jeudi 17 novembre 2005

Question orale de Jean-Luc CRUCKE au Ministre Paul FURLAN sur "le remboursement de 33 millions d'euros par la Province de Hainaut"

M. le Président. L'ordre du jour appelle la question orale de M. Crucke, sur « le remboursement de 33 millions d'euros par la province de Hainaut.», la question orale de Mme Simonis, sur « l'arrêt n° 207.637 du Conseil d'État relatif à la taxe industrielle compensatoire.» et la question orale de M. Mouyard, sur « les communes ayant prélevé la taxe industrielle compensatoire en Province de Namur » à M. Furlan, Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville.
La parole est à M. Crucke pour poser sa question.

M. Crucke (MR). Le Conseil d'État s'est prononcé et j'ai envie de dire que sa décision est lourde de conséquences. Dans mon cas, j'évoque la situation de la Province de Hainaut. J'ai vu que d'autres situations seront évoquées mais, pour la Province du Hainaut, le fait de considérer que la province avait illégalement perçu la taxe industrielle complémentaire aboutit au remboursement d'une somme de 33 millions d'euros, excusez du peu. C'est une province qui a déjà tenté et qui tente de se redresser, qui a mis un plan sur pied qui est un plan, je pense tout à fait intelligent dans lequel on tente de revenir sur des erreurs du passé, mais 33 millions d'euros en plus à décaisser, ce n'est pas vraiment quelque chose auquel on s'attend; d'un autre côté; c'est 7000 entreprises qui devront bénéficier de ce remboursement. Il y a deux difficultés, pour moi, qui se posent. La première, ce sont les conséquences pour la province de cette décision. J'ai pu comprendre que vous aviez indiqué, j'aimerais en avoir la confirmation, ou que votre administration avait indiqué qu'il était possible, pour la province, d'avoir recours à l'aide du CRAC pour combler la situation, pour tenter de mettre un budget, cette année-ci qui passe la rampe. Si c'est le cas, dans quelles conditions et qu'elles sont les conditions qui sont émises pour que l'appel au CRAC puisse se faire? Où en sont les discussions avec le CRAC, les modalités de ces discussions?
Deux, par rapport à l'entreprise, je pense que, quelque part, il faut aussi êtrede bon compte, à partir du moment où ces entreprises ont payé et ont droit au remboursement, elles doivent pouvoir être informées. Est-ce qu'il y a là une obligation d'information à l'égard de ces entreprises ou bien estce que nul n'est censé ignorer la loi ?

M. Furlan, Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville. Vous les informez, là.

M. Crucke (MR). Oui, c'est une manière de les informer, je veux bien le comprendre. D'abord je pense que c'est un dû qui leur revient, maintenant d'un autre côté, je pense qu'on a aussi une situation provinciale qui est extrêmement délicate. Enfin, je me suis laissé dire qu'il y avait d'autres provinces et d'autres villes qui seraient dans le même cas. Nous ne serions donc pas les seuls, dans le Hainaut, à subir les foudres du Conseil d'État, je ne m'en réjouis pas. Enfin, si c'est le cas, quelles sont-elles et quels sont-ils et quels sont les montants en jeu, est-ce qu'ils sont aussi conséquents que ceux que nous devons supporter en termes de remboursement dans le Hainaut.

