit régulièrement remettre un certain nombre de rapports sur le respect des droits de l'homme et des conventions des droits de l'homme au sein du pays. C'est aujourd'hui à la Belgique de présenter ce rapport et à débattre de celui-ci devant le conseil des droits de l'homme de l'ONU. La délégation belge est d'ailleurs présidée par le Ministre des affaires étrangères. Si je voulais évoquer ce volet avec vous aujourd'hui, ce n'est pas pour parler de tout le rapport, mais bien de ce que je considère un absent du rapport, une thématique qui, manifestement, a été volontairement écartée, oubliée vous me direz ce qu'il en est à savoir, les fameuses discussions qui ont trait au « Wooncode ». Notre parlement et votre gouvernement avaient été parmi les premiers à réagir dans ce dossier et l'avaient fait avec opportunité. Je me souviens de déclarations du Ministre Antoine, titulaire de la fonction du logement lors du précédent gouvernement, qui avait décrié ce décret du 15 décembre 2006 qui tend à réserver des logements sociaux flamands aux seuls Néerlandophones. Soyons plus exacts et plus précis parce que je pense qu'il faut l'être en la matière à ceux qui font une déclaration d'apprendre le néerlandais, ce qui conditionne l'attribution d'un logement à une connaissance ou à une volonté d'apprendre une langue. Face au taalbereik de nos amis flamands, nous avons été inflexibles et avec raison. Sur ce dossier, le Gouvernement wallon n'a pas hésité à montrer le conflit d'intérêts et à entamer une procédure en annulation devant la Cour constitutionnelle qui n'est pas encore terminée. S'en est suivi un arrêt de la Cour qui a été prononcé en termes de suspension même si là, c'est la Communauté française qui diligentait le dossier. Actuellement, l'annulation n'a pas encore été débattue ni prononcée. Le Conseil d'État avait remis un avis extrêmement critique en son temps et les instances européennes et internationales elles-mêmes avaient réagi avec une certaine fermeté. J'en veux uniquement pour preuve ce qui avait été dit par M. Franco Frantini, vice-président de la Commission européenne en charge de la justice et des libertés, qui avait émis d'énormes doutes quant à la conformité de cette législation. Vous savez également que ces mêmes réflexions avaient été tenues par le Comité des Nations Unies contre la discrimination raciale. Il y a donc un certain nombre d'éléments européens et internationaux, et pas seulement belgobelges comme vous pouvez parfois le penser, qui, clairement, décrit ce mécanisme comme étant un mécanisme pour le moins limite à l'égard de ce que l'on appelle le respect des droits de l'homme. J'en reviens à ma question : pourquoi ce dossier est-il absent ? Lorsque le Ministre des affaires étrangères, Monsieur Vanackere, est interviewé sur le sujet, il se limite à dire qu'il y a eu consensus. Je n'ai donc pas d'autres explications qu'un consensus entre les différents gouvernements pour présenter le rapport avec l'absence de cette problématique. Quand on parle de consensus en principe, on parle de concessions, de part et d'autre. Des concessions ont-elles été faites par l'autorité flamande sur ce dossier ou sur d'autres éventuellement ? (Réactions de M. le Ministre-président) C'est la question de base : ce consensus existe-t-il ou ne souscrivez-vous pas à la déclaration qui a été faite par M. Vanackere ? Cela m'intéresserait effectivement de vous entendre sur ce premier point. Quelle est la manière dont le Gouvernement wallon continue à percevoir ce dossier ? Entendonsnous bien, je pense que je n'ai pas besoin de vous convaincre à cet égard et vous connaissez ma sensibilité également sur la chose : l'apprentissage d'une langue est bien une forme d'intégration. C'est une évidence. Mais que l'on conditionne l'obtention d'un logement social à l'apprentissage ou à la connaissance d'une langue, correspond à une forme de discrimination parce que l'on en arrive finalement à faire en sorte que ceux qui sont les moins aguerris dans la société se verraient privés des logements que l'on crée, que l'on bâtit, que l'on construit essentiellement pour ces personnes qui sont les plus faibles. On crée donc de la discrimination supplémentaire. Y a-t-il au sein du Gouvernement une identité de vue sur ce dossier ? Comment estimez-vous que les instances internationales pourront, nonobstant le fait que ce phénomène ne se trouve pas dans le rapport, malgré tout être informées de la réalité telle qu'on l'a connaît sur le terrain en Belgique ?

le Président. La parole est à M. le Ministre- Président Demotte.