M. le Président
. La parole est à Mme Simonis pour poser sa question.

Mme Simonis (PS). Je voudrais aussi revenir sur cet arrêt du 23 septembre, puisque le Conseil d'État a déclaré illégale la taxe industrielle compensatoire perçue par la Province du Hainaut. À la lecture de cet arrêt, on se rend compte que c'est le fondement même de la taxe qui est remis en question, et qu'il ne s'agit pas d'un problème de forme d'un règlement de taxe spécifique, mais bien d'un problème d'un fond. Et donc, au sein de la Province du Hainaut, il est vrai que bon nombre de villes et communes sont concernées, en particulier, celles qui sont les plus industrialisées, celles qui ont un passé industriel et donc j'aurais voulu vous poser plusieurs questions. D'abord, des questions de court terme, puisqu'on est à un moment de l'année en plus, on peut s'étonner d'ailleurs de l'arrivée soudaine de cet avis du Conseil d'État alors même que d'autres juridictions avaient donné raison à toute une série de villes et communes, il n'y a pas si longtemps que cela. Cet arrêt est là, on est à la veille de voter, dans les Conseils communaux, nos règlements de taxe pour l'année 2011, on est également très, très proches de confectionner nos budgets, pour l'année 2011 et on a une circulaire budgétaire qui a accepté, bien évidemment de mettre en recette les montants qui concernaient cette taxe. J'aurais voulu savoir quelle était un peu votre position et celle du gouvernement par rapport à cet arrêt, quelles sont les possibilités d'action, aussi, je dirais à court terme mais aussi à moyen terme, parce que c'est vrai que, contrairement à M. Crucke, mais ça fera l'objet d'un autre débat, je considère que cette taxe est tout à fait juste et donc il s'agira de voir, si celle-là est condamnée, dans quelle mesure, une autre taxe ne pourrait pas être prélevée. Est-ce qu'il y a des mesures qui, d'ores et déjà, sont envisagées? Je ne veux pas tomber dans le souslocalisme, mais simplement prendre un exemple: chez moi, en région liégeoise, à Flémalle, cette taxe concerne 1/15e du budget de ma commune, ce qui veut dire que c'est un montant extrêmement important pour tenter d'envisager l'avenir un peu sereinement.

M. le Président. La parole est à M. Mouyard pour poser sa question.

M. Mouyard (MR). Je trouvais que mon collègue Binon a souvent raison et il venait justement me parler, je l'écoutais avec d'autant plus d'intérêt.

M. Furlan, Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville. Non, non, je parlais de la remarque de M. Cheron.

M. Mouyard
(MR). Oui, oui, d'accord, qui faisait suite à une vérité de M. Binon. L'essentiel a été dit sur ce dossier. Par contre, je ne serai pas d'accord avec les propos de Mme Simonis. Évidemment, pour moi cette taxe est tout à fait injuste, discriminatoire, on l'a dit beaucoup aujourd'hui, mais on peut encore le redire, on l'a dit dans d'autres dossiers mais aussi dans ce dossier-ci Finalement le Conseil d'État a donné raison au recours d'Arcelor Mittal. Par contre, je pense que cette décision risque de faire jurisprudence et, comme une autre province, si je ne m'abuse Liège et d'autres communes ont continué à prélever cette taxe, n'y a-t-il pas un risque ? Personnellement, je pense que oui. Ce serait peut-être intéressant, dès à présent, de pouvoir quantifier sur le territoire de la Région wallonne quelles sont les communes concernées, pour combien et, en ce qui me concerne, j'aimerais avoir plus de précision pour la Province de Namur et s'il devait y avoir un remboursement cumulatif, est-ce que le gouvernement a déjà réfléchi, à un moment donné, à faire face à ce gros remboursement et, comme vous le savez, les pouvoirs locaux ont déjà de grosses difficultés comme cela. Si cette décision fait jurisprudence, je pense que beaucoup de communes qui ont parfois de manière hasardeuse continué à prélever cette taxe, risquent d'avoir de gros problèmes. Cela va les mettre encore plus dans le rouge que ce qu'elles ne sont à l'heure actuelle, j'aimerais vous entendre sur la question, je vous remercie.