Demotte, Ministre-Président du Gouvernement wallon. Monsieur le Député, c'est une question qui est extrêmement sensible et comme j'ai eu l'occasion de le faire en réponse à une question posée par notre collègue, Madame Caroline Persoons, au Parlement de la Fédération Wallonie- Bruxelles, j'évoquerai brièvement la procédure qui a conduit au dépôt du rapport belge devant être défendu devant le conseil des droits de l'homme de l'ONU, dans le cadre de l'examen périodique universel. En décembre 2009, lors de la première réunion de coordination intra-belge qui réunit l'ensemble des services et cabinets ministériels, fédéraux et fédérés qui sont concernés, le SPF affaires étrangères a déposé un canevas du rapport belge répondant aux directives générales adoptées par le conseil des droits de l'Homme, il s'agit de la décision 6/102. À ce moment, il est décidé que ce rapport va rependre les éléments constitutifs suivants : une description de la méthodologie et du processus général de consultation suivis pour la rédaction du rapport belge ; le cadre normatif et institutionnel national dans lequel s'inscrivent la promotion et la protection des droits de l'homme ; la situation des droits de l'homme en pratique sur le terrain ; un recensement des progrès accomplis, des bonnes pratiques, des difficultés rencontrées et des contraintes existantes ; et les priorités, initiatives et engagements essentiels que la Belgique a l'intention de mettre en uvre afin de surmonter ces difficultés et donc, améliorer la situation sur le terrain en matière de promotion et de protection des droits de l'homme. D'autre part, il avait aussi été convenu que le rapport belge s'inspirerait également : des rapports présentés antérieurement par d'autres États membres de l'Union européenne ou du groupe occidental ; des engagements formulés lors du dépôt de la candidature de notre pays à un siège au conseil des droits de l'homme ; des recommandations précédemment exprimées par les organes conventionnels des Nations unies comme, notamment, le Comité des droits civils et politiques, le Comité contre la discrimination des femmes, le Comité des droits de l'enfant ; et enfin que les recommandations contenues dans des documents d'analyse internationale de la situation des droits de l'homme en Belgique, comme les rapports de l'ECRI la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance ou du commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe. Dès ce moment, la Wallonie et Bruxelles ont défendu l'idée d'un rapport couvrant l'ensemble des matières relatives aux droits de l'homme et répondant aux critiques émises à l'encontre de la Belgique lors des différents exercices de rapportage auxquels ce pays a été soumis, en ce compris, donc, les critiques portant sur les questions importantes concernant la protection des minorités. C'est d'ailleurs sur cette base que les administrations ont travaillé et fourni au SPF affaires étrangères, coordinateur de l'exercice, les contributions souhaitées. En fonction des contributions, le SPF affaires étrangères a donc élaboré un texte qui, s'agissant d'un rapport national, devait revêtir un caractère consensuel. C'est pourquoi un certain nombre d'apports qui avaient été proposés par l'une ou l'autre entité ne s'y retrouvent pas. Ceci dit, contrairement à ce que vous avez soulevé, in fine, ce texte n'a pas été soumis à l'approbation des gouvernements des entités fédérées, pas plus qu'à leur Ministre-Président. Il a été soumis uniquement au Gouvernement fédéral qui s'agissant d'un exercice politique a endossé seul le rapport, avant sa transmission au conseil des droits de l'homme. Depuis le dépôt de ce texte, mon cabinet et WBI en liaison avec le Service Public de Wallonie et le Ministère de la Communauté française poursuivent la préparation de l'exercice. Ce 26 avril encore, une dernière réunion de coordination intra-belge que l'on appelle le COORMULTI s'est tenue au SPF affaires étrangères. Au cours de celle-ci, mes représentants se sont opposés à certaines des présentations faites, ce que l'on appelle les guidelines, dans ce document, notamment en relation à la question des minorités linguistiques. Enfin, et dans le même esprit, je vous confirme qu'une délégation de la Fédération Wallonie- Bruxelles est bien présente à Genève en ce moment afin de réagir immédiatement aux différents questionnements qui nous concernent.

le Président. La parole est à M. Crucke.

Crucke (MR). Je remercie particulièrement M. le Ministre-Président pour sa réponse qui est contraire à ce que la presse en avait rapporté. Je ne peux que me réjouir de la fermeté qui est la vôtre dans ce dossier. Je pense que le Ministre des affaires étrangères ne peut pas parler de consensus, en tout cas pas sur le plan communautaire lorsqu'on n'a pas reçu l'aval ni d'un gouvernement et du Ministre- Président qui représente ce gouvernement. Nous sommes vraiment face à des pratiques belgo-belges qui sont désagréables parce qu'elles finissent par gommer des réalités. Seule la fermeté que pourra adopter la délégation présente sur place et qui ne manquera pas de relayer votre propos fera en sorte qu'un jour ou l'autre, on respectera les droits des minorités dans ce pays. Nous n'avons malheureusement pas d'autres moyens que le faire avec la langue et avec le droit, mais avec ces deux outils, on doit pouvoir également arriver à dire qu'un certain nombre de choses sont inacceptables dans ce pays. C'est ce que vous avez fait et je tenais à vous apporter mon soutien et celui du MR en la matière.

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