M. Furlan, Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville. Je suis évidemment très sensible au financement et à la situation financière des communes. Permettez-moi de l'être également aux finances de la Région wallonne. On ne va pas chercher dans un pot qui est troué pour donner dans un autre pot qui est troué, la crise libérale a frappé tout le monde, y compris les communes, y compris la Wallonie.
Deux, je n'ai pas de jugement de valeur par rapport à cette taxe mais, quand je vois et analyse le panel des régions qu'elle touche, c'est évidemment les communes et les provinces qui ont participé fortement au développement industriel de la Wallonie. Celles qui n'ont jamais rien fait pour son développement industriel sont très peu touchées. Celles qui n'ont jamais rien fait pour l'emploi sont évidemment très peu touchées, permettez-moi de le constater. Ceci dit, on peut vivre dans un grand désert économique aussi. L'arrêt du Conseil d'État du 23 septembre 2010 se conclut par l'annulation du règlement du Collège provincial du Hainaut du 26 octobre 2004 établissant, pour l'exercice d'imposition 2005, une taxe industrielle compensatoire (TIC). Le Conseil d'État a considéré que cette taxe était illégale car interdite par l'article 464 du Code des Impôts sur les revenus 1992 et constituait une taxe similaire à un impôt sur le revenu car elle était fondée sur la base où le montant de cet impôt (en l'occurrence, sur le revenu cadastral qui sert de base à un impôt sur le revenu). Selon le Conseil d'État, le fait de prendre pour base une valeur vénale qui est égale au revenu cadastral affecté d'un coefficient revient à prendre pour base le revenu cadastral. Ainsi donc, vous avez raison, Madame Simonis, c'est une interprétation au fond non seulement, le revenu cadastral ne peut servir de fait générateur à une taxe locale mais en plus, il ne peut former la base de calcul d'une taxe quelconque. Cette taxe était jugée licite par la Tutelle car elle était considérée comme une taxe analogue à la patente. Jusque l'arrêt du 23 septembre 2010, la jurisprudence du Conseil d'État (arrêt n°117.154 du 18 mars 2003) interdisait uniquement aux TIC de prendre pour base d'imposition directement le revenu cadastral des biens immeubles car cette base se rapportait directement aux revenus générés par les biens immeubles et était déjà visée par l'impôt des personnes physiques en tant que revenus immobiliers. Un nouveau pas vient donc d'être franchi ce 23 septembre 2010 puisque, désormais, la TIC comme toute autre taxe communale ou provinciale ne peut plus prendre pour base de calcul la valeur des biens immeubles reconstituée au départ de leur revenu cadastral. Ce faisant, l'arrêt dont objet semble en contradiction avec la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, un beau parallèle entre ce que peut dire le Conseil d'État et la Cour constitutionnelle. En effet, dans son arrêt du 4 mars 2008, n°44/2008, la cour considère que la matière imposable visée par la taxe régionale flamande est le droit réel exercé sur des bâtiments ou habitations désaffectés ou laissés à l'abandon; que, puisque cette matière n'est pas imposée par le législateur fédéral, la région flamande a pu la taxer même en utilisant le revenu cadastral comme base d'imposition sur laquelle la taxe est calculée. Par conséquent, en l'état actuel des choses, deux jurisprudences co-existent. Au niveau des provinces, celles de Liège et du Hainaut sont concernées, mais notons qu'elles ont abandonné cette taxe suite au décret du 26 février 2006 relatif au plan Marshall, au Contrat d'Avenir pour la Wallonie. Seul le règlement taxe de la Province du Hainaut a donc fait l'objet d'une annulation pour l'année 2005. Cette annulation fait disparaître la base juridique des actes individuels, M. Crucke, qui ont été pris en application règlement taxe. En matière de taxes communales, c'est le cas des avertissements-extraits de rôle. Quant à savoir s'il y a obligation, pour la province, d'aviser toutes les entreprises concernées, la réponse est non car c'est au redevable à prendre l'initiative.
Enfin, et de manière générale, concernant une éventuelle intervention via le compte CRAC en appui à la province du Hainaut, effectivement une aide à l'entame pourrait être contractée auprès du CRAC qui prévoit un remboursement des charges de dettes pour moitié par la Région wallonne et pour moitié par l'emprunteur, doivent faire l'objet d'une demande spécifique auprès de mes services. Autrement dit, s'il s'agit d'un prêt de trésorerie sans intervention de la Région wallonne, je suppose que le gouvernement mettra des conditions à l'octroi de ce prêt plus lights que si la province du Hainaut sollicite, via le prêt du compte CRAC, une aide par un remboursement de tout ou partie de ce remboursement puisque, dans un cas, la Région wallonne débourse et, dans un autre cas, via le compte CRAC, elle prête, ce qui est tout à fait différent, c'est la différence entre le CRAC 92 et les prêts tels qu'on les connaît aujourd'hui. Je ne peux évidemment pas me prononcer sur la demande de la Province du Hainaut qui n'est pas encore arrivée à mon cabinet, bien que j'ai eu des contacts, ou qui vient d'arriver, qui est en train d'être instruite, qui n'a pas encore été traitée. Il y a bien eu une demande de la Province du Hainaut qui m'interroge sur les possibilités d'intervention. Je peux signifier que c'est envisageable, mais qu'en aucun cas, c'était le ministre qui décidait et que cela nécessitait évidemment un passage par le gouvernement. Donc, j'attends le dossier à cet égard et je le présenterai au gouvernement. Je ne peux pas vous dire aujourd'hui s'il y aura une demande
d'intervention régionale en termes de remboursements de prêts ou pas et donc les conditions d'octroi de prêts sont évidemment totalement différentes. Pour ce qui est des communes, le montant total de la TIC dans les budgets 2010 s'élevait à 11.934.047,83 euros et concerne 10 communes. La question qui se pose est de savoir de quelle manière le redevable d'une imposition communale pourra faire constater l'illégalité de la taxe car la jurisprudence dominante du Conseil d'État considère que l'annulation du règlement n'entraîne pas de plein droit celle des actes individuels qui y trouvent leur fondement nécessaire.
L'annulation des actes individuels doit donc être demandée. Même réponse que, finalement, pour les provinces. J'ai sollicité mon administration afin de réaliser une analyse juridique et financière des implications d'un tel arrêt, évidemment. Enfin et afin d'informer au mieux les bourgmestres des communes concernées, une réunion a été programmée au sein de mon cabinet ce 9 novembre. Il s'agira d'une part, de les informer au mieux quant au volet juridique de l'arrêt du Conseil d'État et, d'autre part, de les orienter quant aux possibilités d'inscriptions budgétaires des montants concernés par la TIC pour les budgets 2011 et suivants.

M. le Président. La parole est à M. Crucke.

M. Crucke (MR). Merci, Monsieur le Président. Je remercie M. le Ministre pour les renseignements et la réponse qui a été la sienne. Le fait qu'on souligne la différence de jurisprudence du Conseil d'État et la Cour constitutionnelle ne change rien en fait. Si je vois la décision du Conseil d'État, la taxe est tombée pour la Province du Hainaut, on devra rembourser, on devra le faire et j'espère que le gouvernement comprendra qu'on a des circonstances qui sont particulièrement exceptionnelles, parce que je le dis, on ne peut pas nous demander de relever une province comme on est en train de le faire et je pense que les députés de la province travaillent consciencieusement en la matière et plus, remettre une couche dessus, cela devient de l'ordre de l'impossible. A un moment donné, on doit vraiment pouvoir comprendre cela, même si je ne conteste pas le droit au remboursement des entreprises.
Deux, pour les communes, je pense qu'en fonction de ce que vous dites et c'est évidemment de droit, le problème n'est pas pour le budget 2010, il est pour le budget suivant, parce que là, on ne peut pas ignorer évidemment une condamnation qui a été prononcée et considérer qu'on va, de manière répétée, poser un acte qui est en soi illicite, reconnu comme illicite par le Conseil d'État. Cela pose problème à mon avis pour l'avenir.

M. le Président. La parole est à Madame Simonis.

Mme Simonis (PS). Je voudrais simplement remercier le Ministre et participer activement à la réunion de demain.

M. le Président. La parole est à M. Mouyard.

M. Mouyard (MR). Comme j'entends qu'il y a une analyse juridique qui a été faite, sans faire de parallèle par rapport à d'autres dossiers, ce serait peut-être intéressant que l'on puisse l'avoir et surtout que, dans le cadre de l'élaboration des budgets communaux actuels, que les dix communes concernées puissent avoir des directives un peu plus claires les budgets sont en cours de préparation ne fût-ce que de demander de provisionner pour un montant égal à la taxe en cas de problème, c'est une piste que je vous donne, vous ferez ce que vous voulez.
Vu l'incertitude qui règne, cela ne sera évidemment pas facile pour ces 10 communes de boucler leur budget, je vous remercie.

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